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Sociétal
N° 41
3etrimestre
2003
D O S S I E R
de marché – et au minimum de
confiance qu’il requiert. Les libertés
publiques, la libre circulation des per-
sonnes et de l’information, et la sécu-
rité y sont globalement assurées. Du
moins dès lors que les lois et règles y
sont bien appliquées : il existe encore,
en effet, d’importantes marges de pro-
gression. Pour donner quelques
exemples, les lois sur les faillites sont
encore peu effectives dans ces pays.
Le droit des sociétés a été mis en
conformité avec l’acquis communau-
taire, mais sa mise en œuvre réelle doit
encore beaucoup s’améliorer, en par-
ticulier pour la protection des droits
des actionnaires minoritaires et le gou-
vernement d’entreprise. La politique
de la concurrence et l’octroi des aides
publiques ont posé des problèmes jus-
qu’à la fin des négociations, notam-
ment avec la Pologne (sidérurgie), la
Hongrie et la République tchèque
(automobile), ainsi qu’avec la Slova-
quie. Son application ne se fera pas sans
douleur dans les PECO où existent
toujours des subventions qui faussent
la concurrence, une collusion entre
l’Etat et les entreprises, et où les pri-
vatisations souffrent d’un opacité cer-
taine. La corruption, la présence
d’organisations criminelles, une jus-
tice pas encore indépendante et man-
quant de moyens, et le faible degré de
décentralisation sont régulièrement
dénoncés par la Commission euro-
péenne. La répression de la crimina-
lité économique et de la corruption4
dans ces pays a encore de beaux jours
devant elle et sera, pour tous les
membres de l’UE, un des gains les plus
substantiels de l’après-adhésion.
L’entrée des PECO devrait aussi sti-
muler leur croissance : on escompte
un rythme de 4 % par an en moyenne
en régime normal, de plus de 4,5 %
dans les scénarios optimistes. Il en
résultera un gain pour l’ensemble
de l’UE ; cependant, étant donné le
faible poids des PECO (4 % du PIB
communautaire élargi), le surplus de
croissance pour les membres actuels
sera de l’ordre de 0,1 % par an. La
moitié de cette amélioration sera
due à l’effet de création du marché
unique à 25 (puis 27), avec une trans-
mission par les gains de producti-
vité (aujourd’hui en hausse dans les
PECO). L’Ouest devrait aussi béné-
ficier de l’apport d’une population
en général bien formée et qualifiée
(les dix nouveaux membres repré-
senteront 15 % de la population de
l’UE élargie et 19 % de sa superficie)
et de la constitution d’une puissance
économique assise sur un marché
de 375 millions de consommateurs.
L’INTÉGRATION
EST DÉJÀ EN MARCHE
Les avantages liés au commerce
international se sont déjà assez
largement concrétisés, avant même
l’adhésion, grâce aux effets des
accords européens d’association.
Ces gains sont majeurs pour les
PECO, puisque leurs partenaires de
l’UE comptent aujourd’hui pour
près de 70 % de leur commerce
total (contre 40 % en 1990). En
outre, la qualité de leurs exporta-
tions s’élève, le poids dans celles-ci
des produits intensifs en ressources
naturelles et en travail non qualifié
régresse au profit de produits inten-
sifs en travail qualifié et en techno-
logie. Pour les quinze pays membres
de l’UE, l’impact est plus limité, les
PECO pesant moins de 4 % de leur
commerce extérieur ; il est cepen-
dant positif, puisqu’ils ont réalisé
ensemble, en 2002, un excédent
commercial de plus de 20 milliards
d’euros dans les échanges avec les
futurs membres.
La progression du commerce entre
l’UE et les PECO est, en partie,
impulsée par l’investissement direct
étranger (IDE). Le stock d’IDE
entrant dans les PECO est passé de
12 milliards de dollars en 1993 à 69
milliards en 1998 et 122 milliards
en 2001, avec l’amélioration du cli-
mat d’investissement, du risque-pays
et du régime (notamment fiscal) des
IDE qui a accompagné la conver-
gence institutionnelle. La pression
fiscale rapportée au PIB varie de
26,8 % en Lituanie à 38,6 % en Slo-
vénie : ce sont là des niveaux infé-
rieurs à ceux de l’Irlande et du
Portugal. L’immense majorité des
IDE (78 %) a été réalisée par des
sociétés mères originaires des pays
de l’UE, surtout allemandes. Fin 2002,
les entreprises françaises possé-
daient 2 182 filiales en Roumanie,
582 en Pologne, 347 en République
tchèque, 142 en Hongrie, 123 en Slo-
vaquie, 38 en Lettonie, 31 en Slové-
nie, 22 en Estonie et 16 en Lituanie.
Plus récemment, les firmes des
PECO ont commencé à se multina-
tionaliser à leur tour, y compris par
de premiers investissements dans
l’UE, bien que la zone de prédilec-
tion de leurs IDE sortants reste pour
l’instant l’ex-CAEM5.
Derrière la croissance et la taille
du marché se profilent la perspec-
tive du développement économique
des PECO et la nécessité de leur
rattrapage (convergence réelle),
puis l’amélioration de leur stabi-
lité macroéconomique (conver-
gence nominale), condition
préalable
à leur entrée dans l’euro. Le
niveau de développement de ces
pays (mesuré par le PIB par tête
en parité de pouvoir d’achat)
est actuellement de 35 % de la
moyenne de l’UE, la Slovénie étant
4Le gouverneur
de la Banque de
France, Jean-
Claude Trichet,
appelait encore
récemment les
nouveaux Etats
membres à la
lutte contre le
blanchiment des
capitaux et à la
traque des fonds
utilisés par le
crime organisé
et le terrorisme
(voir « L’euro,
l’eurosystème et
l’élargissement
de l’Union
européenne »,
Bulletin de la
Banque de
France, n°107,
novembre 2002).
5W. Andreff,
« The New
Multinational
Corporations
from Transition
Countries »,
Economic
Systems, vol. 26,
n°4, décembre
2002.
2. LES DILEMMES DE LA « GRANDE EUROPE »
LES ÉTAPES DE
L’ÉLARGISSEMENT
L’actuel élargissement de l’UE
est l’aboutissement d’un pro-
cessus entamé en 1993 avec
l’entrée en vigueur des accords
européens d’association, créant
à l’horizon 2002 une zone de
libre échange entre les PECO
et l’UE, puis se prolongeant par
la période de pré-adhésion,
ouverte en 1999. Durant cette
période, sont versées des aides
spécifiques aux PECO (pro-
grammes PHARE, SAPARD
pour l’agriculture , ISPA pour
les transports et l’environne-
ment). Ces instruments de pré-
adhésion doivent être éliminés
et intégrés dans les fonds struc-
turels d’ici à 2006.