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LES GARANTIES PORTANT SUR DES BIEN SITUES EN ANGLETERRE
INTRODUCTION
Du fait de l'augmentation des investissements français outre-Manche, les garanties reposant sur des
biens situés en Angleterre sont souvent offertes aux banques françaises. Ces dernières, en essayant
d'évaluer si de telles garanties sont suffisantes, omettent souvent de prendre en considération les
règles spécifiques du droit anglais en la matière, qui diffèrent parfois sensiblement des règles du droit
français. Souvent, ce n'est qu'après l'octroi du prêt (effectué sur la base d'un contrat de droit
français), qu'il apparaît que la banque ne sera pas en mesure d'actionner la garantie fournie, que les
biens offerts sont déjà grevés, ou encore que leur cession fait l'objet de restrictions limitant ainsi leur
valeur.
Certaines règles concernent en premier lieu les entreprises.
- L'organisme qui consent le prêt doit ainsi vérifier que les statuts de la société emprunteuse lui
confèrent bien le pouvoir de donner ses biens en garantie. De plus, l'octroi de cette dernière
doit être autorisé non seulement par le conseil par le conseil d'administration, mais aussi,
dans certains cas, par l'assemblée générale. Des copies certifiées des procès-verbaux
enregistrant ces décisions devront être fournies.
- Par ailleurs, les garanties données par une société anglaise doivent, la plupart du temps, être
enregistrées au Registre du Commerce anglais (Companies Registry). Si cette formalité
n'est pas accomplie dans les vingt et un jours suivant la création de la garantie, celle-ci sera
considérée comme nulle et non-applicable au liquidateur, à l'administrateur judiciaire et aux
créanciers de la société, à la différence du droit français qui n'exige normalement pas
d'enregistrer une garantie dans un délai déterminé.
- De plus, en règle générale, une société ne peut pas garantir un prêt octroyé à l'un de ses
administrateurs.
- Egalement, à quelques exceptions près, toute forme de garantie donnée par une société pour
obtenir un crédit destiné à l'achat de ses actions, par un tiers, constitue une infraction
criminelle. Elle est, par conséquent, nulle et non-avenue.
1. Un nantissement général sur les biens de la société
Enfin, il est possible en droit anglais, de créer un nantissement général (floating charge)
portant sur tous les biens - y compris les biens futurs - appartenant à une société. Comme la
plupart des autres nantissements portant sur les biens d'une société, il doit être enregistré au
Registre du Commerce. Il peut être intéressant, pour le prêteur, d'avoir à la fois un
nantissement "flottant" et un nantissement portant sur un ou plusieurs biens particuliers de
l'emprunteur. Car il est normalement prévu dans l'acte de nantissement "flottant", que la
banque peut, en cas de rupture de ses obligations par l'emprunteur, faire nommer un
administrateur judiciaire receiver qui remplacera le Conseil d'Administration de la société. Il a
pour mission la mise en oeuvre du remboursement de la banque, à partir des biens de la
société qui ne sont pas déjà nantis d'un autre créancier. Si la notion de floating charge se
rapport du concept français de nantissement de fonds de commerce, elle en diffère
cependant par le fait qu'elle présente, pour le prêteur, la possibilité très avantageuse
d'intervenir directement dans la gestion de la société en difficulté.
2. Règles spécifiques applicables en matière de garanties immobilières
- Les baux sont souvent accordés pour des périodes très longues, comprises entre 21
et 999 ans. Pour cette raison et du fait que le loyer est souvent constitué d'une
somme symbolique, ces baux peuvent acquérir une valeur substantielle à l'occasion
de leur cession. C'est pourquoi ils sont souvent offerts en garantie d'un prêt. Avant
d'accepter une telle proposition, le prêteur devra toutefois considérer soigneusement
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tous les termes du bail dont certains peuvent soulever des difficultés particulières.
Notamment si, en vertu du contrat, le propriétaire se réserve le droit de résilier le bail
(donc de supprimer la valeur de la garantie) en cas de rupture des obligations du
locataire, comme par exemple celle de payer le loyer, ou de maintenir la propriété en
bon état, ou encore en cas de faillite du locataire; de même, s'il n'est pas possible
d'offrir le bail en garantie ou de céder le bail à la banque sans le consentement du
propriétaire.
- Il est également important de savoir si l'immeuble fait déjà l'objet de droits, de sûretés
ou de servitudes au nom d'autres personnes. A cet égard, les informations
concernant les droits et hypothèques que possèdent les tiers sur des biens
immobiliers, peuvent être obtenues en procédant à des recherches auprès du Land
Registry.
A contrario, les droits et privilèges d'une banque sur un bien immobilier placé en
garantie, doivent normalement être enregistrés au Land Registry. Si cette formalité
n'est pas rapidement accomplie, ses droits peuvent être écartés, notamment par un
acquéreur de l'immeuble.
- Parallèlement aux recherches sur le plan juridique et pour plus de sûreté, l'organisme
prêteur devra toujours faire procéder, pour son compte, à une estimation de la valeur
du bien, qui peut être accomplie par un expert immobilier (surveyor).
3. Des précautions concernant les garanties sur les actions
- Les garanties prises sur des actions requièrent également une certaine attention. Il
est normal qu'une banque ne veuille prendre de garantie que sur des actions
susceptibles d'être vendues sans difficultés, ce qui est généralement le cas des
actions de grandes sociétés cotées en bourse. En revanche, dans le cadre des
sociétés non-cotées (private limited companies), il arrive souvent que les statuts et
parfois des accords entre actionnaires, prévoient des restrictions limitant la libre
cession des actions de l'emprunteur à la banque, et la cession par la banque elle-
même à un acheteur potentiel.
- Autre précaution à prendre: en Angleterre, le transfert du certificate d'actions (share
certificate)1 n'implique pas le transfert de la propriété des actions elles-mêmes. Le
dépôt du certificat d'actions d'une société anglaise auprès d'une banque, aux fins de
nantissement, ne constitue donc pas une protection valable. Contrairement à la
procédure suivie en France, il n'est
d'autre part pas possible, en Angleterre, de transférer les actions nanties dans un
compte spécial. Le seul moyen d'assurer une protection complète en droit anglais est
d'effectuer la cession de la pleine propriété des actions à la banque au moyen d'un
acte de transfert signé par l'emprunteur et enregistré dans les livres de la société.
Cette solution peut soulever d'autres difficultés, notamment lorsqu'elle entraîne, pour
l'actionnaire, certaines obligations, par exemple, celle de payer à la société la
proportion des actions non libérées.
- Pour éviter ces inconvénients, la banque peut également avoir recours à un
"nantissement équitable". Il consiste, pour l'actionnaire, à confirmer par écrit que les
actions sont données en garantie. Celui-ci doit également signer un transfert en
blanc des actions, et un document donnant au prêteur le pouvoir de compléter ce
transfert en cas d'actionnement de la garantie. Cette méthode n'empêche pas un
transfert frauduleux des actions à une autre personne que le prêteur, mais, grâce à
une procédure spéciale, celui-ci peut obliger les administrateurs de la société dont
les actions sont nanties, à le prévenir avant l'enregistrement d'une cession de ces
dernières. Le prêteur peut alors prendre des mesures appropriées pour empêcher
1Titre délivré par une société attestant le dépôt d'un certain nombre de titres.
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cette opération. Dernier avatar, la valeur des actions données en garantie peut être
diminuée en raison d'une émission de nouvelles actions au profit des autres
actionnaires de la société. Un prêteur ne peut pas se protéger contre une telle
dilution, mais il peut se réserver le droit d'en être informé. En conséquence, il faut
s'aménager la possibilité d'exiger le remplacement ou le soutien de la garantie, ou
encore le remboursement immédiat du prêt.
- Reste le cautionnement. Pour que ce dernier soit valable en droit anglais, il faut qu'il
y ait une contre-partie (consideration) aux obligations de la caution, ou que certaines
formalités particulières d'exécution (execution as a deed) soient observées. La
contre-partie peut être constituée, par exemple, par l'octroi du prêt à l'emprunteur,
mais dans ce cas, le prêt doit être octroyé après la signature du cautionnement.
L'existence d'une contre-partie doit toujours être clairement constatée dans l'acte de
cautionnement. Dans certains cas, si les obligations de la banque sont modifiées
(même avec l'accord de l'emprunteur), le cautionnement peut perdre toute efficacité.
4. Le droit anglais ne reconnaît pas la notion de groupe
En effet, le droit anglais considère qu'en l'absence de dispositions expresses contenues dans
le contrat, la caution ne peut garantir que les obligations qui existaient au moment de l'octroi
du cautionnement. En l'absence de dispositions spécifiques mentionnées dans le contrat, le
droit anglais considère notamment que la caution ne garantit que les obligations qu'une seule
fois. En conséquence, il convient de préciser dans le contrat que les obligations de la caution
survivront à un ou plusieurs actionnements de la garantie par le prêteur. Si l'emprunteur n'est
pas juridiquement capable de rembourser le prêteur - par exemple, si les statuts de la société
n'autorisaient pas le prêt - ni l'obligation de la caution, ni l'obligation de l'emprunteur ne sont
valables. En raison des limites au champ d'application de la caution (comme le montre les
exemples donnés ci-dessus), il devrait toujours être insérées, dans le contrat de
cautionnement, des dispositions supplémentaires prévoyant expressément l'indemnisation de
l'organisme prêteur, pour les dommages
qui pourraient être causés du fait de la rupture de ses obligations, par l'emprunteur.
Enfin, en règle générale, la notion de "groupe" n'est pas reconnue juridiquement par le droit
anglais. Dans l'hypothèse où une filiale offre sa garantie pour le remboursement d'un prêt
octroyé à sa société-mère, l'engagement de la filiale sera censé avoir été donné à titre
gratuit. Cela peut entraîner des difficultés en cas de faillite de la filiale car, dans certaines
circonstances, les actes à titre gratuit peuvent être annulés.
5. Autres difficultés d'ordres divers
- Ainsi, en cas de cessation des paiements de l'emprunteur, certaines garanties qu'il a
données au prêteur peuvent être annulées. C'est souvent le cas lorsqu'une banque,
ayant constaté la détérioration de la situation financière de son client, exige des
garanties supplémentaires pendant la période qui précède le dépôt de bilan de
l'emprunteur.
- Par ailleurs, dans certaines hypothèses, les tribunaux anglais peuvent décider que le
consentement de l'emprunteur est vicié, en raison du degré de dépendance trop
important de ce dernier par rapport au prêteur. C'est pourquoi il est toujours
préférable que le prêteur se protège en obligeant l'emprunteur à se faire conseiller
par un professionnel indépendant.
- Dernier cas de figure, quand une créance détenue par l'emprunteur est nantie en
faveur du prêteur, le débiteur concerné doit en être informé. Le nantissement de
stocks entreposés chez un tiers devra également être notifié à ce dernier, de même
que le nantissement d'un droit de propriété industrielle enregistré (par exemple, un
brevet) doit être notifié à l'organisme compétent.
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C'est en respectant ces règles de base que les banquiers français pourront intervenir tout aussi
sûrement sur des garanties anglaises que françaises; en définitive, le but est le même, seuls les
moyens diffèrent.
Edward Miller, Partner, Corporate, Commercial and Finance
L'objet de cette étude est de fournir une vue générale des principales questions que soulève la
prise de garanties sur des biens situés en Angleterre et au Pays de Galles et d'attirer
l'attention des organismes de prêt français sur certaines difficultés souvent imprévues. Cette
note se concentre sur les principales garanties connues en Grande-Bretagne. Il va de soi que
chaque cas particulier doit être examiné à la lumière des circonstances qui l'entourent. Cette
note ne saurait remplacer les conseils d'un professionnel qui sont vivement recommandés.
Enfin, cette note ne traite pas du régime des garanties en Ecosse et en Irlande du Nord dans la
mesure où les systèmes juridiques y sont différents.
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