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GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG
COUR ADMINISTRATIVE
Numéro 24610C du rôle
Inscrit le 14 juillet 2008
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Audience publique du 22 janvier 2009
Appel formé par la société anonyme ... S.A.
et la société à responsabilité limitée .... Sàrl, ...,
contre un jugement du tribunal administratif
du 4 juin 2008 (n° 23347 du rôle)
en matière d'enseignes publicitaires
Vu la requête d'appel, inscrite sous le numéro 24610C du rôle et déposée au greffe de
la Cour administrative le 14 juillet 2008 par Maître Régis SANTINI, avocat à la Cour,
inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme ...
S.A., représentée par son conseil d'administration actuellement en fonctions, et de la
société à responsabilité limitée .... Sàrl, représentée par son gérant actuellement en
fonctions, les deux étant établies et ayant leur siège à L-, dirigée contre le jugement
rendu par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg le 4 juin 2008 (n°
23347 du rôle), déclarant irrecevable, pour cause de tardiveté, leur recours en
réformation, sinon en annulation du 17 août 2007 dirigé contre une décision du 9 octobre
2006 de la secrétaire d'Etat à la Culture, à l'Enseignement supérieur et à la Recherche,
intervenue sur recours gracieux et portant refus de l'autorisation sollicitée d'installer une
enseigne lumineuse;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 10 octobre
2008 par le délégué du gouvernement;
Vu les pièces versées au dossier et notamment le jugement entrepris;
Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Régis SANTINI et Madame la
déléguée du gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries à l'audience
publique du 6 janvier 2009.
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Le 18 avril 2006, la société anonyme ... S.A. déposa auprès de l'administration
communale de Pétange une demande d'autorisation pour la mise en place d'une enseigne
lumineuse apposée à plat sur la façade principale de l'immeuble sis à ... et appartenant à
la société à responsabilité limitée .... S.à r.l.
Par décision du 16 août 2006, la secrétaire d'Etat à la Culture, à l'Enseignement
Supérieur et à la Recherche, dénommée ci-après «la secrétaire d'Etat», refusa
l'autorisation sollicitée.
Par lettre du 4 septembre 2006, la société ... S.A. fit introduire, par le biais de son
mandataire, un recours gracieux contre la décision de refus précitée et par décision du 9
octobre 2006, la secrétaire d'Etat confirma sa décision initiale.
Le 17 août 2007, la société .... S.à r.l. ensemble avec la société ... S.A. firent
introduire un recours tendant principalement à la réformation, et subsidiairement à
l'annulation de la décision confirmative de refus du 9 octobre 2006.
Par jugement du 4 juin 2008, le tribunal administratif se déclara incompétent pour
connaître du recours en réformation, la loi ne prévoyant pas de recours au fond dans la
matière du litige dont il était saisi, et déclara le recours subsidiaire en annulation
irrecevable pour cause de tardiveté.
Pour arriver à cette conclusion, le tribunal retint qu'une décision confirmative,
intervenue suite à une réclamation formulée dans le délai contentieux, ouvre un nouveau
délai contentieux de trois mois, à condition qu'une décision administrative préalable,
refusant de faire droit à la demande de l'administré, indique correctement les voies de
recours ouvertes contre elle, le délai dans lequel le recours doit être introduit, l'autorité à
laquelle il doit être adressé, ainsi que la manière suivant laquelle il doit être présenté,
sous peine de ne pas faire courir valablement le délai légal pour introduire le recours
contentieux. Il constata que dans le cas d'espèce, la décision initiale de refus intervenue le
16 août 2006 comportait une indication correcte de la voie de recours ouverte au
destinataire de la décision, à savoir un recours en annulation, du délai à respecter pour
l'introduction dudit recours, ainsi que de l'autorité à laquelle il doit être adressé et de la
manière de laquelle le recours doit être présenté. Il en conclut que dès lors, un nouveau
délai contentieux de trois mois avait commen à courir dès la notification de la décision
sur recours gracieux et qu'en introduisant un recours contentieux plus de dix mois après
cette notification, les sociétés demanderesses avaient agi hors délai ce qui entraînait
l'irrecevabilité de leur recours.
Le tribunal ajouta que cette conclusion n'était pas énervée par l'absence d'indication
des voies de recours dans la décision confirmative, étant donné que la réponse donnée par
l'administration à la suite du recours gracieux constituait une décision purement et
simplement confirmative de la décision antérieure, de sorte qu'une nouvelle information
sur les voies de recours n'était pas requise.
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Par requête déposée le 14 juillet 2008 au greffe de la Cour administrative, les sociétés
... S.A. et .... Sàrl ont régulièrement fait relever appel du jugement du 4 juin 2008.
Elles se prévalent de la circonstance que s'il est bien vrai que la décision de refus
initiale, du 16 août 2006, contenait une indication sur les voies de recours, la décision
confirmative, sur recours gracieux, du 9 octobre 2006, n'en contenait pas. Elles estiment
que la position prise par le tribunal concernant l'absence d'indication des voies de recours
dans la seconde décision, confirmative sur recours gracieux de la première décision
négative, se conçoit au cas la seconde décision est basée sur les mêmes motifs que la
première, tel ne serait pas le cas dans l'hypothèse la décision confirmative est basée,
en partie du moins, sur des éléments nouveaux sur lesquels l'administration prend
position. Or, tel serait le cas en l'espèce puisque la première décision aurait été basée sur
deux motifs, à savoir la taille excessive de l'enseigne projetée et un double emploi avec
une enseigne existante, tandis que la seconde décision, tout en reprenant les éléments
contenus dans la première, y ajouterait un argument tiré du contenu de la publicité et à
son effet sur l'environnement. L'administration proposerait par ailleurs de changer les
dimensions de l'enseigne, pour autant que son contenu ne soit pas modifié. La
problématique liée au contenu de l'enseigne serait partant nouvelle pour ne pas avoir été
abordée dans la première décision, de sorte que la seconde décision devrait suivre un sort
propre et renseigner de manière autonome les voies de recours. Ne contenant pas une
telle indication, elle n'aurait pas été apte à faire courir le délai du recours contentieux.
En vertu de l'article 13 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de
procédure devant les juridictions administratives, sauf exception légale non donnée en
l'espèce, le recours au tribunal administratif n'est plus recevable après trois mois du jour
la décision a été notifiée au requérant ou du jour le requérant a pu en prendre
connaissance. Toutefois, si la partie intéressée a adressé un recours gracieux à l'autorité
compétente avant l'expiration du délai de recours, le délai du recours contentieux est
suspendu et un nouveau délai commence à courir à partir de la notification de la nouvelle
décision qui intervient à la suite de ce recours gracieux.
En présence d’une réponse expresse de refus suite à un recours gracieux, il faut
distinguer deux hypothèses différentes: d’un côté, si la réponse à la réclamation s’analyse
en une décision différente de la première, c’est-à-dire en une décision nouvelle qui se
fonde sur de nouveaux motifs par rapport à la première décision, en faisant notamment
état de nouveaux faits ou d’un changement survenu dans la situation juridique, la décision
doit indiquer correctement les voies de recours ouvertes contre elle, sous peine de ne pas
faire courir le délai légal pour introduire le recours contentieux. Par contre, si la réponse
donnée par l'administration à la suite d'une réclamation ou d'un recours gracieux est
purement et simplement confirmative de la décision antérieure, une nouvelle information
sur les voies de recours n'est pas requise.
En l'espèce, suite à la demande de mise en place d'une enseigne lumineuse, la
secrétaire d'Etat répondit par courrier du 16 août 2006 que l'autorisation sollicitée était
refusée "pour le motif suivant: l'enseigne est excessive par rapport à la façade. En outre
elle fait double emploi avec la publicité déjà en place dans les vitrines." Dans son recours
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gracieux dirigé contre cette décision, la société ... S.A. fit valoir différents moyens qu'il
groupa sous deux rubriques, la première traitant des illégalités externes de la décision et
la seconde de ses illégalités internes. Concernant le premier groupe de moyens, elle se
plaignit de la transmission de son dossier à la secrétaire d'Etat par le collège échevinal
auquel elle avait adressé sa demande et qu'elle considérait comme compétent en la
matière. Elle reprocha par conséquent à la secrétaire d'Etat d'être incompétente pour
connaître de la demande. Elle estima pareillement incompétente la commission des sites
et monuments nationaux, saisie par la secrétaire d'Etat, pour émettre un avis en la
matière, la secrétaire d'Etat s'étant expressément basée sur cet avis négatif pour justifier
sa décision de rejet. Concernant le second groupe de moyens, relatifs aux illégalités
internes, la société ... S.A. reprocha à l'auteur de la décision une erreur de droit consistant
dans le fait d'avoir justifié la décision moyennant recours à la loi du 18 juillet 1983
concernant la conservation et la protection des sites et monuments nationaux et sur le
règlement grand-ducal du 4 juin 1984 relatif à la publicité visée aux articles 37 et
suivants de ladite loi, ces deux textes concernant la protection et la conservation des sites
et monuments nationaux alors que l'immeuble devant accueillir le panneau publicitaire
n'aurait jamais fait l'objet d'un classement, un tel classement étant pourtant la condition,
aux yeux de la requérante, de l'applicabilité des textes en question. La société ... S.A.
reprocha finalement à la secrétaire d'Etat d'avoir violé le principe d'égalité dès lors que
l'ancienne occupante de l'immeuble avait pu disposer d'une enseigne de taille identique.
Elle insista encore sur ce que le motif selon lequel l'enseigne ferait double emploi avec
une publicité d'ores et en place n'était pas fondé, étant donné que l'enseigne en place
devait être remplacée par la nouvelle enseigne.
Dans sa décision de confirmation de sa décision initiale du 9 octobre 2006, la
secrétaire d'Etat prit d'abord position par rapport au moyen d'incompétence pour le
rejeter. Elle expliqua par ailleurs pourquoi elle n'accueillait pas non plus le moyen
d'incompétence de la commission des sites et monuments. Elle rejeta de plus le moyen
tiré de l'erreur de droit ayant vicié sa première décision en estimant qu'un classement
conforme à la loi du 18 juillet 1983 n'était pas nécessaire pour que les dispositions de ce
texte soient applicables en la matière. Finalement, en réponse au moyen tirée de la
rupture du principe d'égalité, elle exposa que ce ne sont pas seulement les dimensions qui
doivent être prises en considération pour apprécier s'il convient ou non d'autoriser la mise
en place d'une enseigne, mais également "le contenu de la publicité et son effet sur
l'environnement (couleurs, dimension de l'écriture, emplacement du commerce)", pour
conclure qu'en l'espèce, l'enseigne telle que projetée affichait une démesure flagrante, ce
qui avait entraîné la décision de refus. Elle se déclara par ailleurs d'accord à reconsidérer
sa position au cas elle serait saisie d'une demande d'installation d'une enseigne ayant
des dimensions plus réduites.
Il suit des considérations qui précèdent que loin de confirmer purement et simplement
la première décision, la secrétaire d'Etat a répondu de manière circonstanciée aux moyens
exposés dans le recours gracieux et elle a ajouté de nouvelles justifications de sa décision
de refus initiale.
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Dans cette mesure, l'exception au principe que toute décision administrative de refus
doit contenir une instruction sur les voies de recours pour faire courir le délai du recours
contentieux, qui est à envisager de manière restrictive, n'a pas joué en l'espèce.
Pour faire courir le délai du recours contentieux, la décision du 9 octobre 2006 aurait
partant contenir des instructions sur les voies de recours suffisant aux exigences de la
disposition précitée.
Comme elle ne contient pas une telle instruction, le délai du recours contentieux n'a
pas commencé à courir et le recours introduit le 17 août 2007 devant le tribunal
administratif moyennant dépôt d'un recours en réformation, sinon en annulation, n'est pas
tardif.
C'est partant à tort que le tribunal administratif a déclaré le recours irrecevable pour
cause de tardiveté, de sorte qu'il y a lieu de réformer le jugement du 4 juin 2008 et de
renvoyer le litige devant les premiers juges pour que les autres points litigieux soient
examinés.
Par ces motifs,
la Cour administrative, statuant à l'égard de toutes les parties,
reçoit l'appel en la forme,
le déclare justifié en tant qu'il conclut à la recevabilité du recours pour
observation du délai du recours contentieux,
partant, par réformation du premier jugement, dit que c'est à tort que les premiers
juges ont déclaré le recours irrecevable pour cause de tardiveté,
renvoie le litige devant le tribunal administratif,
condamne l'Etat aux dépens de l'instance d'appel et réserve les frais de première
instance.
Ainsi délibéré et jugé par :
Georges RAVARANI, président,
Henri CAMPILL, premier conseiller,
Lynn SPIELMANN, conseiller,
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