La Lettre du Psychiatre • Vol. V - n° 4-5 - juillet-octobre 2009 | 85
Résumé
Les troubles cognitifs constituent incontestablement une des caractéristiques les plus invali-
dantes de la schizophrénie. Ils sont fortement corrélés aux perturbations de la vie quotidienne
et de l’insertion socioprofessionnelle des patients. Au vu des résultats observés avec quelques
patients, une remédiation cognitive, fondée sur un programme ciblé et une approche “sur
mesure” tenant compte du profil cognitif propre à chaque patient, et se focalisant directe-
ment sur les situations de la vie quotidienne, semble être particulièrement prometteuse et
appropriée aux patients schizophrènes.
Mots-clés
Schizophrénie
Remédiation cognitive
Approche
“sur mesure”
Vie quotidienne
Insertion
socioprofessionnelle
Highlights
Cognitive impairments are
undeniably one of the most
disabling characteristics of
schizophrenia. These impair-
ments are strongly correlated
with everyday life disturbances
and with the patient’s social
and professional outcome. A
form of cognitive remediation,
grounded on a specific program
and a “made-to-measure”
approach, which takes into
account the cognitive profile
of each patient, and which
is specifically focalized on
everyday life situations, seems
to be a particularly promising
and appropriate approach for
schizophrenic patients.
Keywords
Schizophrenia
Cognitive remediation
“Made-to-measure”
approach
Everyday life
Social and professional
outcome
sions et de prise de décisions à travers la déter-
mination d’une loi de correspondance fondée sur
une caractéristique particulière (symbole, couleur,
nombre) des cartes. Alors que les auteurs ont
observé une amélioration des performances des
sujets à cette tâche particulière, ils n’ont pas pu
objectiver une extension de cette amélioration
à des tâches similaires non remédiées (Vygotsky
concept formation test).
De même, A. Médalia et al. (9) ont appliqué un
programme d’entraînement mnésique (procédés
mnémotechniques, activités de mémorisation
de séquences de mots, etc.) à une population de
patients schizophrènes. Si les performances des
sujets se sont améliorées pour les tâches mnésiques
travaillées, les auteurs n’ont pas observé de géné-
ralisation dans la vie quotidienne des stratégies
apprises lors du programme d’entraînement. Or,
en l’absence de généralisation, il est vain d’espérer
que les progrès se répercutent sur le fonctionnement
quotidien des patients.
Limites des interventions
cognitives classiques
En fait, ces études relèvent davantage de la stimu-
lation que de la remédiation cognitive. Une fonc-
tion (mémoire, attention, fonction exécutive) est
“surentraînée”, habituellement à l’aide d’exercices
de type drill, sans but autre que celui de savoir faire,
in fine, une tâche donnée, souvent sans lien avec
les préoccupations ni avec les besoins du patient.
Nombre d’études publiées utilisent comme seule
mesure d’efficacité de la remédiation cognitive les
améliorations obtenues aux tests réalisés en neuro-
psychologie, ce qui ne constitue aucunement une
mesure satisfaisante d’éventuels progrès dans la
vie quotidienne.
Or, le but principal de la remédiation cognitive n’est
nullement d’améliorer les scores obtenus aux diffé-
rentes épreuves de laboratoire, mais de réduire les
incapacités et le handicap psychique qui en découle,
handicap auquel doivent faire face les patients.
Les travaux classiques sont souvent conçus sans
analyse préalable des problèmes spécifiques de
chaque patient, et ils ne précisent pas la nature
du lien qui existerait entre les déficits cognitifs des
patients et leur statut fonctionnel. En outre :
➤
leur objectif cible est fréquemment réduit à
une problématique très générale, habituellement
abstraite et sans rapport aucun avec les préoccu-
pations quotidiennes des patients ;
➤
ils utilisent des tâches cognitives non pertinentes
sur le plan théorique ;
➤
ils ne posent pas d’hypothèses précises sur les
liens existant entre des activités spécifiques de
la vie quotidienne et certains processus cognitifs
spécifiques ;
➤
ils ne tiennent pas compte de l’hétérogénéité des
déficits cognitifs ni des difficultés de la vie quoti-
dienne rencontrées par les patients ;
➤
ils ne comportent pas de lignes de base, dont la
fonction essentielle est de permettre l’objectivation
d’une évolution des performances, observée entre
le début et la fin de la thérapie ;
➤
les domaines fonctionnels explorés sont insuf-
fisamment délimités ;
➤
aucune de ces études ne fait référence à un
modèle théorique qui prendrait en compte les
relations existant entre les processus cognitifs
étudiés et l’insertion sociale et professionnelle des
patients.
Alternative et conclusion
Or, s’il est un point qui nous paraît fondamental,
c’est de tenir compte des attentes et des envies des
patients, de leurs domaines d’expertise, de discuter
avec eux des domaines auxquels remédier et des
buts à atteindre. L’objectif de la remédiation doit
revêtir un sens pour le sujet, correspondre à un
de ses buts de vie et véhiculer la notion de plaisir.
La remédiation cognitive nécessite l’implication
personnelle des patients, la création d’un parte-
nariat entre patient et thérapeute à travers des
activités, un cadre et des interactions riches et
originales.
Le but ultime n’est pas de s’attaquer à la détério-
ration cognitive, mais à ses conséquences, à savoir
l’incapacité que constitue, par exemple, le fait de ne
pas savoir organiser son quotidien, et le handicap
qui en découle. La levée de cette incapacité et l’au-