Dr Ted Morris et les comportements miracles (texte reproduit avec l'autorisation de The Ontario Psychologist) Dr. Ted Morris Allon, Morris, Garber and Fiss Au Congrès de l'an dernier, j'ai présidé un exposé de Dr James Prochaska sur le «repositionnement de la psychologie» parrainé par l'Ontario Chief Psychologists' Association1 . Dr Prochaska soulignait qu'il est malheureux que les médicaments occupent tant de place dans le traitement des problèmes de santé. Cela se comprend toutefois. Les magazines annoncent les plus récents médicaments miracles et nous alimentent régulièrement en promesses de guérison instantanée du «moi en pilule»... de bons sujets de lecture qui comblent notre désir de solutions simples à des problèmes complexes. Dr Prochaska, de la University of Rhode Island, parle de la tyrannie de la médecine de soins aigus. De fait, la biologie a résolu bon nombre de problèmes de santé aigus, mais non pas les problèmes chroniques. Est-il vrai cependant que nous recherchons toujours la pilule magique? Si vous pouviez prévenir le cancer en prenant une pilule chaque jour ou bien en modifiant votre alimentation, laquelle des deux solutions choisiriez-vous? Si vous pouviez aider à prévenir le cancer en prenant une pilule chaque jour ou en consommant davantage de légumes, que feriez-vous? Dans un sondage non officiel mené auprès de professionnels, Dr Prochaska a constaté que tous les professionnels sondés avaient indiqué que les gens prendraient une pilule plutôt que de modifier leur comportement. Néanmoins, 80% des gens interrogés dans le cadre d'un sondage stratifié ont indiqué qu'ils changeraient leur alimentation et 88 % ont indiqué qu'ils consommeraient davantage de légumes. Le plus grand obstacle qui se pose pour la médecine préventive est que 65 % des médecins croient que les gens ne peuvent, ni ne veulent, modifier leur comportement. Dr Prochaska a montré, exemples à l'appui, comment les solutions reposant sur le comportement sont dans bien des cas plus prometteuses que les solutions miracles aux problèmes humains. Voici quelques exemples. Pendant la première année où le timbre à la nicotine a été introduit, une recherche menée par la compagnie pharmaceutique a démontré que le timbre était inefficace s'il n'était accompagné d'un programme visant à modifier le comportement. Le diabète est au nombre des maladies les plus onéreuses pour le régime de soins de santé. Or, des essais cliniques ont clairement révélé qu'il serait possible de prévenir ou de retarder de nombreuses complications les plus onéreuses du diabète au moyen de programmes d'autogestion. La compagnie Tylenol, qui fabrique l'un des analgésiques les plus répandus en Amérique du Nord, avoue que les essais cliniques ne peuvent démontrer que l'analgésique amoindrit la douleur, et ce, même à l'aide de larges échantillons de population. Qui plus est, elle est prête à investir des sommes considérables dans la création de programmes qui visent à modifier le comportement et qui traiteront les causes de la douleur, afin de jouir d'un avantage sur ses concurrents. Les essais cliniques ont également démontré que le Xanax, anxiolytique le plus répandu et le plus rentable, réduit considérablement l'anxiété au bout de huit semaines, mais n'a aucun effet à la seizième semaine. Les données recueillies sur la période de 16 semaines n'ont jamais été publiées. Nous pouvons faire mieux. Des programmes visant à modifier le comportement aux fins du contrôle de l'anxiété ont une incidence non seulement après huit semaines, mais jusqu'à 18 et 24 mois. Les gens ne consacrent pas assez d'efforts sur le plan du comportement dans les cas où nous savons que les solutions biologiques ne pourront leur être suffisamment profitables. En ce qui concerne les médicaments utilisés pour traiter la dépression, Greenberg fait état, dans le Journal of Consulting and Clinical Psychology, de 22 études portant sur les effets des antidépresseurs et n'a pu relever, à la suite d'une méta-analyse, que de modestes effets. Par ailleurs, les médicaments étaient efficaces uniquement du point de vue du médecin traitant. Six mesures de l'évolution de la dépression du point de vue du patient ont révélé que les médicaments n'avaient d'autres effets que celui du placebo. Les éléments de preuve recueillis à l'égard de la nouvelle génération d'antidépresseurs indiquent encore moins d'efficacité. Les patients peuvent bénéficier dans la même mesure de placebos «actifs» ayant des effets secondaires. Des études menées dans des conditions contrôlées, comparant la médication et la psychothérapie, penchent davantage en faveur de cette dernière. (Voir le sondage réalisé par Consumers Report en 1995 sur la psychothérapie.) Voilà où nous en sommes. Ce qu'il nous faut, selon Prochaska, c'est une meilleure couverture des médias au sujet du miracle qui s'opère par le changement de comportement. Par exemple, faire des exercices énergiques à raison de 60 minutes par semaine peut procurer au-delà de 50 avantages vérifiés sur les plans psychologique et physiologique. Une période de relaxation de 20 minutes chaque jour a de nombreuses répercussions bénéfiques. Une séance de psychothérapie de 50 minutes toutes les semaines est également profitable à maints égards; elle réduit l'anxiété et la dépression, rehausse l'estime de soi, améliore les relations sociales, atténue les attitudes défensives et diminue les comportements de dépendance. La thérapie peut aussi accroître le taux de survie à la suite d'un cancer du sein ou d'une maladie cardiovasculaire. «Oust, médicaments. Rétablissons l'équilibre en ouvrant la voie au changement de comportement.» Nous devons tout d'abord joindre la population. Des efforts collectifs s'imposent, mais ne suffisent certainement pas. Nous devons chacun manifester notre présence, sembler être partout, en tout temps. Comme l'adjurait l'entraîneur de hockey de ma fille : «Chaque fois qu'ils font volte-face, vous devez être là.» À l'occasion d'une réunion de planification stratégique qu'a tenue récemment le Répertoire canadien, nous avons adopté ce principe, que nous appelons la psychologie Au premier plan. La population a désespérément besoin d'autres solutions que les promesses illusoires de la médecine de soins aigus. 1 L'exposé de Dr Prochaska, Repositioning Psychology (repositionnement de la psychologie), est disponible sur bande aux Audio Archives of Canada, 100 West Beaver Creek Road, Unit 18, Richmond Hill (Ontario) L4B ]H4. Bande n o 940304-160.