Quelle douleur derrière la plainte?

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Maladie d’Alzheimer :
Quelle douleur derrière la plainte?
Dr Nicolas AUGUSTE
FARAP 2012 - Saint Etienne
28 Septembre 2012
Maladie d’Alzheimer: un diagnostic
« facile à faire »…
Critères diagnostic (DSM IV)
– Atteinte progressive insidieuse et irréversible:
• Mémoire
• Fonctions instrumentales (langage; praxies;
gnosies; fonctions visuo-spatiales)
• Capacités exécutives
– Altération du fonctionnement social /
professionnel
– Absence d’atteinte somatique ou de trouble
psychiatrique sous jacent
Maladie d’Alzheimer: un diagnostic
« parfois difficile à poser »…
• L’idéal: plainte cognitive…
• Plaintes atypiques
– Troubles du comportement, perte d’activités
– Masque psychiatrique
– Plainte (psycho)somatique douloureuse
Cas clinique
• Mme 0. 82 ans
• Consultation 05/2011
– Post hospit en chir puis SSR pour fracture diaphyse fémorale G
• Sd confusionnel (trouble du langage??)
• MMS 19/30
– En fait, chutes à répétition:
• 08/2010: fract col fémoral G (clou gamma) chute possiblement en lien avec
une Ac/Fa et lacune ischémique au scanner. Bonne récupération
fonctionnelle, contexte anxieux lors du RAD (ttt; chute…)
• 02/2011: nouvelle « chute par maladresse », fracture diaphyse fémorale G
(clou gamma long), hématome site opératoire…
Cas clinique
• Mme 0. 82 ans
– Arrive à la consultation en marchant avec l’aide d’une canne
canadienne
– Mariée, vit à domicile, 2 enfants; 5 p.e.; 6 a.p.e.
– Ancienne vendeuse, titulaire du CE
– 8h /mois aide ménagère (14h accordées)
– ATCD:
• HTA, hypercholestérolémie
• Contexte anxio dépressif
• Pas d’antécédents familiaux
Cas clinique
– La plainte:
• Atteinte du langage (manque du mot) évoluant depuis l’été
2010
• Douleur en lien avec les fractures:
– physique malgré une bonne consolidation à la radio;
impression de persistance de l’hématome
– morale en lien avec une récupération fonctionnelle jugée
insuffisante par la patiente et son époux
• Troubles de l’humeur: rupture relationnelle récente avec sa
sœur
Cas clinique
• Défenses à l’interrogatoire:
– Pas de plainte portant sur la mémoire
– Au premier plan douleur du membre inférieur G opéré
• Perte d’autonomie dépasse l’atteinte fonctionnelle:
–
–
–
–
–
–
Perte de capacité pour la cuisine
Difficulté pour la gestion du budget
Troubles d’organisation au quotidien
Ne se sert plus du téléphone
Aidée pour la prise des ttts
Repli sur elle-même
Cas clinique
• Extraits de l’entretien:
– Patiente « Je n’arrive plus à trouver les mots »
– Époux « Les troubles sont apparus après la première opération
et se sont aggravés après la deuxième (...) Il est arrivé quelque
chose pendant l’intervention (…) Avant, ma femme était
parfaitement autonome, elle ne l’est plus depuis la fracture »
– Patiente « Cette jambe ne marche plus, elle ne marche plus
parce qu’elle me fait mal et elle ne marchera plus jamais »
– Époux « En plus il y a un hématome. On l’a ponctionné une fois
mais il est réapparu et il y est encore… »
– Patiente « Je suis triste, je ne suis plus capable comme avant,
je n’y arrive plus »
Cas clinique
• Bilan neuropsychologique:
– MMS: 23/30
– RL-RI 16: 39/48
14/16 au 3ième rappel
12/16 au rappel différé
échec à l’épreuve de reconnaissance
–
–
–
–
D0 80: 63/80 (-2,4 e.t.)
Troubles praxiques
VOSP: 13/20
Diminution de fluences verbales; troubles de
planification; persévération…
• Bilan compatible avec une probable maladie
d’Alzheimer
Analyse de la plainte
• Chutes
– Approche psychologique: Situation de rupture dans la
vie de la patiente
– Problématique dépressive
• Relation avec sa sœur: Angoisse de séparation, de perte
• Perte fonctionnelle: Risque de désorganisation de ses
assises narcissiques
• Origine antérieure à ces évènements…troubles cognitifs???
• Conflit psychique, chute-agressivité; passage à l’acte
Analyse de la plainte
• Plainte douloureuse
– Nature exacte de ce qui est douloureux
• Fracture, hématome
• Perte de capacités
– // entre évolution de l’atteinte physique et
aggravation des troubles cognitifs et leurs
conséquences
Analyse de la plainte
• Atteinte du langage
– Symptôme « paradoxal »
– Mal à trouver les mots: du mal à évoquer ses
« véritables » maux
– Anosognosie (atteinte neurologique) ou déni
(mécanisme de défense) ??
– Perception d’un changement, d’une
dégradation, sans pouvoir comprendre ce qui
se passe
– Difficultés l’élaboration ou de résistance vis-àvis de l’hypothèse d’une maladie d’Alzheimer
La démence : un traumatisme
« La dimension traumatique de (…) la démence
se manifeste par l’incompréhension par
rapport à soi même (…), par le sentiment de
non sens quant à ce qui apparaît »(J. M.
TALPIN)
« Une des formes principales du traumatisme
psychique est la non qualification des vécus
psychiques internes » (C. JANIN)
La démence : un traumatisme
• Mécanismes de défense imparfaits
– Déni, dénégation
• Apparition de manifestations psychocomportementales
– Anxiété, dépression…
– Sd délirant
• Plaintes reposant sur ces manifestations
– Entendre, comprendre
– Repérer l’existence de troubles cognitifs derrière une plainte
douloureuse somatique et/ou psychique
Analyse de la plainte
• L’époux: // perte de capacités et
interventions chirurgicales
– Déni des troubles cognitifs
– Une question sans réponse: Que s’est-il
passé pdt l’intervention??
– Sentiment de culpabilité
– Remise en question de la position de
« l’intervention » des soignants, du corps
médical
La démence :
un traumatisme familial
« Le syndrome démentiel est une réalité étrangère
et inquiétante qui acquiert une valeur
traumatique au moment où la famille n’est plus
capable de l’inscrire dans son histoire » (P. M.
CHARAZAC)
La démence :
un traumatisme familial
• Maladie d’Alzheimer
– Troubles mnésiques parfois banalisés
– Quels sens aux troubles du comportement ?
• facteurs de crise
• SCPD + atteintes verbales du patient : pensées de catastrophe
• Angoisse d’abandon, de mort
• Angoisse entre en résonnance avec des évènements
traumatiques anciens vécus par la famille (séparations,
deuils…)
– Influence la description des troubles
– entretien familial: mettre en évidence les mécanismes de
défense
Cas clinique
• Quel suivi?
– 05/2011: diag. non posé, ttt AD
– 10/2011:
• MMS 23/30,
• Renforcement des plaintes physique et morale
• Questionnement sur l’origine des troubles:
– Renforcement de l’expression de l’atteinte physique
– Interrogation sur la nature exacte de ce qui est douloureux
(fracture? Hématome?...)
– Pas d’élaboration quant à l’existence de troubles cognitifs réels
• Annonce du diagnostic
– Mise en place d’un ttt IACHE (patch)
– Bilan et prise en charge orthophonique
Cas clinique
– 01/2012:
• Ttt mal toléré sur le pan digestif
• Prise en charge orthophonique suspendue (époux hospitalisé,
patiente en convalescence avec lui)
• Nouveau ttt IACHE en cp orodispersible
– 04/2012: MMS 24/30; ttt bien toléré, persistance de la plainte
douloureuse
• ESA EMA 43: soins d’accompagnement et de réhabilitation
Cas clinique
• Hospitalisation en Juillet 2012
– pseudarthrose, hospitalisation
– mise en place d’une PTH
– Entretien avec l’époux:
• Bénéfice ++ de l’intervention chirurgicale (acte réparateur??)
• Prise de conscience du rôle des soignants
– Pour la patiente:
• Amélioration psychique
• Persistance d’une plainte douloureuse…
• …et oubli de l’intervention chirurgicale
Epilogue
• Septembre 2012:
– toujours en convalescence
– N’ a pas pu être revue en consultation
• Une plainte peut en cacher une autre…
Bibliographie
• G. NEIDECKER – F. DIBIE RACOUPEAU « la psychosomatique
et les pathologies corporelles » D.U. psyhciatrie du sujet âgé
2009
• J.M. TALPIN « La démence ou d’un trauma l’autre »
Psychothérapie des démences – Perceptives PSY –Décembre
2000
• P.M.CHARAZAC « Comprendre la crise de la vieillesse» Ed.
DUNOD
• P.M.CHARAZAC « Psychothérapie du sujet âgé et de sa
famille» Ed. DUNOD
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