CAS CLINIQUE
La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale • n° 318 - juillet-août-septembre 2009 | 31
cervicale homolatérale à la localisation initiale. L’examen clinique
retrouve une induration douloureuse et inflammatoire de la région
sterno-cléido-mastoïdienne, qui peut évoluer vers une cellulite
cervico-médiastinale. Parfois, on ne retrouve qu’un cordon palpable
à l’avant du sterno-cléido-mastoïdien, correspondant à la throm-
bose veineuse. Les signes généraux, généralement très marqués,
comportent des symptômes pulmonaires (toux, douleurs thoraco-
pleurales, dyspnée, hémoptysies) et des arthralgies. Les emboles
septiques peuvent se localiser au niveau de tous les organes, en
particulier le foie et les reins. Des cas d’endocardite ont égale-
ment été rapportés (5). Cependant, lorsque le point de départ
est otitique, les manifestations infectieuses métastatiques sont
exceptionnelles ; on peut toutefois retrouver des cas de méningite
associée (6).
Sur le plan paraclinique, un syndrome inflammatoire important
avec hyperleucocytose est constant ; une hyperbilirubinémie est
retrouvée dans 50 % des cas, secondaire à une hépatolyse, et une
coagulation intravasculaire disséminée dans 23 % des cas (1).
Les prélèvements bactériologiques, notamment les hémocul-
tures, permettent de retrouver le germe en cause (Fusobacterium
necrophorum), mais, dans 10 à 30 % des cas, une flore polymi-
crobienne est retrouvée et, dans 10 à 15 % des cas, aucun germe
n’est identifié (1, 5).
L’imagerie joue un rôle important pour montrer l’atteinte tant
ORL que pulmonaire (8). La TDM cervicale avec injection de
produit de contraste objective la thrombophlébite de la veine
jugulaire interne, mais également les adénopathies et la porte
d’entrée (8, 9). L’échographie doppler peut visualiser la throm-
bose veineuse sous forme d’une veine augmentée de diamètre,
incompressible, et d’une absence de flux. Cependant, cet examen
est opérateur-dépendant, il ne permet pas de visualiser l’ensemble
de la veine jugulaire interne et peut ne pas mettre en évidence
un thrombus frais, non organisé. La radiographie pulmonaire ou,
mieux, la TDM thoracique recherche les emboles septiques sous
forme de nodules parenchymateux périphériques avec ou sans
cavitation et de plages de condensation pulmonaire (10).
Il n’existe pas de consensus thérapeutique pour la prise en charge
du syndrome de Lemierre (1). La majorité des auteurs recom-
mandent une antibiothérapie par voie parentérale, à base de
clindamycine, ou de céphalosporine de deuxième ou troisième
génération, associée au métronidazole. Cette antibiothérapie
doit être poursuivie pendant 2 à 6 semaines, avec un relais p.o.
dès constatation d’une amélioration clinique et d’une normali-
sation des paramètres biologiques. Un drainage chirurgical doit
être proposé chaque fois qu’il existe un abcès profond. Le trai-
tement anticoagulant est discuté : en effet, il risque de favoriser
les emboles septiques par fragmentation du thrombus veineux,
mais reste le seul moyen d’éviter une progression rétrograde du
thrombus vers le sinus caverneux. Les modalités de prescription
des anticoagulants sont mal définies (1, 11).
Le pronostic du syndrome de Lemierre dépend du délai écoulé
avant la formulation du diagnostic et le début de la prise en charge.
La mortalité est devenue exceptionnelle depuis l’avènement des
antibiotiques (11).
Conclusion
Le syndrome de Lemierre est une affection rare et grave, secondaire
à une infection banale de la sphère ORL, atteignant des sujets
jeunes et en bon état général. L’origine otitique de cette affection
est rarement rapportée dans la littérature ; il faut cependant penser
à cette complication éventuelle des otites moyennes, puisque
seule la prise en charge précoce permet une évolution favorable.
Le traitement ne fait pas l’objet d’un consensus, mais l’antibiothé-
rapie parentérale à large spectre et au long cours semble donner
de bons résultats. ■
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Références bibliographiques