RICSP, 2013, n. 9, p. 1-20
4 | J. Bonnet, R. Bonnet et D. Grober-Traviesas
ces évolutions trouvent une résonance en termes de rapport à des savoirs professionnalisants
qui s’inscrivent aujourd’hui dans une dimension plurielle et polyphonique, afrmant la
place des sciences humaines dans la formation des inrmiers et élargissant le champ des
connaissances au-delà du domaine biomédical, longtemps, et encore dominant dans la
formation des personnels paramédicaux. La place de l’étudiant y est également questionnée.
Longtemps considéré comme possible acteur de sa formation, il est aujourd’hui invité (et le
revendique) à être l’auteur de ses apprentissages, en développant sa capacité à construire ses
connaissances et à les mobiliser de manière pertinente et adaptée en situation de formation
puis, par la suite, en situation de travail.
Des questions de recherche émergentes
Nous avons interrogé des managers et des formateurs en soins inrmiers lors d’une phase de
recherche exploratoire5. Les entretiens réalisés ont montré que le rapport des formateurs à
leur activité se construit à partir d’une certaine temporalité et d’un élargissement progressif
de leurs représentations sur leur fonction. Les formateurs débutants auraient ainsi besoin
de se centrer sur la mission pédagogique avant de pouvoir s’investir dans des missions
plus transversales et d’avoir alors une vision plus globale de leur fonction, davantage
compatible avec celles des autres formateurs plus expérimentés. De plus, ils adopteraient
pour la plupart et dans un premier temps, une posture enseignante face aux étudiants,
laissant peu d’espace aux interactions et à l’autonomie des apprenants et s’inscrivant dans
un modèle de relation classique de type émetteur-récepteur (Weil-Barais, 1996)6. Pour
autant, les managers en IFSI et les formateurs plus expérimentés attendent très vite de
ces professionnels débutants qu’ils puissent répondre intégralement à leur che de poste
et développent une professionnalité différente, requise aujourd’hui dans le contexte des
mutations décrites plus haut au plan sociétal et au regard des évolutions du système de
santé français. En effet, leur univers de travail, en les invitant à se placer dans une posture
de « guidant », source de questionnement et d’impulsion d’une démarche de recherche chez
l’étudiant, leur demande aussi de ne plus adopter la posture de celui qui détient le savoir
et le transmet. Les formateurs sont ainsi globalement appelés à développer une pratique
de médiation dans les apprentissages. Il est donc intéressant de s’interroger sur les effets
induits par l’évolution du regard des politiques et des attentes sociales sur les pratiques
des formateurs en soins inrmiers ainsi que sur les manières de les accompagner par les
managers. Cette interrogation se fonde principalement ici sur l’analyse du rapport de sens
élaboré et exprimé par les formateurs et les managers envers l’activité et la prescription
de travail. Ainsi se trouve posée la question du lien de sens entre la prescription de travail
réglementaire (référentiels de formation), les pratiques pédagogiques des formateurs et les
représentations de ces derniers, mais aussi celles des managers vis-à-vis de cette fonction.
Cette même approche concerne tout autant les autres interlocuteurs de la formation :
étudiants, employeurs, universitaires, praticiens de terrain, politiques...
De plus, les contextes de travail et les organisations en IFSI peuvent s’avérer différents
pour les formateurs et les managers, d’un établissement à l’autre. Il est alors intéressant de
comprendre comment ces choix institutionnels d’organisation du travail peuvent inuer
sur les interactions au sein des équipes de formateurs. En d’autres termes, s’il s’agit de
s’interroger ici sur la manière dont le formateur construit sa professionnalité du point de vue
5. Une enquête a été menée auprès de 50 IFSI en France, du 1er novembre 2008 au 30 avril 2009, sous forme de
questionnaires. Des entretiens ont été menés auprès de deux cadres supérieurs responsables d’équipes, d’un directeur
et de trois formateurs d’IFSI ainsi que d’un cadre supérieur formateur en Institut de Formation de Cadres de Santé
6. Annick Weil-Barais voit dans ce modèle classique une dissymétrie, qui ne reconnaît pas à l’apprenant un statut
de partenaire dans la relation pédagogique. L’enseignant est centré sur l’information à transmettre plutôt que sur le
sujet qui reçoit ce message