Communiquer
Revue de communication sociale et publique
9 | 2013
Varia
Une approche communicationnelle de la
professionnalisation au sein des instituts de
formation en soins infirmiers en France
A communicative approach to professionalization within nurse training
institutes in France
Jacques Bonnet, Rosette Bonnet et Diane Grober-Traviesas
Édition électronique
URL : http://communiquer.revues.org/98
DOI : 10.4000/communiquer.98
ISSN : 2368-9587
Éditeur
Département de communication sociale et
publique - UQAM
Édition imprimée
Date de publication : 1 juillet 2013
Pagination : 1-20
Référence électronique
Jacques Bonnet, Rosette Bonnet et Diane Grober-Traviesas, « Une approche communicationnelle de
la professionnalisation au sein des instituts de formation en soins inrmiers en France »,
Communiquer [En ligne], 9 | 2013, mis en ligne le 01 février 2015, consulté le 01 octobre 2016. URL :
http://communiquer.revues.org/98 ; DOI : 10.4000/communiquer.98
Ce document est un fac-similé de l'édition imprimée.
© Communiquer
Certains droits réservés © Jacques Bonnet, Rosette Bonnet et Diane Grober-Traviesas (2013)
Sous licence Creative Commons (by-nc-nd).
ISSN 1913-5297
1
www.ricsp.uqam.ca
Ri P
CS
Revue internationale
Communication sociale et publique
Une approche communicationnelle de la
professionnalisationau sein des instituts de
formation en soins inrmiers en France
Jacques Bonnet
Professeur, Laboratoire CIMEOS, Sciences de la Communication, Agrosup Dijon, France
Rosette Bonnet
Maître de conférences-HDR, Laboratoire CIMEOS, Sciences de la communication, Agrosup Dijon, France
Diane Grober-Traviesas
Directrice de l’Institut de Formations Sanitaires et Sociales - Croix-Rouge française, France
Résumé
Dans un contexte de fortes mutations et de réexion autour du devenir des métiers de
la santé et de l’appareil de formation qui leur est dédié en France, les formateurs et les
directeurs des Instituts de Formation en Soins Inrmiers sont amenés à travailler à la
construction et à la promotion du projet pédagogique de leur établissement. Au quotidien,
leurs pratiques individuelles montrent combien leur lecture de la réalité de travail est
singulière et se trouve en partie corrélée à leur professionnalité. A partir des signications
que chacun d’eux exprime, la coopération entre ces professionnels semble se construire
très progressivement à la croisée des problématiques communicationnelles individuelles et
collectives. Par ailleurs, ce processus questionne le rôle des managers dans la médiation et
l’accompagnement de la professionnalisation des personnels.
Mots-clés :Professionnalisation ;Professionnalité ; Coopération ; Identité ; Sens ;
Médiation ; Altérité ; Changement.
In the context of active transformation and reection surrounding the future of jobs in
health care, combined with the pedagogical resources available here in France, tutors
and directors in nurse training institutes are lead not only to engineer but also to
promote the pedagogical project of their establishment. Individual professional practice
commonly demonstrates that the corporeality in the workplace is distinctive, although
in part correlated to their professionalism. The coalition between these professionals,
regardless of each one’s signication of work which is expressed according to his or her
representations, seems to develop progressively at the intervening point whether it be on
an individual or on a collective basis, when faced with communication problems. In other
respects, the context of substantial institute changes questions the role of managers in the
mediation and guidance of the tutors.
Keywords: Professionalization ; Professionalism ; Cooperation ; Identity ; Sense ;
Mediation ; Distinctness ; Changes.
RICSP, 2013, n. 9, p. 1-20
2 | J. Bonnet, R. Bonnet et D. Grober-Traviesas
Introduction
À la croisée des dimensions politique, économique, juridique et pédagogique, la formation
en soins inrmiers connaît dans de nombreux pays comme la France aujourd’hui, ou la
Suisse récemment, une réelle mutation, tant dans la manière d’appréhender la place
et le rôle des différents acteurs (managers, étudiants, formateurs, tuteurs de stage),
que dans les coopérations à construire avec de nouveaux partenaires, notamment les
universités et les employeurs. Appelés à travailler à la co-construction et à l’animation
du projet pédagogique dont ils sont porteurs et garants, les formateurs permanents des
Instituts de Formation en Soins Inrmiers (IFSI), en France, montrent au quotidien, à
travers leurs activités et leurs relations, combien la réponse à la prescription de travail
est singulière et multidimensionnelle, notamment en termes de rapport de signication
face à la réalité professionnelle et humaine à laquelle ils sont confrontés. Une approche
communicationnelle des problématiques liées au changement que constitue la préparation
au métier d’inrmier, ainsi que des dispositifs de formation déployés au sein des IFSI,
paraît donc particulièrement intéressante pour tenter d’appréhender comment, au sein
de ces organisations, s’élaborent et émergent des signications plus ou moins homogènes
et partagées au regard de la formation en soins inrmiers et des métiers qui lui sont liés.
Fondée sur l’analyse des logiques et des représentations des formateurs permanents et des
managers, cette recherche est également susceptible d’apporter un éclairage sur les modes
opératoires adoptés par les managers en IFSI dans l’accompagnement de la construction et
de l’expression de la professionnalité visée par la formation.
La formation en soins inrmiers en France : un univers marqué
par de profondes mutations
Celle-ci est dispensée aujourd’hui au sein d’Instituts de Formation en Soins Inrmiers qui
sont des établissements de formation post-baccalauréat, agréés par les Conseils régionaux.
Les articles L4383-1 à L4383-6 du Code français de la Santé Publique xent les dispositions
législatives applicables aux instituts de formation paramédicaux, ainsi que les compétences
respectives de l’Etat et de la Région dans ce domaine. L’Etat xe les conditions d’accès
et détermine les programmes de formation, l’organisation des études, les modalités
d’évaluation des étudiants en soins inrmiers et délivre les diplômes. Les Régions délivrent
les autorisations de création des instituts après avis des représentants de l’Etat dans ces
mêmes Régions et agréent les instituts ainsi que leurs directeurs. De plus, les Régions ont
la charge de fonctionnement et d’équipement des instituts lorsqu’ils sont publics et peuvent
participer au nancement des établissements privés.
Outre une mission de formation initiale et d’accompagnement vers la certication, ces
mêmes instituts doivent répondre à des missions de formation continue, de développement
des compétences et de préparation aux épreuves de sélection.
Dans les IFSI, les équipes pédagogiques permanentes sont constituées de cadres
de santé. Inrmiers diplômés d’Etat de formation initiale, justiant d’une expérience
professionnelle d’au moins quatre années et ayant suivi une formation complémentaire
de dix mois post-concours. Ils peuvent assurer par la suite des missions d’encadrement
en structure de soins et/ou de formation. Leurs statuts de cadre de la fonction publique
hospitalière ou du secteur privé sont dénis par des conventions collectives. Les ches de
poste sont propres à chaque établissement et en lien avec le Registre National des Catégories
Professionnelles. Leurs missions s’articulent autour de cinq grands axes : ingénierie de la
formation, pédagogie, évaluation, partenariat et communication. Ces formateurs assurent
la coordination des enseignements et sont, sous l’autorité d’un directeur lui-même issu de
Une approche communicationnelle de la professionnalisation au sein des instituts de formation | 3
la lière de formation visée, responsables du projet pédagogique à la construction duquel ils
participent. L’organisation du travail y diffère en fonction du projet d’établissement et des
contraintes institutionnelles.
La formation des inrmiers en France a fait l’objet en 2009, d’une réforme majeure1,
en intégrant en particulier les fondements des accords de Bologne. Ces derniers, en 1999,
visaient à harmoniser les formations universitaires dans l’ensemble de l’Union européenne
et à assurer leur inscription dans le système LMD (Licence-Master-Doctorat). D’une durée
de trois années, la formation est maintenant organisée en six semestres équivalents à 180
E.C.T.S2, alternant formation théorique et stages cliniques, selon une durée de 2 100 heures
pour chaque unité. De nouveaux acteurs y sont apparus : les enseignants-chercheurs, dans
le cadre d’un partenariat entre les IFSI et les universités. De plus, l’architecture globale de
la formation a été harmonisée sur le plan national en xant de manière précise les modalités
des interventions pédagogiques et en donnant un cadre applicable à toutes les équipes
d’IFSI (volumes horaires dédiés aux cours magistraux et aux temps de travaux dirigés
par exemple), dans le respect des principes du système LMD. Il s’agit, à travers tous ces
éléments, de rendre possible aux étudiants l’obtention d’un grade Licence à l’issue des trois
années de formation, et ce depuis 20123.
La réingénierie de la formation des inrmiers en France : une
réponse à des évolutions sociétales
La réforme de 2009 traduit la volonté politique d’adapter la professionnalisation des
inrmiers aux nécessaires réponses à apporter à des évolutions sociétales majeures : nouveaux
besoins de santé des populations, nouvelles manières d’aborder les soins, évolution des
métiers dans la pratique quotidienne en termes d’organisation du travail et de répartition
des missions et des responsabilités. Cette même réforme participe à la redénition des
domaines de compétences de l’inrmier, de sa marge d’autonomie et de prise de décision.
L’inrmier est par exemple aujourd’hui prescripteur de soins, partenaire de réseaux de
santé et de coopérations dans le cadre de la loi H.P.S.T en France4. Ces profondes mutations
dans la manière d’appréhender la prescription de travail adressée aux inrmiers et de les
considérer aujourd’hui comme de réels acteurs de Santé Publique, trouvent un écho dans
l’afrmation identitaire de cette profession, laquelle tend vers davantage d’organisation,
de lisibilité et de représentativité avec, notamment, la création d’un Ordre inrmier en
2006, même si aujourd’hui encore, cette organisation professionnelle reste balbutiante et
ne réussit pas à fédérer les professionnels concernés.
Face à ces enjeux, la réingénierie de la formation des inrmiers cherche à faire émerger
une professionnalité différente, en termes de compétences, de savoir-agir pertinent et
adapté en situation réelle de travail (Barbier, Galatanu, 2004). Pour cela, l’accent a été mis
sur l’analyse des situations professionnelles et sur l’analyse réexive comme opportunité de
retour sur l’action et de co-construction du savoir issu de l’expérience (Barth, 2002). Toutes
1. Arrêté du 31 juillet relatif au diplôme d’Etat inrmier modié par l’arrêté du 2 août 2011
2. Le système européen de transfert et d’accumulation de crédits est un système de points développé par l’union
européenne et qui a pour but de faciliter la lecture et la comparaison des programmes d’études et de formation post-
baccalauréat entre tous les pays européens. Il fait partie des accords de Bologne. Le sigle ECTS signie « European
Credits Transfer System ». La règle de base de ce système est que 60 crédits équivalent à une année de formation, et
qu’un crédit correspond à 25 à 30 heures de travail de l’étudiant
3. De par le fort pourcentage de formation clinique (50%), le niveau Licence n’a pas été reconnu à la formation en
soins inrmiers en France.
4. La loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux
territoires est née de constats mettant en lumière la nécessité de développer les nouvelles manières de coopérer
dans le monde de la santé pour faire face aux évolutions de la société et une maîtrise des coûts de santé
RICSP, 2013, n. 9, p. 1-20
4 | J. Bonnet, R. Bonnet et D. Grober-Traviesas
ces évolutions trouvent une résonance en termes de rapport à des savoirs professionnalisants
qui s’inscrivent aujourd’hui dans une dimension plurielle et polyphonique, afrmant la
place des sciences humaines dans la formation des inrmiers et élargissant le champ des
connaissances au-delà du domaine biomédical, longtemps, et encore dominant dans la
formation des personnels paramédicaux. La place de l’étudiant y est également questionnée.
Longtemps considéré comme possible acteur de sa formation, il est aujourd’hui invité (et le
revendique) à être l’auteur de ses apprentissages, en développant sa capacité à construire ses
connaissances et à les mobiliser de manière pertinente et adaptée en situation de formation
puis, par la suite, en situation de travail.
Des questions de recherche émergentes
Nous avons interrogé des managers et des formateurs en soins inrmiers lors d’une phase de
recherche exploratoire5. Les entretiens réalisés ont montré que le rapport des formateurs à
leur activité se construit à partir d’une certaine temporalité et d’un élargissement progressif
de leurs représentations sur leur fonction. Les formateurs débutants auraient ainsi besoin
de se centrer sur la mission pédagogique avant de pouvoir s’investir dans des missions
plus transversales et d’avoir alors une vision plus globale de leur fonction, davantage
compatible avec celles des autres formateurs plus expérimentés. De plus, ils adopteraient
pour la plupart et dans un premier temps, une posture enseignante face aux étudiants,
laissant peu d’espace aux interactions et à l’autonomie des apprenants et s’inscrivant dans
un modèle de relation classique de type émetteur-récepteur (Weil-Barais, 1996)6. Pour
autant, les managers en IFSI et les formateurs plus expérimentés attendent très vite de
ces professionnels débutants qu’ils puissent répondre intégralement à leur che de poste
et développent une professionnalité différente, requise aujourd’hui dans le contexte des
mutations décrites plus haut au plan sociétal et au regard des évolutions du système de
santé français. En effet, leur univers de travail, en les invitant à se placer dans une posture
de « guidant », source de questionnement et d’impulsion d’une démarche de recherche chez
l’étudiant, leur demande aussi de ne plus adopter la posture de celui qui détient le savoir
et le transmet. Les formateurs sont ainsi globalement appelés à développer une pratique
de médiation dans les apprentissages. Il est donc intéressant de s’interroger sur les effets
induits par l’évolution du regard des politiques et des attentes sociales sur les pratiques
des formateurs en soins inrmiers ainsi que sur les manières de les accompagner par les
managers. Cette interrogation se fonde principalement ici sur l’analyse du rapport de sens
élaboré et exprimé par les formateurs et les managers envers l’activité et la prescription
de travail. Ainsi se trouve posée la question du lien de sens entre la prescription de travail
réglementaire (référentiels de formation), les pratiques pédagogiques des formateurs et les
représentations de ces derniers, mais aussi celles des managers vis-à-vis de cette fonction.
Cette même approche concerne tout autant les autres interlocuteurs de la formation :
étudiants, employeurs, universitaires, praticiens de terrain, politiques...
De plus, les contextes de travail et les organisations en IFSI peuvent s’avérer différents
pour les formateurs et les managers, d’un établissement à l’autre. Il est alors intéressant de
comprendre comment ces choix institutionnels d’organisation du travail peuvent inuer
sur les interactions au sein des équipes de formateurs. En d’autres termes, s’il s’agit de
s’interroger ici sur la manière dont le formateur construit sa professionnalité du point de vue
5. Une enquête a été menée auprès de 50 IFSI en France, du 1er novembre 2008 au 30 avril 2009, sous forme de
questionnaires. Des entretiens ont été menés auprès de deux cadres supérieurs responsables d’équipes, d’un directeur
et de trois formateurs d’IFSI ainsi que d’un cadre supérieur formateur en Institut de Formation de Cadres de Santé
6. Annick Weil-Barais voit dans ce modèle classique une dissymétrie, qui ne reconnaît pas à l’apprenant un statut
de partenaire dans la relation pédagogique. L’enseignant est centré sur l’information à transmettre plutôt que sur le
sujet qui reçoit ce message
1 / 21 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !