ET SI DIEU EST MORT ! Hakim BaH - Jacques allaire
3/12
NOTE D'INTENTION LE PROJET
Jacques Allaire
Et si Dieu est mort est un projet de création d'un texte qu’Hakim Bah écrira à partir du livre Ainsi
parla Zarathoustra de Nietzsche.
Il y a un certain temps que je voulais travailler sur ce texte fondateur de la pensée moderne et
sur les questions qui se posent de nos jours. Essentiellement la question de l'émancipation de
l'humanité des dogmes économiques, politiques, religieux, etc. Mais je souhaitais traiter le livre
et ses questions comme on pourrait le faire d’un mythe, et non comme le flot déversé d'une
vérité d'un seul homme ainsi que peut apparaître Zarathoustra. Et il me semblait nécessaire
de le faire depuis l'invention d'une fable qui ne soit pas l'adaptation de Nietzsche mais le
Zarathoustra comme matériau de pensée et nourriture d'une invention poétique.
Il s'agit de se détourner en conséquence de toute forme d'adaptation et pour cela j'avais le désir
de m'associer à un auteur de notre temps, un jeune auteur qui se confronterait et s'emparerait
de cette matrice pour inventer une "fable" à partir de sa langue et de sa culture.
Ainsi, en consultation avec Le Tarmac, nous nous sommes tournés vers Hakim Bah et lui avons
proposé d'écrire pour moi et soumis cette commande d'une pièce, Et si Dieu est mort.
Ce n'est donc pas une adaptation mais une commande qui est faite à Hakim Bah : d'écrire
à travers le texte de Nietzsche sur les questions qui se posent à l'homme moderne. Il s’agit
de les problématiser par la création d'une fable et l'invention de personnages ainsi que l'ont
fait à leur manière Ibsen (Brand) ou Byron (Manfred), ou encore Hermann Hesse (Le retour de
Zarathoustra), sans parler du livret d'opéra de Strauss.
Zarathoustra a valeur de mythe aujourd'hui, aussi puissamment que Faust, à l'égal des
grands mythes qui ont nourri la dramaturgie mondiale. Ce texte est à la fois pensée et texte
philosophique. Un récit et un poème lyrique autant qu'une odyssée peuplée d'étranges
créatures. Il pose surtout à notre temps les questions de son dépassement dans une parole
et une pensée libératrice qui explosent littéralement les cadres normatifs avec lesquels
notre temps se débat encore : replis identitaires, conservatismes, murs et patrie frontière et
famille. Mythologies délirantes, origines pures que chacun se renvoient : les vrais français,
la vraie Amérique, la Russie éternelle, le peuple élu d'Israël, les fondamentalistes de la vraie
foi, les races, etc. Tout ce fatras nauséabond où les peuples risquent de s'engluer à force
de manipulation, de négligence, de directivisme d'état ou de mercantilisation des rapports
humains et de consumérisme.
Pensée visionnaire dont il s'agit de s'emparer mais j'ai posé quelques contraintes à Hakim
Bah en lui proposant de passer par les filtres de Ibsen, de Tchekhov ou encore de quelques
nouvelles de Jack London. Un peu comme si le texte, l'ensemble de ces textes était un édifice
de verre qui aurait explosé et serait tombé en éclats. Je lui ai proposé d'écrire depuis les débris
de verre et les éclats, la fable des sensations qu'ils lui inspirent, et sans jamais chercher à
restituer l'édifice, sans chercher à remettre en ordre d'origine les morceaux de verre brisé, ni à
tous les utiliser, mais en acceptant d'être guidé par l'organisation des sensations et les fictions
que cela lui inspire. Ces morceaux de "verre brisés" sont la matière depuis lesquels Hakim Bah
écrira et inventera la pièce Et si Dieu est mort.