méchanceté, si bien que plus elle regarde avec acuité, plus elle fait de mal ? Glaucon — 25 Oui, exactement. Socrate — Cependant cette âme mesquine, avec la nature qu’elle a, si, en
taillant en elle dès l’enfance on la débarrassait de ce qui l’apparente au devenir, comme on
enlèverait des charges de plomb qui, venues se coller à sa nature à force de victuailles, de
plaisirs, et de convoitises de ce genre, tournent la vue de l’âme vers le bas ; si elle en était
débarrassée, et qu’elle se retournait vers ce qui est vrai, ce même organe, chez les mêmes 30 hommes, verrait aussi cela avec la plus grande acuité, comme il voit ce vers quoi il est à
présent tourné. Glaucon — Oui, ce serait normal. Socrate — Mais dis-moi : ne serait-il pas
normal et nécessaire, en fonction de ce qui a été dit auparavant, que ceux qui sont sans
éducation et sans expérience de la vérité ne sachent jamais administrer une cité de façon
satisfaisante, ni non plus ceux qu’on laisse passer leur vie, jusqu’à sa fin, dans l’étude? Les 35
premiers parce qu’ils n’ont pas un but unique dans la vie, dont la visée orienterait tout ce
qu’ils auraient à faire dans leur vie personnelle comme dans la vie publique ; les autres
parce qu’ils n’iront pas s’en charger de leur plein gré. Car ils sont persuadés d’être parvenus
de leur vivant dans les îles des Bienheureux. Glaucon — C’est vrai. Socrate — C’est donc
notre tâche, à nous les fondateurs, que de contraindre les meilleures natures à aller vers 40
l’étude de ce que précédemment nous avons déclaré être le plus important, à voir le bien et
à accomplir cette ascension, mais, une fois qu’après leur ascension elles auront vu de façon
satisfaisante, de ne pas leur permettre ce qui à présent leur est permis.
Platon, La République, livre VII (texte remanié),
http://fr.wikisource.org/wiki/La_République_(trad._Chambry)/Livre_VII. Consulté le 26 avril 2012 45
1. 1 - Dites en quelques lignes quelle est la thèse défendue par Socrate dans ce texte de
Platon.
1. 2 - Dans le texte, quel est le sens
a- du mot âme (présent à de nombreuses reprises)
b- du mot nécessaire (ligne 33)
c- du couple de mots être (= "ce qui est", ligne 10) et devenir (lignes 9 et 27).
1. 3 - Le propos de ce texte sur l'éducation relève-t-il - de la pédagogie ?
- de la philosophie ?
Justifiez votre réponse.
1. 4 - Expliquez la comparaison proposée par Socrate à la ligne 3 : "comme s’ils faisaient
entrer la vision dans des yeux aveugles". Vous semble-t-elle pertinente ou abusive?
1. 5 - Pourquoi, selon Socrate, la faculté de connaître ne saurait-elle se suffire à elle-même
"pour aller vers ce qui est lumineux" (ligne 7)?
1. 6 - "Retourner" (lignes 8 et 12), "changer d'orientation" (lignes 12-13), "réorienter" (ligne
15), "retournement" (ligne 20) : pourquoi ce mouvement de l'âme est-il nécessaire
selon Socrate?
1. 7 - Pourquoi, selon Socrate, la vertu de penser n'est-elle pas spontanément orientée
vers le Bien (lignes 18 à 25)? Autrement dit, qu'est-ce qui rend certains hommes
"méchants" (ligne 22)?
1. 8 - "Eduquer, c'est transmettre un savoir", semblent dire les penseurs auxquels Socrate
s'oppose aux lignes 1 à 3. A votre avis, ont-ils complètement tort, partiellement
raison, totalement raison? Justifiez votre réponse.