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RÉSUMÉ
LA DÉPRESSION DANS LA POPULATION SUISSE
Résumé
comorbides, c’est-à-dire des troubles physiques ou psy-
chiques concomitants, ce qui conduit à des problèmes
accrus au travail. Enfin, les problèmes professionnels des
patients dépressifs sont insuffisamment pris en compte
dans les traitements, ce qui contribue à accroître l’exclu-
sion des malades et les coûts liés au traitement et à l’in-
validité.
Le présent rapport donne une vue d’ensemble des
résultats de la recherche sur différents aspects des troubles
dépressifs en Suisse: épidémiologie, comorbidité, hygiène
de vie, relations sociales, traitements, situation profes-
sionnelle des personnes concernées. Nous avons exploité
une grande partie des sources de données disponibles en
Suisse sur les personnes souffrant de symptômes dépres-
sifs et sur les patients traités pour des troubles de l’hu-
meur. Ce rapport pourra servir de base aux débats sur la
politique de la santé et la politique sociale. Il met en évi-
dence certaines déficiences dans la conception de la mala-
die ainsi que des carences au niveau de la prise en charge.
Il montre dans quels domaines des études plus appro-
fondies pourraient s’avérer utiles. Nos analyses sont
suivies d’un commentaire du Dr Theodor Cahn, ancien
médecin chef de la clinique psychiatrique de Bâle-Cam-
pagne, aujourd’hui praticien indépendant en psychiatrie
et en psychothérapie, qui a accepté de mettre nos résul-
tats en perspective et de les soumettre à un examen cri-
tique.
La perspective très large de cette étude et la diversité
des sources utilisées nous ont amenés à concentrer notre
attention sur les personnes adultes en âge de travailler
(les jeunes et les personnes âgées sont également prises
en considération, mais de manière moins approfondie)
et à manier avec prudence les définitions de la «dépres-
sion», qui varient fortement selon les sources et selon les
enquêtes. Vu les effets très handicapants de cette mala-
die au plan individuel, social et économique, nous avons
mis l’accent sur la situation professionnelle et sur l’inté-
gration sociale des personnes dépressives. Nous avons
étudié également les liens existant entre les personnes
touchées et certaines caractéristiques de la maladie et
Les dépressions sont des troubles psychiques très fré-
quents, associés à des souffrances importantes pour les
malades et leur entourage, et générant des handicaps
considérables dans la vie quotidienne, dans la vie sociale
et dans la vie professionnelle. Les coûts socio-écono-
miques induits en Europe par les troubles de l’humeur
sont estimés à quelque 100milliards d’euros par an,
dont un tiers environ sont des coûts directs inhérents aux
soins médicaux et sociaux et deux tiers des coûts indirects:
baisses de productivité, incapacités de travail, invalidité.
En Suisse, les coûts induits par les troubles de l’humeur
chez les personnes en âge de travailler ont été chiffrés
à plus de 11 milliards de francs, résultant pour la plus
grande part d’absences au travail et de baisses de pro-
ductivité (Tomonaga et al., 2013). L’Organisation mon-
diale de la santé (OMS) prévoit que la dépression uni-
polaire s’inscrira dans les années à venir au premier rang
des maladies les plus handicapantes. La dépression
constitue dès lors une question prioritaire pour la poli-
tique de la santé et la politique sociale.
La charge individuelle, sociale et économique des
maladies dépressives s’explique d’une part par les carac-
téristiques propres de ces maladies: les troubles dépres-
sifs touchent, selon les résultats actuels de la recherche,
une personne sur cinq au cours de sa vie. Ils débutent en
moyenne à l’âge de 30ans, soit bien avant les maladies
physiques, présentent généralement un caractère récidi-
vant ou chronique, sont souvent associés à d’autres
maladies et ont des effets handicapants même lorsqu’il
s’agit de dépressions de faible gravité ou d’états dépres-
sifs en deçà du seuil de morbidité. D’autre part, la stig-
matisation de la maladie et la manière dont elle est prise
en charge contribuent à en faire une maladie particuliè-
rement handicapante: une personne sur deux seulement
recourt à un traitement médical et il s’écoule en moyenne
dix ans entre l’apparition de la maladie et le début du trai-
tement. La dépression n’est souvent pas diagnostiquée
par les médecins généralistes et n’est pas toujours traitée
convenablement. Les traitements semblent inadaptés en
particulier chez les patients qui présentent des troubles