Le Premier ministre
No 34/96/SG
Décret du 22 janvier 1996
(JO des 23 et 24 janvier)
Monsieur Michel Rufin,
sénateur de la Meuse
Palais du Luxembourg
75291, Paris Cedex 06
Paris, le 22 janvier 1996
Monsieur le sénateur,
La France connaît un système original de protection de la
jeunesse fondé sur la coexistence de deux dispositifs, l’un administratif,
l’autre judiciaire, dont le bien fondé ne suscite guère de critique.
L’aide sociale à l’enfance a pris, en 1983, suite aux lois de
décentralisation, un tournant décisif en passant de la responsabilité de
l’État à celle des départements.
L’éducation surveillée, devenue en 1990 Protection judiciaire
de la jeunesse, a été chargée initialement, en 1945, de la prise en charge
des jeunes ayant commis des infractions pénales.; puis son domaine
d’activité a été élargi, en 1958, à l’assistance éducative.
Depuis ces dates historiques, la société française a connu de
profondes mutations. La dégradation de la situation économique et
l’aggravation de la fracture sociale dénoncée par le Président de la
République ont entraîné le développement de situations d’exclusion
graves, particulièrement sensibles dans nombre de quartiers des villes ou
de leurs banlieues. Ces difficultés ont touché de plein fouet ceux qui sont
au nombre des plus vulnérables au sein de la population : les jeunes,
souvent confrontés à la désintégration de la cellule familiale, aux échecs
scolaires, aux doutes sur leur avenir professionnel, quand ce n’est pas
aux tentations de la délinquance. On constate, sur ce dernier plan, une
radicalisation de la violence des actes de délinquance juvénile et une
participation de mineurs de plus en plus jeunes à des actes délictueux.
Ces phénomènes constituent pour l’État, et tout particulière-
ment pour la Protection judiciaire de la jeunesse, un sujet de préoccupa-
tion d’une acuité sans précédent mais aussi un puissant facteur de
mobilisation.
D’ores et déjà, il y a lieu d’observer que, sans remettre en
cause la vocation éducative de cette administration, qui fonde sa légitimité
sur la décision judiciaire, certaines interrogations ont vu le jour sur ses
missions, définies par les ordonnances de 1945 et 1958, puis par diverses