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Sociétal
N° 41
3etrimestre
2003
1Estonie, Hongrie,
Lettonie, Lituanie,
Pologne, République
tchèque, Slovaquie
et Slovénie ; hors
PECO : Chypre et
Malte. L’adhésion de
la Bulgarie et de la
Roumanie est
reportée à 2007.
2Andreff W.,
« Quand les
PECO font
leurs comptes »,
Sociétal, n°32,
2etrimestre 2001.
L
Le sommet européen de Copen-
hague de décembre 2002 a clos
les négociations avec dix pays, dont
huit d’Europe centrale et orientale
(PECO)1, pour une adhésion défi-
nitive à l’Union européenne au 1er
mai 2004. Le traité d’adhésion ayant
été signé à Athènes le 16 avril 2003,
les populations se prononcent par
référendum sur l’adhésion de leurs
pays à l’UE. La Lettonie sera le der-
nier pays à le faire le 20 septembre
2003.
De l’adhésion, les PECO espèrent des
gains2, dont certains se sont déjà
concrétisés. L’UE elle-même a à
gagner, sur le plan économique, à cet
élargissement, et en a déjà engrangé
quelques néfices. Ce « jeu à somme
positive » va cependant connaître
une fin de partie plus délicate, sur la
question du partage des gains après
l’adhésion. La solution de ces diffi-
cultés fait entrer les PECO dans une
deuxième phase de transition, aps
celle qui les a conduits de l’écono-
mie planifiée à l’économie de mar-
ché.
UN JEU À SOMME
POSITIVE
Adaptation institutionnelle à l’ac-
quis communautaire, intégra-
tion économique et commerciale,
croissance au sein d’un marc
unique élargi, plus forte attraction
de l’investissement direct étranger,
convergence macroéconomique,
rattrapage de développement,
perspectives d’entrée dans l’euro
à terme : tels sont les principaux
gains, inégaux mais positifs, que les
nouveaux entrants – comme les
membres actuels de l’UE peuvent
attendre de l’élargissement.
Le principal bénéfice est certainement
d’ordre qualitatif et insti tutionnel. En
adoptant l’acquis communautaire, les
PECO se sont dotés des gles, lois
et institutions nécessaires au fonc-
tionnement normal d’une économie
La « deuxième
transition » des PECO
WLADIMIR ANDREFF*
L’élargissement de l’Union européenne profitera
aussi bien à ses membres actuels qu’aux nouveaux
entrants. Pour les pays d’Europe centrale et orien-
tale (PECO), les échanges avec l’Ouest et la
modernisation institutionnelle liée à l’adsion
ouvrent des perspectives de croissance me
s’ils connaissent actuellement une baisse de la pro-
tection sociale et un accroissement des inégali-
tés. Mais, après leur conversion à l’économie de
marché, il leur faudra affronter une deuxième
période de transition avant de devenir membres
à part entière de l’Union, et de bénéficier pleine-
ment de ses mécanismes de solidarité. Une
épreuve difficile pour la cohésion européenne, et
dont les principes mêmes de certains « acquis »
communautaires pourraient sortir transformés.
D O S S I E R
2. LES DILEMMES DE LA « GRANDE EUROPE »
* Professeur à l’Université de Paris 1, directeur honoraire du ROSES (CNRS). Dernier
ouvrage publié : La mutation des économies post-socialistes. L’Harmattan, 2003.
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Sociétal
N° 41
3etrimestre
2003
D O S S I E R
de marché et au minimum de
confiance qu’il requiert. Les libertés
publiques, la libre circulation des per-
sonnes et de l’information, et la cu-
rité y sont globalement assues. Du
moins s lors que les lois et gles y
sont bien appliquées : il existe encore,
en effet, d’importantes marges de pro-
gression. Pour donner quelques
exemples, les lois sur les faillites sont
encore peu effectives dans ces pays.
Le droit des sociétés a été mis en
conformi avec l’acquis communau-
taire, mais sa mise en œuvre elle doit
encore beaucoup s’aliorer, en par-
ticulier pour la protection des droits
des actionnaires minoritaires et le gou-
vernement d’entreprise. La politique
de la concurrence et l’octroi des aides
publiques ont posé des problèmes jus-
qu’à la fin des négociations, notam-
ment avec la Pologne (sidérurgie), la
Hongrie et la République tchèque
(automobile), ainsi qu’avec la Slova-
quie. Son application ne se fera pas sans
douleur dans les PECO existent
toujours des subventions qui faussent
la concurrence, une collusion entre
l’Etat et les entreprises, et les pri-
vatisations souffrent d’un opaci cer-
taine. La corruption, la présence
d’organisations criminelles, une jus-
tice pas encore indépendante et man-
quant de moyens, et le faible degré de
centralisation sont gulièrement
dénoncés par la Commission euro-
enne. La pression de la crimina-
lité économique et de la corruption4
dans ces pays a encore de beaux jours
devant elle et sera, pour tous les
membres de l’UE, un des gains les plus
substantiels de l’après-adhésion.
L’entrée des PECO devrait aussi sti-
muler leur croissance : on escompte
un rythme de 4 % par an en moyenne
en régime normal, de plus de 4,5 %
dans les scénarios optimistes. Il en
sultera un gain pour l’ensemble
de l’UE ; cependant, étant donné le
faible poids des PECO (4 % du PIB
communautaire élargi), le surplus de
croissance pour les membres actuels
sera de l’ordre de 0,1 % par an. La
moitié de cette amélioration sera
due à l’effet de création du marché
unique à 25 (puis 27), avec une trans-
mission par les gains de producti-
vité (aujourd’hui en hausse dans les
PECO). L’Ouest devrait aussi béné-
ficier de l’apport d’une population
en général bien formée et qualifiée
(les dix nouveaux membres repré-
senteront 15 % de la population de
l’UE élargie et 19 % de sa superficie)
et de la constitution d’une puissance
économique assise sur un marché
de 375 millions de consommateurs.
L’INTÉGRATION
EST DÉJÀ EN MARCHE
Les avantages liés au commerce
international se sont déjà assez
largement concrétisés, avant même
l’adhésion, grâce aux effets des
accords européens d’association.
Ces gains sont majeurs pour les
PECO, puisque leurs partenaires de
l’UE comptent aujourd’hui pour
près de 70 % de leur commerce
total (contre 40 % en 1990). En
outre, la qualité de leurs exporta-
tions s’élève, le poids dans celles-ci
des produits intensifs en ressources
naturelles et en travail non qualifié
gresse au profit de produits inten-
sifs en travail qualifié et en techno-
logie. Pour les quinze pays membres
de l’UE, l’impact est plus limité, les
PECO pesant moins de 4 % de leur
commerce extérieur ; il est cepen-
dant positif, puisqu’ils ont réali
ensemble, en 2002, un excédent
commercial de plus de 20 milliards
d’euros dans les échanges avec les
futurs membres.
La progression du commerce entre
l’UE et les PECO est, en partie,
impulsée par l’investissement direct
étranger (IDE). Le stock d’IDE
entrant dans les PECO est passé de
12 milliards de dollars en 1993 à 69
milliards en 1998 et 122 milliards
en 2001, avec l’amélioration du cli-
mat d’investissement, du risque-pays
et du régime (notamment fiscal) des
IDE qui a accompagné la conver-
gence institutionnelle. La pression
fiscale rapportée au PIB varie de
26,8 % en Lituanie à 38,6 % en Slo-
vénie : ce sont là des niveaux infé-
rieurs à ceux de l’Irlande et du
Portugal. L’immense majori des
IDE (78 %) a étéalie par des
sociétés mères originaires des pays
de lUE, surtout allemandes. Fin 2002,
les entreprises françaises possé-
daient 2 182 filiales en Roumanie,
582 en Pologne, 347 en République
tchèque, 142 en Hongrie, 123 en Slo-
vaquie, 38 en Lettonie, 31 en Slové-
nie, 22 en Estonie et 16 en Lituanie.
Plus récemment, les firmes des
PECO ont commencé à se multina-
tionaliser à leur tour, y compris par
de premiers investissements dans
l’UE, bien que la zone de prédilec-
tion de leurs IDE sortants reste pour
l’instant l’ex-CAEM5.
Derrre la croissance et la taille
du marché se profilent la perspec-
tive du développement économique
des PECO et la nécessité de leur
rattrapage (convergence réelle),
puis l’amélioration de leur stabi-
li macroéconomique (conver-
gence nominale), condition
préalable
à leur entrée dans leuro. Le
niveau de développement de ces
pays (mesuré par le PIB parte
en parité de pouvoir d’achat)
est actuellement de 35 % de la
moyenne de l’UE, la Slovénie étant
4Le gouverneur
de la Banque de
France, Jean-
Claude Trichet,
appelait encore
récemment les
nouveaux Etats
membres à la
lutte contre le
blanchiment des
capitaux et à la
traque des fonds
utilisés par le
crime organisé
et le terrorisme
(voir « L’euro,
l’eurosystème et
l’élargissement
de l’Union
européenne »,
Bulletin de la
Banque de
France, n°107,
novembre 2002).
5W. Andreff,
« The New
Multinational
Corporations
from Transition
Countries »,
Economic
Systems, vol. 26,
n°4, décembre
2002.
2. LES DILEMMES DE LA « GRANDE EUROPE »
LES ÉTAPES DE
L’ÉLARGISSEMENT
Lactuel élargissement de l’UE
est l’aboutissement d’un pro-
cessus enta en 1993 avec
l’entrée en vigueur des accords
européens d’association, créant
à l’horizon 2002 une zone de
libre échange entre les PECO
et l’UE, puis se prolongeant par
la période de pré-adhésion,
ouverte en 1999. Durant cette
période, sont versées des aides
scifiques aux PECO (pro-
grammes PHARE, SAPARD
pour l’agriculture , ISPA pour
les transports et l’environne-
ment). Ces instruments de pré-
adhésion doivent être éliminés
et intégrés dans les fonds struc-
turels d’ici à 2006.
107
Sociétal
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3etrimestre
2003
LA « DEUXIÈME TRANSITION » DES PECO
à 70 %, la Lettonie à 27 % et la Bul-
garie à 22 % (tableau 1). Leur taux
de croissance économique a rat-
trapé celui de l’UE en 2000 et le
dépasse nettement depuis lors. Il
en est de même pour la croissance
de la productivité. Au rythme
actuel, le rattrapage prendra tout
de même entre 15 et 40 ans, selon
les pays. Plus l’écart se réduira dans
les prochaines années, moins diffi-
cile sera le partage des avantages
des politiques communautaires.
Un des indicateurs de la convergence
nominale peut se lire dans les taux
de change. Les monnaies des Etats
baltes et le lev bulgare ont une parité
fixe par rapport à l’euro. La plupart
des autres devises sont en cours de
stabilisation (voir page 110 l’article
de Nicolas Meunier). Après une
période de transition dau moins deux
ans dans le mécanisme de change
européen, et à condition de respec-
ter les critères du pacte de stabilité
en matière de taux de change, d’in-
flation, de taux d’intérêt, de déficit
budgétaire et de dette publique
(tableau 2), les monnaies des PECO
LES PECO ET L’UNION
Tableau 1. NIVEAU DE DÉVELOPPEMENT, SALAIRES, PAUVRETÉ ET INÉGALITÉS
Pays PIB/habitant, SPA, en euros(1) Salaires bruts en euros(2) Pauvreté(3) Inégalités(4)
1996 2000 2000 1996 1999 1999 1998 2000 1991 1999
UE 15 18 500 22 416 100 3634 100
10 PECO 6 664 7 919 35,3 243 319 8,8
Bulgarie 4 600 4 935 22,0 55 105 2,9 33,0 18,0 0,262 n.d.
Estonie 6 100 8 193 36,5 195 282 7,8 40,0 19,3 n.d. n.d.
Hongrie 8 600 11 267 50,3 245 304 8,4 2,0 15,4 0,291 0,349
Lettonie 4 700 6 131 27,4 192 257 7,1 23,0 34,8 0,249 0,332
Lituanie 5 300 6 380 28,5 144 252 6,9 46,0 22,5 0,385 0,363
Pologne 6 200 8 120 36,2 257 405 11,1 13,0 18,4 0,242 0,305
Rép. tchèque 12 000 12 888 57,5 285 343 9,4 1,0 0,8 0,210 0,257
Roumanie 6 100 5 791 25,8 99 118 3,2 22,0 44,5 0,205 0,381
Slovaquie 8 500 10 527 47,0 209 241 6,6 1,0 8,6 n.d. n.d.
Slovénie 12 200 15 705 70,1 750 886 24,4 1,0 1,3 0,269 0,305
(1)Standard de pouvoir d’achat. Source : Eurostat. (2)Salaire moyen mensuel (source : Deutsche Bank)
(3)Population vivant avec moins de 4 dollars par jour (% de la population totale)
(4)Indices de Gini relatifs aux inégalis de revenus, selon J. Rutkowski, « Earnings inequality in transition economies
of Central Europe : trends and patterns during the 1990’s », World Bank, 2001.
Tableau 2. CONVERGENCE NOMINALE ET CONVERGENCE RÉELLE
Indicateurs (en %) 1992 1995 1997 1999 2000 2001(1) 2002(2)
Nominaux
Taux d’inflation moyen des 10 PECO 364 27,6 132 11,5 10,0 8,7 6,2
Taux d’inflation moyen de l’UE 4,7 3,0 2,0 1,3 2,5 2,6
Déficit budgétaire/PIB des 10 PECO 4,9 2,9 2,3 3,5 2,7 2,9 3,6
Réels
Taux de croissance du PIB des 10 PECO -11,5 4,2 2,8 1,0 4,2 4,2 3,4
Taux de croissance du PIB de l’UE 1,1 3,3 3,3 3,7 4,3 1,7 1,8
Taux de chômage dans les 10 PECO 8,1 9,5 9,4 11,8 11,9 11,8
Taux de chômage dans l’UE 8,5 9,9 9,5 9,0 8,1 7,6
Source : Andreff W. (2003). (1)Estimation BERD (2)Prévision
108
Sociétal
N° 41
3etrimestre
2003
D O S S I E R
pourront être admises dans l’euro.
Cette admission sera favorable aux
échanges avec l’UE, et renforcera la
coordination des politiques écono-
miques des PECO. La convergence
nominale, lente à se dessiner jusqu’en
1997, saccentue ces dernres années
pour le taux d’inflation et le taux d’in-
térêt à long terme, même si plusieurs
pays ont eu encore du mal en 2002
à rapprocher leur déficit budgétaire
de l’objectif de 3 % du PIB.
LES COÛTS SOCIAUX
DE LA TRANSITION
L’ombre la plus importante dans
ce paysage concerne le
domaine social. L’Europe
sociale n’est déjà pas le fer
de lance de la construc-
tion européenne. L’adhé-
sion ne devrait pas la
renforcer, au contraire,
d’autant que l’acquis com-
munautaire que les PECO
doivent assimiler est loin
d’être la réunion des
acquis sociaux ancrés dans
les réalités nationales des
Quinze6. Depuis 1990,
dans les PECO, l’emploi est en
baisse, le chômage, les inégalités de
revenus et la pauvre sont en
hausse. Après avoir conververs
celui de l’UE, de 1992 à 1998, leur
taux de chômage moyen s’est mis
à remonter pour atteindre 12 %,
alors qu’il baissait en dessous de 8
% dans l’UE. Outre des situations
très inégales sur le marché du tra-
vail entre les citoyens des anciens
et des futurs pays membres, l’ad-
sion va se traduire par un surcrt
de plus de 5 millions de chômeurs
dans l’UE élargie. Le chômage des
jeunes est particulièrement élevé
dans les PECO (28,6 %). La pauvre
progresse partout sauf, en fin de
période, en République tchèque, en
Estonie et en Lituanie (elle reste éle-
vée dans ces deux derniers pays)
et demeure faible, bien qu’en aug-
mentation, en Slovénie. Elle affecte
surtout les jeunes à la recherche
d’un premier emploi, les chômeurs
de longue durée et les agriculteurs.
Aps avoir lan au début une poli-
tique de protection sociale assez géné-
reuse pour faire face à la montée des
inégalités et de la pauvreté, les PECO
ont révi en baisse ces régimes daide
trop coûteux. Par exemple pour les
allocations de cmage : interdiction
de cumul, durcissement du pointage
au bureau local de l’emploi, cessation
de l’assistance aux chômeurs en fin
de droit, durée maximale de verse-
ment réduite, contrepartie forcée en
travail, taux de remplacement abaissé.
me durcissement pour les alloca-
tions familiales, les allocations-loge-
ment, les bourses d’étudiants, etc.,
dans tous les PECO. L’âge légal de
départ à la retraite a été
repoussé très au-delà de 60
ans pour les hommes (et de
55 ans pour les femmes). A
part la Slovénie, tous les
PECO ont fait croître rapi-
dement les cotisations
sociales et ont adopté le
régime de retraite recom-
mandé par la Banque mon-
diale, reposant sur trois
piliers : l’ancien système par
partition et deux sysmes
par capitalisation, l’un com-
pmentaire obligatoire et l’autre sup-
plémentaire facultatif. Compte tenu
des difficuls des Quinze dans beau-
coup de ces domaines, une certaine
fragilisation du modèle social euro-
en, dont la base légale communau-
taire est le trai d’Amsterdam ent
en vigueur en 1999, ne peut être
exclue.
En revanche, les craintes naguère
exprimées d’un « dumping social »
passant par des délocalisations de
production massives vers les PECO
sont moins à craindre, pour deux rai-
sons : les deux tiers des IDE entrant
dans ces pays sont motivés par l’ex-
tension du marché, un tiers seulement
par la recherche de moindres coûts
de production7; d’autre part, la hausse
des salaires (tableau 1) et des coûts
unitaires du travail (une fois pris en
compte les différentiels de produc-
tivité) est générale depuis 1994.
L’ÉPINEUSE QUESTION
DES AIDES
Le total des penses d’élargisse-
ment se monte, sur la période
2004-2006, à 40,8 milliards d’euros
(moins de 0,3 % du PIB des Quinze),
à partir entre les huit PECO,
Chypre et Malte, soit un coût net de
28 milliards d’euros pour lUE, duc-
tion faite des contributions prévi-
sibles des nouveaux Etats membres.
Ce qui représentera un coût d’un
peu moins de 10 euros par an et par
habitant pour les Quinze. Du
des PECO, l’Agenda 2000 avait pla-
fon à 250 euros par habitant et par
an le versement maximal dont ils
devraient bénéficier au titre des fonds
structurels, alors que la Grèce et le
Portugal, plus veloppés, recevaient
400 euros par habitant en 1999.
On est donc loin du compte. Le vrai
partage au sein de l’UE élargie pour
les années ultérieures est celui qui
sera fini lors de l’adoption du bud-
get communautaire pour 2007-2013 :
l’accord budtaire sera d’autant plus
difficile à trouver que le Conseil euro-
péen de Bruxelles (octobre 2002) a
préci que l’effort de discipline bud-
gétaire engagé au Conseil européen
de Berlin (1999) doit être poursuivi
après 2007. La négociation promet
d’être chaude avec ces pays qui
seront désormais membres de l’UE,
mais resteront longtemps plus
pauvres, plus agricoles, et en proie
à de fortes disparités régionales et
à des besoins urgents de restructu-
ration industrielle. Nul doute qu’ils
exigeront de bénéficier à due pro-
portion des fonds structurels pour
leurs régions moins développées
(presque toutes), et seront tous éli-
gibles pour les fonds de cohésion
sociale (servis aux pays membres
dont le PIB par tête est inférieur à
90 % de la moyenne de l’UE, cas de
tous les PECO).
Avec l’adsion, le nombre de régions
et d’habitants bénéficiaires des fonds
structurels va augmenter plus que
proportionnellement : 67 nouvelles
régions, dont toutes celles des PECO
à l’exception de Bratislava, Ljubljana
2. LES DILEMMES DE LA « GRANDE EUROPE »
6J. Fayolle,
« Acquis social,
acquis
communautaire ?
La solidarité à
l’épreuve de
l’élargissement »,
Chronique
internationale de
l’IRES, n°79,
novembre 2002.
7Conclusion
vers laquelle
convergent tous
les tests
économétriques
(voir W. Andreff,
« The Global
Strategy of
Multinational
Corporations
and their
Assessment of
Eastern
European and
C.I.S.
Countries » ;
V. Tikhomirov,
ed., Anatomy of
the 1998 Russian
Crisis, CERC,
University of
Melbourne
1999 ; et
K. Meyer, Direct
Investment in
Economies in
Transition,
Edward Elgar,
Cheltenham
1998).
Après avoir
lancé des
politiques de
protection
sociale
généreuses,
tous les PECO
les ont revues
à la baisse.
109
Sociétal
N° 41
3etrimestre
2003
LA « DEUXIÈME TRANSITION » DES PECO
et Prague, soit 116 millions d’habi-
tants, seront éligibles dans l’Union à
25. Dans les actuels pays membres
de l’UE, 15 régions au moins (23 aps
l’entrée de la Bulgarie et de la Rou-
manie), perdront le béfice des fonds
structurels qu’elles perçoivent : en
effet, l’entrée des régions pauvres des
PECO fera baisser (de 13 %) le PIB
gional moyen dans l’UE, et donc le
niveau d’attribution des fonds struc-
turels, fixé à 75 % de ce PIB moyen.
Cet effet d’éviction va toucher plu-
sieurs régions d’Italie, de Grèce et
d’Espagne, ainsi que la Corse. L’attri-
bution des fonds structurels sera
encore déterminée à l’unanimité en
2005, ce qui permettra sans doute
aux anciens Etats membres d’obte-
nir des compensations pour leurs
régions perdantes, ou de tenter de
prolonger la riode transitoire au-
dede 2006. En fait, les aides struc-
turelles accordées aux dix nouveaux
membres pour 2004-2006 (21,7 mil-
liards d’euros) sont une sorte d’en-
veloppe d’apprentissage. Comment
concilier l’extension de la politique
de développement régional de l’UE
avec la volonté de stabiliser le bud-
get communautaire et avec le refus
probable des régions actuellement
bénéficiaires d’abandonner tout ou
partie de leurs fonds structurels ?
Lidée d’une renationalisation des poli-
tiques régionales a de nombreux
adeptes parmi les experts budgétaires
des pays contributeurs nets (Alle-
magne, Pays-Bas, Royaume Uni)8.
UNE NORMALISATION
TRÈS PROGRESSIVE
Même avec une nouvelle réforme
de la politique agricole com-
munautaire (PAC), comment finan-
cer sans inflation budgétaire le coût
des aides directes à verser aux trois
millions d’agriculteurs polonais, à
ceux des autres PECO, et en 2007
aux deux millions d’agriculteurs rou-
mains ? La contribution des futurs
membres au budget de l’UE sera
modeste (étant donné le poids rela-
tif de leurs PIB) : la hausse des
recettes (de 4 à 5 %) sera très infé-
rieure aux montants à leur verser, à
droits pleins, au titre des fonds struc-
turels et des aides directes à leurs
agriculteurs. Pour l’heure, en 2004,
2005 et 2006, les agriculteurs des
nouveaux membres ne toucheront
que 25 %, puis 30 % et 35 % des aides
directes allouées aux agriculteurs
des Quinze. Il leur faudra attendre
2013 pour béficier des mêmes
droits, à 100 %. L’argument avancé
par Bruxelles est que des aides
directes à 100 % risqueraient de
stopper la restructuration de l’agri-
culture des PECO et la forte régres-
sion de sa production depuis 1990.
Ce qui est certain, c’est qu’elles
feraient supporter le coût de cette
restructuration à l’UE au-delà de ce
que les anciens pays membres accep-
tent d’envisager.
Les PECO vont donc
connaître une deuxième
période de transition, entre
le 1ermai 2004 et le
moment où ils bénéficie-
ront de la PAC et des autres
politiques communautaires
sur un pied d’égalité.
Quant aux négociations sur la libre
circulation des travailleurs, elles se
sont soldées par la mise en place
d’une période transitoire de sept
ans. Toutes les études convergent
vers un potentiel migratoire de 3 à
5 millions d’individus vers l’UE
actuelle sur une période de trente
ans, soit un peu plus de 1 % de la
population totale de l’Union élar-
gie et près de 5 % de celle des dix
PECO. La répartition sera inégale :
de l’ordre de 2,5 millions de migrants
vers l’Allemagne, de 470 000 vers
l’Autriche et de 100 000 vers la
France. Il s’agira d’une population
majoritairement masculine (aux
deux tiers), jeune, mieux équipée et
qualifiée que la moyenne de leur pays
d’origine. C’est pourquoi la période
de transition à la libre circulation
de la main-d’œuvre est structurée
en trois étapes. Pendant les deux
années suivant l’adhésion, les
mesures restrictives à l’entrée chez
les Quinze resteront en vigueur. Puis,
pendant trois ans, ces derniers pour-
ront encore appliquer des mesures
nationales. La période transitoire
devrait cesser à l’issue de ces cinq
années. Une prolongation de deux
ans sera encore possible en cas de
sérieuses perturbations sur le mar-
ché du travail perspective très pro-
bable dans le cas de l’Allemagne.
Ces demandes de périodes transi-
toires ne proviennent pas seulement
des Quinze. En sens inverse, la
Pologne, par exemple, a demandé
un délai de transition de sept ans
pour autoriser la vente des terres
agricoles aux étrangers originaires
de l’Union. Enfin, en ce qui concerne
les services financiers, les PECO dis-
posent de périodes limitées pour
se mettre aux normes
euroennes et établir
une régulation suffisante
du secteur bancaire.
Au sein me des PECO,
le partage sera asymé-
trique. La Pologne rece-
vra à elle seule, en
2004-2006, 11,4 milliards
d’euros au titre des fonds
structurels et 4,6 millions d’euros
au titre de la PAC, soit 40 % des
penses d’élargissement, en rai-
son de sa taille, certes, mais aussi
de son faible niveau de développe-
ment et du poids de son agriculture.
La Slovénie, le PECO le plus déve-
loppé, risquait au contraire de deve-
nir dès son adhésion contributeur
net au budget de l’UE, si un dispo-
sitif technique n’avait été mis en
place pour éviter cette anomalie.
La transition des pays ex-socialistes
vers l’économie de marc a été
marquée par une forte récession,
une crise de liquidiou encore par
l’enracinement des anciens mana-
gers à la tête des firmes privatisées.
Mais, au sein de cet ensemble, les
PECO ont été favorisés par la pro-
messe d’être admis dans l’UE : ils
ont été moins affectés par ces désa-
gréments que les pays de la CEI et
des Balkans. Beaucoup en ont déduit
que la transition serait définitive-
ment achevée au jour de l’adhésion
à l’UE. Cette vision est trop opti-
8J.-F. Drevet,
« Europe : les fonds
communautaires et
l’élargissement »,
Futuribles, n°282,
janvier 2003.
La Pologne
recevra,
en 2004-2006,
40 %
des dépenses
d’élargissement.
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