Le syndrome de Lemierre : à propos d’un cas
G. Draïss, L. El Idrissi-Raja, N. Rada, M. Bourrous,
M. Bouskraoui
Service de Pédiatrie A, CHU Mohammed VI, Université Cadi-Ayyad,
Marrakech
Le syndrome de Lemierre a été décrit pour la première
fois en 1900 par Courmont et Cade, mais a été mieux
étudié par Lemierre en 1936 [1]. Il s’agit d’une patho-
logie rare associant une thrombose de la veine jugulaire
interne et des localisations septiques secondaires essen-
tiellement pulmonaires, suite à une infection oropha-
ryngée, le plus souvent à germes anaérobies. Ce tableau
clinique est rarement complet, rendant le diagnostic
difcile et retardant le traitement. L’objectif de notre
travail est de rappeler la pathogénie, la clinique et le
traitement du syndrome de Lemierre.
Nous rapportons l’observation de l’enfant A.A., âgé
de 12 ans, en bonne santé jusqu’à présent, issu d’un
mariage non consanguin, ayant comme antécédents une
otite moyenne aiguë et un abcès dentaire mal traités
quinze jours avant son hospitalisation. L’enfant s’était
présenté aux urgences pour des douleurs cervicales
intenses associées à des céphalées, une otorrhée puru-
lente et une otalgie apparues depuis deux jours, le tout
évoluant dans un contexte de èvre et d’amaigrissement
non chiffrés. L’examen clinique au moment de la consul-
tation avait mis en évidence une èvre à 38°, une altéra-
tion de l’état général ainsi qu’une tuméfaction cervicale
spontanément douloureuse. L’enfant ne présentait pas de
syndrome méningé. L’examen ORL réalisé sous micros-
cope a montré une otite moyenne chronique avec atteinte
cholestéatomateuse. Le bilan biologique a objectivé un
syndrome inammatoire avec une protéine C-réactive
(CRP) à 265,8 mg/l et des globules blancs à 9.000/mm3,
à prédominance de polynucléaires neutrophiles. Les
hémocultures étaient stériles et le bilan d’hémostase n’a
pas montré d’anomalie. Une radiographie thoracique a
objectivé de multiples opacités nodulaires au niveau de
l’hémichamp pulmonaire gauche (Fig.1). L’échogra-
phie cervicale avec doppler a révélé une thrombose de
la veine jugulaire interne (VJI) gauche d’origine infec-
tieuse, avec une VJI non compressible, à contenu écho-
gène épais, siège de bulles d’air et ne s’allumant pas au
doppler couleur (Fig.2). Une TDM cérébro-cervicale et
thoracique a alors été demandée (Fig.3,4,5), et a objec-
tivé une thrombose de la veine jugulaire interne gauche
étendue au sinus sigmoïde, un abcès rétro-pharyngien,
une oto-mastoïdite et de multiples formations kystiques
intéressant les deux champs pulmonaires, réalisant un
aspect de bronchectasie kystique. Devant le tableau
clinique de cet enfant (èvre avec infection de la sphère
ORL) et la présence d’une thrombose de la VJI associée
à des emboles pulmonaires, le diagnostic de syndrome
de Lemierre a été posé. Un bilan d’extension a donc
été demandé : l’échographie abdominale a objectivé
une splénomégalie multinodulaire avec lithiase vésicu-
laire, l’échocardiographie a montré une limitation de
la fonction du VG avec une fraction d’éjection à 49%,
sans péricardite ni endocardite ni thrombus. L’examen
ophtalmologique n’a pas révélé d’anomalie. L’enfant a
Fig.1. Multiples opacités alvéolaires au niveau de
l’hémi-champ pulmonaire gauche.
Fig.2. Thrombose de la veine jugulaire interne
gauche, avec VJI à contenu échogène épais, et ne
s’allumant pas au doppler couleur.
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reçu une antibiothérapie à large spectre, par voie intra-
veineuse, à base de ceftriaxone 100 mg/kg/j et de metro-
nidazole 40 mg/kg/j pendant 3 semaines. Le relais per os
s’est fait par de l’amoxicilline-acide clavulanique 80 mg/
kg/j et du metronidazole 40 mg/kg/j pendant 3 semaines
supplémentaires. Des gouttes auriculaires d’ooxacine
ont également été prescrites pendant 10 jours. Une hépa-
rinothérapie de bas poids moléculaire à raison de 1 mg/
kg/12h en sous-cutané pendant 6 semaines a été préco-
nisée (avec contrôle du taux de plaquettes une fois par
semaine). L’enfant a été mis sous traitement antalgique,
en respectant les trois paliers : le paracétamol, puis la
codéine et enn la morphine en dernier recours vu la
persistance des douleurs cervicales. Une prise en charge
chirurgicale de l’otite chronique est prévue prochaine-
ment. L’hospitalisation a duré 22 jours. L’évolution a été
marquée par une nette amélioration clinique et l’apyrexie
a été obtenue dès le troisième jour d’hospitalisation. Le
contrôle échographique de la thrombose a objectivé une
veine jugulaire interne gauche ratatinée, avec disparition
de la thrombose.
L’incidence du syndrome de Lemierre a très nette-
ment régressé depuis l’avènement de l’antibiothérapie.
Il s’agit d’une complication sévère des infections ORL
non ou mal traitées atteignant typiquement le sujet jeune
immunocompétent, comme c’était le cas dans notre
observation. Il est néanmoins conseillé de systématique-
ment rechercher un décit congénital de la coagulation.
Le syndrome de Lemierre a été décrit chez des enfants,
des adolescents ou des jeunes adultes en bonne santé,
avec une prédominance masculine [2]. Le plus jeune
patient rapporté dans la littérature est un nourrisson de 2
mois en bonne santé [3]. Des conditions prédisposantes,
comme une infection récente à Ebstein-Barr virus
(EBV) ou au cytomégalovirus, ont été décrites [4]. Le
tableau clinique associe une èvre, des cervicalgies et
des signes respiratoires (toux, dyspnée), avec une notion
d’infection de la sphère ORL dans les jours précédents
(angine ou otite) [5,6]. Celle-ci précède typiquement
de six à huit jours la thrombose des veines jugulaires
et la septicémie, et peut avoir disparu lors de la surve-
nue des complications. Le bilan biologique montre habi-
tuellement un syndrome inammatoire non spécique
avec une élévation des globules blancs, de la CRP et
de la brine [7]. La principale bactérie impliquée est
un Gram-négatif anaérobie appartenant à la famille des
Bacteroidaceae [4]. Il doit sa virulence à la sécrétion de
liposaccharides, d’hémolysines, de lipases et de leuco-
toxines, favorisant ainsi la création d’un site infectieux
anaérobie, empêchant la migration des leucocytes et
stimulant une agrégation plaquettaire. Nous n’avons pas
mis en évidence de septicémie à germe anaérobie et plus
particulièrement à Fusobacterium necrophorum (FN),
comme rapporté initialement par Lemierre. Ceci peut
être lié aux difcultés d’isolement de ce germe. D’autres
microorganismes ont été identiés dans le syndrome de
Lemierre, comme le F. nucleatum, le F. Mortiferum, le
Streptococcus constelletus, l’Haemophilus inuenzae et
le Streptocoque du groupe A [8]. Le diagnostic repose
sur l’échographie-Doppler qui montre une veine disten-
due, non compressible et à contenu échogène. Cepen-
dant, la conrmation diagnostique est réalisée grâce à la
TDM cérébro-cervicale qui évalue également l’étendue
de la thrombose. Un bilan d’extension demeure néces-
saire, notamment une imagerie cérébrale, pulmonaire,
cardiaque, abdominale et ostéo-articulaire. Le traitement
repose sur une antibiothérapie dirigée contre les anaé-
Fig.3. Thrombose de la veine jugulaire interne
gauche et abcès rétropharyngien.
Fig.3. Multiples formations kystiques intéressant
les 2 champs pulmonaires, réalisant un aspect de
bronchectasie kystique.
Fig.4. Thrombose de la VJI
étendue au sinus sigmoïde.
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robies pour une durée de 6 semaines (2 à 3 semaines
en intraveineux puis relais per os). Le FN est sensible à
la pénicilline, la clindamycine, le metronidazole et les
céphalosporines. On trouve une résistance naturelle aux
aminosides et glycopeptides [9]. L’utilisation d’antibio-
tiques résistants à la bêtalactamase est recommandée
à cause de la production de cette enzyme par le FN.
L’anticoagulation est débattue, mais recommandée par
de nombreux auteurs, plus particulièrement en pédia-
trie car elle pourrait réduire la durée d’évolution de la
thrombose [10]. Le traitement chirurgical (ligature de la
veine jugulaire, drainage des abcès) doit être réservé aux
situations d’échec du traitement médical [11]. L’évolu-
tion de ces patients est en général favorable, mais une
étude a observé la persistance d’une thrombose de la VJI
pendant 3 à 6 mois dans 44 % des cas [12].
Références
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Pseudo-hypoaldostéronisme type I a : une
nouvelle observation
N. Elhattab, M. Lehlimi, M. Chemsi, A. Habzi, S. Benomar
Service de Néonatologie et de Réanimation Néonatale, Hôpital d’Enfants
A. Harouchi, Casablanca
Le pseudo-hypoaldostéronisme (PHA) type I a été
décrit pour la première fois par Cheek et Perry en 1958.
C’est une affection congénitale rare, génétiquement
hétérogène, de résistance aux minéralo-corticorticoides
[1]. L’expression clinique est variable avec l’existence
de formes totalement asymptomatiques à l’origine d’une
prévalence sous-estimée.
Nous rapportons l’observation d’un nouveau-né de
sexe féminin, née de parents consanguins de premier
degré, sans antécédents particuliers, admis initialement
à H41 de vie pour détresse respiratoire transitoire. Elle
est le troisième enfant d’une fratrie de trois, tous bien
portants. La grossesse était mal suivie, avec présence
d’un hydramnios. L’accouchement a eu lieu par voie
basse. L’examen clinique était normal en dehors d’un
retard de croissance harmonieux avec un poids de
naissance de 1600 g, une taille de 41 cm et un péri-
mètre crânien de 31 cm, sur un terrain de prématurité
estimée a 34 SA selon le score de Farr. L’évolution a
été marquée par l’apparition à J10 de vie d’un tableau
clinique associant déshydratation, vomissements, hypo-
tonie axiale et stagnation pondérale, sans anomalie
clinique de différenciation sexuelle. Le bilan biologique
a mis en évidence une hyponatrémie à 129 meq/l, une
hyperkaliémie à 7,04 meq/l, avec une hypernatriurèse à
42 mmol/l. Devant le syndrome de perte de sels biolo-
gique, une hyperplasie congénitale des surrénales a été
suspectée, justiant le dosage de la 17-hydroxy-proges-
térone qui s’est révélé normal. Le dosage de l’aldosté-
rone à 6478 pg/l et l’activité rénine plasmatique à 722
pg/l étaient élevés. L’échographie rénale étant normale,
le bilan biologique a conforté le diagnostic de pseudo-
hypoaldostéronisme. La supplémentation sodée à raison
de 5 mEq/kg/j a permis une normalisation rapide du
bilan ionique. Au cours de l’hospitalisation, la tentative
d’arrêt de la supplémentation sodique a perturbé le bilan
hydro-électrolytique. Ainsi, la supplémentation sodée
des biberons a été maintenue jusqu’à l’âge de 6 mois.
Actuellement, la patiente est âgée de 12 mois. Son état
général est bon, la croissance staturo-pondérale ainsi
que le développement psychomoteur sont normaux, et le
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