la Lettre de la Fondation Jérôme Lejeune

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La Lettre
de la Fondation
Jérôme Lejeune
P O U R L A R E C H E R C H E S U R L E S M A L A D I E S D E L’ I N T E L L I G E N C E M A R S 2 0 0 8 N ° 5 7 1 €
Le Docteur Ravel
avec un patient
Suis-moi !
Madame Jérôme Lejeune
Vice-Présidente
Jean-Marie Le Méné
Président
C
hers amis !
Dans mon bureau, au carrefour des
couloirs animés de nos services, je me
réjouis de sentir battre le cœur de la
Fondation et de l'Institut. Là je comprends que "l'amour est inventif, jusqu'à
l'infini"1
Les équipes soignantes chaque jour,
réinventent les mots et les gestes qui
apaisent et qui soignent. Les chercheurs
sondent les mystères du corps avec toujours plus d'ingéniosité pour tenter de
déjouer les pièges de la maladie. Et tous
les autres, ceux dont on ne parle jamais,
bâtissent l’avenir avec talent et imagination. Enfin, il y a vous, vous dont la générosité n'est jamais à cours d'idées, sans
qui rien ne serait possible ! Que pourrais-je
espérer de mieux pour continuer avec
confiance l'œuvre de Jérôme ?
Un immense Merci ! ■
1
St Vincent de Paul
a décision de la Cour de cassation donnant
un état civil aux enfants sans vie a plongé les
avorteurs dans l’effroi : il se pourrait que
l’avortement soit menacé ! Rendez-vous
compte, tel mouvement féministe observe
même que la Cour « semble indiquer que la vie
commence à la conception de l’embryon ». Mais
où va-t-on, je vous le demande ? Si vous voulez
en profiter pour remettre un peu d’ordre dans le
monde qui nous entoure, rappelez donc deux
ou trois choses à vos amis, à vos voisins de
paliers ou à vos enfants. Voilà une petite sélection
propre à faire venir le printemps…
D’abord, n’allez pas vous faire du mal en pensant
que la loi autorise l’avortement. Elle n’en a jamais
eu ni n’en aura jamais le moindre pouvoir pour
une bonne raison : cela n’est pas du domaine de
L
Chercher
P o u r
l a
Soigner
r e c h e r c h e
s u r
la loi mais de la morale. On n’imagine même pas
comment de simples élus du peuple pourraient
en avoir l’idée. Tout au plus la loi était-elle capable de dépénaliser l’acte, en supprimant la peine,
ce qu’elle a fait, mais, pour ce qui est de l’autoriser, n’allons pas lui donner plus de pouvoir
qu’elle n’en aura jamais. En revanche, il faudrait rappeler, dans les dîners en ville, chez le
coiffeur ou dans les homélies, que le respect du
prochain, qui commence avec le respect de
l’enfant à naître, à plus forte raison quand il est
malade ou handicapé, reste une donnée de
base de la vie en société, jusqu’à preuve du
contraire. Alors, soyez tranquilles, la morale a
encore de beaux jours devant elle, à condition
d’y croire et de le dire.
Ensuite, posez, comme allant de soi, l’existence objective du monde extérieur. Ça n’a l’air
de rien, mais c’est très original aujourd’hui. Et à
ceux qui exigeraient une preuve
Suite
page 2
Défendre
l e s
m a l a d i e s
g é n é t i q u e s
d e
l ’ i n t e l l i g e n c e
>
>
Suite de l’édito
de J-M Le Méné
en bonne et due forme de l’humanité
de l’embryon, répondez que vous refusez par principe de suivre cette voie.
Réfugiez-vous avec insolence derrière
le mot d’Aristote : « c’est être un rustre
que de ne pas savoir distinguer entre
ce qui exige de nous une démonstration, et ce qui, au contraire, nous en
dispense ». Renversez la charge et
imposez à ceux qui veulent le
détruire de faire la preuve que l’embryon n’est pas un homme. Vous
pouvez dormir sur vos deux oreilles,
c’est impossible, cela n’a jamais été fait
et ne le sera jamais par personne.
Enfin, s’il vous reste de l’énergie, colportez à temps et à contre temps
cette belle pensée de Camus : « Mal
nommer les choses, c’est accroître
les malheurs du monde ». En nommant bien les choses, ce qui est un
vaste programme dans le domaine du
respect de la vie, vous permettez à
la vérité d’éclore, la vérité qui libère
et qui rend heureux. Quand je vous
parlais du printemps… ■
Sommaire N°57
3 Conseil scientifique :
le Pr Kamoun, nouveau président
4 Trisomie 21 et maladie d’Alzheimer
DOSSIER
5 - 8 L’Institut Jérôme Lejeune :
son pôle Recherche
9 AutoDéfi 21 : en route pour la recherche
10 Création de la premièrre classe
11 spécialisée à Libreville (Gabon)
12 Entretien… avec Haude-Gaël
Appel aux patients
(voir le dossier de la Lettre)
• Nous recherchons des patients
trisomiques 21 âgés de plus de 18
ans afin de faire un diagnostic précis et
de trouver le traitement qui leur convient
le mieux dans le cadre d’une étude sur
les apnées du sommeil (Morphée).
• Nous recherchons également des
patients porteurs de trisomie 21,
ayant des antécédents de malformation cardiaque, âgés de plus de
8 ans et pesant plus de 21 kg dans
le cadre de l’étude IntrépidAnEUploidy.
Le but est d’identifier le ou les gènes
impliqués dans la trisomie 21.
Pour tout renseignement, s’adresser
à l’Institut Jérôme Lejeune,
37 rue des Volontaires 75015 Paris,
Tél. : 01 56 58 63 05.
2
Brèves
Académie pontificale pour la Vie
Madame Lejeune, le Pr Marie-Odile
Rethoré et Aude Dugast participent à la
XIVe Assemblée générale de l’Académie
pontificale pour la Vie, les 25, 26 et 27
février sur le thème : « L’approche des
malades incurables et mourants : les
aspects scientifiques et éthiques ».
NOUVEAU
Messe pour la Vie – La messe pour
la Vie aura lieu le jeudi 3 avril 2008 à
19h00 en l’église de la Trinité (Paris 9e).
Elle sera présidée par Dom Jean-Charles
Nault, prieur de l'abbaye de Saint Wandrille.
La chorale, la Paloma, animera la messe
pour la 3e année consécutive. La messe
sera suivie d’un léger buffet dans la
crypte de l’église.
Nous souhaitons que cet anniversaire
ne soit pas seulement « en mémoire » de
Jérôme Lejeune mais qu’il soit l’occasion
chaque année d’un rassemblement spirituel de tous ceux qui s’engagent aux
côtés de l’Eglise dans le respect de
la culture de vie et dans l’espérance
de voir se lever une nouvelle génération de Serviteurs de la Vie…
Nous voulons que cette messe puisse
être dite dans les grandes paroisses de
Paris, pour que le témoignage de sa vie
entraîne de nouvelles vocations de
médecins, de chercheurs, de chrétiens. Venez nombreux témoigner de
votre engagement au service de la Vie.
Adresse : Eglise de la Trinité, 3 rue de la
Trinité, 75009 Paris (Métro : Trinité
d’Estienne d’Orves, ligne 12)
Anniversaire – Madame Lejeune,
vous êtes toujours « en mouvement », des
idées plein la tête. Vous vous déplacez
chaque jour de la rue Galande jusqu’au
37, rue des Volontaires pour nous rendre
visite et réceptionner votre lot de travail
pour les prochaines 24 heures. Votre
efficacité est bien connue et même
reconnue par chacun de nous. Pas un
donateur qui n’ait son nom connu de
vous ! Vous tenez, autant que possible,
à remercier chaque donateur et quand
c’est possible, vous leur écrivez personnellement pour les remercier. Le mois
dernier, vous avez fêté vos 80 ans. Chère
Madame Lejeune, merci de votre
générosité et de tout cœur, nous vous
souhaitons un joyeux anniversaire !
Guide de parents aux parents
d’un enfant porteur d’une trisomie 21
(0-7 ans) – La Fondation a travaillé avec
une trentaine de parents pour réaliser cet
ouvrage. Ce guide a pour but de faciliter
leur vie et celle de leur enfant et d’aider
celui-ci à progresser dans tous les actes
de la vie quotidienne.
Guide de parents
aux parents d’un
enfant porteur
d’une trisomie 21
(0-7 ans). Prix : 5 €.
À commander
auprès de Charlotte
Leslé, service
Familles et Vie
Quotidienne, par
e-mail [email protected] ou
par tél. : 01 40 46 94 04.
A G E N DA
« AutoDéfi pour la trisomie 21 » :
26 avril – La Fondation Jérôme Lejeune,
en partenariat avec 21 hypermarchés
Auchan et la Fédération Française des
Véhicules d’Epoque, organise une
grande journée au profit de la
recherche sur la trisomie 21 (voir p. 9).
Pour tout renseignement, contacter
Olivier Roubaud au 01 44 49 73 42.
Parlez-en autour de vous !
Chercher
Conseil scientifique :
le Pr Kamoun, nouveau président
L
e Pr Pierre Kamoun est le nouveau président du Conseil scientifique de la Fondation.
Ancien directeur d’une unité de recherche du CNRS et ancien chef de service de biochimie à
l’Hôpital Necker-Enfants Malades, le Pr Kamoun a mené de nombreux travaux sur le chromosome 21.
➜
Interview du
Pr Pierre Kamoun
ous êtes au Conseil scientifique de la Fondation
depuis 2003. Comment avez-vous intégré le Conseil ?
Pierre Kamoun : j’ai dirigé, avec le Docteur Pierre-Marie
Sinet, une unité de recherche du CNRS consacrée à l’étude
du chromosome 21. Ce service s’est ouvert en 1965, avec
Henri Jérôme, biochimiste et ami de Jérôme Lejeune. Nous
étions en contact étroit avec Jérôme Lejeune qui
aimait discuter de biochimie avec nous. C’est ce qui
explique que Pierre-Marie Sinet et moi-même ayons été
appelés à siéger dans le Conseil scientifique de la Fondation.
V
Vous venez d’être élu Président du
Conseil scientifique, quelles sont vos
perspectives pour les mois, les
années à venir ?
P.K. : j’ai accepté d’être le Président du
Conseil scientifique parce que j’estime que
le travail de la Fondation est très utile.
Mon but est de poursuivre l’œuvre entreprise, il y a dix ans, par Bernard Kerdelhué.
Une difficulté a cependant récemment
surgi dans le fonctionnement du Conseil
scientifique : l’apparition de charges
sociales sur les bourses de thèse
attribuées à des étudiants travaillant dans des laboratoires
français. Ces charges n’existent pas pour les étudiants
français ou étrangers, travaillant dans des laboratoires
étrangers. Cette pénalisation des laboratoires français
est préoccupante. Nous devons encourager nos
chercheurs à travailler sur les déficiences mentales
d’origine génétique et leur faciliter l’accès aux
subventions.
Quels sont les projets de recherche qui vous semblent
les plus prometteurs dans le domaine des déficiences
intellectuelles d’origine génétique ?
P.K. : travailler sur les modèles animaux pour la trisomie 21,
c’est ce qu’il y a de « mieux » pour l’instant. Chaque gène
mériterait d’être étudié dans le détail, car on ne sait pas
combien (et quels) gènes sont responsables du retard
mental observé dans la trisomie 21, ni à quels moments de
développement ces gènes sont importants. On a observé
que, plus le temps passait, plus le retard mental du
jeune enfant trisomique 21 s’accentuait, aussi était-il
intéressant de pouvoir freiner l’action de certains
gènes.
C’est un travail complexe. Enfin le rôle majeur d’un gène
du chromosome 21 dans la maladie d’Alzheimer fait de
la trisomie 21 un modèle d’étude intéressant de cette maladie sur les sujets âgés, porteurs d’une trisomie 21.
Quel est, selon vous, l’apport de la Fondation dans le
milieu scientifique et médical ?
P.K. : la Fondation Jérôme Lejeune a une vocation internationale ce qui la distingue des autres organismes caritatifs
français. Au dernier Conseil scientifique, des chercheurs
appartenant à 12 pays, répartis en 5 continents, ont déposé
des demandes d’aide à la recherche.
Par ailleurs, la spécificité des domaines
soutenus par la Fondation comble, en
France, un vide institutionnel et caritatif.
Cette année, nous fêtons les 50 ans de
la découverte de l’origine de la trisomie
21. Le Conseil scientifique a-t-il des projets
pour honorer cette avancée scientifique ?
P.K. : c’est en effet une date à fêter car la
découverte de Jérôme Lejeune a permis la
naissance et le développement d’une
nouvelle discipline : la cytogénétique
médicale. Nous pourrions rédiger un article
historique et le publier dans une revue qui jouit d’un grand
prestige dans le milieu scientifique…
Considérez-vous la trisomie 21 comme une maladie
orpheline ?
P.K. : la trisomie 21 est inclassable. La trisomie 21 n’est
pas une maladie orpheline car elle est plus fréquente que ne
l’indique la définition d’une maladie orpheline. Mais on pourrait
dire qu’elle est un peu orpheline sur le plan de la recherche
scientifique, au moins en France (une conception sur 650).
Que pensez-vous du terme « maladie génétique de
l’intelligence » utilisé par Jérôme Lejeune ?
P.K. : Jérôme Lejeune n’aimait pas parler de syndrome de
Down associé au concept de dégénération raciale. Après,
c’est un problème de sémantique. Lors des publications,
le mot « trisomie 21 » passe inaperçu. En revanche le
terme « déficience intellectuelle d’origine génétique » a son
équivalent en anglais. ■
3
Chercher
UN CHERCHEUR NOUS EXPLIQUE
Nous souhaitons vous présenter de façon régulière dans la Lettre, un des
programmes que nous finançons. Le projet de Laurent Meijer porte sur la
recherche d’inhibiteurs pharmacologiques pour la trisomie 21 et la maladie
d’Alzheimer. La Fondation a versé 15 000 € (sur 2 ans) pour ce projet.
Trisomie 21
et maladie d’Alzheimer
L
aurent Meijer est spécialiste en enzymologie, chercheur en biologie cellulaire et pharmacologique au laboratoire du CNRS de Roscoff ; il s’intéresse tout particulièrement à la
kinase Dyrk1A, importante dans le fonctionnement des cellules nerveuses.
➜ Interview de
Laurent Meijer
ous travaillez à la fois
sur la trisomie 21 et la
maladie d’Alzheimer. Quel
lien y a-t-il entre ces deux
maladies ?
L.M. : On a remarqué des
signes précoces caractéristiques
de la maladie d’Alzheimer chez
les adultes trisomiques 21 à
partir d’une quarantaine d’années.
L’un des deux gènes identifiés, responsables de cette
dégénérescence mentale,
est Dyrk1A. Nous cherchons
des molécules qui bloquent,
contrôlent, régulent les anomalies associées à la maladie
d’Alzheimer et Dyrk1A est une cible de notre travail.
V
À quoi sert Dyrk1A ?
Laurent Meijer : le chromosome 21 est le plus petit des
chromosomes. Il existe sur ce chromosome, près de 225
gènes connus qui sont responsables de la synthèse d’au
moins 225 protéines.
Dyrk1A est l’une de ces protéines, responsable d’une
réaction de phosphorylation (c’est-à-dire l’accrochage de
phosphate sur les protéines cellulaires). C’est un
processus qui existe dans toutes les cellules et sans doute le
mécanisme majeur de régulation du fonctionnement et de la
vie des cellules. Ce processus est régulé par les kinases
(enzymes catalysant les réactions de phosphorylation). Il y a
518 kinases chez l’homme. Des anomalies de phosphorylation sont impliquées dans la plupart des grandes pathologies humaines.
On a constaté, grâce à des études de phénotypes (caractéristiques apparentes chez une personne : aspect physique,
4
comportement, etc.), des modèles cellulaires, des modèles
animaux, que la kinase Dyrk1A est impliquée dans les
maladies neurodégénératives.
Ainsi, Dyrk1A est impliquée dans une partie des problèmes
de la trisomie 21 comme les problèmes cardiaques,
l’organisation du cerveau. Les problèmes proviennent de la
copie supplémentaire de ce gène (chromosome 21 surnuméraire), qui conduit donc à une quantité supplémentaire de
Dyrk1A (50 % de plus que la quantité normale).
Pourquoi travaillez-vous sur la trisomie 21 ?
L.M. : j’ai d’abord travaillé sur la kinase Dyrk1A puis mes
travaux m’ont fait comprendre l’importance de Dyrk1A
dans la trisomie 21. Dyrk1A contribue aux malformations.
Je cherche donc un moyen de la réguler, de l’inhiber ou
simplement de réduire son activité par des voies pharmacologiques simples. Je recherche et caractérise ainsi toutes les petites molécules inhibitrices qui bloquent
Dyrk1A et qui pourraient avoir comme effets d’atténuer les
surhandicaps de la trisomie 21, d’améliorer le développement, de permettre aux patients de mieux s’adapter à leur
environnement. Ce sont de petites améliorations qui
pourraient changer la vie des patients. Nos premiers inhibiteurs sont des dérivés d'une molécule issue d'une éponge
de l'indo-Pacifique, dérivés synthétisés par nos collaborateurs chimistes de l'université de Rennes, le Pr. J.P. Bazureau
et le Dr. F. Carreaux.
Pourriez-vous nous présenter le programme financé
par la Fondation ?
L.M. : la Fondation Jérôme Lejeune finance la recherche,
l’optimisation et la caractérisation d’inhibiteurs. Dans ce
genre de travaux, il faut rester vigilant face aux effets secondaires
possibles. Par exemple, une molécule peut inhiber une kinase
mais aussi être toxique. Il n’est alors pas envisageable de l’utiliser.
C’est un travail d’exploration. C’est un long travail… mais
je suis très patient ! Tout gain thérapeutique sera bon à
prendre. ■
Dossier
L’Institut Jérôme Lejeune :
son pôle recherche
L’
Institut conçoit et
mène des programmes de recherche clinique
en lien avec les patients
et les familles volontaires. Il mène ces études
pour mieux connaître les
déficiences intellectuelles
d’origine génétique en
vue d’améliorer les
traitements et de mieux
prévenir d’éventuelles
complications.
Parallèlement, l’Institut
mène des programmes de
recherche fondamentale et
pharmaceutique.
Cette recherche est
actuellement entièrement
financée par la Fondation
Jérôme Lejeune.
Le Docteur Henri
Bléhaut, directeur de
la recherche de la
Fondation et de l’Institut
Jérôme Lejeune, nous
explique l’importance de
ces études.
Une infirmière effectuant un prélèvement sanguin sur une patiente.
➜ La recherche clinique
Interview du
Docteur Henri Bléhaut
Q
uel est le déroulement d’une étude de recherche ?
Henri Bléhaut : lorsque le patient vient en consultation à l’Institut, il peut
demander à entrer dans une étude de recherche. Cela ne change pas fondamentalement le déroulement de la consultation : la priorité reste toujours le
malade et son suivi médical. Cependant, une consultation réalisée dans ce
cadre peut comporter des éléments supplémentaires comme répondre à des
questions particulières, avoir un complément d’examen médical, une prise de
sang ou une évaluation psychométrique adaptée à l’étude.
Toutes les personnes du service de recherche sont étroitement impliquées
dans chaque essai ; l’infirmière, notamment, joue un rôle-clé dans la réalisation
des études cliniques, y compris dans les contacts téléphoniques et les prises de
rendez-vous. Elle effectue des prélèvements sanguins en vue d’examens courants
ou plus complexes, réceptionne les résultats des examens biologiques et prévient
les médecins en cas d’anomalie nécessitant une réponse urgente. Elle veille à ce
que les patients et leur représentant légal aient bien reçu l’information nécessaire
et collecte leurs consentements quand ils participent à des études de recherche.
5
À quoi sert une étude clinique ?
Henri Bléhaut : une étude clinique a pour but d’améliorer
une situation, un traitement. Quand un patient entre dans
une étude, c’est toujours dans l’espoir de lui donner un traitement meilleur que le meilleur traitement déjà existant. Il va
en plus faire l’objet d’un suivi spécial qui, à lui seul, peut
améliorer la qualité des soins qui lui sont apportés. Une information est toujours remise aux parents et avant toute étude,
leur consentement est sollicité. Pour y participer, les
patients et leurs familles en parlent avec le médecin référent
lors des consultations à l’Institut Jérôme Lejeune. ■
> Les différentes étapes d’une étude clinique
Avant l’étude, le service recherche de l’Institut Jérôme
Lejeune s’occupe de la mise au point des protocoles avec
les médecins de la consultation, de l’obtention des médicaments et de leur conditionnement, de l’obtention des autorisations des comités d’éthique, de l’Agence des
Médicaments (AFSSaPS), de l’Ordre des médecins, de la
réalisation des cahiers d’observation.
Pendant et après l’étude, ce service s’occupe du suivi des
observations, de la saisie des données, de leur vérification,
des analyses statistiques et de l’écriture des rapports.
➜ La recherche
fondamentale
• Le programme
Intrepid-AnEUploidy*
L’un des enjeux de la recherche sur la trisomie 21 est de
comprendre le lien entre une anomalie clinique et le
disfonctionnement d’un gène du chromosome 21,
puis de résoudre ce disfonctionnement en essayant de
réguler le gène en question. Telle est l’idée de l’étude
Intrépid-AnEUploidy que l’Institut Jérôme Lejeune réalise
en collaboration avec 14 équipes européennes et avec
l’aide financière de la Fondation Jérôme Lejeune et de
l’Union Européenne. Cette étude recherche les liaisons
entre les signes cliniques présentés par le patient (phénotype) et la structure des gènes (génotype) :
• Pour définir le phénotype, il faut répondre à un questionnaire, pratiquer un examen médical, évaluer les capacités
du patient et faire une prise de sang ;
• Pour définir le génotype, il faut mettre en culture des cellules sanguines, les lymphocytes. Certaines analyses fines
peuvent demander une prise de sang des parents.
Le projet AnEUploidy, commencé il y a un an, doit s’achever en décembre 2010. Aujourd’hui, 230 patients de
l’Institut Jérôme Lejeune y ont participé. Nous souhaitons en examiner 800 au total.
> « Les patients participent à la recherche »
• Étude Entrain 7 ans
Cette étude est la suite de l’essai Entrain (1999-2006)
portant sur la prise d’acide folinique pendant un an chez le
petit enfant trisomique 21 (3 mois-30 mois).
L’étude Entrain 7 ans prévoit de revoir les patients ayant
participé au protocole Entrain. Pour les patients ayant
aujourd’hui environ 7 ans, cette étude permettra de voir :
• si l’effet constaté quand ils étaient très jeunes, s’est maintenu dans le temps ;
• ce qu’un traitement par prise d’acide folinique, pendant un
an, a pu leur apporter.
• Étude Morphée
Trisomie 21 et apnée du sommeil
Ce protocole porte sur les apnées du sommeil. En effet, en raison de leur mauvais sommeil nocturne, certains patients trisomiques 21 sont fatigables. Ils ont de brusques accès de sommeil
tout au long de la journée et peuvent même présenter des
dépressions et un déclin de leurs fonctions intellectuelles.
L’Institut prépare d’autres projets de recherches comme
Horthyr, sur le lien entre la trisomie 21 et les anomalies de
la thyroïde.
6
À l’avenir, nous souhaitons que des études du même
type soient réalisées sur d’autres maladies comme le
syndrome de Williams-Beuren, le syndrome de SmithMagenis, etc.
Actuellement, l’équipe de l’Institut travaille sur une liaison entre trisomie 21 et malformation cardiaque (voir « appel aux patients »).
*Les maladies chromosomiques par défaut (délétions, monosomies)
ou excès (duplications, trisomies) de matériel génétique s’appellent
des aneuploïdies.
collection de cellules
➜ La
et de plasma
L’objectif de la future biothèque de l’Institut Jérôme
Lejeune, est de recueillir et d’analyser des cellules,
de l’ADN, de l’ARN et du plasma de nos patients et
de les comparer avec leurs caractéristiques physiques
et intellectuelles (corrélation phénotype-génotype).
Comprendre la liaison entre l’expression des gènes et
les troubles présentés par les patients permettrait de
découvrir des voies métaboliques perturbées dans les
maladies et d’indiquer des pistes pour des recherches à
visée thérapeutique. C’est un outil important pour de
nombreuses recherches sur la trisomie 21 et d’autres
maladies.
Financement
La recherche conduite à l’Institut Jérôme Lejeune est
orientée selon quatre axes bien distincts :
• La recherche clinique qui peut entraîner un bénéfice
immédiat pour le malade, en accord avec la mission
de centre référent qui a été donnée à l’Institut Jérôme
Lejeune lors de sa création par l’arrêté ministériel de
mai 1998 (projets Entrain 7 ans, Horthyr, Morphée).
• La recherche épidémiologique (projet IntrepidAnEUploidy)
• La recherche de traitements (projet Cibles 21)
APPEL AUX PATIENTS
Étude Intrepid-AnEUploidy
Trisomie 21 et malformation cardiaque
➜
Nous recherchons des patients trisomiques ayant des antécédents de malformation
cardiaque, âgés de plus de 8 ans et pesant plus
de 21 kg. Ils bénéficieront d’un examen clinique complet pour leur trisomie 21, d’une prise de sang et d’une
évaluation neuropsychologique. Chaque médecin traitant recevra systématiquement un compte-rendu
concernant l’évaluation de son patient.
Merci aux patients et à leur famille de leur participation.
• La création d’une collection des prélèvements
biologiques des patients (projet de la biothèque)
Seule la recherche clinique, actuellement financée par
la Fondation Jérôme Lejeune, peut prétendre à un
financement de l’Assurance Maladie ou du ministère de
la Santé. Elle est inséparable de la consultation.
La recherche épidémiologique et la collection de
prélèvements biologiques, elles aussi inséparables de
la consultation, n’entrent pas dans le cadre d’un centre de
référence, de même que la recherche de traitements.
Ces recherches dépendent directement de la
Fondation Jérôme Lejeune. L’Institut Jérôme Lejeune
n’assure que des fonctions support. Ces fonctions font
l’objet d’une subvention de la Fondation Jérôme Lejeune.
Pour tout renseignement, s’adresser à l’Institut
J é r ô m e L e j e u n e , 3 7 r u e d e s Vo l o n t a i re s ,
75015 Paris, tél. : 01 56 58 63 05.
Étude Morphée
Trisomie 21 et apnée du sommeil
➜
LABEL ÉTHIQUE
Nous recherchons des patients trisomiques
21 âgés de plus de 18 ans, souffrant d’endormissements subits pendant la journée et de fatigue, afin de faire
un diagnostic précis et trouver le traitement qui leur
convient le mieux.
Merci aux patients et à leur famille de leur participation.
Elle s’engage à financer exclusivement les recherches qui
respectent l’être humain dès le commencement de sa vie.
Pour tout renseignement, s’adresser à l’Institut
Jérôme Lejeune, 37 rue des Volontaires,
75015 Paris, tél. : 01 56 58 63 05.
La Fondation Jérôme Lejeune fait ainsi le choix d’un avenir
où les progrès de la science restent au service de l’homme.
La Fondation s’est dotée d’un label éthique.
Elle ne soutient aucun projet utilisant les embryons ou les
fœtus comme matériau de recherche.
7
➜
Programme Cibles 21
La recherche
pharmaceutique
CBS =
l’enzyme
Cystathionine - ß - Synthase :
• son gène est situé sur
le chromosome 21
• elle fonctionne trop dans
la trisomie 21
• elle est impliquée dans
le retard mental
• Le programme Cibles 21,
un projet thérapeutique à long terme
Afin de vous aider à mieux comprendre le
programme Cibles 21, nous avons expliqué
certains termes scientifiques.
• Tests virtuels sur ordinateur : études des
réactions entre des molécules chimiques et la
CBS, simulées sur ordinateur. Les réactions
positives sont ensuite réalisées réellement
(dans un tube à essai).
• Tests des médicaments du Vidal : les
molécules testées en réalité (dans un tube à
essai), sont tous les médicaments du
8
➜
La découverte d'un inhibiteur de la CBS rendra possible
le développement d'un éventuel médicament en vue
de traiter les patients particulièrement pour leur déficience intellectuelle.
Démarré en 2004, le programme Cibles 21 comprend de
nombreuses et longues étapes.
➜
Nous procédons en 2 étapes menées parallèlement :
• en cherchant une molécule pour inhiber la CBS
(tests sur ordinateur, tests dans un tube à essai) ;
• en réalisant des modèles cellulaire et des modèles
souris sur lesquels les chercheurs pourront tester in
vivo les molécules candidates pour inhiber la CBS.
Il est important de faire des tests à différents niveaux :
modèle cellulaire, modèle souris. Les modèles cellulaires
sont plus faciles à manier et donnent des résultats
plus rapidement. Les modèles souris sont plus longs à
obtenir mais les résultats sont potentiellement plus
proches des résultats qu’on peut obtenir sur l’homme.
Créer une molécule inhibant la CBS
2 étapes sont menées en parallèle
➜
Un peu avant 1975, Jérôme Lejeune avait soupçonné,
par l’examen clinique des patients porteurs d’une
trisomie 21 et ceux ayant une homocystinurie, que le
gène CBS, codant pour l’enzyme CBS (Cystathionine-ßSynthase) était localisé sur le chromosome 21.
D’un point de vue statistique, en affirmant cette localisation,
il avait 99 % de chances de se tromper (le chromosome
21 fait 1 % du génome), or il avait raison, comme cela a
été démontré par les études de biologie moléculaire en
1985. En dehors des maladies liées au chromosome X,
cette localisation d’un gène par la clinique est assez
unique en médecine.
Le gène de la CBS est présent en 3 exemplaires dans la
trisomie 21 au lieu de 2. La surexpression de ce gène
est fortement soupçonnée d'avoir un rôle dans la
déficience mentale. La Fondation et l’Institut ont donc
décidé d’entreprendre des recherches pour étudier cette
hypothèse en recherchant un inhibiteur de CBS.
Glossaire
(démarré en 2004))
Création de modèles
Tests de molécules
(voir glossaire)
(voir glossaire)
1 • Tests virtuels sur ordinateur
de 2 000 000 molécules
2 • Tests des médicaments
du Vidal
3 • Tests de fragments de
molécules
4 • Tests des 40 000 molécules
d’une chimiothèque
1 • Modèle cellulaire :
modèles de cellules
transgéniques CBS
issues de cellules
nerveuses (Limoges)
2 • Modèle souris : création
de souris transgéniques
avec 3 gènes de la CBS
(Strasbourg et Orléans)
Résultats des tests
2 molécules actives ont été
trouvées qui inhibent la CBS,
dont une molécule plus
pertinente mais toxique
qu’on appelle Hit1
Les prochaines étapes
• Synthétiser des molécules
pour trouver une molécule
proche de Hit1, aussi active
mais non toxique.
• Cristallisation, par déshydratation, du complexe CBSHit1 pour voir où Hit1 s’accroche pour inhiber la CBS.
• Continuer à chercher des
molécules, les plus efficaces
possibles
dictionnaire Vidal (dictionnaire des médicaments des médecins). Cela permet de
vérifier si un médicament déjà connu aurait
une activité sur la CBS.
• Tests de fragments : tests de petites
molécules qui pourraient constituer un
morceau d’une molécule plus grosse
capable d’être un médicament.
• Chimiothèque : collection de molécules
chimiques très variées, capable d’être la
base d’un futur médicament, que l’on teste
réellement dans un tube à essai.
Résultats (voir glossaire)
1 • Modèle cellulaire : en
cours de création
2 • Modèle souris : nos
souris se reproduisent trop
peu pour avoir des lignées.
Un modèle de souris
trisomique 17, créé par
une autre équipe à
Orléans, pourra nous
permettre d’avancer.
Les prochaines étapes
Tester les molécules qui
auront été trouvées sur les
deux types de modèles,
cellulaire et souris.
• Cellules transgéniques CBS : cellules
dans lesquelles on a rajouté un gène CBS
supplémentaire (3 gènes CBS au total).
• Souris transgéniques : souris avec 3
gènes de la CBS au lieu de 2.
• Modèle de souris trisomique 17 :
souris avec un morceau supplémentaire du
chromosome 17 (et donc 3 gènes de la CBS
au lieu de 2) ; en effet, chez la souris, une
partie du chromosome 21 humain (dont la
CBS) est située sur le chromosome 17.
Evénement
AutoDéfi 21:
en route pour la recherche
L
e samedi 26 avril 2008, la Fondation Jérôme Lejeune organise une grande journée nationale au profit de la recherche sur la trisomie 21, en partenariat avec Auchan et la Fédération
Française des Véhicules d’Epoque (FFVE). Cette opération est au profit du programme de recherche
Cibles 21, projet de recherche phare de la Fondation Jérôme Lejeune (voir le dossier de la Lettre).
➜ Un coup d’accélérateur
Cette journée se déroulera sur le parking de 21 hypermarchés Auchan en France. Chaque Auchan accueillera
entre 30 et 40 voitures anciennes. Les clubs de la FFVE des départements concernés exposeront automobiles
anciennes et véhicules d’exception pendant toute la journée soit plus de 600 voitures (Dauphine, Delage, DS 21,
Hotchkiss, Panhard, Porsche, etc.)
➜ Les collectionneurs ont du cœur !
Les propriétaires des véhicules présents proposeront surtout aux visiteurs, moyennant 5 €, une promenade dans la
voiture ancienne de leur choix et remettront, à leurs passagers, un certificat de circulation nominatif.
Les sommes récoltées seront intégralement reversées à la Fondation Jérôme Lejeune pour le financement de Cibles 21.
Passionnés ou simples amateurs, grands et petits, venez en famille ou entre amis admirer les voitures anciennes,
faire un tour et soutenir la recherche ! Nous vous attendons nombreux.
➜
PA RT I C I P E Z D A N S V O T R E D É PA RT E M E N T
Pour participer et nous aider le samedi 26 avril, contactez Olivier Roubaud au 01 44 49 73 42.
59
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72
37
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71
74
69
07
33
84
31
34
06
13
21 Auchan partenaires de notre opération
et les clubs de la région affiliés à la FFVE
06 • La Trinité / Nice
07 • Guilherand Granges / Valence
13 • Marseille
31 • Toulouse
33 • Bordeaux Le Lac
34 • Perols / Montpellier
36 • Châteauroux
37 • Tours Petite Arche
44 • St Herblain / Nantes
45 • St Jean de la Ruelle / Orléans
54 • Laxou/Nancy
59 • Englos
62 • Noyelles Godault
67 • Strasbourg / Haute Pierre
68 • Mulhouse
69 • Lyon St Priest
71 • Mâcon
72 • La Chappelle St-Aubin / Le Mans
74 • Epagny / Annecy
78 • Plaisir
84 • Le Pontet / Avignon
9
Création
de la première
E
n novembre dernier, Elizabeth Bisbrouck, responsable du pôle Pédagogie
adaptée (service Familles et Vie quotidienne), s’est déplacée au Gabon pour
créer une classe spécialisée pour les enfants déficients intellectuels.
Voici le reportage de cette étonnante aventure.
➜ Interview d’Elizabeth Bisbrouck
C
omment s’est monté le projet ?
Elizabeth Bisbrouck : le projet est né à la demande d’un
couple gabonais, Franck et Laurence, parents d’Antony, 9 ans,
porteur d’une trisomie 21. En septembre 2007, ces
parents ont demandé à me rencontrer après une consultation à l’Institut. Leur fils va à l’école à Libreville mais ses
activités sont plutôt occupationnelles. Il n’existe pas de
structure adaptée à Libreville. J’ai alors lancé en boutade : « Il n’y a qu’à créer une classe spécialisée ! ».
Franck et Laurence sont repartis de notre rendez-vous
avec quelques conseils. Je leur ai promis de leur rédiger
Antony et Judith (AVS)
un projet pour la création d’une classe d’intégration
scolaire (CLIS) avant leur retour au Gabon.
Deux jours après, Franck et Laurence reviennent à la
Fondation et m’annoncent qu’ils ont la possibilité d’ouvrir
cette classe spécialisée dans une école privée de
Libreville. Comme promis, je leur ai remis la proposition de
projet, charge à eux, sur place, de concrétiser notre
idée. Quelques semaines plus tard, j’ai reçu un coup de
téléphone de Libreville pour m’annoncer que tout était
prêt et qu’ils m’attendaient pour créer la classe.
106
Quels étaient les besoins incontournables pour
créer cette classe ?
E. B. : Pour débuter, nous avions besoin d’une salle, d’un
enseignant spécialisé, d’assistantes. Ensuite, avec les
enseignants et l’équipe de direction, nous avons monté le
projet pédagogique pour la classe et commencé à élaborer un projet individualisé pour chaque élève. Une
classe spécialisée peut accueillir environ 10 élèves.
Pour moi, il était également essentiel de constituer,
autour de la classe, une équipe éducative avec des
enseignants, des auxiliaires de vie scolaire (AVS), des
parents, des thérapeutes, des orthophonistes, etc.
C’est un soutien précieux pour garantir l’équilibre de la
classe et suivre le développement de chaque enfant.
Par exemple, les orthophonistes que nous avons rencontrées ont proposé une séance hebdomadaire de
langage collectif.
Quelle est la vision du handicap au Gabon ?
E. B. : C’est parfois déstabilisant car le handicap peut
être vécu par les familles soit comme une fatalité, un coup
du sort lié au fétichisme soit dans le déni. Mais il y a
actuellement une réelle volonté de prise en compte et de
désir de travailler positivement dans un souci de compréhension, d’intégration…
La création de la classe m’a donné l’occasion de présenter la Fondation et les caractéristiques de la trisomie 21 au
cours d’une conférence. Cela fut également l’occasion de
rencontrer des pédiatres de renom, le Conseiller
technique des Affaires sociales, le Ministre de
l’Education Nationale et le Ministre du Budget.
Savez-vous comment se passe la vie de la classe à
présent ?
E. B. : Actuellement, je communique par e-mail avec l’enseignant. Il m’envoie régulièrement un compte-rendu pour chaque enfant. En retour, je lui donne des pistes d’orientations et
des conseils pédagogiques. Le fait d’avoir été sur place facilite
nos échanges. Je constate déjà les progrès ! ■
Familles et Vie quotidienne
classe spécialisée de Libreville
Comment avez-vous fait pour créer une classe spécialisée en 15 jours ?
E. B. : Tout était à faire entre le 19 novembre et le 2 décembre mais une solide préparation avait été faite en amont.
Nous avons procédé par étapes.
➜1
ere
étape : recruter un enseignant spécialisé.
Le directeur, co-fondateur de l’école dans laquelle s’ouvrait la classe spécialisée, avait déjà fait une sélection parmi la cinquantaine de curriculum vitae reçus. Pendant deux jours, nous avons reçu des candidats. Nous recherchions une
personne ayant une bonne faculté d’adaptation et capable de s’intéresser à différents handicaps. Nous avons retenu
Israël Gumedzoé, un enseignant habitué à des élèves d’âges et de niveaux variés. Nous avons également embauché IrèneNathalie et Judith, auxiliaires de vie scolaire (AVS).
➜2
e
étape : faire connaître la classe
Pour informer les familles de l’existence de cette classe, nous sommes allés présenter notre
projet dans les différentes écoles de Libreville. Nous avons aussi pris contact avec un
cabinet d’orthophonistes. Celles-ci ont présenté d’elles-mêmes le projet aux familles qu’elles
connaissaient et concernées par un enfant handicapé. Le « bouche-à-oreille » a bien fonctionné !
Une réunion générale nous a permis de présenter aux parents le projet pédagogique de la
classe et d’expliquer la nécessité d’un projet individuel pour chaque enfant.
➜3
e
Magalie
➜4
e
étape : former l’enseignant et réfléchir au projet de classe
J’ai formé Israël à l’enseignement adapté et aux différentes techniques pédagogiques
spécialisées : partir des capacités de l’élève, considérer ses limites pour élaborer son projet, etc.
Il était également important de sensibiliser l’ensemble des enseignants de l’Etablissement
scolaire à ce projet.
étape : préparer la classe
Nous avons ensuite organisé la classe pour accueillir les élèves, le
jour de la rentrée, le 28 novembre. Nous avons installé tables, chaises,
défini l’espace de jeu, créé du matériel d’enseignement, récolté des
fournitures et des jeux, etc.
➜5
e
étape : ouvrir la classe
L’inauguration fut un moment important dans l’école et à Libreville.
Etaient notamment présents l’archevêque de Libreville et un
représentant du gouvernement, en la personne du Ministre du
Budget… La classe s’est ouverte avec 5 élèves. Nous avons dû en
refuser 2 qui avaient un handicap trop lourd.
➜6
e
étape : assurer un suivi
Antony et Israël, l’enseignant
Les quelques jours restants avant mon retour en France m’ont permis d’être présente dans la classe et d’accompagner
de mon expérience l’enseignant et les auxiliaires de vie scolaire.
Chaque fin de journée, nous faisions le bilan : analyse du déroulement de la journée, gestion des enfants, validation
ou non des différents apprentissages, etc. ■
11
Entretien
avec Virginie
Entretien
… Avec Haude-Gaël
H
aude-Gaël est une jeune fille de 18 ans. Sa particularité médicale : le bras long de son chromosome 18 est abîmé (18 Q-). A l'annonce de cette maladie orpheline, les parents d’Haude-Gaël
ne croyaient pas qu’elle pourrait un jour marcher, parler et encore moins lire et écrire... Patiemment, ils lui
ont appris les mouvements nécessaires pour passer de la position couchée à la position assise...
Aujourd’hui, Haude-Gaël, passionnée d’Histoire, impressionne par sa capacité à mémoriser personnages et lieux prestigieux. Portrait d’une jeune fille étonnante, réservée mais volontaire.
L e bonheur parfait selon vous ?
Quand toute ma
famille est réunie autour de moi.
Votre plus grande peur ? Etre séparée des personnes
que j'aime.
Votre occupation préférée ? J’aime beaucoup écrire De quoi êtes-vous la plus fière ? De savoir lire et
avec mes stylos ou mon ordinateur, colorier, écouter de la musique et lire des histoires.
écrire ; et d’avoir pris l’avion avec ma sœur Gwenola pour aller
voir mon frère à la Réunion.
La qualité que vous préférez chez une personne ?
Vos œuvres favorites ? Les monuments historiques : les
La gentillesse et l'attention aux autres.
monuments de Paris, les Invalides, le château de Versailles.
Quel talent auriez-vous voulu avoir ? Etre écrivain
et faire des études d'histoire.
La chanson que vous sifflez le plus souvent ?
Je ne sais pas siffler et de toute façon, on n'a pas le droit de
siffler à la maison ! Mais j’aime beaucoup chanter.
Que détestez-vous par-dessus tout ? Les situations inhabituelles, les situations où il y a du changement…
quand on ne m’a pas prévenue.
Avez-vous un épisode drôle qui vous est arrivé
à nous raconter ? Le jour où j'ai traversé la ville toute
seule, un jour où il y avait une grande manifestation, pendant
que tout le monde me cherchait ! Ma famille m’a dit après que
j’avais le sens de l’orientation… et de la chance !
Qu’auriez-vous envie de dire aux donateurs de
la Fondation qui liront cet entretien ? Merci de
donner plus ! Et merci de nous aider à tenir notre place dans le
monde de tous les jours. ■
➜ NOUS AVONS BESOIN DE VOUS !
128
Fondation Jérôme Lejeune - 37 rue des Volontaires - 75725 Paris cedex 15 - Tél. : 01 44 49 73 30 - Fax : 01 43 06 20 77.
Institut Jérôme Lejeune (consultation médicale) - 37 rue des Volontaires - 75725 Paris cedex 15 - Tél. : 01 56 58 63 00 - Fax : 01 43 06 16 02
La Lettre de la Fondation Jérôme Lejeune, revue de la Fondation Jérôme Lejeune, reconnue d’utilité publique le 20 mars 1996.
Directeur de la Publication : Jean-Marie Le Méné. 31, rue Galande, 75005 Paris - Tél. : 01 46 33 31 82 - Fax : 01 44 07 16 25 - CCP 376
0060M La Source - ISSN : 1277-4545. Vincent Imprimerie - Crédits photos : D.R. - Jeanne Brost – Site Internet : www.fondationlejeune.org
LFJL 57
La Fondation Jérôme Lejeune a besoin de vous. Elle ne vit que de dons privés. Grâce aux dons qu’elle
reçoit, la Fondation finance chaque année plusieurs dizaines de programmes de recherche sur les maladies génétiques
de l’intelligence. Elle est le 1er financeur en France de la recherche sur la trisomie 21. La Fondation Jérôme Lejeune
agit pour les malades, agit pour la vie ! Merci pour vos généreux dons. Sans vous, nous ne pouvons rien faire !
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