Groupes libres et groupe fondamental

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Groupes libres et groupe fondamental
Gaël Cousin dirigé par Jean-Romain Heu
Table des matières
1 Correspondance entre sous-groupes et revêtements.
1
2 Le groupe fondamental d’un graphe est un groupe libre
4
3 Tout revêtement d’un graphe est un graphe
6
4 Calcul des générateurs de sous-groupes de F2
4.1 Exemple 1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
4.2 Exemple 2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
6
7
8
Bibliographie
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1
Correspondance entre sous-groupes et revêtements.
Tous les espaces topologiques considérés sont connexes et localement
connexes par arc. Toutes les applications entre espaces topologiques sont
continues.
Définition 1. Soit X un espace topologique, un revêtement de X est un
espace topologique X̃ muni d’une application p : X̃ → X qui respecte la
condition suivante : il existe un recouvrement d’ouverts (Uα ) de X tel que,
pour tout α, p−1 (Uα ) soit union disjointe d’ouverts chacun envoyé homéomorphiquement sur Uα par p. Si x est élément de Uα , on dit que Uα est un
voisinage élémentaire de x.
On utilise les résultats suivant, les assertions d’unicité sont importantes.
Proposition 1 (relèvement). Soient f : (Y, y0 ) → (X, x0 ) et x̃0 ∈ p−1 (x0 ).
Il existe f˜ : (Y, y0 ) → (X̃, x̃0 ) telle que f˜(y0 ) = x̃0 et pf˜ = f si et seulement
si f∗ (Π(Y, y0 )) ⊂ p∗ (Π(X, x0 )). Le cas échéant, f˜ est unique.
Proposition 2 (relèvement des homotopies). Soit f0 : Y → X et (ft ) une
homotopie de f0 . Si f0 = pf˜0 , pour une certaine fonction f˜0 : Y → X̃, alors
il existe une unique homotopie (f˜t ) de f˜0 , tel que, pour tout t, pf˜t = ft .
1
Avec Y un singleton on obtient le relèvement des chemins, avec Y un
segment on obtient le relèvement des homotopies de chemins. On considèrera
uniquement des homotopies de chemins qui fixent les extrêmités du chemin
au cours du temps. Si on relève une telle homotopie de chemins en γt , t 7→
γt (1) et t 7→ γt (0) sont localement constantes et continues donc constantes,
on a donc encore une homotopie qui fixe les extrêmités.
On en déduit :
Proposition 3. Soient (X̃, p) un revêtement de X, x0 ∈ X et x˜0 ∈ p−1 (x0 ).
Si p∗ est le morphisme induit par p, alors p∗ : Π(X̃, x̃0 ) → Π(X, x0 ) est
injectif.
Démonstration. Soit f un chemin fermé de X̃ de point de base x̃0 tel que
g0 := pf est homotope au chemin constant en x0 . Soit (gt ) qui réalise cette
homotopie, g0 se relève en f , donc (gt ) se relève en une homotopie (g̃t ) de
f = g̃0 . Reste à voir que g1 est un chemin constant, donc g̃1 aussi.
Donc certains sous-groupes de Π(X, x0 ) sont réalisés comme groupes fondamentaux de revêtements de X. Avec certaines hypothèses, on peut réaliser
tous les sous-groupes H de Π(X, x0 ) de cette façon.L’idée est de faire agir le
sous-groupe considéré sur les fibres du revêtement universel de X.
Définition 2. Soit (X̃, p) un revêtement de X et g un élément de Π(X, x0 ).
Si x ∈ p−1 (x0 ), on relève un représentant f de g en un chemin f˜ partant de
x et on définit x.g comme le point d’arrivée de f˜. Cette définition ne dépend
pas du choix du représentant f car les homotopies de chemin se relèvent. On
dira que cette action est l’action à droite de Π(X, x0 ).
Si X̃ est le revêtement universel de X et si x̃0 est dans p−1 (x0 ), Dans
un quotient Q de X̃ où les points de l’orbite de x˜0 sous l’action de H sont
identifiés, on peut espérer que Π(Q, cl(x̃0 )) soit isomorphe à H. Il faudrait
aussi que ce quotient donne un revêtement de X.
Définition 3. Soient (X̃1 , p1 ) et (X̃2 , p2 ) deux revêtements d’un espace topologique X. Un morphisme de revêtement de X̃1 vers X̃2 est une application
ϕ telle que le diagramme suivant commute.
X̃1 A
AA
A
p1 AAA
Ã
ϕ
X
/ X̃
2
}
}
}
}} p2
}~ }
Si, de plus, ϕ est un homéomorphisme, on dit que c’est un isomorphisme de
revêtement.
Proposition 4. Si (X̃, p) est un revêtement de X et x̃0 ∈ p−1 (x0 ) sont
tels que p∗ (Π(X̃, x̃0 )) est distingué dans Π(X, x0 ), alors pour tout point x̂0
il existe un unique automorphisme ϕ de (X̃, p) tel que ϕ(x̃0 ) = x̂0 .
2
Démonstration. Ceci est un corollaire du théorème de relèvement puisque
p∗ (Π(X̃, x̃0 )) est un conjugué de p∗ (Π(X̃, x̂0 )).
Cette proposition dit que le groupe des automorphismes de (X̃, p) agit
transitivement sur p−1 (x0 ).
Le résultat suivant conclut la partie. Sa preuve sera suivie dans des
exemples concrets en fin d’exposé.
Proposition 5. Si (X, x0 ) a un revêtement (X̃, x̃0 ) simplement connexe
alors, pour tout sous-groupe H de Π(X, x0 ), il existe un revêtement (XH , p)
de X et un point de base xˆ0 tels que p∗ (Π(XH , x̂0 )) = H.
Démonstration. Pour tout h ∈ H , d’après la proposition précédente il existe
un automorphisme ϕh de X̃ tel que ϕh (x̃0 ) = x̃0 .h. Ainsi, H agit sur X̃ :
on notera h.x := ϕh (x), de sorte que nous considérerons une action à
droite et une action à gauche de H.
Considérons le quotient X̃/H de X̃ par l’action à gauche de H et notons
r la projection sur le quotient. L’application p passe au quotient car les fibres
de p sont stables sous cette action. Soit π : X̃/H → X telle que πr = p, i.e.
telle que le diagramme suivant commute.
/
r X̃/H
DD
DD π
p DDD
" ²
X̃ DD
X
(X̃/H, π) est un revêtement de X.
En effet, soient x ∈ X et Ux un voisinage élémentaire de x pour p, on
va montrer que Ux est un voisinage élémentaire pour π. Soient x̃, x̂ ∈ p−1 (x)
tels que r(x̃) = r(x̂) et Ux̃ et Ux̂ les voisinages de x̃ et x̂ respectivement
qui sont envoyés homéomorphiquement sur Ux par p. Soit h ∈ H tel que
ϕh (x̃) = x̂. ϕh (Ux̃ ) = Ux̂ car ϕh est un homéomorphisme et commute avec
p, Ainsi r(Ux̃ ) = r(Ux̂ ). De plus, comme p l’est, π est ouverte et π|r(Ux̃ ) est
un homéomorphisme. Ux donne bien un voisinage élémentaire de x pour π.
Soit x̂0 := r(x̃0 ). Considérons
Ψ : H −→ Π(X̃/H, x̂0 )
h 7−→ relèvement de h partant de x̂0 .
π∗ Ψ∗ = idH donc π∗ : Π(X̃/H, x̂0 ) → H est surjectif. Ce morphisme est
aussi injectif comme (X̃/H, π) est un revêtement de X. D’où le résultat.
3
2
Le groupe fondamental d’un graphe est un groupe
libre
Définition 4. Un graphe est un complexe cellulaire composé de cellules de
dimension inférieure à 1.
Définition 5.
– Un arbre est un graphe simplement connexe, en particulier un arbre est connexe.
– Quand on parlera d’un arbre dans un graphe, il sera entendu que l’arbre
en question est un sous-graphe (i.e. un sous-complexe cellulaire).
Proposition 6. Un arbre est contractile. On peut même préscrire le sommet
v0 sur lequel on veut contracter l’arbre.
Démonstration. On procède suivant les étapes que voici :
1. On construit l’homotopie rt sur {u} × I pour tout sommet u de A.
2. On prolonge rt sur a × I pour chaque arête a de A.
3. On montre que l’on a ainsi défini une application continue sur A × I.
1. Soit v0 un sommet de A,pour tout sommet u de A choisissons A(u) un
sous-arbre fini de A qui contient u et v0 . Fixons t 7→ rt (u) un chemin
de u à v0 dans A(u).
2. Soient a une arête de A, u et v les sommets de a, a×I est homéomorphe
a un carré, et r0 , r1 , rt (u), rt (v) sont déterminés. on a une application
continue sur le bord d’un carré dont l’image est dans A(u) ∪ A(v) ∪ a
qui est un sous graphe connexe d’un arbre donc un arbre ; cet arbre est
simplement connexe, on peut donc prolonger cette application continument à tout le carré.
3. On a défini une application f telle que f (t, x) = rt (x) dont la restriction
au produit a × I est continue pour chaque arête a. La topologie de
complexe cellulaire de A × I donne la continuité de f .
Proposition 7. Soit G un graphe, tout arbre A de G est contenu dans un
arbre maximal de G.
Démonstration. On utilise le lemme de Zorn. Considérons l’ensemble des
arbres de G qui contiennent A. On doit montrer que cet ensemble est inductif,
cela signifie que si on en prend un sous-ensemble totalement ordonné non
vide, il a une borne supérieur. Soit {Ai , i ∈ I} un tel sous-ensemble, la
réunion ∪i∈I Ai est encore un arbre qui donne la borne supérieure voulue.
On a une caractérisation commode des arbres maximaux d’un graphe :
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Proposition 8. Soit A un arbre d’un graphe connexe G. A est maximal si
et seulement si tous les sommets de G sont des sommets de A.
Démonstration. Supposons A maximal.
Si s et est un sommet de G qui n’est pas dans A et s1 est un sommet
de A, par connexité de G, il existe un chemin réduit a1 , .., an de s1 à s dans
G, on voit -par récurrence sur n- que ce chemin contient une arête ai dont
le point de départ est dans A et dont le point d’arrivée n’est pas dans A,
A ∪ ai est un arbre strictement plus grand que A, ce qui est contraire à la
maximalité de A.
Réciproquement, supposons que A contient tous les sommets de G. Soient
a une arête de G qui n’est pas dans A et u et v ses sommets. Il existe un
unique chemin réduit de u à v dans A, ajouter l’arête a à A en donnerait un
second, donc a ∪ A n’est pas un arbre.
On utilise le résultat général suivant.
Proposition 9. Si X est un complexe cellulaire et Y est un sous-complexe
contractile de X, alors la projection π : X → X/Y est une équivalence
d’homotopie.
On applique ce résultat à un graphe connexe et un arbre maximal.
Proposition 10. Soient G un graphe connexe et A un arbre maximal de G.
La projection π : G → G/A est une équivalence d’homotopie.
Reste à voir le résultat suivant.
Proposition 11. Soient G un graphe connexe et A un arbre maximal de G.
G/A est un bouquet de cercle ∧(S1i )i∈I , de plus la projection π : G → G/A
induit une bijection Ψ : {Arêtes de G \ A} → {S1i , i ∈ I}; a 7→ π(a).
Démonstration. Soit a une arête de G \ A, π(a) est un segment avec les
sommets identifiés, c’est donc un cercle S1i . Soit b une autre arête de G \ A,
π(a) ∩ π(b) = π(A) donc π(a) 6= π(b).
On peut maintenant conclure la partie.
Proposition 12. Le groupe fondamental d’un graphe connexe G est un
groupe libre. De plus, si A est un arbre maximal de G et s0 est un sommet de de G, on peut décrire un système de générateurs de Π(G, s0 ).
– Pour tout sommet s, notons cs l’unique chemin réduit de s0 à s dans
A.
– Orientons une fois pour toute les arêtes de G\A. Soit a une telle arête,
de sommet initial s et de sommet final s0 , définissons le chemin fermé
γa := cs a(cs0 )−1 .
Un système de générateurs du groupe libre Π(G, s0 ) est {γa , a arête de G\A}.
5
Démonstration. Le morphisme π∗ : Π(G, s0 ) → Π(G/A, π(s0 )) induit par
π est un isomorphisme de groupes et les (π(γa ))a arête de G\A forment un
système de générateurs de Π(G/A, π(s0 )).
3
Tout revêtement d’un graphe est un graphe
Lemme 1. Si (Y, p) est un revêtement de X, si S est une partie de X qui est
connexe et localement connexe par arc et si T est une composante connexe
de p−1 (S), alors la restriction de p à T donne un revêtement de S.
Proposition 13. Si X est un graphe d’ensemble de sommets X 0 et (Y, p) en
est un revêtement, alors Y est un graphe dont les sommets sont les éléments
de Y 0 := p−1 (X 0 ).
Démonstration. On voit que Y 0 est discret puisque p est continue. Soit a
une arête de X, d’après le lemme précédent, chaque composante connexe de
p−1 (a) donne un revêtement de a, comme a est simplement connexe, chaque
composante de p−1 (a) l’est aussi, par unicité du revêtement universel, elle
est projetée homéomorphiquement sur a. On peut ainsi espérer que Y ait
une structure cellulaire dont les 1-cellules seraient les composantes connexes
des p−1 (a) où a est arête de X. Comme p est un homéomorphisme local,
c’est bien le cas.
4
Calcul des générateurs de sous-groupes de F2
On voit F2 comme groupe fondamental d’un bouquet de deux cercles :
Désormais ce bouquet de cercles sera appelé X. Il est intéressant de
remarquer le résultat suivant.
Proposition 14. Soient (X̃, x̃0 ) un revêtement de X, ϕ un automorphisme
de ce revêtement et g un élément de Π(X, x0 ). On a
ϕ(x̃0 ).g = ϕ(x̃0 .g).
Démonstration. Soit t 7→ γ(t) un relèvement de g qui part de x̃0 . t 7→ ϕ(γ(t))
est un relèvement de g qui part de ϕ(x̃0 ) et un tel relèvement est unique.
6
Ainsi si x̂0 est dans la fibre de x0 , on écrit x̂0 = x̃0 .h et on a ϕ(x̂0 ) =
ϕ(x̃0 .h) = ϕ(x̃0 ).h. Et si ϕ(x̃0 ) = x̃0 .g, on obtient
ϕ(x̂0 ) = x̃0 .g.h = x̂0 .h−1 .g.h = x̂0 .(h−1 .g.h).
Donc si H est un sous-groupe distingué de Π(X, x0 ) et si (X̃, x˜0 ) est le
revêtement universel de (X, x0 ) alors pour y ∈ p−1 (x0 ), avec les notations de
la première partie, on a H.y = y.H. Ceci facilite le calcul des orbites dans le
cas des groupes distingués, comme on peut le voir dans l’exemple suivant.
4.1
Exemple 1
Si g est un élément de F2 , on regarde sa classe h dans l’abélianisé de F2 .
h se décompose dans la base (a, b) :
h = ja (g).a + jb (g).b ;
ja (g) s’interprète comme le nombre de a dans l’écriture réduite de g. L’application
j : F2 −→ Z2
g 7−→ (ja (g), jb (g))
est un morphisme de groupes.
Ainsi, si m, n ∈ N, alors Gm,n := j −1 (mZ × nZ) est un sous-groupe
distingué de F2 .
Faisant agir ce groupe à gauche sur le graphe de Cayley comme dans la
partie théorique, on voit que deux points de la fibre de x0 , qu’on écrit x̃0 .g
et x̃0 .h pour certains g et h dans Π(X, x0 ), sont dans la même orbite sous
Gm,n si et seulement si ja (h) = ja (g) mod m et jb (h) = jb (g) mod n. Le
revêtement correspondant est donc un revêtement avec autant de feuillets
qu’il y a de classes dans Z/mZ × Z/nZ.
– Si (m, n) = (0, 0) alors G0,0 est le sous-groupe engendré par les commutateurs. La remarque précédente permet de calculer le quotient X̃/G0,0 ,
on obtient le revêtement suivant.
Ce revêtement est formé des points ayant une coordonnée entière dans le plan. Un arbre maximal est donné par {(0, y), y ∈
R} ∪ {(x, n), x ∈ R, n ∈ N}. On en déduit que le groupe engendré par
les commutateurs est un groupe libre sur les générateurs suivant :
{bk aj b−1 a−j b−k+1 , j ∈ Z∗ , k ∈ Z}.
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– Si (m, n) = (3, 2) on détermine le revêtement de X qui donne ce sousgroupe en suivant la preuve de la proposition 5. On obtient le revêtement suivant.
En pointillé apparaît un arbre maximal, il donne le système de générateurs suivant pour G3,2 :
{b2 , ba−1 ba, ba−1 b−1 a, ba3 b−1 , baba−1 , bab−1 a−1 , a3 }.
– Cet exemple laisse voir la forme générale du revêtement correspondant à Gm,n , on en déduit que, si m, n ≥ 2, Gm,n est un groupe
libre sur mn + 1 générateurs et qu’ un système de générateurs est
{ai bn a−i |i ∈ J0, m − 1K} ∪ {ai bj ab−j a−i−1 |i ∈ J0, m − 2K, j ∈ J1, n −
1K} ∪ {am−1 bj ab−j |j ∈ J0, n − 1K}
4.2
Exemple 2
On peut considérer le groupe engendré par les (bi ab−i )i∈J0,kK le revêtement correspondant montre que ce sous-groupe est un groupe libre sur ces
générateurs. La situation "limite" quand k tend vers l’infini correspond au
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groupe engendré par (bi ab−i )i∈N . Les revêtements correspondant à ces deux
exemples sont donnés dans [HAT], page 58 figures 12,14,11.
Références
[HAT] Allen HATCHER. Algebraic Topology.
Cambridge University Press, 2002. Egalement disponible en ligne gratuitement.
[MAS] William S. MASSEY. Algebraic Topology : An Introduction. Harbrace
College mathematics series, 1967.
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