compliquer de perforation ou d’hé-
morragie aiguë. Les premiers cas de
perforation ont été rapportés chez des
nouveau-nés traités par indométacine
pour persistance du canal artériel. Par
la suite, des observations isolées ont
été rapportées chez l’adulte. Les don-
nées épidémiologiques sont rares. Dans
une étude cas-témoins, Langman et
al.[23] ont rapporté que la prise d’AINS
était deux fois plus fréquente chez des
patients hospitalisés pour perforation
ou hémorragie d’origine intestinale que
chez les témoins.
Compte tenu de ces éléments, une prise
d’AINS doit être recherchée devant
toute perforation intestinale, sans mé-
connaître une éventuelle automédica-
tion. En cas d’hémorragie digestive
aiguë inexpliquée par les endoscopies
haute et basse chez un patient sous
AINS, le diagnostic d’ulcérations du
grêle liées au traitement peut être posé
par la vidéocapsule ou l’entéroscopie.
Dans ce cas, la reprise d’AINS non sé-
lectifs est déconseillée. En l’absence
de pathologie intestinale sous-jacente,
le relais par un coxib peut être envi-
sagé après un délai de cicatrisation des
lésions hémorragiques.
STÉNOSES EN DIAPHRAGME
On désigne sous ce terme des sténoses
intestinales bien centrées, formées par
un mince repli circonférentiel muqueux
et sous-muqueux [24]. Ces sténoses
peuvent être très serrées, punctiformes.
Elles sont habituellement multiples.
Elles doivent être différenciées des sté-
noses en défilé qui peuvent être éga-
lement observées sous traitement AINS.
Histologiquement, elles se caractérisent
par une fibrose de la partie superfi-
cielle de la sous-muqueuse et un in-
filtrat inflammatoire de la muqueuse,
avec ou sans ulcération. Ces sténoses
siègent principalement dans l’iléon et
le jéjunum. Elles sont le plus souvent
révélées par des épisodes subocclusifs
et un amaigrissement. Des troubles
diarrhéiques sont fréquents dans les
mois ou les années qui précèdent l’ins-
tallation du tableau d’obstruction.
Biologiquement, l’anémie ferriprive et
l’hypoalbuminémie sont fréquentes. Le
diagnostic radiologique est difficile en
raison de la minceur des diaphragmes
obstructifs. L’entéroscopie permet leur
détection. Le doute sur une obstruc-
tion contre-indique l’examen par vi-
déocaspule. La difficulté de leur dé-
tection opératoire est également sou-
lignée. Le traitement est habituellement
chirurgical (stricturoplastie ou résec-
tion segmentaire). Lorsque les dia-
phragmes sont accessibles, la dilata-
tion endoscopique peut être efficace.
Atrophie villositaire
Des cas exceptionnels d’atrophie vil-
lositaire avec malabsorption ont été
rapportés au cours de traitement par
des méfénamates [25] et par le sulindac
[26].
Toxicité colorectale des AINS
La toxicité colique des AINS est favo-
risée par les formes galéniques à libé-
ration prolongée qui ajoutent à la toxi-
cité systémique de ces médicaments
une toxicité locale par contact direct
avec la muqueuse du côlon proximal.
Les complications iatrogènes survien-
nent soit sur un côlon sain, soit sur
une affection préexistante parfois mé-
connue (Tableau I).
Atteinte recto-colique de novo
COLITES de novo
De nombreuses observations de colite
non spécifique induite de novo par des
traitements AINS ont été rapportées
depuis une vingtaine d’années [27]. Le
tableau clinique associe typiquement
une diarrhée sanglante, des douleurs
abdominales et une perte de poids. Le
délai d’apparition des symptômes varie
de quelques jours à plusieurs mois
voire plusieurs années. Des complica-
tions aiguës à type de perforation ou
d’hémorragie sont possibles, parfois
inaugurales. Endoscopiquement, l’at-
teinte peut être distale évocatrice d’une
rectocolite hémorragique ou bien seg-
mentaire évocatrice d’une maladie de
Crohn, surtout lorsqu’elle touche le
côlon proximal et le grêle terminal.
Histologiquement, les lésions ne sont
pas spécifiques. En l’absence de com-
plications chirurgicales, cette évolu-
tion est le plus souvent rapidement fa-
vorable après l’arrêt des AINS. La
rechute après réintroduction de l’AINS
incriminé a été constante dans les ob-
vidéocapsule a montré la présence d’ul-
cérations significatives dans un tiers
des cas au sein d’un groupe de 20 ma-
lades sous AINS versus aucun dans un
groupe de 20 témoins [22].
En pratique, devant une anémie ferri-
prive chez un patient sous AINS, l’ab-
sence de cause endoscopique haute ou
basse et de cause gynécologique chez
une femme doit faire évoquer la res-
ponsabilité d’une entéropathie iatro-
gène. L’entéroscopie ou mieux l’exa-
men par vidéocapsule peut permettre
de visualiser les ulcérations induites
par les AINS. Toutefois, en pratique
clinique, la première étape consiste le
plus souvent à proposer un apport en
fer et à adapter le traitement AINS :
arrêt des AINS si possible puis secon-
dairement, si le traitement est indis-
pensable, relais par des inhibiteurs
sélectifs de la COX2 en sachant que
leur tolérance intestinale au long cours
est encore mal connue (cf infra).
Moins fréquente que l’anémie ferri-
prive, une hypoalbuminémie est néan-
moins observée chez 5 à 10 % des
patients atteints de polyarthrite rhuma-
toïde et traités par AINS au long cours.
Bjarnasson et al. [19] ont démontré
que cette hypoalbuminémie pouvait
s’expliquer par une fuite protéique in-
testinale. Cette entéropathie exsuda-
tive a habituellement peu ou pas de
conséquences cliniques. Elle relève de
l’adaptation du traitement AINS selon
les mêmes modalités que l’anémie
chronique.
Il n’y a pas de traitement protecteur
au long cours de l’entéropathie équi-
valent à la gastroprotection pour la
toxicité digestive haute. Des études sur
un petit nombre de sujets ont rapporté
l’effet bénéfique à court terme des PGs,
du métronidazole et de la sulfasala-
zine sur les marqueurs de l’entéropa-
thie infraclinique. Toutefois, aucune
étude n’a démontré leur intérêt cli-
nique au long cours. Compte tenu de
leurs propres effets indésirables, ces
traitements n’ont pas d’indication ac-
tuellement. L’adaptation du traitement
AINS doit être privilégiée.
PERFORATION ET HÉMORRAGIE AIGUË
Outre l’anémie chronique ferriprive dé-
crite précédemment, les ulcérations du
grêle induites par les AINS peuvent se
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