Les formes héréditaires non polyposiques des cancers colorectaux

Les formes héréditaires
non polyposiques
des cancers colorectaux
Hereditary non polyposis colorectal
cancer syndromes
Bruno Buecher, Pierre Laurent-Puig
Service dhépatogastroentérologie
et service de génétique,
Hôpital européen Georges-Pompidou,
20-40, rue Leblanc,
75908 Paris cedex 15,
France
Résumé
Les formes héréditaires non polyposiques des cancers colorectaux posent
des problèmes didentification qui rendent compte de fréquents retards
au diagnostic, parfois très préjudiciables. Il est essentiel de les évoquer
systématiquement et de connaître la stratégie diagnostique du syndrome
de Lynch au cours de laquelle la caractérisation du phénotype tumoral
(recherche dune instabilité des microsatellites ± étude de lexpression des
protéines mismatch repair [MMR] en immunohistochimie) occupe une
place centrale. Lobjectif de cette revue est de préciser ces points et de sou-
ligner les acquisitions récentes relatives aux différents aspects du syndrome
de Lynch : risques tumoraux ; altérations génétiques causales ; corrélations
génotype-phénotype ; facteurs génétiques modificateurs ; modalités de
prise en charge notamment. Nous précisons également létat des connais-
sances concernant les autres formes héréditaires ou familiales de cancers
colorectaux sans polypose, parfois rassemblées sous lappellation
« syndrome X ».
nMots clés : HNPCC, Lynch, syndrome X, cancers colorectaux héréditaires
Abstract
Hereditary non polyposis colorectal cancer syndromes, initially defined by
the validation of the clinical Amsterdam criteria, are more prevalent than
polyposis syndromes and account for 3-5% of the total burden of colorec-
tal cancer. In the absence of specific colonic phenotype, the diagnosis is
sometimes difficult and delayed. Advances in molecular genetics, revealed
that at least half of these cases are due to a germline mutation of one of
the mismatch repair (MMR) genes, mostly MLH1 or MSH2 gene. This causa-
tive mutation that define Lynch syndrome induces genetic instability and
is responsible for tumorigenic accumulation of somatic mutations and
tumour microsatellite instability. Microsatellite instability testing and
immunohistochemistry are therefore useful tools to identify the patients
who are candidate for MMR genes analysis. This review will summarise
the different aspects of Lynch syndrome: tumour risks; causative molecular
alterations; genotype-phenotype correlations; diagnosis strategy; modifier
genes; clinical guidelines for surveillance and management of affected
individuals. We will also consider the familial agregations/hereditary
forms of non polyposis colorectal cancer without evidence of DNA MMR
deficiency, whose molecular determinism is still unknown and that are
sometimes called familial colorectal cancer type X.
nKey words: HNPCC, Lynch, familial colorectal cancer type X
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GASTRO
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Tirés à part : B. Buecher
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Mini-revue
doi: 10.1684/hpg.2010.0506
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Les formes héréditaires des cancers colorectaux sont
des affections rares qui ne rendent compte que de
lordre de 5 % de lensemble des cas. Les formes non poly-
posiques (syndrome HNPCC [hereditary non polyposis colo-
rectal cancer]) sont majoritaires et posent des problèmes
diagnostiques parfois difficiles, dans la mesure où les don-
nées endoscopiques ne permettent pas de les identifier
aisément. Cette situation rend compte dune méconnais-
sance fréquente et dun retard au diagnostic qui est encore
souvent porté devant une agrégation familiale importante
de cancers, alors quune identification plus précoce aurait
permis de mettre en place des mesures de suivi et de dépis-
tage defficacité démontrée chez les individus à risque.
Comme pour les autres syndromes de prédisposition héré-
ditaire aux cancers, les arguments évocateurs du diagnostic
sont la multiplication des cas dans une famille et/ou un(des)
âge(s) au diagnostic inhabituellement jeune(s). Ces argu-
ments sont à la base des critères dAmsterdam établis
initialement de façon arbitraire pour définir le syndrome
HNPCC. Lévolution des connaissances scientifiques a
permis de rattacher la majorité de ces situations à une
mutation germinale inactivatrive dun gène du système de
réparation des mésappariements de lADN appelé mismach
repair (MMR) : MLH1 ou MSH2 le plus souvent, MSH6 plus
rarement, PMS2 exceptionnellement. Le terme syndrome
de Lynch leur est réservé de telle sorte que la définition de
ce syndrome est maintenant moléculaire et non plus
clinique. Les formes familiales de cancers colorectaux sans
polypose ne correspondant pas à un syndrome de Lynch
sont généralement rassemblées sous le terme de syndrome
X. Leur déterminisme génétique nest pas connu. Nous
envisagerons successivement ces différentes entités, syn-
drome de Lynch et autres formes héréditaires ou familiales
de cancers colorectaux sans polypose.
La définition du syndrome de Lynch
est moléculaire et non plus clinique
Syndrome de Lynch
Risques tumoraux associés au syndrome
de Lynch. Notion de « spectre étroit »
et de « spectre large »
Les cancers colorectaux correspondent aux cancers les plus
fréquents, mais ne résument pas les risques tumoraux asso-
ciés au syndrome de Lynch. Les tumeurs extracolorectales
du spectre sont classées en deux groupes en fonction de la
valeur du risque relatif par rapport à la population générale
et de leur valeur prédictive positive pour le diagnostic.
Les tumeurs dites du « spectre étroit » sont caractérisées
par un risque relatif supérieur à 8 et une bonne valeur
prédictive positive. Il sagit :
de ladénocarcinome de lendomètre ;
de ladénocarcinome de lintestin grêle ;
du carcinome urothélial des voies excrétrices urinaires
(bassinet et uretère).
Les tumeurs du « spectre large » sont caractérisées par un
risque relatif compris entre 5 et 8 et une moindre valeur
prédictive positive. Il sagit :
des carcinomes ovariens ;
de ladénocarcinome gastrique ;
des cholangiocarcinomes [1].
Les risques absolus (incidence cumulée au cours de lexis-
tence) pour ces différentes tumeurs sont rapportés dans le
tableau 1. Il faut cependant noter que ces risques sont
probablement surévalués en raison de biais de sélection
de la majorité des études disponibles. Létude ERISCAM
(acronyme pour : estimation des risques de cancer chez
les porteurs de mutation des gènes MMR), menée au sein
du Groupe génétique et cancer de la Fédération des centres
de lutte contre le cancer, a pour objectif dévaluer de façon
plus fiable les risques tumoraux en tentant de saffranchir
du biais de sélection des cas index au moyen dune appro-
che méthodologique adaptée appelée genotype restricted
likelihood (GRL).
Les cancers colorectaux associés au syndrome de Lynch
sont localisés préférentiellement en amont de langle
colique gauche. Certaines caractéristiques histologiques
sont rapportées dans les différentes séries : faible degré
de différenciation, architecture généralement massive ;
présence dun contingent colloïde muqueux et réaction
lymphocytaire dense Crohn-like du stroma [2].
En ce qui concerne les tumeurs gynécologiques, on estime
que 1 à 2 % de lensemble des cancers de lendomètre
surviennent dans le contexte dun syndrome de Lynch et
Tableau 1. Le « spectre tumoral »
du syndrome de Lynch (1).
Localisation tumorale Risque relatif
Risque
absolu
a
(%)
Côlon-rectum 50-60
Spectre « étroit » RR > 8
Endomètre 30-40
Intestin grêle < 5
Voies excrétrices urinaires
(bassinet, uretères)
<5
Spectre « large » 5 < RR < 8
Ovaire 8-12
Estomac < 5
Voies biliaires < 5
a
Risques cumulés au cours de lexistence.
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que ce pourcentage atteint 9 % en cas de diagnostic à un
âge inférieur à 50 ans [3]. Lexistence dantécédents
personnels ou familiaux de cancers du spectre, labsence
de surcharge pondérale (facteur « environnemental »
de risque), lexistence dun cancer de lovaire synchrone
et certaines caractéristiques histologiques (infiltration
lymphocytaire dense, péritumorale et au niveau du stroma ;
coexistence dun contingent endométrioïde et dun contin-
gent indifférencié) sont des paramètres associés à une plus
grande probabilité de syndrome de Lynch [3, 4]. De même,
la localisation au niveau de listhme utérin serait associée à
une prévalence accrue de syndrome de Lynch. Ainsi, ce
diagnostic était porté dans dix cas (soit 29 % des cas)
dans la série de 35 cas consécutifs dadénocarcinomes de
listhme récemment rapportée par Westin et al. [5]. Deux à
trois pour cent de lensemble des cancers de lovaire survien-
draient dans le contexte dun syndrome de Lynch [6]. Ici
encore, la prévalence du syndrome de Lynch chez les fem-
mes atteintes dun cancer de lovaire augmente en cas
dantécédents personnels ou familiaux de cancers du spectre
et en cas de diagnostic précoce. Elle était de 10 % dans la
série de 52 cas diagnostiqs à un âge inférieur ou égal à
50 ans, rapportée par Jensen et al. [7]. Si les carcinomes
séreux représentent le type histologique majoritaire, une sur-
représentation des carcinomes mucineux, endotrioïdes et
à cellules claires est rapportée dans différentes séries.
1à2%delensemble des cancers
de lendomètre surviennent dans
le contexte dun syndrome de Lynch
Formes phénotypiques particulières
Les tumeurs malignes développées aux dépens des glandes
sébacées et les tumeurs cérébrales peuvent également
sobserver au cours du syndrome de Lynch et définissent
deux formes phénotypiques particulières.
Syndrome de Muir-Torre
Le syndrome de Muir-Torre correspond à une variété phé-
notypique du syndrome de Lynch, le plus souvent associée
à une mutation du gène MSH2, caractérisée par la présence
de lésions cutanées développées aux dépens des glandes
sébacées (adénomes sébacés, sébacéomes et carcinomes
sébacés) [8]. Ces lésions se présentent sous la forme de
papules ou de nodules fermes, de couleur chair ou jaunâ-
tre, parfois érodés. Les carcinomes sébacés se développent
préférentiellement aux dépens des glandes sébacées des
paupières (ou glandes de Meibomius) et peuvent être
pris à tort pour un chalazion ou une blépharoconjonctivite
chronique. La présence de telles lésions cutanées dans
un contexte dagrégation de cancers colorectaux ou du
spectre du syndrome de Lynch est très évocatrice de ce
diagnostic. Des kératoacanthomes et des carcinomes
basocellulaires à différenciation sébacée sont également
possibles.
Syndrome de Turcot
Le risque de tumeurs cérébrales est augmenté au cours du
syndrome de Lynch de même quau cours de la polypose
adénomateuse familiale. La survenue de ces tumeurs dans
le contexte dune prédisposition génétique majeure aux
cancers colorectaux définit le syndrome de Turcot. Les types
histologiques diffèrent en fonction du type de prédisposi-
tion génétique, puisquil sagit principalement de glio-
blastomes, dastrocytomes et doligodendrogliomes dans
le contexte du syndrome de Lynch, alors les médullo-
blastomes correspondent au type histologique majoritaire
dans le contexte de la polypose adénomateuse familiale [9].
Stratégie diagnostique
La mutation causale est responsable dune faillite du sys-
tème MMR doù une perte de la fidélité de la réplication
de lADN qui peut être mise en évidence par la présence
dune instabilité des microsatellites au niveau tumoral
(phénotype MSI). Létude immunohistochimique objective
par ailleurs une perte dexpression de la protéine codée par
le gène muté. Le manque de sensibilité et de spécificité des
critères clinique dAmsterdam a conduit à accorder une
place centrale à la caractérisation du phénotype tumoral
dans la stratégie diagnostique du syndrome de Lynch.
En pratique, il est recommandé dévoquer le diagnostic de
syndrome de Lynch et de chercher une instabilité des micro-
satellites pour toute tumeur du spectre diagnostiquée à un
âge inférieur à 60 ans ou quels que soient les âges au diag-
nostic en cas datteintes multiples chez un même individu
ou chez deux apparentés au premier degré [1]. Létude
moléculaire constitutionnelle est alors réservée aux seuls
individus dont la tumeur présente une instabilité des micro-
satellites. Les données immunohistochimiques ont lintérêt,
dans un tel contexte, de guider létude moléculaire en la
ciblant sur le gène codant pour la protéine défectueuse.
Le manque de sensibilité
et de spécificité des critères cliniques
dAmsterdam a conduit à accorder une place
centrale à la caractérisation du phénotype
tumoral dans la stratégie diagnostique
du syndrome de Lynch
Différents modèles ont été récemment développés pour
évaluer la probabilité didentification dune mutation ger-
minale chez un individu donné à partir des caractéristiques
de lhistoire tumorale personnelle et familiale et éventuelle-
ment des données de létude somatique (recherche dune
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HNPCC
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instabilité des microsatellites ± étude de lexpression des
protéines de réparation des mésappariements de lADN
en immunohistochimie) [10]. Ces outils sont facilement
disponibles en ligne. Outre le fait quils présentent chacun
un certain nombre de faiblesses méthodologiques, leur uti-
lité clinique même est discutable. Ils pourraient néanmoins
être utiles pour guider les indications détude génétique
constitutionnelle et les recommandations de prise en
charge dans les situations cliniques suivantes :
absence détude somatique possible (matériel non
récupérable et/ou non exploitable) ;
cancer du côlon proximal associé à une instabilité des
microsatellites et à un défaut dexpression de la protéine
MLH1 posant la question du diagnostic différentiel entre
un cancer sporadique et un cancer survenant dans le
contexte dun syndrome de Lynch en rapport avec
une mutation germinale du gène MLH1 (cf. diagnostic
différentiel).
Il est recommandé dévoquer
lediagnosticdesyndromedeLynch
et de chercher une instabilité des
microsatellites pour toute tumeur du spectre
diagnostiquée à un âge inférieur à 60 ans ou
quels que soient les âges au diagnostic en cas
datteintes multiples chez un même individu ou
chez deux apparentés au premier degré
Altérations génétiques causales
Les gènes les plus fréquemment impliqués correspondent
aux gènes MLH1 et MSH2 dont les altérations rendraient
compte de 30 et 35 % des cas respectivement. Les altéra-
tions du gène MSH6 et surtout du gène PMS2 sont
beaucoup plus rares. Les mutations les plus fréquentes
correspondent aux mutations ponctuelles (faux sens ou
non-sens) et aux délétions ou insertions dun petit nombre
de nucléotides responsables, lorsquil ne sagit pas dun
multiple de 3, dun décalage du cadre de lecture et de la
genèse dun codon-stop prématuré. Ces mutations sont
identifiées par les techniques danalyse « conventionnel-
les » (généralement pre-screening par dHPLC suivi dun
séquençage des fragments ayant un profil anormal).
Les réarrangements de grande taille correspondent à des
délétions et/ou des duplications dun ou de plusieurs
exons résultant dévénements de recombinaison homolo-
gue non allélique. Leur identification échappe à lanalyse
par séquençage, lallèle « réarrangé » étant masqué par la
persistance de lallèle normal, ce qui justifie la mise en
œuvre dune technique danalyse particulière : PCR quanti-
tative ; multiplex ligation probe assay (MLPA) ou quantita-
tive multiplex PCR of short fluorescent fragments (QMPSF).
Ces réarrangements sont relativement fréquents, en parti-
culier au niveau du gène MSH2, puisquils rendraient
compte denviron 15 % des cas. Leur recherche doit donc
être systématique [11]. Lutilisation de la MLPA a récem-
ment permis didentifier de façon fortuite un nouveau
type daltérations génétiques responsables du syndrome
de Lynch. Il sagit de délétions de grande taille intéressant
la partie 3du gène TACSTD1 ou EPCAM, qui est localisé en
amont du gène MSH2. Ces délétions sont responsables de
la synthèse dun transcrit de fusion TACSTD1-MSH2 par
perte du signal de polyadénylation (normalement respon-
sable de la fin de la transcription) et de linactivation de
MSH2 par hyperméthylation de son promoteur [12, 13].
Une hyperméthylation « constitutionnelle » du promoteur
du gène MLH1 a également été rapportée dans des familles
fortement suspectes de syndrome de Lynch. Elle pourrait
être la conséquence dune altération génétique en cis,
non encore identifiée, selon un mécanisme proche de
celui décrit précédemment à propos de MSH2 [14].
Dautres altérations génétiques peuvent être rarement
en cause, qui doivent être recherchées en cas de forte sus-
picion de syndrome de Lynch, alors que la recherche de
mutation ponctuelle sur la séquence codante et les régions
introniques flanquantes et de réarrangements de grande
taille est négative. Il peut sagir :
de mutations introniques profondes responsables dune
anomalie dépissage qui peuvent être mises en évidence
indirectement par une étude des transcrits ;
de remaniements des promoteurs ou de mutations
dans des régions non codantes responsables dun défaut
dexpression de lallèle concerné par altération dun site
consensus de liaison dun facteur de transcription ou
altération de structure, pour les premières ; altération de
séquences régulatrices, enhancers ou silencers, de la tran-
scription, parfois situées à plusieurs centaines ou plusieurs
milliers de paires de bases en 5ou 3du gène, pour les
secondes.
Lévaluation quantitative et « séparée » de lexpression de
chacun des deux allèles est une méthode indirecte de
recherche de ces mutations dont la mise en évidence est
complexe.
Corrélations phénotype-génotype
Lhétérogénéité dans lexpression clinique du syndrome de
Lynch est une observation ancienne. Différentes études ont
permis détablir une relation entre le gène en cause dans
une famille donnée et le phénotype clinique. Ainsi, il est
désormais établi que les mutations constitutionnelles du
gène MSH6 sont associées à un moindre risque de cancers
colorectaux, à un risque majoré de cancer de lendomètre
et à une fréquence accrue des présentations cliniques
« atypiques ». Il est également probable que le risque de
cancers « extracolorectaux », et notamment de cancers
des voies excrétrices urinaires, soit plus élevé en cas
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de mutation constitutionnelle du gène MSH2 quen cas de
mutation du gène MLH1. Les données relatives aux risques
tumoraux associés aux mutations du gène PMS2 étaient
quasiment inexistantes compte tenu de leur rareté. Cest
lintérêt de la publication récente de Senter et al. qui a
porté sur 39 familles avec syndrome de Lynch en rapport
avec une mutation germinale de ce gène [15]. Dans ce tra-
vail, le risque relatif de cancer colorectal par rapport à la
population générale était évalué à 5,2, soit un risque
cumulé à 70 ans évalué à 20 % (IC 95 % : 11-34 %) chez
les hommes et à 15 % (IC 95 % : 08-26 %) chez les fem-
mes. Laugmentation du risque de cancer de lendomètre
était évaluée à 7,5, soit un risque cumulé à 70 ans évalué à
15 % (IC 95 % : 06-35 %). Ces données suggèrent donc
que la prévalence des cancers colorectaux et des cancers de
lendomètre serait plus faible en cas dimplication du gène
PMS2 et que les modalités de la surveillance pourraient être
« allégées » dans ce contexte.
Une relation existe entre le gène
en cause dans une famille donnée
et le phénotype clinique
Facteurs génétiques modificateurs
Lexistence de facteurs génétiques modificateurs (polymor-
phismes fonctionnels ou combinatoires de polymorphismes
de différents gènes) pourrait également rendre compte en
partie de lhétérogénéité phénotypique inter- et intrafami-
liale. Leur caractérisation a pour objectif de permettre une
meilleure évaluation individuelle des risques tumoraux qui
pourrait conduire, à lavenir, à une modulation des recom-
mandations de dépistage et de prise en charge. Différentes
approches méthodologiques sont possibles visant à évaluer
limpact daltérations de gènes « candidats », impliqués
dans la carcinogenèse colorectale et partenaires éventuels
des gènes du système MMR, ou daltérations génétiques
identifiées comme facteurs génétiques mineurs de suscep-
tibilité au moyen dapproches pangénomiques. À titre
dexemple, Reeves et al. ont observé une relation entre
lâge au diagnostic des cancers colorectaux et le nombre
de répétitions du motif dinucléotidique cytosine/adénine
(CA) localisées en amont du promoteur du gène de
linsulin-like growth factor-1 (IGF1) dans le contexte des
mutations des gènes MLH1 et MSH2 [16]. Ainsi, lâge
médian pour le diagnostic des cancers colorectaux était
inférieur de 12 ans chez les individus avec un nombre de
répétitions CA inférieur ou égal à 17 par rapport aux indi-
vidus avec un nombre de répétitions supérieur ou égal à 18,
et le risque relatif de cancer colorectal diagnostiqué à un
âge inférieur à 60 ans était de 1,70 (IC 95 % : 1,25-2,31)
dans le premier groupe. Le travail de Wijnen et al. a consisté
à réaliser un génotypage de six variants de type single
nucleotide polymorphism (SNP) préalablement incriminés
dans la genèse des cancers colorectaux sporadiques dans
des études pangénomiques chez 675 patients atteints du
syndrome de Lynch, issus de 127 familles hollandaises [17].
Il a conclu à une association significative entre le risque de
cancer colorectal et les variants rs16892766 et rs3802842,
localisés au niveau des loci 8q23.3 et 11q23.1 respective-
ment. Les facteurs génétiques récemment associés aux
cancers colorectaux sporadiques (tels que lexpression
du gène du récepteur de type I du TGFβ) ou impliqués
dans des agrégations familiales non syndromiques (tels
que le variant 1100delC du gène CHEK2) correspondent
à des candidats potentiels. Les données récemment
publiées relatives à limpact des mutations du gène MYH
sur lexpression phénotypique du syndrome de Lynch
associé à une mutation germinale du gène MSH6 sont
discordantes [18].
Diagnostic différentiel
Cancers « sporadiques »
avec instabilité des microsatellites
Linstabilité des microsatellites nest pas spécifique des
cancers survenant au cours du syndrome de Lynch. Elle est,
en effet, observée dans environ 20 % des cancers coliques
sporadiques et résulte dans ces cas dune hyperméthylation
du promoteur du gène MLH1 (à lexclusion des autres
gènes du système MMR), liée à la sénescence et respon-
sable dun défaut dexpression du gène dont la séquence
codante est intacte (mécanisme épigénétique). Les tumeurs
répondant à ce mécanisme de carcinogenèse sont toujours
localisées en amont de langle colique gauche. En pratique,
alors que les tumeurs présentant une instabilité des micro-
satellites, localisées au niveau du côlon distal ou du rectum
et/ou associées à un défaut dexpression des protéines
MSH2 et/ou MSH6 sintègrent très certainement dans un
syndrome de Lynch, le diagnostic différentiel avec une
tumeur sporadique se pose pour les tumeurs du côlon
proximal associées à un défaut dexpression de la protéine
MLH1, en particulier en cas de diagnostic à un âge supé-
rieur à 50 ans et/ou en labsence dagrégation familiale de
cancer colorectal ou du spectre du syndrome de Lynch.
La recherche de la mutation somatique V500E du gène
B-Raf peut être utile dans une telle situation, puisquelle
est observée dans environ 30 % des cancers coliques
sporadiques avec instabilité des microsatellites, alors quelle
nest classiquement pas observée au cours du syndrome
de Lynch. La recherche dune hyperméthylation du
promoteur du gène MLH1 peut également être utile dans
ce contexte.
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