ALAES UPPA Journée sur DO Nicolas Ballier 01/02/03 1
Les collocations en DO et le statut de verbe léger
Nicolas Ballier
Rouen, CETAS
nicolas.ballier@univ-rouen.fr
Cette contribution s'intéresse à la complémentation de DO, notamment à certains des emplois
en tant que "light verb"1 / verbe léger dans des constructions du type "do a dance". Dans The
Cambridge Grammar of the English Language, R. Huddleston et G. Pullum n'ont pas les
mêmes contraintes de sélection pour les GN objets de ce type de construction que RMW
Dixon dans A New Approach to English Grammar on Semantic Principles. C'est la
problématique retenue dans la simulation de sujet qui organise le corpus en annexe. Plus
spécifiquement, il s'agit de distinguer des constructions en nom verbal (do the talking) et des
constructions avec un déverbal (do a dance). On détaillera quelques effets sémantiques, et
notamment aspectuels, de ce type de constructions de DO.
0. Problèmes de désignation
La question met au jour de nombreuses désignations de ces constructions en anglais (de "thin
verb" / "extended verb construction" chez Allerton2, à "support verb" (Fillmore) en passant
par "have a look constructions" ou "have a VERB"3. Nous parlerons ici d'emplois comme verbe
léger, voire de "tour léger", sans préjuger de l'utilisation du terme de "léger" chez les
générativistes. On parle plutôt de "verbe support" pour des constructions figées en français.
Gaston Gross, notamment, parle de "verbes supports" pour des constructions telles que
"mettre à toutes les sauces", "mettre le paquet", "mettre la table".
Un rapide examen montre que le "tour léger" ne vaut pas pour le français
1. parce que les formes citationnelles de l'infinitif en français limitent les cas de conversions
nominales à des cas tels que faire le goûter / faire le dîner,
2. parce que les contraintes de figements sont alors beaucoup plus nombreuses; ainsi mettre la
grande table a-t-il un sens différent de mettre la table (de même pour mettre le petit paquet
par rapport à mettre le paquet).
1. Une définition possible des "light verbs"
Il s'agira bien d'emplois "lexicaux" de DO, susceptibles de faire intervenir des auxiliaires dans
1 Cette contribution doit passablement pour sa problématique au traitement par Jacqueline Guéron, lors d'une
conférence prononcée à Rouen le 29 novembre 2002, de toute une série d'emplois qui ne paraissaient pas relever
du même phénomène, mais qui relevaient tous d'emplois que les énonciativistes appelleraient "lexicaux".
2 ALLERTON, DJ 2002, Stretched verb constructions in English, Routledge, Routledge Studies in
Germanic Linguistics. English "stretched verb structures" (e.g. make an attempt, have a try)
http://www.unibas.ch/anglist/people/teachers/allerton.htm
3 La convention notationnelle n'est pas le moindre des problèmes de cette prolifération terminologique. Il peut
paraître paradoxal d'accorder à une forme donnée (un COD) les attributs d'un paradigme sous les traits de petites
capitales, en d'autres termes, de confondre une forme de mots et un lexème. La question se pose de savoir, pour
le verbe recteur comme pour le COD, si l'on doit conserver les attributs typographiques d'une forme abstraite
(lexème ou opérateur) quand on cherche à désigner une construction particulière ou une classe d'emplois. Après
avoir souligné les difficultés terminologiques, nous sombrons "naturellement" dans l'hubris et proposons nous-
même une énième désignation.
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la négation. Voici la définition donnée par Trask dans son dictionnaire :
light verb /laIt/ n. A verb with little or no semantic content of its own which
combines with a (usually indefinite) direct object noun or NP which itself expresses a
verbal meaning. In English, the most usual light verbs are make, do, take, have and
give, as in such expressions as have a look, take a drink, have a smoke, do a dance,
give a shrug, make a move, give a kiss and have a wash. Most light verb
constructions in English have matching lexical verbs from which they differ, if at all,
in an aspectual nuance: there appears to be little difference between She gave him a
kiss and She kissed him, but there is a perceptible difference between She took a
drink and She had a smoke, on the one hand, and She drank and She smoked, on the
other. Light verbs occur in many languages other than English: Japanese suru,
Turkish etmek and Basque egin, all meaning roughly 'do' for example, all serve to
construct large numbers of verbal expressions with accompanying nouns, though in
these languages, unlike in English, there is usually no alternative lexicalization
available. Turkish etmek is in fact specialized in this function, while the Japanese and
Basque verbs also serve as ordinary lexical verbs. Jespersen (1961, VI: 117); revived
by Cattell (1984).
Notons que Trask retient ici make (dans make a move), ce qui n'est pas le cas de la majorité
des études sur la question. Sa définition montre que le phénomène vaut pour d'autres langues,
où ce type de verbe est plus ou moins spécialisé. Pour l'anglais, des appréciations de type
usual, usually, most usual sont autant de caractérisations aux allures prototypiques mais aussi
autant de symptômes des points litigieux de ces constructions :
- le statut de la détermination est incertain (A est privilégié, mais le reste n'est pas écarté
d'office),
- le syntagme nominal en rapport avec un verbe peut être un déverbal ou une nominalisation
en ING,
- une homologie entre une construction de base et un tour léger est posée, sans que l'on sache
si elle est contraignante,
- la différence aspectuelle, posée comme variable selon les verbes régis. Les deux exemples
pertinents portent sur la recatégorisation d'une activité en procès borné. Le choix d'une
construction intransitive telle que They kissed aurait permis une telle alternance,
- le sens du verbe recteur compte moins que son COD, mais le sens n'est pas nul, comme le
prouve une distribution différente des verbes recteurs.
2. Sommaire état des lieux
Pour l'essentiel, ceci est une extrapolation à partir des pistes d'analyse développées par
DIXON 1991, STEIN 1991 et de la synthèse de la CGEL. En particulier, il s'agit d'appliquer à
DO des tests ou des propriétés qui sont prêtées à HAVE et à ce type de complémentation.
Deux caractéristiques retiennent l'attention :
1- le tour est plus fréquent en Australian English (voir par la suite la construction May I have
a borrow of your ruler?)
2 Dans l'ensemble des verbes traités, HAVE est le plus typique, et HAVE A LOOK
fonctionne effectivement comme le tour prototypique4.
4 GUILLEMIN-FLESCHER 1999 signale le phénomène, sans citer STEIN 1991, qui prend précisément cet
exemple comme forme désignationnelle de cette construction.
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3. Polarité lexique / grammaire
Le point ici illustré est que le phénomène est grammatical et pas seulement lexical. Il ne s'agit
pas de simples restrictions de sélection, où, dans les cas extrêmes des expressions figées, un
nom ne peut accepter qu'un seul verbe recteur. Ainsi tabs ne peut se construire qu'avec keep
(dans keep tabs) et lip service avec pay (pay lip service). Ces idiom chunks illustrent de
simples contraintes lexicales, là où le "tour léger" met en jeu une plus grande combinatoire.
C'est cette plus grande combinatoire des "tours légers" entre les verbes légers et leur
complémentation qui montre à nos yeux que le phénomène relève de la grammaire et n'est pas
confiné à des restrictions de co-occurrence qui seraient purement lexicales. Nous représentons
cette opposition sous forme de gradation du plus ou moins lexicalisé entre un pôle lexical et
un pôle grammatical.

Grammaire Lexique
+ combinaisons multiples - restriction de sélection
+ existence d'autres verbes similaires - spécialisation du "verbe support"
+ qualification possible - non (figement)
+ degré de figement moindre - formes figées
+ contraintes aspectuelles - contraintes moindres
L'existence du tour léger peut s'argumenter à partir des effets aspectuels, mais aussi à partir de
la confrontation à certaines interprétations sémantiques du COD, qui peuvent être différents
de la simple "transformée" d'une relation prédicative. De fait, dans le tour léger, la
complémentation n'est pas un simple COD5. Ceci s'étaye assez bien en contrastant les cas
d'ambiguïtés. Ainsi I had a bath est-il ambigu entre le tour léger (Jespersen signale que le lien
entre bathe et bath s'est opacifié) et l'interprétation possessive (I owned a bathtub).
4. Le micro-système de référence des verbes légers
Argument supplémentaire en faveur d'un phénomène grammatical, il existe un ensemble de
verbes qui permettent cette "transformée aspectuelle". Si les marges de l'ensemble des verbes
légers sont relativement floues, on peut établir un continuum de PAY (cas-limite) à HAVE
(prototype6). DIXON 1991 est révélateur dans son choix de ne traiter DO que comme un
phénomène minoritaire :
There are also periphrastic constructions with make, do and pay that show some
similarity to HAVE A / GIVE A / TAKE A VERB. Pay is very restricted the main
verbs it occurs with are visit and compliment, as in visit Mary, pay Mary a visit;
compliment Mary, pay Mary a compliment. Do occurs with a slightly larger set of
verbs, eg do a dance / mime / dive / jump / pee (and in 'The Stockbroker’s Clerk', a
client tells Sherlock Holmes that he was sitting doing a smoke). (DIXON 1991, 338)
L'exemple auquel il est fait allusion est en extrait 21, où l'emploi de DO peut s'opposer à have
a smoke, attesté également dans les corpus. On peut ici faire valoir le contexte, puisque le
client explique, au début de la nouvelle, ce qu'il faisait à tel moment, d'où cette focalisation
sur l'agentivité. C'est une réponse anticipée à la question rituelle de l'enquête policière "que
5 C'est l'intuition centrale qui motive notre critère final: pas de pseudo-clivées possibles focalisant sur l'objet pour
un tour léger.
6 Certains vont jusqu'à expliquer que la construction doit exister avec HAVE pour exister avec TAKE ou GIVE.
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faisiez-vous à ce moment là?", où l'énonciateur se justifie ("Well" à l'initiale), semblant ainsi
en quelque sorte mettre en scène son "activité". Ce type de glose sémantique de la
construction en DO est extrapolée de la série d'exemples donnés dans la grammaire de Quirk
She gave a shriek.
She had a good shriek.
She did a (good) shriek.
(Quirk et al 1985, 752)
On peut effectivement défendre une valeur contrastive où, sémantiquement, l'agent se met en
scène dans les constructions en DO, retrouvant ainsi les caractéristiques de focalisation sur
l'agent que la diachronie met au jour pour DO7. Le contexte est favorable pour les tours où
DO est en concurrence avec HAVE, par exemple dans les trois occurrences du BNC de do a
pee, même s'il faudrait voir dans le détail comment la sémantique de la complémentation
influence l'interprétation de focalisation sur l'agent du procès. Dans l'extrait 5, la dimension de
"mise en scène" ne peut pas être comprise comme une affectation à l'endroit des co-
énonciateurs (les personnages sont seuls à guetter un gypaète barbu) mais comme leur volonté
de "marquer le coup", de mettre en scène leur triomphe (une glose serait "on a sauté de joie",
voire "esquissé un pas de danse"). L'extrait 9 (did a mime) confirme cette valeur de "mise en
scène", mais elle est étroitement liée au sémantisme de la complémentation. Intuitivement, il
est tentant de relier ce centrage sur l'agentivité avec la sélection de compléments exprimant
des activités physiques, corporelles. A cet égard, l'extrait 20 offre par le menu (blatant) les
indices contextuels d'une mise en scène de l'agent, au point de servir de didascalie à l'énoncé
"I must do a pee".
Les principales valeurs sémantiques établies par DIXON 1991 sont ici résumées sous forme
de tableau synthétique des verbes légers, du plus au moins typique, auquel nous ajoutons une
colonne pour DO :
Verbe HAVE TAKE GIVE DO
COD prototypique a look a look at that me a look
he gave a cry8 a dance
caractérisation des
actants agentif
(satisfaction de
l’agent)
agentif, requiert
davantage d'effort de
la part de l'agent
interaction des actants
(Mary gave John a
look)
agentif
(mise en scène du
procès par l'agent)
caractérisation
sémantique /
aspectuelle des
constructions
bénéfactif
volition
"structure exprimant
une instance
d'activité" (JGF)
plus singulatif, plus singulatif (gave a
laugh vs had a laugh)
recatégorise une
activité en
accomplissement
ou en achèvement
(bornage de
procès)
type de verbe
privilégié9 plutôt avec des
intransitifs
they had a kiss
plutôt avec des
intransitifs
plutôt avec des
transitifs plutôt avec des
intransitifs
Disposant de ce micro-système des "verbes légers", il devient alors tentant de récuser la
dernière catégorie des "autres verbes légers" donnés dans la CGEL10 qui comprend :
7 Voir la communication de M.-L. GROUSSIER, ici-même.
8 Deux exemples prototypiques pour GIVE, selon qu'il correspond à un emploi mono- ou ditransitif.
9 Comme l'attestent les exemples, le mot important est ici "plutôt".
10 HUDDLESTON & PULLUM, 2002, The Cambridge Grammar of the English Language Cambridge: CUP
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- offer an apology / a suggestion,
- pay attention to / a call on / a visit to,
- put the blame on / an end to / a stop to,
- raise an objection to.
Dans ces exemples, la préposition qui suit le COD est autre que OF ou alors les COD peuvent
relever d'une dérivation plus que d'une conversion (suggestion, objection). On retrouve ici
quelques uns des critères de DIXON 1991 que nous explicitons maintenant.
5. Contraintes de sélection des light verbs?
Les contraintes à gauche semblent rares, même si cette construction est peu fréquente après un
modal, à l'exception de la combinaison problématique avec WHENEVER signalée par
GUILLEMIN-FLESCHER 1999. Ce sont les contraintes à droite qui nous intéressent ici.
5.1. Contraintes sur le COD
Nous voyons, après d'autres, le tour léger comme une conversion de nom à verbe11, ce qui
impose de répondre à deux objections existant dans la littérature :
- On peut récuser l'argument selon lequel des exemples tels que shower, qui est attesté comme
nom avant d'être attesté comme verbe, disqualifient d'emblée une conversion de verbe à nom
pour ce type de tour léger. C'est oublier que la conversion est potentiellement un phénomène
récursif (on peut ainsi analyser les effets complexes de give a smoke dans l'extrait 3), qui n'est
pas orienté d'une catégorie vers une autre. On a donc raison de parler prudemment de
"construction associée" (HUDDLESTON et PULLUM) entre une "forme de base" et une
"forme périphrastique" (DIXON). On constate une sorte de corrélat verbal, d'homologie, voire
de transformée où se joue une identité morphologique, aux affixes temporels près (I showered
/ I had a shower).
- De l'opposition sémantique entre he had a fit vs he fitted et he had an attack vs he attacked,
nous ne tirons la conclusion que l'homologie sémantique ne joue pas, mais que ces deux
constructions en have ne sont pas des "emplois légers". Il s'agit d'un phénomène de
concurrence lexicale, où des éléments lexicaux ne sont plus disponibles pour une
construction, ayant déjà un statut dans le lexique.
5.2. Concurrence lexicale
Tous les verbes ne peuvent entrer dans la complémentation des tours légers. La conversion est
en butte à la concurrence lexicale.
- C'est le cas bien décrit en morpho-phonologie des dissyllabes d'origine latine qui ont un
dérivé en {-al} (propose/proposal; deny/denial, ce qui proscrit d'autres dérivés (*arriving) ou
des conversions (*an arrive).
[=CGEL]
11 C'est dans le volume consacré à la morphologie, dans un développement portant sur les
conversions, que Jespersen a recours à la notion de "light verb". Le passage dit ceci:
Substantive from verbs without change
The most usual meaning of sbs derived from and identical in form with a vb is the action or an
isolated instance of the action. This is particularly frequent in such everyday combinations as those
illustrated in the following paragraphs after have and similar 'light' verbs. They are in accordance with
the general tendency of Mod E to place an insignificant verb, to which marks of person and tense are
attached, before the really important idea …
Such constructions also offer an easy means of adding some descriptive trait in the form of an adjunct:
we had a delightful bathe, a quiet smoke, etc. They thus in some way form a parallel to those with a
'cognate object': fight the good fight, etc.
JESPERSEN [1942], VI, 117.
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