Dépistage de l`ostéoporose: comment l`optimiser en pratique?

Réalités en Rhumatologie 1 Novembre 2007
Le dépistage de l’ostéoporose s’effectue en
pratique clinique devant l’apparition de fracture
à basse énergie, c’est-à-dire dans un contexte de
chute de sa hauteur pour les fractures
périphériques, mais aussi de manière spontanée
et souvent pauci- ou asymptomatique pour les
fractures vertébrales.
L’apparition d’une fracture périphérique doit
faire rechercher une ou plusieurs fracture(s)
vertébrale(s) souvent associée(s), par
radiographies standard ou par morphométrie
lors de la densitométrie osseuse.
Au stade préfracturaire, la recherche de facteurs
de risque de perte osseuse peut aboutir à la
réalisation d’une densitométrie osseuse
permettant également de poser le diagnostic
d’ostéoporose si le T-score est inférieur ou égal
à -2,5 au rachis lombaire ou à la hanche
(éventuellement au poignet dans le cadre du
bilan d’une hyperparathyroïdie primitive).
L’existence de facteurs de risque de perte
osseuse et de chute permet d’évaluer en sus de
la valeur du T-score le risque d’une complication
fracturaire. Les explorations biologiques doivent
compléter l’évaluation clinique afin de dépister
les causes secondaires de perte osseuse et
doivent s’enquérir du niveau de 25OH
vitamine D qui devra être normalisé avant toute
prescription pharmacologique.
La définition actuelle de l’ostéoporose (du grec osteon : os et poros : petit
trou) est purement osseuse. Elle repose sur la notion d’une altération de la
quantité et de la qualité osseuse responsable d’une fragilité de l’os et
d’une augmentation du risque de subir une fracture. Elle ne prend pas en compte
le facteur chute si influent sur les fractures périphériques et tous les paramètres
le favorisant, comme une faiblesse musculaire (s’y associant lors d’une cortico-
thérapie par voie générale), une altération des fonctions neurosensorielles avec
l’âge (pouvant être aggravée par une prise médicamenteuse), toute circonstance
malencontreuse de chute lors de la marche. La fracture est le stade ultime de gra-
vité de cette maladie qui touche quasiment l’ensemble du squelette.
Le paradoxe de cette maladie était selon S. de Sèze et A. Ryckewaert, il y a plus
de 30 ans, “qu’on n’était pas en droit de diagnostiquer la veille de la fracture
alors que le degré d’ostéoporose était identique”. L’arrivée de la densitométrie
osseuse et de la mesure de la DMO (g/cm2) dans la pratique du dépistage a
enthousiasmé les cliniciens. Pourtant, cette technique se révèle peu sensible à
mettre en évidence une ostéoporose chez les patients fracturés. Ainsi, la
démarche du clinicien reste la pierre angulaire dans la prise en charge de la
maladie porotique lorsqu’elle est au stade fracturaire puisque l’on dispose de
traitements pharmacologiques et non pharmacologiques ayant démontré leur
efficacité à prévenir les fractures en prévention secondaire.
Le clinicien dispose également d’outils pour apprécier le risque fracturaire dans
son ensemble en prévention primaire, la DMO n’étant qu’un facteur de risque
parmi d’autres au moins aussi importants. Ainsi, tout clinicien prenant en charge
les ostéoporoses doit connaître tous les facteurs pertinents à prendre en compte
dans le dépistage de la maladie afin d’optimiser sa démarche. L’arrivée pro-
chaine de critères de risque absolu de fracture devrait aider les cliniciens à
mieux définir le seuil d’intervention thérapeutique en prévention primaire.
❚❚ LE DIAGNOSTIC D’OSTEOPOROSE
Actuellement, en pratique clinique quotidienne, deux situations permettent de
poser le diagnostic d’ostéoporose chez la femme comme chez l’homme :
Dépistage de l’ostéoporose:
comment l’optimiser en pratique?
R. LEVASSEUR1
1 Service de Rhumatologie et Pôle Ostéoarticulaire,
CHU Angers, Inserm EMI 335,
Faculté de Médecine, ANGERS.
DOSSIER
Ostéoporose
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Ostéoporose
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Lors de la survenue d’une fracture à basse énergie (chute de
sa hauteur) en excluant le crâne, le rachis cervical, les doigts et
les orteils (NB : cela ne veut pas dire qu’il ne faille pas recher-
cher les facteurs de risque d’ostéoporose chez les patients ayant
subi un traumatisme à haute énergie, car la prévalence de l’os-
téoporose semble importante dans cette catégorie).
Au stade préfracturaire lorsqu’une mesure de densité
minérale osseuse (DMO, g/cm2), mesurée par absorptiomé-
trie biphotonique à rayons X (ostéodensitométrie ou
DXA), révèle un T-score ≤ -2,5 en postménopause (définition
OMS) (NB : un Z-score < -2 en préménopause est habituelle-
ment retenu).
Ainsi, le terme “ostéoporose” ne pourra pas être utilisé devant
un aspect déminéralisé d’une pièce osseuse à la radiographie
standard ou en présence d’une fracture vertébrale dont l’ori-
gine ostéoporotique ne peut pas être affirmée sur la seule
radiographie standard.
L’épidémiologie des fractures chez la femme ménopausée
nous apporte des éléments de compréhension quant aux
mécanismes impliqués dans la maladie. Schématiquement, à
60 ans, le poignet est un site de prédilection des fractures péri-
phériques (incidence fracturaire annuelle d’environ
10 pour 1 000), car le réflexe de protection lors de la chute
l’expose en premier au contact avec le sol. A ce stade, les
réflexes neurosensoriels sont préservés.
Parallèlement, les fractures vertébrales se produisent souvent
à bas bruit, symbole de “l’ostéoporose voleur silencieux” de
cet os trabéculaire, en majeure partie indépendamment des
mécanismes de chute. Leur prévalence augmente régulière-
ment avec l’âge pour atteindre environ 20 à 25 % après 80 ans
(incidence fracturaire annuelle de 10 pour 1 000 à 50 ans à
environ 40 pour 1 000 après 85 ans). A cet âge, les réflexes
neurosensoriels ne sont plus performants et la force muscu-
laire des membres est diminuée ; la chute se produit plus sou-
vent lourdement sur le côté, mettant l’extrémité supérieure du
fémur (ESF) violemment en contact avec le sol et le fractu-
rant. Alors qu’à 70 ans, la prévalence de la fracture de l’ESF
est faible (incidence annuelle d’environ 5 pour 1 000), elle
augmente exponentiellement à partir de cet âge pour toucher
la moitié des femmes qui seront centenaires.
Il est à noter que la fracture du fémur signe la gravité de la
maladie, puisque quel que soit l’âge et quel que soit le sexe, il
existe déjà en moyenne une à deux fractures vertébrales asso-
ciées à ce stade. L’incidence de la fracture du poignet reste
stable au fil des décennies (10 pour 1 000 à 85 ans) car, comme
nous l’avons vu, le mécanisme de chute se modifie. Fait nou-
veau très important, il a été très récemment démontré que les
fractures périphériques et vertébrales sont associées à des alté-
rations de l’architecture corticale et trabéculaire périphérique
de façon partiellement indépendante de la DMO mesurée par
densitométrie osseuse [1]. La survenue d’une fracture du bas-
sin semble également signer la gravité de la maladie.
Le profil fracturaire masculin semble sensiblement identique
avec une proportion de fractures schématiquement trois fois
moindre, au moins sur le plan périphérique.
❚❚ LA DEMARCHE DE DEPISTAGE
En pratique, il est rarement possible de pouvoir dépister et
prendre en charge une ostéoporose au cours de la même
consultation. Il faut souvent une première consultation qui va
s’attacher à évaluer la maladie sur le plan clinique, biologique
ainsi que de l’imagerie, et une seconde qui va mettre en place
la prise en charge concrète de l’ostéoporose, non pharmaco-
logique et pharmacologique (fig. 1).
Quelle que soit la situation clinique : fracture à basse énergie
connue ou à rechercher, dépistage de l’ostéoporose au stade
non fracturaire, l’évaluation va porter sur certains paramètres
cliniques pertinents à prendre en compte (tableau I).
1. – Peser
Le poids est le paramètre clinique le mieux corrélé à la DMO.
Un poids inférieur à 48 kg (correspondant au quartile infé-
1re CS : Rechercher les facteurs de risque : peser, mesurer,
interroger, examiner, initier le dialogue sur l’ostéoporose…
± demander radiographies du rachis thoracique et lombaire :
DXA ± morphométrie vertébrale
Explorations biologiques
2e CS : Décider de l’attitude thérapeutique en fonction :
– de l’existence de FV et/ou périphériques,
– de l’existence de facteur(s) de risque,
– du résultat de la DMO,
– des explorations biologiques,
– du dialogue avec la patiente.
Fig. 1: Stratégie de dépistage de l’ostéoporose en pratique (CS = consultation).
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Dépistage de l’ostéoporose: comment l’organiser en pratique?
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rieur de la courbe de poids de référence française) peut être
considéré comme un facteur de risque de faible DMO. Une
recherche d’antécédent d’anorexie mentale est systéma-
tique, en particulier lors d’une ostéoporose précoce. Les
variations de poids semblent influencer considérablement la
masse osseuse. Il a clairement été montré lors d’une étude
randomisée qu’une perte de poids par régime alimentaire
seul diminue la masse osseuse, ce qui n’est pas le cas si la
perte de poids est obtenue par une augmentation de l’exercice
physique seul [2]. L´exercice physique doit donc faire partie
intégrante des programmes de perte pondérale, afin d’éviter la
perte osseuse conséquente induite par la restriction calorique.
2. – Mesurer et rechercher une fracture vertébrale
La perte de taille est un élément important à rechercher, mais
peu fiable en routine clinique. Il faut d’abord savoir que l’on
perd physiologiquement 1 cm en moyenne entre le début et la
fin de la journée (effet de la pesanteur) et qu’il existe aussi
une variabilité de la mesure de l’ordre du centimètre selon les
outils ou les méthodes utilisés (toise, mètre mural…). On
retient habituellement une perte d’au moins 3 cm par rapport
à la taille mesurée à l’âge de 20 ans comme élément incitateur
à rechercher une fracture vertébrale par radiographie stan-
dard ou par morphométrie vertébrale. Cependant, la perte
d’au moins 6 cm n’a qu’une sensibilité de 30 % et une spéci-
ficité de 94 % pour diagnostiquer une fracture vertébrale mor-
phométrique [3].
La présence d’arthrose, de séquelles de dystrophie rachi-
dienne de croissance et la perte de tonicité musculaire entraî-
nant une cyphose thoracique semble être des éléments favori-
sant une perte de taille indépendante de toute pathologie
fracturaire. Il faut également rechercher l’existence de rachi-
algies, de syndrome préfracturaire (douleurs précédant la
fracture de quelques jours) et d’une cyphose thoracique. La
percussion douloureuse des épineuses peut orienter vers la
découverte d’une fracture vertébrale récente. Enfin, si la
patiente possède des clichés de son rachis, on examinera sys-
tématiquement la hauteur des corps vertébraux. Toute fracture
vertébrale spontanée sera a priori considérée comme d’ori-
gine ostéoporotique si le caractère de la douleur est pure-
ment mécanique (régressive au bout de quelques jours à
quelques semaines) et si le tassement est symétrique de face
avec conservation des pédicules et des épineuses. Les explo-
rations biologiques sont obligatoires dans ce contexte.
La découverte d’une fracture vertébrale doit d’abord faire
rechercher à l’interrogatoire la notion d’un accident trauma-
Tableau I : Fiche pratique d’évaluation clinique du risque fracturaire chez la
femme. FV : fracture vertébrale, FP: fracture périphérique (sauf doigts,
orteils, rachis cervical et crâne), FESF : fracture de l’extrémité supérieure du
fémur, THM : traitement hormonal de la ménopause.
Poids
Poids < 48 kg
Antécédent d’anorexie mentale
Perte de poids par régime hypocalorique seul
Taille
Perte d’au moins 2 à 3 cm
Rachialgies mécaniques
Cyphose thoracique
IMC
< 19 kg/m2
Fractures
Antécédent personnel (FV, FP)
Antécédent familial au premier degré (FESF)
Carence en estrogènes
Ménopause < 40 ans
Temps d’exposition aux estrogènes
Inhibiteurs de l’aromatase
Agonistes de la GnRH
Absence de THM
Activité physique
Faible activité en charge
Immobilisation prolongée
Facteurs nutritionnels
Faible consommation de calcium
Insuffisance ou carence en vit. D
Alcoolisme
Tabagisme
Pathologies inductrices d’OP
Maladies neuro-musculaires
Maladies cardio-respiratoires chroniques
Rhumatismes inflammatoires
Maladies systémiques
Mastocytose osseuse
Ostéogenèse imparfaite
Médicaments inducteurs d’OP ou de chutes
Corticothérapie orale
Hormones thyroïdiennes à visée suppressive
Antiépileptiques
Antidépresseurs
Glitazones
Oméprazole au long cours
Somnifères
DXA
T-score lombaire
T-score hanche totale
T-score col fémoral
Risque de chuter
Chute(s) récente(s)
Capacité de se relever d’une chaise
Capacité à marcher et faire demi-tour sans hésitation
Baisse d’acuité visuelle
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