Le monstre : sens et significations

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INTRODUCTION
Au commencement, il y a le Sphinx (ou la Sphinge) qui se tient face
à nous, silencieux. Il ne nous pose aucune question. Il est là simplement.
Il se montre. C’est une énigme muette qui nous vient d’Égypte, de très loin
dans l’espace et dans le temps. On ne sait rien de lui. Est-ce un dieu, un
homme fabuleux, un animal anthropomorphe, ou un souverain au corps
de lion ? Sa figure de pierre la plus célèbre côtoie un autre mystère, celui
de la grande pyramide de Chéops, qui par sa hauteur, sa sublimité est
une sorte de « monstre de l’art », comme disaient les Anciens à propos
des sept merveilles du monde. Monstre et merveille, sont déjà, là,
rapprochés, côte à côte. Est-ce là un « langage muet à destination des
esprits », comme l’écrit Hegel dans son Cours d’esthétiques à propos de
l’art symbolique des Égyptiens ? Mais que peut bien nous dire cet animal
hybride, ce félin à tête d’homme ? Il semble bien indifférent à nous. Il est
calme, au repos, hiératique, figé pour l’éternité. Bien différent sera le
Sphinx des Grecs. Un poseur d’énigme celui-là, agressif et dangereux. Et
gare si nous ne trouvons pas la réponse ! Œdipe la trouvera. Il n’y a pas
d’autre énigme que celle de l’homme. Et toute la philosophie prend là son
départ. Elle a entendu la question. Elle l’a formulée. Elle a fait parler le
Sphinx dans « la langue claire et nette de l’esprit » (Hegel). Œdipe a
vaincu le Sphinx en trouvant la formulation plus que la solution de
l’énigme. Mais pour la philosophie, c’est encore un commencement,
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auquel elle reviendra toujours : « qu’est-ce que l’homme ? ». Car la
réponse d’Œdipe est en fait une autre question. Comme l’écrivent Jean
Pierre Vernant et Pierre Vidal-Naquet : « Le savoir d’Œdipe, quand il
déchiffre l’énigme du Sphinx, porte déjà d’une certaine façon sur luimême. Quel est l’être, qui est à la fois dipous, tripous et tetrapous ? Pour
Oi-dipous, le mystère n’en est un qu’en apparence : il s’agit bien sûr de lui,
il s’agit de l’homme1. Mais cette réponse n’est un savoir qu’en apparence ;
elle masque le vrai problème : qu’est alors l’homme, qu’est Œdipe ? »2 On
comprend que notre quête du monstre puisse se situer dans la
perspective générale d’une anthropologie philosophique. Le mythe, le
récit, la tragédie lèguent, par le biais de la figure du monstre, à la
philosophie sa question fondamentale : « Qu’est-ce que l’homme ? » Le
monstre se tient de la sorte sur le seuil de la philosophie. Quiconque
entreprend de philosopher doit le rencontrer à un moment ou un autre
dans son chemin de pensée.
Dans cette introduction, nous voulons surtout justifier notre approche
esthétique dans l’abord de la monstruosité et montrer comment cette
perspective s’articule directement à une problématique anthropologique.
Si le monstre est omni-présent en art, dans notre imaginaire, dans nos
rêves et nos cauchemars, c’est parce qu’il nous montre quelque chose de
nous-même, de l’humanité dans sa généralité, quelque chose qui ne peut
apparaître que selon cette déformation. Le monstre serait-il semblable à
1 « O chanteuse des mort au vol sinistre, écoute/Malgré toi notre voix qui met fin à tes
crimes./C’est l’homme qui petit, étant sorti du sein,/A d’abord quatre pieds lorsqu’il se
traïne à terre ;/Puis vieux, comme un troisième il appuie son bâton,/Quand sous le faix
de l’âge, il tient courbée la nuque », EURIPIDE, Les Phéniciennes, Argument, 27-32.
2 J.-P. VERNANT, Pierre VIDAL-NAQUET, « Œdipe sans complexe », in : Mythe et tragédie
en Grèce Ancienne, Maspéro, 1972.
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une anamorphose qu’on ne pourra saisir justement que si l’on sait adopter
le bon point de vue ? C’est ainsi que nous pourrions formuler de la
manière la plus condensée la « thèse de notre thèse » : le monstre nous
donne à sentir que nous ne nous réduisons pas à ce que nous croyons
être, que notre corps lui-même nous est inconnu, et surtout que, comme
lui, nous sommes irrémédiablement singulier. L’esthétique n’est pas la
science du beau, mais l’exploration des différents domaines de notre
sensibilité, une logique de la sensation, comme dirait Deleuze.
Ce n’est pas d’abord la difformité, ni le caractère hybride, qui
caractérisent le monstre, mais la singularité, l’unicité. Il est seul
comparable à lui-même, comme disaient les courtisans du monarque
absolu. Majesté du monstre !3 C’est ce monstre singulier qui nous
intéresse particulièrement en ces pages. Le monstre unique en son genre,
exceptionnel et rare, plutôt que celui qui manifeste une normalité
exagérément agrandie (colosse) ou amoindrie (nains). Pas plus que le
colossal et le minuscule, l’invisible et l’évanescent, ne seront nos thèmes
privilégiés. Peu importe le monstre du Loch Ness ! Peu importe le Graoully
messin et les montres touristiques et domestiqués par le folklore ! En fait
un monstre est toujours davantage et autre chose qu’une curiosité. Un
caillou, une pierre peuvent être curieux, ils ne peuvent être monstrueux (à
moins que tel ou tel rocher, comme il arrive fréquemment évoque un corps
ou un profil humain). Si le monstre n’est pas forcément humain, il est en
tout cas organique. Il montre une autre apparence d’organisation. Il est
3 De fait, on a souvent comparé les souverains à des monstres, dès l’Antiquité. Cf.
Monstres et merveilles, Créatures prodigieuses de l’Antiquité, Signets, Belles Lettres,
2009, en particulier le chapitre intitulé « Bêtes de pouvoir », p. 117. Nous pensons,
bien entendu, également au Léviathan de Hobbes.
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rebelle à la « bonne forme » dont parle la psychologie de la forme, qui est
immédiatement reconnaissable et assimilable. Tout se passe comme si le
monstre avait répondu à cette injonction d’Antonin Artaud, selon laquelle
l’homme devrait se fabriquer un autre corps. C’est ce qu’il nommait « la
cruauté », mise en œuvre, en particulier dans son théâtre. On sait que
beaucoup d’artiste d’aujourd’hui n’hésitent pas à modifier leur intégrité
corporelle en ayant recours à une chirurgie qui les déforme. Au-delà de la
fascination pour le monstre, on peut donc constater un désir de devenirmonstre (à la manière du devenir-animal de Deleuze et Guattari). Nous
sommes loin alors de la curiosité et des phénomènes de foires. Il y va d’un
désir de métamorphose et du désir, sans doute, d’un autre monde.
À l’autre extrêmité de notre parcours, il y a la présence tout aussi
mystérieuse et inquiétante des Demoiselles d’Avignon. Et Elephant Man
de Lynch. Cela veut dire que, jamais, de la plus haute Antiquité jusqu’à
aujourd’hui, le monstrueux n’a pu être surmonté, évacué, forclos. Sa
présence insiste. Il est toujours à nos côtés, et sans doute, nous le
verrons, sa véritable place est-elle en nous. Nous n’avons jamais à aller le
chercher bien loin. Quel est le lieu du monstre ? Que signifie ces
cavernes, ces déserts, ces labyrinthes où nous voulons à tout prix le faire
habiter ?4 Serait-ce que cherchons à l’éloigner, en le situant dans ces lieux
d’exception, loin de nos maisons et de nos villes ? Nous devrons nous
poser cette question. En représentant le monstre, l’art nous préserve
d’une trop grande proximité avec lui. Notre propre monstruosité,
l’hypothèse ou la possibilité d’une monstruosité qui serait nôtre, nous est
4 « Les monstres logent dans la nature déchaînée, dans les tréfonds de la terre, au
cœur des volcans, dans la boue des marécages… », Isabelle JOUTEUR, Monstres et
Merveilles, op. cit., p. 13.
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ainsi épargnée. Le monstre est ainsi conjuré en même temps qu’il est fixé
dans la pierre comme une gargouille de cathédrale qui servira à
l’évacuation de l’eau. Les représentations sont innombrables qui nous
montre l’homme héroïsé piétinant la créature diabolisée. Mais le diable
est-il autre chose que ce que nous nommons nos « tentations » ?
Cependant, nous ne considérerons pas comme décisive, pour notre thèse,
la distinction entre le monstre imaginaire (fantasme, image de rêve, œuvre
d’art) et le monstre réel (animaux dits « monstrueux », êtres difformes).
Cette distinction n’est pas pour nous essentielle, car la monstruosité
appartient à ces deux modes d’apparition et à leur confusion possible. Qui
voit un monstre croit rêver. Qui rêve d’un monstre effrayant se réveille. Le
monstre devient image. L’image du monstre prend corps. Dans le registre
du monstrueux, l’échange est permanent entre l’imaginaire et le réel. C’est
ce mouvement d’oscillation entre rêve et réalité, qui est d’ailleurs
caractéristique de l’art, qui est aussi le propre du monstrueux. Oscillation
aussi entre éveil et endormissement, endormissement et éveil. Devenir
animal de Proust, comme dirait Deleuze : « Il suffisait que, dans mon lit
même, mon sommeil fût profond et détendit entièrement mon esprit ; alors
celui-ci lâchait le plan du lieu où je m’étais endormi et, quand je m’éveillais
au milieu de la nuit, comme j’ignorais où je me trouvais, je ne savais
même pas au premier instant qui j’étais ; j’avais seulement dans sa
simplicité première le sentiment de l’existence comme il peut frémir au
fond d’un animal ; j’étais plus dénué que l’homme des cavernes »5. Cette
expérience est partagée par nous tous, mais seule la littérature est
5 Marcel PROUST, Du côté de chez Swann.
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capable de la capter et de l’enregistrer. Permettons nous encore une
citation, de Sergio Solmi, cette fois-ci : « Notre pensée la plus profonde
naît souvent malgré nous, du marais d’une vie somnolente, comme de la
fange le nénuphar. Dans le bruissement infiniment stupide et vain, dans
l’émiettement sans cohérence que nous nommons « vie intérieure », c’est
parfois l’éclair d’un moment : les paroles fades et machinales, les visions
peu sûres de leur forme que le flot bourbeux entraînait avec lui
s’agglutinent, s’organisent, prennent figure : c’est le mystère charnel de
toute création, comme une aube sur le chaos. »6
Comme nous chercherons à le démontrer, le monstre nous montre
qui nous sommes ou, du moins, une part inconnue de nous-mêmes. Il
nous avertit de quelque chose. C’est ce que suggère son étymologie :
monere signifie avertir. Le monstre comme le monument averti de quelque
chose. Mais de quoi ? De l’avenir ? D’une présence diabolique, comme
nous venons de le dire ? Ce n’est pas toujours aussi simple. Cela est
souvent vrai du monstre antique ou du monstre médiéval, mais le Sphinx
n’est pas un diable, ni un présage, plutôt une énigme. Si nous savions ce
que nous montre le monstre, nous ne serions pas en rapport avec le
monstrueux que nous cherchons à approcher dans ce travail. Le monstre
ne serait pas, pour nous, aussi intéressant. Il se réduirait à une figure à
interpréter, rébus ou image de rêve. Or, nous le verrons, le monstre
résiste à l’interprétation. Il n’y a pas de dictionnaire des monstres qui
éclaireraient leurs significations particulières, comme il existe un
dictionnaire des symboles. « Nous sommes un monstre, dénué de sens »,
6 Sergio SOLMI, Méditations sur le scorpion, Verdier, 1984. Cité par Éric BULLOT, in :
« La monstruosité », revue Antigone, Arles, été 1985, p. 7.
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telle est la traduction possible d’un vers de Hölderlin (au début d’une
esquisse pour l’hymne Mnémosyne II), celle que propose Martin
Heidegger et son traducteur en français Gérard Granel7. Ce vers nous met
sur la voie d’un thème important de notre thèse : nous sommes tous des
monstres. Le monstre c’est l’homme même. Ein Zeichen sind wir, und
deutunglos (« Un signe, tels nous sommes, et de sens nul », traduction
Gustave Roud). Il nous faut citer ce passage du commentaire de
Heidegger qui permet de comprendre la traduction de Zeichen, par
« monstre » plutôt que par « signe » : « L’homme est le Montrant.
L’homme en cela n’est cependant pas premièrement homme, et ensuite,
encore, en dehors de cela ou accidentellement, un Montrant. Au contraire,
l’homme n’est homme qu’en tant qu’il est tiré vers ce qui se retire, qu’il est
en mouvement vers lui, et qu’il montre ainsi dans la direction de
retirement. Son être repose en ceci, qu’il est un tel Montrant. Ce qui, en
soi, selon son être, est un Montrant, nous le nommerons un « Monstre » ;
dans ce mouvement vers ce qui se retire, l’homme est un Monstre. Parce
que le Monstre, cependant, montre dans la direction de ce qui se re-tire, il
n’annonce pas tant ce qui se re-tire, mais plutôt le retirement lui-même. Le
Monstre demeure sans signification. » Nous n’allons pas immédiatement
« expliquer » ce passage du Cours de Heidegger du semestre d’hiver
1951-1952. C’est le premier d’une série dont le but est l’apprentissage de
la pensée. Nous espérons qu’à la fin de notre travail qui est moins une
tentative de penser le monstre, que d’apprendre à penser avec lui, un tel
passage nous deviendra moins obscur. Retenons, au commencement de
7 M. HEIDEGGER, Qu’appelle-t-on penser ?, trad. Gérard Granel, PUF, 1973.
13
notre apprentissage, la proximité du monstre et de la montre. Avant de
désigner cet outil à donner l’heure que nous portons au poignet, « la
montre » signifie l’« action de montrer ; sens qui n’est guère usité que
dans la locution : faire montre, montrer avec une sorte d’étalage » (Littré).
Le nom pour l’instrument à donner l’heure, dérive, bien entendu, de ce
sens premier. Mais le succès de cet instrument a, pour ainsi dire, occulté
ce sens premier. Jean-Marie Pontévia fait de la montre le propre de
l’œuvre d’art, et en particulier de la peinture8. Et il rappelle, lui aussi,
l’étymologie de monstrum/monestrum qui vient de moneo : 1. Faire songer
à quelque chose, faire souvenir – 2. Avertir, engager, exhorter – 3. Donner
des avertissements, des inspirations, éclairer, instruire. « C’est cet aspect
monitoire du monstre qui est important. Le monstre n’est tel que parce
qu’il pointe vers l’indicible, le non-dit, l’interdit. »9 Le monstre est ainsi un
signe (Zeichen) dont on ne trouve la signification dans aucun dictionnaire.
C’est bien pourquoi il est l’ « affaire de la pensée » ; il nous met sur la voie
de ce que nous ne pensons pas encore, de ce que nous n’avons pas
encore appris à penser : « de sa rencontre avec le monstre, l’homme sort
instruit, transformé, voire radicalement métamorphosé »10.
Un monstre sensé, dont la signification serait par trop claire,
n’intéresserait ni le poète, ni l’artiste, ni le philosophe. Nous connaissons
ces figures aisément déchiffrables qu’utilisent à loisir dessins animés et
bandes dessinées. Nul mystère ici. En revanche, l’être vivant ou l’œuvre,
peu importe maintenant, qui nous fait signe vers quelque chose
8 J.-M. PONTÉVIA, La peinture, Masque et Miroir. Écrits dur l’art et pensées détachées,
préface de Philippe Lacoue-Labarthe, William Blake & Co Edit. 1993, p. 133.
9 Ibid., p. 136.
10 Isabelle JOUTEUR, op. cit., p. 71.
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d’indéchiffrable, celui-là a tout pour nous arrêter et nous fasciner. Un signe
peut être indéchiffrable, si la langue à laquelle il appartient est inconnue.
Ainsi des hiéroglyphes, avant Champollion. Mais il n’y a pas que les unités
linguistiques qui font signe. Il y a d’autres manières de signifier que la
parole ou l’écriture. Il y a le geste par exemple. Le geste, lui aussi, tout en
attirant l’attention sur lui, nous montre quelque chose qui peut être
insaisissable ou évanescent. C’est pourquoi le geste n’est pas un signe
comme un autre. L’homme émet et reçoit très souvent des signaux et des
signes. Mais il lui arrive de faire un geste. Et cela est beaucoup plus
mystérieux. Certains sourires sont des gestes. Nous ferons l’hypothèse
que le monstre peut être appréhendé comme un « geste total ». Il est une
Figure et non un symbole ni une allégorie. On ne sait pas à quoi il renvoie.
Il montre. Mais quoi ? Nous sommes, en tous cas, libérés de cette antique
et très longue superstition qui faisait du monstre un présage généralement
funeste. Pour nous le monstre n’est plus pré-monitoire. Il y a donc une
histoire des monstres, retracée en particulier par Ernest Martin, en 1880,
qui écrit : « De toutes les superstitions qui ont joué et jouent encore un
rôle si néfaste dans le développement de l’humanité, il n’en est pas qui, au
même degré que celle des monstres, ait donné lieu aux conceptions les
plus étranges, aux doctrines les plus insensées, aux procédures les plus
iniques, et jusqu’aux crimes les plus odieux. »11 La superstition concernant
le monstre est tenue à distance, sinon éliminée. Mais Ernest Martin,
comme après lui Bachelard, nous dit que la rationalité ne nous ampute
pas de notre imaginaire : « si la science est parvenue à saper la
11 Ernest MARTIN, Histoire des Monstres, précédé de Le désenchantement des
monstres, par Jean-Jacques Courtine, Million, 2002, p. 288.
15
superstition des monstres, elle ne songe point à s’attaquer aux légendes
… La science et la poésie sont sœurs : si leurs regards sont opposés,
leurs mains se touchent. »12 Si la science nous a relativement libéré de la
superstition des monstres, elle nous permet peut-être enfin d’emprunter
librement les voies de l’esthétique et de l’imaginaire qui conduisent,
comme nous l’avons dit, à diverses perspectives anthropologiques, au
sens philosophique du terme. La voie est enfin libre pour envisager le
monstre en tant que tel. Mais bien sûr, cela n’implique pas que l’on fasse
l’impasse sur ses métamorphoses multimillénaires. Aborder le monstre,
c’est entreprendre un voyage, parce que le monstre lui-même voyage.
Tite-Live nous racontait déjà la naissance d’un homme éléphant. Et
l’antique Minotaure resurgit dans les œuvres d’André Masson et de Pablo
Picasso. Nous sommes donc dans la très longue durée, comme disent les
historiens, et il ne peut être question d’être exhaustif. Nous proposons
donc un parcours, ponctué en douze chapitres, qui est un voyage parmi
bien d’autres possible. A chaque arrêt nous nous demanderons ce que
telle ou telle figure singulière du monstre nous donne à penser. Il s’agit
d’exercices, d’expériences, d’épreuves, et donc de tâtonnement : nous
explorons un labyrinthe spatial mais aussi temporel, car « les formes
monstrueuses s’agitent, bougent, voyagent »13.
Nous avons donc commencé à préciser notre question : que nous
montre le monstre ? Il se montre, avons-nous dit, il se montre lui-même.
Oui, mais par là même, il fait signe vers autre chose. C’est pourquoi, on
pourrait risquer que le monstre a la structure ontologique de l’œuvre d’art.
12 Ibid.
13 Gilbert LASCAULT, in : Monstres et Merveilles, op. cit., p. IX.
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