QUAND LE MEZIERISTE SE REGARDE LE NOMBRIL… Ou comment intégrer dans une méthode au concept globaliste un ensemble de techniques spécifiques viscérales? Frédéric SIDER Méziériste Ostéopathe D.O Conférence Presqu’ile de Gien du 23 mai 2014 Le complexe lombo abdomino pelvien peut être visualisé comme un volume de forme cubique dont les six faces sont constituées par des parois musculo aponévrotiques et renforcées par des éléments osseux longitudinaux. C’est sur ce même complexe que convergent toutes les forces multi directionnelles musculaires du corps Chaque face du cube est donc interdépendante de ses voisines et tout déséquilibre de l’une des parois va se répercuter sur les autres ; les anatomistes définissent cet espace comme un « caisson abdominal ». Celui ci entoure, protège et arrime des organes qui sont eux même animés d’une vie propre et interférente sur le contenant. Le contenu est donc organo viscéral et se présente comme un volume hydropneumatique à géométrie et à pression variable ; Chaque organe et chaque viscère est arrimé à la paroi de ce caisson par des mésos et agit sur l’équilibre (ou le déséquilibre) de ce dernier Et réciproquement, chaque paroi, non contente d’interférer sur les parois voisines, pourra avoir une action sur le contenu On comprend mieux, alors, que tout déséquilibre fonctionnel du contenu (qu’il soit urinaire, digestif, circulatoire, lymphatique, cardio respiratoire ou gynécologique) devra alerter le méziériste sur la nécessité se rééquilibrer ce complexe lombo abdomino pelvien Pour les mêmes raisons, tout phénomène algique dans une partie de ce caisson, et pas simplement dans sa partie postérieure (lombalgie, sciatalgie, cruralgie, pubalgie…etc.) devra alerter le Méziériste sur la réalité des interactions de ce complexe lombo abdominal. La « région lombaire » n’est pas un ensemble de cubes simplement réunis par des disques des ligaments et des capsules mais un ensemble cohérent ! 1 Une fois de plus, le méziériste se devra de ne pas systématiquement chercher à renforcer les parois de ce caisson (notamment la paroi abdominale antérieure) sauf s’il constate une hypotonicité de celle-ci (derrière une phase de grossesse ou d’alitement prolongé par exemple). Mais après un examen visuel et palpatoire il veillera plutôt à homogénéiser cet ensemble du corps A) L’EXAMEN CLINIQUE 1) ANAMNESE 2) OBSERVATION o MORPHOLOGIQUE DEBOUT -GLOBALE Par l’examen des membres inférieurs et des alignements des différentes masses du corps (céphalique-thoracique-pelvien) -SEGMENTAIRE o Par l’examen positionnel du bassin avec le repérage des éléments constitutifs principaux abdomino pelviens -EIAS/-EIPS/Crête iliaque -Ischions -Grand trochanter -Pubis et symphyse -sillon sacro iliaque et plateau sacré -ombilic -rampe chondrale -ligne thoraco abdominale -ligne inter vertébrale o Par la mise en tension en position debout par pieds joints et l’analyse des différences positionnelles des masses céphalique thoracique pelvienne Par le test de pencher avant et l’apparition ou pas d’ « empreintes » Par le test de l’observation couchée Par le test de l’élévation d’un membre inférieur pour analyser les différences fonctionnelles du bassin Par l’examen visuel et palpatoire des parois du caisson abdominal notamment en position couchée Par l’examen et la typologie respiratoire du sujet Par la palpation, le Méziériste s’imprègne de la forme de l’abdomen, de l’état de tension qui émane de ses parois et des densités intra abdominales différentes qui lui parviennent dans la main. o o o o o o 2 Le muscle diaphragme devient l’acteur indispensable de cette harmonie digestive Grâce à sa course respiratoire, notre diaphragme, agissant comme un piston sur les parois d’une seringue, va masser le contenu gastro intestinal, faciliter le retour veineux, participer au drainage lymphatique vers le cœur, assurer la diurèse, aider le transit en agissant sur le bol alimentaire en aidant ce dernier à cheminer dans le tube digestif pour finir à participer activement à son évacuation par la défécation. Sans oublier le rôle de ce muscle dans le vomissement ou encore dans l’expulsion au moment des dernières phases de l’accouchement (voir Tome 1-La méthode Mézières –Protocole, examen traitement du même auteur)) Et la synergie- complicité des agonistes musculaires qui participent à l’équilibre de cette paroi permettent donc une action non négligeable sur cet organe foie qui, pendant l’inspiration, sous l’action du centre phrénique qui s’arrime dessus grâce au ligament coronaire, va le faire pivoter sur son grand axe oblique, et autour de ses ligaments triangulaires, lui faisant décrire une course en bas en dedans et en avant DIAPHRAGM E DIAPHRAGM E Ligament coronaire Ligament triangulaire gauche Ligament triangulaire droit Ligament falciforme MOUVEMENT DU FOIE AUTOUR DE SES LIGAMENTS SUSPENSEURS PENDANT UNE PHASE INSPIRATOIRE 3 L’estomac descend et pivote en dedans, attiré par le petit omentum (petit épiploon) subissant l’action du diaphragme par l’intermédiaire du ligament gastro phrénique (ou ligament suspenseur de l’estomac) La rate, quant à elle, va être tributaire des variations de position de l’estomac et du colon gauche, solidarisée au muscle diaphragme par le ligament phrénico-splénique Les anses digestives retenues à la paroi postérieure du caisson par les différents systèmes d’arrimage (racine primaire et secondaire du méso sigmoïde pour cette partie basse de l’intestin, racine du mésentère pour les anses du grêle ou encore méso colon transverse pour ce dernier, fascia de Treitz enfin pour la partie fixe du duodénum) vont elles aussi subir l’action des coupoles diaphragmatiques en modifiant leur orientation dans l’espace Les reins enfin, collés à la paroi postérieure, vont néanmoins subir l’action du diaphragme pendant l’inspiration en glissant, comme sur un rail, le long du corps des muscles psoas vers le bas et vers le dehors Mais lorsque s’installe un déséquilibre entre les différents axes de force qui convergent vers l’abdomen, c’est toute la mécanique décrite précédemment qui s’enraye L’étude détaillée du mouvement de ces viscères, et l’équilibre fragile qu’ils entretiennent avec les différentes chaînes musculaires qui participent à la bonne tonicité du caisson, laisse présager que la moindre différence de tension dans un de ces maillons musculaires, va perturber, peu ou prou, l’ensemble du caisson, laissant alors la possibilité d’un dysfonctionnement et, par voie de conséquence, l’apparition d’une pathologie. Remarque : l’emboitement des deux caissons thoracique et abdominal rend indissociable l’analyse de ces derniers Dans le cas des typologies inspiratoires avec un thorax fixé en position haute, le diaphragme va réduire sa course vers le haut et les cotes maintenues en hauteur vont laisser le foie plutôt horizontalisé avec une course réduite On peut supposer également que l’ensemble des organes sus méso coliques vont, eux aussi subir cette perte de mobilité en expiration et les échanges qui en découlent La sangle abdominale antérieure et latérale souvent plus lâche dans ces typologies va, elle aussi, contribuer à aggraver la pression intra abdominale en n’offrant plus de point d’appui au centre phrénique à l’expiration 4 Sujet N°1 Sujet N°2 POSITION INSPIRATOIRE DES COTES SUR UNE CHAINE POSTERIEURE VERTEBRALE DOMINANTE Deux cas de figures se présentent le plus souvent : -la chaine musculaire postérieure sangle la partie arrière du caisson qui résiste en renforçant sa partie antérieure et latérale. C’est la compétition des deux axes de forces sur toutes les faces du caisson avec, comme conséquence, la compression du contenu (sujet N°1) -La chaîne postérieure continue sa poussée sur l’axe vertébral qui lâche sa pression en avant en laissant partir l’abdomen (penser aux phénomènes herniaires) (sujet N°2 et 3) 5 Sujet N°3 Inversement, dans le cas des typologies expiratoires avec un thorax fixé en position basse, le diaphragme va réduire sa course vers le bas et les cotes maintenues en expiration vont laisser le foie plutôt verticalisé avec une course réduite Dans ces typologies opposées aux précédentes la course réduite du jeu costal et de l’ensemble du caisson abdominal va gêner la course diaphragmatique et probablement les échanges du contenu viscéral 6 Exemple de chaîne antérieure dominante : Les diamètres thoraciques sont resserrés en expiration « Lordose » abdominale Sujet N°4 Le sternum est en position expiratoire La ligne thoraco abdominale n’est pas verticale Les abdominaux sous ombilicaux subissent la pression thoracique expiratoire Deux cas de figures se présentent le plus souvent dans les typologies expiratoires -la chaine musculaire antérieure superficielle sangle l’abdomen et comprime le caisson antérieur et latéral et son contenu 7 -La chaîne musculaire antérieure superficielle lâche prise au profit de la chaîne antérieure profonde et laisse se fixer la ptose abdominale avec effondrement du cadre colique Les angles coliques droit et gauche se coudent progressivement et le petit omentum se resserre entre le foie et la petite courbure de l’estomac Outre la course du diaphragme réduite, avec les conséquences sur les viscères abdominaux, le pubis, tiré vers le haut et vers l’avant, va fragiliser l’excavation pelvienne et son contenu en orientant le détroit supérieur vers un plan plus horizontal, quittant ainsi la protection citée plus haut de la branche horizontale du pubis et en dirigeant la poussée diaphragmatique directement vers le centre tendineux du périnée et le fragilisant d’autant Dans un premier temps, cette pression intra abdominale est compensée par une bonne tonicité abdominale Mais dans un deuxième temps, les muscles péritonéaux lâchent prise et subissent le poids des organes pelviens dans l’excavation pelvienne. Ceux ci finissent par distendre définitivement leur arrimage ligamentaire 3) TRAITEMENT a)POSTURES GLOBALES DEBOUT : -Fente avant -Posture quadrupédique -Posture debout avec ou sans support b) POSTURE GLOBALE COUCHEE : -Membre inférieur levé symétrique ou asymétrique c) LE TRAVAIL SPECIFIQUE La chaine musculaire postérieure : 8 Vertical des arcs antér Photo N°1 Dans cette posture en décubitus dorsal, le méziériste s’efforce de réduire les diamètres thoraco abdominaux et notamment le diamètre transversal Les mains antérieures suivent l’axe des cotes sur la rampe chondrale Verticalisation des arcs costaux postérieurs Photo N°2 Dans cette posture en décubitus latéral, la main du thérapeute accompagne les arcs costaux postérieurs pour accentuer la descente expiratoire des cotes et faciliter le jeu diaphragmatique 9 Verticalisation et massage décongestionnant du foie et des organes sus méso coliques Photo N°3 Dans cette posture en décubitus dorsal, les mains du thérapeute s’efforce de verticaliser le foie autour de ses ligaments triangulaires. La descente du thorax à droite facilite la verticalisation de l’estomac, referme l’angle colique gauche et étire l’axe œsophagien La chaine musculaire antérieure : -Repérage et détente du corps musculaire du psoas (cf chaîne antérieure profonde) Remarque : On rappelle que le corps musculaire du psoas de par sa direction oblique en bas, en dehors et en avant est plus facile à atteindre dans sa partie distale car plus antérieure -Technique du pli de peau sur la rampe chondrale à droite et à gauche (cf chaîne antérieure superficielle) 10 Photo N°4 Technique où la respiration joue un rôle important de détente, le sujet « dirigeant » sa respiration dans le pli de peau ; Tous les tissus thoraco abdominaux sont ainsi mobilisés pendant un libre jeu de mobilité diaphragmatique -Technique de mobilisation de la masse gastro intestinale Photo N°5 Pendant l’expiration du sujet, le praticien déplace l’ensemble de la masse gastro intestinale à droite puis à gauche à l’expiration suivante de façon à analyser dans ses mains le mouvement le plus restreint Technique d’ouverture des angles coliques 11 Photo N°6 Dans cette technique, le thérapeute s’efforce d’ouvrir l’angle colique droit et gauche pendant le temps expiratoire au moment de la remontée diaphragmatique Technique d’étirement du petit épiploon Photo N°7 Apres repérage du bord antérieur du foie et de la petite courbure de l’estomac, le thérapeute maintient le ligament hépato gastrique entre ses pouces pendant la remontée diaphragmatique Technique d’étirement du ligament falciforme du foie 12 1 2 Photo N°8 1er prise de main entre le bord antérieur du foie (main N°1) et l’ombilic (l’éminence thénar main N°2) Le but de cette manœuvre est de redonner une élasticité au ligament falciforme trop souvent rétracté dans ces typologies antérieures, ce qui perturbe le bon mouvement de l’organe pendant la respiration 2 1 Photo N°9 2ième prise de main entre le bord antérieur du foie (main N°1) et l’ombilic (technique au pouce- main N°2) Cette 2ième prise de main permet un contre appui différent pour ouvrir l’espace sous diaphragmatique droit afin d’améliorer le jeu de son hémi coupole De nombreuses autres techniques pourront être proposées pour améliorer le libre jeu diaphragmatique et l’optimisation de son action sur la sphère gastro intestinale. 13 En conclusion, l’importance du message pour chaque praticien soucieux de mettre en place un traitement à visée globaliste sera que tout déséquilibre fonctionnel du contenu (qu’il soit urinaire, digestif, circulatoire, lymphatique, respiratoire, cardio vasculaire ou gynécologique) devra alerter le Méziériste sur la nécessité de rééquilibrer ce contenant-contenu lombo abdomino pelvien Cette vision segmentaire du traitement permettra au thérapeute méziériste d’intégrer une vraie stratégie holistique améliorant ainsi encore sa place dans le monde de la santé 14