Les professionnels d’aujourd’hui, 3e partie : Une nouvelle culture de travail Stowe Boyd 16 septembre 2014 Ce rapport a bénéficié du soutien d’Adobe. SOMMAIRE Résumé .............................................................................................................................................. 3 Introduction ......................................................................................................................................... 5 Les professionnels 3D ......................................................................................................................... 7 Une collaboration plus mobile et plus contextuelle .......................................................................... 7 Convergence des communications internes et externes .................................................................. 8 Équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle ...................................................................... 9 Une main-d’œuvre décentralisée, discontinue et distribuée ........................................................... 11 À nouvelle culture de travail, nouveau style de leadership ................................................................. 14 Encadrement d’effectifs 3D : quelques paradoxes ......................................................................... 16 Un nouveau style de leadership : le « leanership » ........................................................................ 16 Conclusions et recommandations ..................................................................................................... 18 À propos de l’auteur .......................................................................................................................... 20 À propos de Gigaom Research ......................................................................................................... 20 e Les professionnels d’aujourd’hui, 3 partie : Une nouvelle culture de travail 2 Résumé Ce document est le dernier d’une série de trois rapports qui analysent les résultats de deux études mondiales, dont l’une a été réalisée auprès des nouveaux actifs (âgés de 18 à 34 ans) et l’autre auprès de décideurs informatiques. Parrainées par Adobe, ces études Gigaom Research doivent permettre aux acheteurs de produits technologiques et aux cadres informatiques de mieux comprendre : • Ce dont la population active d’aujourd’hui pense avoir besoin pour réussir dans un monde en pleine mutation, dominé par les communications mobiles et les nouvelles technologies de collaboration. • Comment les équipes informatiques gèrent ces besoins et les objectifs de l’entreprise. • S’il existe des écarts entre les attentes des employés et les impératifs informatiques, et comment les acheteurs de technologies peuvent les combler. Gigaom Research veut offrir aux décideurs technologiques un éclairage plus précis sur la manière dont le personnel évolue, afin qu’ils puissent aider ce dernier à réussir en alignant les ressources humaines et technologiques avec les objectifs de l’entreprise. Dans ce rapport, nous nous intéressons à la nouvelle culture du travail. Principales conclusions du rapport : • Le nombre d’employés nomades augmente très vite, ce qui bouleverse les schémas du travail et de la communication, ainsi que l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. On voit ainsi émerger une main-d’œuvre 3D : distribuée, discontinue et décentralisée. Plus d’un tiers des jeunes actifs travaillent en dehors du bureau (34 %) ou des heures ouvrables (37 %) au moins une fois par mois, et plus de la moitié (respectivement 62 % et 55 %) des responsables informatiques interrogés ont su s’adapter à ces nouveaux schémas. • Les équipes informatiques et les employés partagent généralement les mêmes objectifs en termes de communication et de collaboration. La priorité est en effet la hausse de la productivité, pour 42 % des professionnels de l’informatique et 32 % des employés. • Selon les deux études, lorsque les cultures organisationnelles classiques évoluent vers des modèles plus souples et plus égalitaires, le management change de nature. Une majorité d’employés (42 %) privilégient la culture entrepreneuriale actuelle, un tiers d’entre eux étant plutôt des adeptes de l’entreprise agile émergente. e Les professionnels d’aujourd’hui, 3 partie : Une nouvelle culture de travail 3 Face à ces changements de technologies, de pratiques et de personnel, un nouveau style de leadership — qui obéit au principe des 3D — peut s’avérer nécessaire au fur et à mesure que l’on se rapproche d’un modèle de travail égalitaire. e Les professionnels d’aujourd’hui, 3 partie : Une nouvelle culture de travail 4 Introduction Nous avons déjà publié deux rapports dans cette même série. Voici les principales conclusions du premier rapport intitulé « Les professionnels d’aujourd’hui, 1re partie : Prise en charge des platesformes de productivité — équipements mobiles, personnels et cloud computing » : • Les équipes informatiques sont en phase avec les souhaits, les besoins et les attentes des nouveaux actifs. • Face aux nouvelles technologies et pratiques professionnelles, elles doivent jouer un autre rôle, notamment en plaçant l’utilisateur au centre de leurs préoccupations. • L’adoption de modèles plus souples, plus égalitaires et plus ouverts passe par une nouvelle approche du leadership. Dans le deuxième rapport intitulé « Les professionnels d’aujourd’hui, 2e partie : les nouveaux outils transforment l’informatique », nous nous sommes penchés sur le nouveau rôle de l’informatique : • L’étonnante montée en puissance du web social a conduit à une consumérisation de l’informatique qui a un impact considérable sur les méthodes de travail. Nous sommes notamment entrés dans une ère où nous ne pouvons tout simplement plus accomplir notre travail sans des outils initialement conçus pour nous assister ; ces outils sont devenus le travail proprement dit, et non un complément de ce dernier. • La nouvelle architecture conceptuelle des technologies professionnelles est orientée utilisateur et s’articule autour du mobile, du cloud et des connexions entre les individus, entraînant ainsi une refonte de ces technologies à la base. • Les équipes informatiques renoncent progressivement à leur rôle de superviseur pour endosser celui de prescripteur d’outils et de pratiques, dans le but évident d’aider l’entreprise à gagner en agilité et en rapidité. • Elles sont largement en faveur de ce changement de rôle et savent que la productivité du personnel revêt une importance cruciale, juste après les impératifs de sécurité. Le troisième rapport analyse le caractère changeant du travail. Les transformations révélées par les deux études sont profondes et, au-delà de leur impact sur le lieu de travail, créent de nouveaux modes d’interaction et de collaboration avec les partenaires et les clients. Dans le même temps, la tendance au « travail en tout lieu » et à la « disponibilité permanente » va avoir un impact sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. e Les professionnels d’aujourd’hui, 3 partie : Une nouvelle culture de travail 5 Les jeunes actifs ne sont pas les seuls à adopter ces nouvelles habitudes. De manière générale, le travail est de plus en plus décentralisé, discontinu et distribué, au profit d’une productivité accrue. Les équipes informatiques peuvent soutenir cette évolution en encourageant l’adoption de technologies et d’outils inédits mais aussi de pratiques et d’environnements nouveaux concernant le mode de collaboration des différents groupes, les méthodes employées et l’abandon de certaines traditions. Au final, c’est donc bel et bien une nouvelle charte de management qui se dessine. Les changements sont tels que les responsables informatiques et autres risquent de se retrouver en mauvaise posture. Ce qui marchait il y a encore dix ans ou moins peut désormais apparaître comme une incapacité à aider les nouveaux actifs à instaurer une culture du travail en phase avec l’époque actuelle. e Les professionnels d’aujourd’hui, 3 partie : Une nouvelle culture de travail 6 Les professionnels 3D Une collaboration plus mobile et plus contextuelle Nos études confirment l’ampleur du phénomène mobile : jamais les professionnels n’ont été aussi mobiles et cette tendance se poursuit, ce qui a un impact sur l’employé, l’ensemble du personnel et le service informatique. L’expression « la mobilité avant tout, le cloud avant tout et les individus avant tout » révèle sans doute une situation impossible dans laquelle les trois éléments d’une liste viennent tous en première position. La métaphore toutefois n’est pas vaine. Après tout, les individus utilisent essentiellement leurs appareils mobiles pour exécuter des applications. Ces applications se connectent massivement à des services cloud, et le smartphone sert la plupart du temps à communiquer avec d’autres personnes. L’expression décrit donc un cercle vertueux, dont les trois éléments agissent ensemble. Le passage rapide aux connexions mobiles révolutionne très rapidement les modes de collaboration. Les nombreux échanges au sein des groupes de travail signifient que les individus agissent différemment lorsqu’ils sont face à face. Cela a des répercussions sur le fonctionnement de l’entreprise, avec notamment une diminution du nombre des réunions et e-mails destinés à faire le point. Pourquoi réunir tout un tas de personnes dans une salle alors qu’elles sont déjà au courant de tout grâce aux outils de collaboration, aux SMS et aux messages instantanés ? Lorsque les gens se rencontrent, c’est souvent plus pour essayer de régler un problème épineux sur un projet — autrement dit, pour collaborer, travailler ensemble — que pour faire le bilan de la situation. C’est une bonne chose, 39 % des employés interrogés ayant affirmé qu’ils n’avaient « pas de temps à perdre en réunions sans intérêt pour faire le point ». Du coup, les communications à distance, elles aussi, se déroulent différemment. Les échanges étant fréquents — les membres des petits groupes de travail communiquent une dizaine de fois par jour —, les conversations du style « alors, comment ça se passe ? » sont relativement rares. Il s’agit plutôt de débattre des problèmes. Les outils sont de plus en plus contextuels : ils font partie intégrante des tâches quotidiennes, comme les objets d’information que les employés créent et partagent — documents, diagrammes, code source, maquettes, tickets de support — font partie intégrante des communications. Résultat : le dialogue contextuel est en train de devenir le pivot central de la nouvelle génération des technologies de travail. e Les professionnels d’aujourd’hui, 3 partie : Une nouvelle culture de travail 7 Convergence des communications internes et externes Que les contacts soient en interne ou avec l’extérieur, les outils de communication servant à dialoguer et à coordonner les activités sont de plus en plus souvent les mêmes. Et cette tendance devrait s’accélérer. Par exemple, à la question « À quelle fréquence faites-vous appel à des indépendants ou des intérimaires ? », 50 % des personnes interrogées ont répondu occasionnellement et 23 % tous les jours ou toutes les semaines. Figure 1. Source : étude mondiale de Gigaom Research sur la population active, n = 1208 professionnels âgés de 18 à 34 ans Le premier réflexe est souvent de dire que les communications mobiles marquent la fin des réunions en face à face. C’est d’ailleurs ce que pensent les participants à l’étude dans une certaine mesure. Nous estimons au contraire qu’une plus grande partie du temps passé sur le lieu de travail est consacrée aux échanges en face à face. Il est néanmoins probable que les gens se mettent de plus en plus à travailler ailleurs et viennent au bureau spécialement pour assister à des réunions. e Les professionnels d’aujourd’hui, 3 partie : Une nouvelle culture de travail 8 Les sociétés s’installent d’ailleurs dans des locaux plus petits pour des raisons financières et par suite du développement de la mobilité professionnelle. Équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle Les nouveaux actifs passent beaucoup de temps au travail mais moins au bureau. C’est aux États-Unis que le phénomène est le plus marqué, mais cette tendance est également étroitement liée à l’essor des connexions et communications mobiles. Question : À quelle fréquence travaillez-vous chez vous en dehors des heures ouvrables ? Figure 2. Source : étude mondiale de Gigaom Research sur la population active, n = 1208 professionnels âgés de 18 à 34 ans e Les professionnels d’aujourd’hui, 3 partie : Une nouvelle culture de travail 9 Malgré l’explosion des heures supplémentaires, les conditions de travail sont de plus en plus souples. Cela serait directement en rapport avec le bonheur au travail et c’est ce qui compte le plus pour les employés, après la rémunération et les avantages. Certaines études montrent en effet qu’ils préfèrent bénéficier d’une plus grande flexibilité du temps de travail que d’être augmentés. Un souhait assez facile à satisfaire grâce aux outils de collaboration à distance. Question : Parmi les modes de travail cidessous, lesquels sont pris en charge par le service informatique de votre société ? Figure 3. Source : étude mondiale de Gigaom Research sur les décideurs informatiques, n=611 et étude mondiale de Gigaom Research sur la population active, n = 1208 professionnels âgés de 18 à 34 ans e Les professionnels d’aujourd’hui, 3 partie : Une nouvelle culture de travail 10 Une main-d’œuvre décentralisée, discontinue et distribuée Suite à l’adoption de nouveaux outils limitant les tensions et conflits inhérents à la communication, à la collaboration et à la coordination, les connexions sur le lieu de travail ont atteint des sommets. Cela correspond à la partie « les individus avant tout » de la trilogie, qui repose sur les appareils mobiles et les services cloud. Alors que les employés adoptent ces nouvelles habitudes, on assiste à une profonde mutation des méthodes de travail, mais aussi — comme le montre le deuxième rapport de la série — à l’apparition d’une nouvelle charte des services informatiques qui doivent gérer les technologies correspondantes. Tous ces changements procèdent d’un désir inné d’être plus productif et de collaborer plus efficacement avec les autres. Q : Quelle est l’importance des modes de communication et de collaboration suivants dans votre réussite et vos performances professionnelles ? Quelle est l’importance des objectifs de communication et de collaboration suivants dans votre entreprise ? e Les professionnels d’aujourd’hui, 3 partie : Une nouvelle culture de travail 11 Figure 4. Source : étude mondiale de Gigaom Research sur la population active, n = 1208 professionnels âgés de 18 à 34 ans et étude mondiale de Gigaom Research sur les décideurs informatiques, n=611 Comment ces nouveaux actifs font-ils pour enregistrer les gains de productivité souhaités et mieux collaborer ? En travaillant différemment. De nos jours, le travail est de plus en plus réparti entre des employés intervenant dans des zones géographiques, des sociétés et des services différents. Les équipes informatiques ont alors des défis intéressants à relever, même si, comme on l’a vu dans le deuxième rapport, elles continuent de placer la sécurité en tête de leurs priorités, juste après l’augmentation de la productivité. e Les professionnels d’aujourd’hui, 3 partie : Une nouvelle culture de travail 12 Les indépendants, dont le nombre ne cesse d’augmenter, représentent une part de plus en plus importante de cette main-d’œuvre distribuée. Selon les estimations, ils sont plus de 42 millions, couvrant ainsi plus d’un tiers des activités professionnelles et de création aux États-Unis, d’après le syndicat des travailleurs indépendants. La plupart des employés travaillent par ailleurs par rotation sur différents projets ; c’est le travail discontinu. Nous avons montré comment les gens prenaient l’habitude de travailler sur des projets courts et mal coordonnés, où l’accent est mis sur les résultats et où l’infrastructure organisationnelle et la supervision font de plus en plus défaut. Résultat : les employés sur le terrain gagnent en autonomie, et le travail est décentralisé. Si les dirigeants se penchent sur ces trois D, ils leur trouveront un point commun : ils renforcent tous le parallélisme, en permettant d’exécuter plus de tâches à la fois, avec moins de délais d’attente et de pertes de temps. Les professionnels 3D sont en cela comparables aux processeurs qu’on ajoute à un ordinateur. Pendant chaque cycle de calcul, on en fait plus en réduisant les blocages. Il faut tenir compte d’autres « D » car une telle mutation entraîne des coûts cachés. Bien que ces tendances conduisent les entreprises sur une voie qu’elles plébiscitent, elles ont un coût. La démotivation atteint des niveaux record depuis l’après-guerre, quels que soient les chiffres sur lesquels on se base. Même si ce point ne fait pas vraiment l’objet de nos études, nous savons que c’est dans les entreprises qui misent sur la transparence, la confiance et l’autonomie que la motivation est la plus forte. Un sacré défi pour ceux dont l’approche du management est ancrée dans le passé. Nombre de managers ont encore un long chemin à parcourir pour faire évoluer la dynamique organisationnelle et s’adapter aux formes de travail rapides et fluides qui ont vu le jour ces dernières années. Autre « D » qui a son importance : la démocratie. Nous avons pu constater que les excellents éléments et les équipes agiles et performantes se distinguent par un style de management démocratique. Par exemple, au lieu d’organiser eux-mêmes le travail, les managers de ce genre d’équipes laissent souvent le soin au groupe de répartir les tâches et d’évaluer les employés. Il arrive que l’entreprise prive carrément ces équipes de manager, ou du moins ne donne pas de directives de travail. e Les professionnels d’aujourd’hui, 3 partie : Une nouvelle culture de travail 13 À nouvelle culture de travail, nouveau style de leadership Dans le cadre de nos études, nous avons demandé aux participants de nous dire lequel des trois modèles de travail et de collaboration correspondait le plus à celui de leur entreprise. Nous leur avons également demandé lequel avait leur préférence. Nous étions partis du principe que pour la plupart d’entre eux, c’était le modèle entrepreneurial qui correspondait le mieux à leur société, que quelques-uns retiendraient le modèle égalitaire — qui est a priori celui vers lequel on s’oriente — et que d’autres évoqueraient le modèle autoritaire, qui est aussi le plus ancien. Question : Comment aimeriez-vous que votre société fonctionne ? D’une manière générale, dans quelle mesure diriez-vous que les modèles suivants correspondent à celui de votre entreprise ? Figure 5. Source : étude mondiale de Gigaom Research sur la population active, n = 1208 professionnels âgés de 18 à 34 ans e Les professionnels d’aujourd’hui, 3 partie : Une nouvelle culture de travail 14 Voici comment nous avons orienté les questions sur la culture d’entreprise et les styles décisionnels : • Le responsable de l’entreprise, de la division ou du service définit les objectifs et dit aux autres ce qu’ils doivent faire et comment, de sorte que la prise de décision reste entre les mains d’une ou de quelques personnes. • Les dirigeants officiels et informels développent des objectifs par le biais de communications continues et de processus d’implication, et favorisent la prise de décision par consensus, même si le dernier mot revient à la direction. • Les dirigeants définissent des objectifs généraux et fournissent les ressources. Le travail est réalisé par des équipes sans liens formels, les employés établissant des contacts personnels et informels avec d’autres. La plupart des décisions sont prises chaque jour au niveau des employés ou des petits groupes de travail. Un quart des jeunes actifs dans le monde continue de préférer la culture de l’autorité, alors que la grande majorité cite le modèle entrepreneurial dominant. Les participants américains et allemands ont généralement plus d’affinités avec le modèle égalitaire, et apprécient moins le modèle autoritaire que leurs homologues des autres pays. Il existe un principe de management selon lequel tout changement doit être encadré mais, dans ce cas, les inévitables interconnexions rendent la tâche compliquée, voire impossible. Lorsque les anciens modèles de gestion d’entreprise sont abandonnés, les principes de leadership changent. Et ce changement n’est en rien comparable aux inventions comme l’informatique ou l’électricité car, en dehors de l’adoption des solutions mobiles et cloud, il est en grande partie culturel. Le troisième élément de l’équation « mobilité-cloud-individus », ce sont les individus, et la gestion d’entreprise implique elle aussi des individus. Il existe une résistance naturelle au changement, qui est considéré comme risqué et peut avoir un impact sur ceux à qui on demande de changer de manière impromptue. Mais là, le choix d’un mode de travail agile, transparent et égalitaire exige un changement de comportement radical de la part de ceux qui ont de l’influence au sein des sociétés basées sur un modèle entrepreneurial ou autoritaire. e Les professionnels d’aujourd’hui, 3 partie : Une nouvelle culture de travail 15 Encadrement d’effectifs 3D : quelques paradoxes Lorsqu’ils songent à un changement de leadership, les managers seraient bien inspirés de se pencher sur certains paradoxes fort intéressants. Exemple : les employés à distance disent se sentir extrêmement motivés et attribuent d’excellentes notes à leurs managers. On a tendance à penser que les managers n’agissent pas avec les employés à distance de la même manière qu’avec ceux qu’ils croisent plusieurs fois par jour dans les couloirs. La communication avec les personnes en télétravail exige en effet une certaine organisation et un minimum d’anticipation, car on n’a aucune chance de tomber sur eux à la machine à café. Ainsi, le manager à distance — du point de vue de l’employé — a davantage adopté l’état d’esprit des professionnels 3D que le manager dans les locaux. L’autre paradoxe tient au fait que les managers conscients de ne pas avoir réponse à tout aboutissent à de meilleures décisions. C’est l’un des aspects de la nouvelle approche qui voit dans le management une activité faisant intervenir différents groupes de personnes, et pas un seul décideur tout puissant. Les sciences sociales et cognitives ont largement démontré la supériorité de l’expérimentation sur l’expérience, du débat et des divergences sur le consensus et la pensée unique, et de l’analyse sur le raisonnement anecdotique. La connaissance de ces paradoxes permet de porter un regard radicalement différent sur le leadership — un leadership plus en phase avec les nouvelles formes de travail. Un nouveau style de leadership : le « leanership » Nombre d’entreprises performantes misent sur un leadership flexible et agile. Et cela ne vaut pas uniquement pour les dirigeants : chaque employé doit faire preuve de suffisamment de flexibilité et d’agilité pour être en mesure de résoudre un problème, gérer une opportunité ou former une équipe à cet effet. Une fois sa mission accomplie, c’est à d’autres de prendre le relais. Dans un peloton, tous les cyclistes profitent de la dynamique du groupe (voir « The New Visionaries : Richard Martin on the Peloton » [Les nouveaux visionnaires : Richard Martin à propos du peloton]). Mais pour emmener le peloton, les membres de différentes équipes doivent en prendre la tête, autrement dit faire davantage d’efforts que les autres, puis céder leur place au bout d’un moment. Il y a certes dans chaque équipe des spécialistes, comme les sprinters, les grimpeurs et autres, mais ce transfert constant de leadership est garant du bon fonctionnement du peloton. Il s’agit d’une forme de leadership allégée et plus agile, plus en adéquation avec notre époque et ses enjeux. Je l’ai d’ailleurs baptisée « leanership », et elle est maintenant d’actualité. e Les professionnels d’aujourd’hui, 3 partie : Une nouvelle culture de travail 16 Google a entièrement revu sa politique de recrutement, supprimant les casse-tête utilisés en guise de test de QI, du genre « Combien cette pièce peut-elle contenir de ballons de football ? ». Laszlo Bock, désormais à la tête des ressources humaines chez Google, a découvert que les casse-tête, tests normalisés et autres qui servaient à évaluer un candidat ne mesuraient en aucun cas les chances de réussite chez Google (exception faite des tests de programmation pour les programmeurs). Les critères de recrutement sont désormais la curiosité et le leadership émergent, deux compétences clés à l’heure actuelle (voir « Laszlo Bock talks about hiring at Google, and why the GPA is irrelevant » [Laszlo Bock parle du recrutement chez Google et explique pourquoi la moyenne générale n’est pas un critère pertinent]). Cela ne signifie pas pour autant que la société n’aura pas de PDG ou de responsable des ressources humaines. La priorité sera peut-être alors d’aider les autres à se gérer eux-mêmes et de lever les obstacles financiers, organisationnels et culturels au leanership. e Les professionnels d’aujourd’hui, 3 partie : Une nouvelle culture de travail 17 Conclusions et recommandations • Faire appel à des effectifs décentralisés, distribués et discontinus. Pour les employés aujourd’hui, le mot d’ordre est la productivité : ils sont 32 % à reconnaître qu’elle a joué un rôle très important dans leur performance ou leur réussite (l’objectif prioritaire). Ils sont favorables à tout ce qui accélère les opérations, réduit le gaspillage et génère des gains d’efficacité. Il faut donc envisager la décentralisation des décisions, la distribution géographique du travail et le découpage temporel entre plusieurs produits sur une base hebdomadaire, journalière, voire horaire. Ces attributs des professionnels 3D ont un point commun : le parallélisme, autrement dit l’exécution d’un plus grand nombre de tâches au cours d’une même unité de temps. Le management et l’informatique doivent cerner la nature des effectifs 3D, notamment l’importance des outils de collaboration et de communication pour améliorer la productivité en interne et en externe. Les services informatiques ont également placé la hausse de la productivité en tête des objectifs de communication et de collaboration (42 %), et cela doit demeurer la priorité. Il est par ailleurs important de comprendre que le besoin d’autonomie exprimé par les employés 3D passe par un style de coopération plus démocratique, par la confiance et la transparence. À défaut, la course à la productivité finira par démotiver les employés. • À nouvelle éqoque, nouvelle forme de travail et nouvelle approche du leadership. En étudiant la culture d’entreprise, nous avons découvert que nous étions en train de passer très lentement d’un modèle autoritaire en déclin à un modèle entrepreneurial prônant le consensus, certaines entreprises d’avant-garde commençant même à adopter une approche plus égalitaire, qui offre davantage d’autonomie aux employés et aux petites équipes. Pour être plus performants, les employés et les équipes doivent jouir d’une plus grande autonomie, qui est d’ailleurs réclamée par les bons éléments. Le management doit donc adopter de nouveaux principes de gestion pour satisfaire les professionnels en quête d’une culture d’entreprise qui privilégie l’agilité et la flexibilité. • Il doit d’ailleurs lui-même faire preuve de plus d’agilité et de flexibilité, et le nouveau modèle organisationnel doit favoriser le leadership émergent, qui permet à tout employé d’assumer le rôle de leader sur un projet, une campagne ou un lancement de produit. Il est important qu’ensuite on aide cet employé à quitter ce rôle. e Les professionnels d’aujourd’hui, 3 partie : Une nouvelle culture de travail 18 Ce leadership émergent, ou « leanership », est indissociable d’une culture d’entreprise égalitaire, basée sur le modèle coopératif en place parmi les effectifs 3D. Étant donné que 33 % des employés sont favorables au leanership, il est probable que le rôle des cadres supérieurs va évoluer. Au lieu de gérer des gens, ils devront s’efforcer de lever les obstacles à la performance et à la productivité, dressés par les employés. e Les professionnels d’aujourd’hui, 3 partie : Une nouvelle culture de travail 19 À propos de l’auteur Analyste chez Gigaom Research, Stowe Boyd aime à se présenter comme anthropologue du web, futuriste et analyste. Son domaine de prédilection est l’avenir du travail et les forces tectoniques qui poussent le monde professionnel vers un avenir flou, en constante accélération. Stowe Boyd a travaillé plusieurs années comme analyste pour Gigaom Research. Depuis 2012, il organise tout ce qui a trait à la dimension sociale et à l’avenir du travail. Il suit la révolution sociale en ligne depuis 1999, année où il a inventé le terme « outils sociaux » et écrit son premier blogue. Ancien président de Corante, l’un des pionniers du blogue dans le milieu des années 2000, il est unanimement reconnu comme un théoricien du web social sur lequel il a influé. Il a créé le terme « hashtag » en 2007, au cours d’une conversation en ligne avec Chris Messina, fondateur de la convention. Il écrit actuellement un livre intitulé Fast-and-Loose: The New Form Factor For Work. Il a participé à de nombreux événements et conférences dans le monde : Web 2.0, Enterprise 2.0, Gigaom Net :Work, Reboot, Next, Mesh, Shift, Lift, SIBOS, Defrag, SxSW, TEDx, etc. À propos de Gigaom Research Gigaom Research réalise des analyses approfondies sur les marchés émergents. Afin d’être certains de fournir les études les plus pertinentes, nous faisons appel pour nos analyses, nos rapports et nos études originales aux plus grands spécialistes du secteur. Que vous veniez de découvrir un nouveau marché ou que vous disposiez de connaissances approfondies sur votre secteur d’activité, Gigaom Research peut vous apporter un éclairage déterminant sur les marchés les plus dynamiques du secteur. Consultez notre site web : research.gigaom.com. © 2014 Giga Omni Media, Inc. Tous droits réservés. L’utilisation de cette publication est soumise à la délivrance d’une licence de la part de Gigaom. Cette publication ne peut en aucun cas être consultée, utilisée, copiée, diffusée, publiée, vendue, affichée publiquement ou exploitée d’une toute autre manière sans l’accord écrit préalable de Gigaom. Pour plus d’informations sur les licences, merci de nous contacter. e Les professionnels d’aujourd’hui, 3 partie : Une nouvelle culture de travail 20