La Lettre du Cancérologue • Vol. XVIII - n° 4 - avril 2009 | 203
DOSSIER THÉMATIQUE
à une fréquence accrue des présentations cliniques
atypiques. Il est également probable que le risque
de cancers “extra-colorectaux”, et notamment de
cancers des voies excrétrices urinaires, soit plus élevé
en cas de mutation constitutionnelle du gène MLH2
qu’en cas de mutation du gène MLH1.
Nos connaissances en matière de corrélations géno-
type/phénotype se sont récemment enrichies grâce
à la publication de L. Senter et al., qui a porté sur
39 familles avec syndrome de Lynch en rapport avec
une mutation germinale du gène PMS2 (2). Dans
ce travail, le risque relatif (RR) de cancer colorectal
par rapport à la population générale était évalué
à 5,2, soit un risque cumulé, à 70 ans, évalué à 20 %
(IC95 : 11-34) chez les hommes et à 15 % (IC95 : 8-26)
chez les femmes. L’augmentation du risque de cancer
de l’endomètre était évaluée à 7,5, soit un risque
cumulé à 70 ans évalué à 15 % (IC
95
: 6-35). Ces
données suggèrent donc que la prévalence des
cancers colorectaux et des cancers de l’endomètre
serait plus faible en cas d’implication du gène PMS2
et que la surveillance pourrait être “allégée” dans
ce contexte.
L’existence de facteurs génétiques modificateurs
(polymorphismes ou combinatoires de polymor-
phismes de différents gènes) pourrait également
rendre compte en partie de l’hétérogénéité phénoty-
pique inter- et intra-familiale. S.G. Reeves et al. ont
ainsi observé une relation entre l’âge au diagnostic
de cancer colorectal et le nombre de répétitions
du motif di-nucléotidique cytosine/adénine (CA),
localisées en amont du promoteur du gène de l’in-
sulin-like growth factor 1 (IGF1), dans le contexte
des mutations des gènes MLH1 et MSH2 (3). Ainsi,
chez les individus ayant un nombre de répétitions
CA ≤ 17, l’âge médian pour le diagnostic des cancers
colorectaux était inférieur de 12 ans à celui des indi-
vidus ayant un nombre de répétitions ≥ 18. D’autre
part, le RR de cancer colorectal diagnostiqué avant
l’âge de 60 ans était de 1,70 (IC
95
: 1,25-2,31) dans le
premier groupe. D’autres facteurs génétiques pour-
raient conditionner, isolément ou en association,
et conjointement aux facteurs d’environnement,
l’expression clinique du syndrome de Lynch. La
caractérisation de ces facteurs génétiques modi-
ficateurs correspond à un objectif important, qui
permettra à l’avenir une meilleure évaluation indi-
viduelle des risques tumoraux, et une modulation
des recommandations de dépistage. Les facteurs
génétiques “mineurs” de susceptibilité récemment
associés aux cancers colorectaux sporadiques (tels
que l’expression du gène du récepteur de type I du
TGFβ) ou impliqués dans des agrégations familiales
non syndromiques (tels que le variant 1100delC
du gène CHEK2) correspondent à des candidats
potentiels.
Évaluation de l’endoscopie
à bandes spectrales étroites
pour la surveillance
des patients
La surveillance coloscopique des sujets atteints
d’un syndrome de Lynch permet de diminuer l’inci-
dence des cancers colorectaux ainsi que la mortalité
globale et spécifique. Ses modalités sont actuelle-
ment relativement bien codifiées et font l’objet de
recommandations de la part de différentes sociétés
savantes.
L’intérêt de la chromo-endoscopie à l’indigo carmin,
qui permet d’augmenter la sensibilité de la procédure
pour le dépistage des lésions sessiles et planes, est
généralement admis. L’endoscopie à bandes spec-
trales étroites (narrow band imaging [NBI]), qui
réalise une véritable “chromoscopie virtuelle” et
est de mise en œuvre plus aisée que la chromo-
scopie à l’indigo carmin, pourrait correspondre à
une alternative intéressante.
J.E. East et al. ont évalué l’intérêt de l’exploration
endoscopique en mode NBI, en complément de l’ex-
ploration “conventionnelle”, pour le dépistage des
adénomes chez 62 sujets avec syndrome de Lynch
documenté (mutation identifiée : 8 cas) ou suspecté
(sujets issus de familles satisfaisant les critères clini-
ques d’Amsterdam : 54 cas ; mutation causale iden-
tifiée : 11 cas) [4]. L’exploration en mode NBI était
réalisée après l’exploration en lumière blanche, depuis
le caecum jusqu’à la charnière côlon gauche/côlon
sigmoïde. Dans ce travail, l’exploration en mode NBI
permettait d’augmenter à la fois le nombre total
de polypes adénomateux identifiés (46 versus 25 ;
p < 0,001) et la proportion de sujets chez lesquels
au moins 1 adénome était identifié sur ce segment
digestif (26/62 = 42 % versus 17/62 = 27 %, soit une
différence absolue de 15 % [IC95 : 4-25] ; p = 0,004).
Neuf des 21 adénomes identifiés en mode NBI, soit
45 %, étaient de type plan. L’exploration en mode
NBI était également associée à une augmentation
du nombre de polypes hyperplasiques et d’autres
histologies (polypes “inflammatoires” et “hyperplasie
lymphoïde”) identifiés.
Ces données suggèrent donc que cette procédure
pourrait être intéressante dans le contexte du
syndrome de Lynch. Son évaluation clinique doit