
RÉSUMÉ
Jusqu’à une date relativement récente de son histoire, l’Irlande a
constitué un cas unique du point de vue démographique au sein des pays
européens dans la mesure où elle a enregistré, du fait de l’émigration, une
baisse presque continue de sa population.
On a enregistré des évolutions importantes dans le temps en ce qui
concerne les destinations choisies par les émigrants irlandais. A la fin du
siècle dernier et au début du XXème siècle, une grande partie de ces émigrants
se dirige vers l’Amérique du nord, et en particulier, vers les Etats-Unis.
L’émigration irlandaise récente s’explique avant tout par le fait que le pays
n’a pas été en mesure d’assurer une croissance économique suffisante pour que
le marché de l’emploi puisse faire face à l’augmentation démographique. S’y
ajoute cependant le fait que les Irlandais ont bénéficié traditionnellement
d’un accès relativement aisé à des marchés extérieurs bien structurés qui, dans
la plupart des cas, offraient de larges possibilités d’emploi.
Les études économétriques fournissent des résultats relativement stables
d’une année à l’autre. Elles tendent à réaffirmer le caractère contrecyclique
de l’émigration irlandaise, qui augmente quand le marché national du travail
est relativement déprimé et qui décroît, voire cède la place à un excédent net
d’entrants, en période d’activité économique relativement soutenue en Irlande.
Elles montrent en outre que l’émigration réagit aux évolutions du marché du
travail, le solde net d’émigration progressant en même temps que le
différentiel de salaire entre l’Irlande et le Royaume-Uni et/ou le taux de
chômage en Irlande croissant en même temps que le taux de chômage au
Royaume-Uni.
Le simple désir d’accéder à un emploi n’est pas la motivation exclusive,
ni même la motivation dominante de ceux qui émigrent : la décision peut être
également motivée par une insatisfaction vis-à-vis de l’emploi exercé ou par
des aspirations professionnelles qui ne peuvent être satisfaites localement. La
peur d’être victimes en Irlande d’une mobilité économique descendante
représentait un élément important de la décision pour les personnes ayant
terminé le premier cycle du secondaire, dont beaucoup avaient accepté des
tâches manuelles ou des emplois mal rémunérés avant de quitter le pays et dont
une proportion notable bénéficiait d’une mobilité économique ascendante au
moment du départ.
Sur le plan économique, on est en droit de se demander si l’émigration
n’a pas constitué pour la population une issue trop commode, ce qui
expliquerait qu’on n’a pas vu se manifester chez elle le besoin impérieux de
développer rapidement et résolument les ressources, réaction qui se serait sans
doute produite si la pression démographique avait eu pour effet de forcer le
rythme du développement. En réalité, la solution commode qu’offrait
l’émigration a permis à la population restée au pays de bénéficier d’un niveau
de vie acceptable et c’est ce qui explique qu’on se satisfasse de conditions