RAYONS DES SOLUTIONS DE L`ÉQUATION DE DWORK par Gilles

RAYONS DES SOLUTIONS DE L’´
EQUATION DE DWORK
par
Gilles CHRISTOL
esum´e. Soit adans une extension valu´ee de Qp. On se propose de calculer le
rayon de convergence de la solution de l’´equation diff´erentielle
(1) xf0=π(pxp+ax)f.
aux diff´erents points (de Berkovich) tdu plan affine.
Pour a=1 et t= 0, la solution est l’exponentielle de Dwork exp(πxpπx).
1. Vecteurs de Witt
Pour n0, on pose :
Wn(X0, . . . , Xn) =
n
X
i=0
piXpni
i=Xpn
0+pXpn1
1+· · · +pnXn.
En particulier, W0=X0,W1=Xp
0+X1et
Wn(X0, . . . , Xn) = Wn1(Xp
0, . . . , Xp
n1) + pnXn
(2)
Si Aest un anneau et si a= (a0,..., an,...) est un ´el´ement de AN, on pose :
Wa=W0(a), . . . , Wn(a), . . . =W0(a0), . . . , Wn(a0, . . . , an), . . . .
faisant ainsi de Wune application de ANdans AN.
L’image de l’application West facile `a caract´eriser lorsque Aest (contenu dans)
l’anneau des entiers d’une extension non ramifi´ee de Qp. On ne sait pas ´etudier
directement le cas d’une extension ramifi´ee mais on utilisera le d´etour suivant : on
consid´erera son anneau des entiers comme une extension A=A0[π] de l’anneau des
entiers A0d’une extension non ramifi´ee et la sp´ecialisation X7→ πde l’anneau “non
ramifi´e” A0[X] dans Apermettra de trouver des ´el´ements de W(AN).
Classification math´ematique par sujets (2000). — 12H25,14F30.
Mots clefs. — p-adic coefficients.
2GILLES CHRISTOL
D´efinition 1.1. — Un anneau Aest dit pNR (pnon ramifi´e) s’il est de carac-
t´eristique nulle et s’il est muni d’un endomorphisme d’anneau τ:AAtel que,
pour tout ´el´ement ade A, la diff´erence τ(a)apappartienne `a pA.
Remarques 1. On v´erifie facilement les faits suivants
1) L’anneau Zest pNR (d’apr`es le petit th´eor`eme de Fermat, τ=identit´e convient).
2) Plus g´en´eralement, si kest un corps de caract´eristique p, l’anneau des vecteurs de
Witt W(k) muni de l’endomorphisme de Frobenius (voir exercice ??) est pNR.
3) Si l’anneau Aest pNR, alors l’anneau A[x] (resp. A[[x]], A((x))) est pNR pour
l’endomorphisme τPasxs=Pτ(as)xps.
4) Par contre, si Kest une extension ramifi´ee de Qp, alors l’anneau A des entiers de
Kn’est pas pNR. En effet, il existe πdans Aet n > 1 tels que πn=pa avec |a|= 1
(en particulier aest dans Amais pas dans pA). Si A´etait pNR, on devrait avoir
?|τ(a)ap| ≤ |p|<|ap|donc |τ(a)|=|ap|= 1,
?|τ(π)n|=|τ(πn)|=|(a)|=|p|donc |τ(π)|=|p|1/n =|π|,
?|τ(π)πp| ≤ |p|<|p|1/n =|τ(π)|donc |τ(π)|=|πp|<|π|.
Contradiction.
Le r´esultat suivant est classique et est une variante alg´ebrique du th´eor`eme des
valeurs interm´ediaires. Si Aest un anneau topologique, on peut ´etendre les r´esultats
3), 4) et 5) au cas o`u Rappartient `a A[[x]] `a condition d’imposer `a aet bd’appartenir
au domaine de convergence de R.
Notation 1.2. Soit Pun polynˆome de A[x] ou une s´erie enti`ere de x A[[x]]. On
d´efinit par r´ecurrence P(0) =x,P(n)(x) = PP(n1)(x).
Lemme 1.3. — Soit Aun anneau et Rdans A[x]. On pose P(x) = xp+R(x). Pour
aet bdans Aet nentier,
1) bnanappartient `a (ba)A,
2) Si baappartient `a p A, alors bpapappartient `a p(ba)A,
3) R(b)R(a)appartient `a (ba)A,
4) Si baappartient `a p A,P(b)P(a)appartient `a p(ba)A,
5) Si baappartient `a pA,P(n)(b)P(n)(a)appartient `a pn(ba)Apn+1 A.
Preuve. Les points 1) et 2) sont des cons´equences imm´ediates de la formule du
binˆome appliqu´ee `a bn=(ba) + an.
Le point 3) est une cons´equence du point 1) et le point 4) d´ecoule des points 2) et 3).
Pour le point 5), on fait une d´emonstration par r´ecurrence sur n. C’est ´evident pour
n= 0 car baappartient bien `a (ba)A! Si, pour n1, P(n1)(b)P(n1)(a)
appartient `a pn1(ba)Adonc `a pnA. Alors, d’apr`es le point 4)
P(n)(b)P(n)(a) = PP(n1)(b)PP(n1)(a)
appartient `a pP(n1)(b)P(n1)(apn(ba)A.
Proposition 1.4. — Soit Aun anneau pNR. L’application West injective et
(w0, . . . , wn, . . .)appartient `a W(AN)si et seulement si, pour tout n,wnτ(wn1)
appartient `a pnA.
RAYONS DES SOLUTIONS DE L’´
EQUATION DE DWORK 3
Preuve. — Si W(a) = W(b), on trouve a0=W0(a0) = W0(b0) = b0et, par
r´ecurrence sur n, en utilisant la relation (2)
pnan=Wn(a)Wn(ap
0, . . . , ap
n1,0)
=Wn(b)Wn(bp
0, . . . , bp
n1,0) = pnbn,
d’o`u an=bncar Aest de caract´eristique nulle.
Appliquons le lemme 1.3-5 avec R= 0 c’est-`a-dire P(n)(x) = xpn. Pour adans A,
la diff´erence apτ(a) appartient `a p A et donc apnτ(a)pn1appartient `a pnA. Il
vient :
Wn(ap
0, . . . , ap
n)Wnτ(a0), . . . , τ(an)=Xpkapnk+1
kτ(ak)pnkpn+1A
Si on calcule modulo pnA, on trouve donc :
wnWn(a0, . . . , an1,0) = Wn1(ap
0, . . . , ap
n1)
τWn1(a0, . . . , an1)=τ(wn1) (mod pnA)
R´eciproquement, si wnτ(wn1) appartient `a pnApour tout n, on peut construire
par r´ecurrence une suite (an) de ANtelle que (w0, . . . , wn, . . .) = W(a0, . . .) :
On pose a0=W(a0) = w0et, si on connait a0, . . . an1, comme
wnWn1(ap
0, . . . , ap
n1)wnτWn1(a0, . . . , an1)
=wnτ(wn1) (mod pnA),
il existe andans Atel que
wn=Wn1(ap
0, . . . , ap
n1) + pnan=Wn(a0, . . . , an).
Le r´esultat suivant contient d´ej`a beaucoup de congruences entre nombres binomi-
aux (voir [5] page 50 une autre mani`ere de pr´esenter la d´emonstration) :
Th´eor`eme 1.5. — Soit Φun polynˆome de Z[X, Y ]. Pour chaque n0, on peut
choisir un polynˆome ϕnde Z[X0, . . . , Xn, Y0, . . . , Yn]de telle sorte que l’on ait
Wnϕ0(X0, Y0), . . . , ϕn(X0,..., Xn, Y0,..., Yn)= ΦWn(X0,..., Xn), Wn(Y0,..., Yn).
Les polynˆomes ϕnsatisfaisant cette relation sont uniques.
Preuve. — L’anneau A=Z[X0, Y0,..., Xn, Yn,...] est pNR d’apr`es la remarque 1-3.
Posons wn= ΦWn(X0,..., Xn), Wn(Y0,..., Yn). On veut montrer que (wn) appartient
`a W(A). D’apr`es la proposition 1.4 il suffit de v´erifier que wnτ(wn1) appartient
`a pnApour tout n. Or, en utilisant le lemme 1.3-3, on trouve
τ(wn1)=ΦWn1(Xp
0,..., Xp
n1), Wn1(Yp
0,..., Y p
n1)
= ΦWn(X0,..., Xn)pnXn, Wn(Y0,..., Yn)pnYn
ΦWn(X0,..., Xn), Wn(Y0,..., Yn)=wn(mod p)nA.
Si on applique le th´eor`eme 1.5 au polynˆome Φ(X, Y ) = X+Y(resp. Φ[X, Y ] =
XY ) et si on note Sn(resp. Pn) les polynˆomes ϕncorrespondants, on en d´eduit
facilement le r´esultat suivant
4GILLES CHRISTOL
Proposition–d´efinition 1.6. — Soit Aun anneau commutatif quelconque. Les lois
de compositions suivantes
a+b=S0(a0, b0), . . . , Sn(a0,..., an, b0,..., bn), . . .
ab =P0(a0, b0), . . . , Pn(a0,..., an, b0,..., bn), . . .
font de ANun anneau commutatif appel´e anneau des vecteurs de Witt `a coefficients
dans Aet not´e W(A).
Voici une autre application de la proposition 1.4. Au prix de petites difficult´es
techniques, on peut la g´en´eraliser en rempla¸cant l’anneau Zpar un anneau pNR
quelconque ou bien en empla¸cant le polynˆome R(resp. Q) par une s´erie enti`ere de
Z[[x]] (resp. de xZ[[x]]).
Proposition 1.7. — Soit Qet Rdans Z[x]. On pose P(x) = xp+p R(x). Alors
1) QP(0)(x), . . . , QP(n)(x), . . . appartient `a WWZ[x],
2) si Q(0) = R(0) = 0,QP(0)(x),..., QP(n)(x),...appartient `a WWxZ[x].
Preuve. L’anneau Z[x] est pNR pour l’endomorphisme τ(H)(x) = H(xp) Comme
P(x)xp=pR(x) appartient `a pZ[x], d’apr`es les congruences 5) et 3) du lemme 1.3,
on trouve, modulo pnZ[x],
QP(n)(x)=QP(n1)P(x)QP(n1)(xp)=τQP(n1)(x)
Il suffit maintenant d’appliquer la proposition 1.4.
Si Qet Rappartiennent `a xZ[x], alors, pour n0, QP(n)(x)appartient `a xZ[x].
Il reste `a voir que si (w0, . . .) = W(a0, . . .) pour des polynˆomes wnde xZ[x] alors les
aneux aussi appartiennent `a xZ[x]. Mais ceci se v´erifie facilement par r´ecurrence `a
partir de la formule (2).
Remarque 1.8. — La proposition 1.7, avec Q(x) = x, montre qu’il existe adans
WZ[x]tel que W(a) = P(0)(x), . . . , P(n)(x), . . . . Par d´efinition de la somme et
du produit des vecteurs de Witt, on a alors
WQ(a)=QP(0)(x), . . . , QP(n)(x), . . . .
L’introduction d’un polynˆome Qdans cette propostion peut donc sembler une
g´en´eralisation inutile. En fait ce qui va nous ˆetre utile est de savoir que, si Ret
Qsont divisibles par x, il en est de mˆeme des composantes de Q(a). On peut
montrer directement que, si Q(0) = 0, on a QWxZ[x]WxZ[x]mais cette
v´erification est un peu laborieuse.
2. Exponentielle d’Artin-Hasse
Le r´esultat suivant contient de nouvelles congruences entre factorielles.
RAYONS DES SOLUTIONS DE L’´
EQUATION DE DWORK 5
Th´eor`eme 2.1. — La s´erie formelle
E(x) := exp
X
h=0
phxph=
X
n=0
1
n!
X
h=0
phxphn=
X
s=0
αsxs
a des coefficients αiqui appartiennent `a ZpQ.
Preuve. En ´ecrivant l’entier nsous la forme n=dphavec dpremier `a p, on trouve
log(1 x) =
X
n=1
1
nxn=X
(d,p)=1
1
d
X
h=0
phxdph
La formule d’inversion de Moebius Pdi=nµ(i) = 0 pour n2 donne alors :
X
(i,p)=1
µ(i)
ilog(1 xi) = X
(i,p)=(d,p)=1
µ(i)
di
X
h=0
phxdiph
=X
(n,p)=1 X
di=n
µ(i)
n
X
h=0
phxnph=
X
h=0
phxph
On trouve finalement
E(x) = Y
(i,p)=1
(1 xi)µ(i)/i
et on conclut en remarquant que, pour adans ZpQ, la s´erie
(1 x)a=
X
s
a(a+ 1) · · · (a+s1)
s!xs
appartient `a ZpQ[[x]].
On met ensemble les congruences que nous venons de trouver.
Proposition 2.2. — Soit Aun anneau et soit aun ´el´ement de W(A). On a
E(a, x):= exp
X
n=0
Wn(a)pnxpn=
Y
i=0
Eaixpi.
En particulier, la s´erie enti`ere E(a, x)appartient a A[[x]]. De plus on a :
1) E(a+b, x) = E(a, x) E(b, x)
2) Si V(a) = (0, a0, a1,...)alors EV(a), x= E(a, xp).
Preuve. On a
E(a, x) = exp
X
n=0
n
X
i=0
apni
ipinxpn= exp
X
i=0
X
h=0
aph
iphxph+i
= exp
X
i=0
X
h=0
ph(aixpi)ph=
Y
i=0
E(aixpi).
La relation 1) est une cons´equence imm´ediate de la d´efinition de la somme dans
l’anneau W(A). Cette d´efinition s’´ecrit en effet Wn(a+b) = Wn(a) + Wn(b).
La relation 2) vient de la formule WnV(a)=p Wn1(a).
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