« L’effort pour se conserver est le premier et l’unique fondement de la vertu »
Baruch SPINOZA in « Ethique »
L’Homme, au cours de sa vie, connaît des crises. Certaines sont maturantes et lui
permettent d’avancer, d’autres peuvent le déstabiliser et le conduire à ce que l’on appelle une
Crise Suicidaire.
La souffrance psychique et/ou physique peut être si intense que l’idée de mort va
s’insinuer dans son esprit. Le désespoir le conduira à penser au suicide. Cette idée peut devenir
pour lui la seule issue envisagée pour sortir de cette impasse.
Ainsi, l’intervention de crise trouve toute sa place dans une telle trajectoire mortifère.
Alors la marche vers la mort doit se transformer en une marche vers la vie. Pour la majorité des
personnes suicidaires, il existe une ambivalence entre le désir de vivre et celui de
mourir. Retrouver l’espoir de moins souffrir moralement et/ou physiquement sera le but de ce
chemin.
Le Comité d’Organisation des 38èmes Journées du Groupement d’Etudes et de
Prévention du Suicide qui se déroule à Dijon, a fort justement proposer de réfléchir sur ce
thème central de la Crise Suicidaire.
Mais pour aborder cette crise, il est indispensable de définir une stratégie d’intervention.
Pour que celle-ci soit efficace, elle doit notamment s’appuyer sur la formation. Celle-ci doit
permettre de toucher un nombre important d’intervenants, s’inscrire dans la durée et dans le
cadre d’une véritable politique de Santé Publique de Prévention du Suicide.
Je souhaite bon travail à tous les participants de ce congrès et je félicite le Comité
d’Organisation de la richesse et la multiplicité des interventions.
Dr Jean Jacques CHAVAGNAT
Président du GEPS
Place du GEPS dans la recherche internationale
Lorsqu’en 1968, après avoir écouté Ed Shneidman, Jacques Védrinne et moi décidâmes de
créer une association de prévention de suicide, nous ne savions pas ce que pourrait être son
évolution et sa stabilité.
Nous fûmes encouragés par le professeur Pierre Pichot qui préféra que nous utilisions le label
Groupement d’Etudes et de Prévention du Suicide (GEPS) plutôt que celui de l’Association
Française de Suicidologie, gardant ainsi la notion de prévention pratique du suicide.
A tout moment de la recherche mondiale le GEPS était présent, que ce soit par ma présence
personnelle ou par les travaux développés depuis maintenant 37 ans. La relation avec
l’Association Internationale pour la Prévention du Suicide (IASP) a été immédiate et nous
avons organisé le congrès mondial en 1981 à Paris. Vers 1974-1975, le bureau européen de
l’OMS s’intéressa à nos travaux, le ministère de la santé s’appuya sur le GEPS pour la première
étape de stratégie nationale de prévention du suicide. En 1995, alors élu président de IASP, j’ai
organisé une rencontre avec la division de santé mentale de l’OMS à Genève. Ce fut le prélude
de l’enquête statistique mondiale sur la mortalité du suicide, suivie par l’élaboration du
programme SUPRE puis en dernier lieu par le programme SUPREMISS dont la version
française validée par nos soins est en cours de diffusion. Le but de ce programme est d’une part
d’obtenir la réduction de la mortalité de la morbidité liée au comportement suicidaire, et d’autre
part d’évaluer les stratégies thérapeutiques, les idées des comportements suicidaires, et de
décrire les caractéristiques socioculturelles de la communauté.
A tout moment, se trouve confirmée l’évolution du GEPS, toujours actif dans les diverses
rencontres avec l’OMS. Il faut se réjouir que notre association ait établi des liens solides avec
les associations de prévention francophones, la Belgique, suivie du Québéc. et de la Suisse.
Le GEPS, comme l’avait souhaité Pierre Pichot, subsiste comme la référence UNIQUE de la
recherche suicidologique française tant pour le gouvernement que pour les divers collègues
étrangers qui nous lisent et nous visitent. Il en va de même de notre présence dans le cadre de
l’Association Mondiale de Psychiatrie et de la première section de suicidologie créée en 2002.
On nous reproche parfois d’être trop médical ou psychiatrique. Ce n’est pas un mal, ce n’est que
renforcer l’idée que l’on ne peut pratiquer la prévention du suicide qu’avec une base éthique et
scientifique associée avec le respect de la relation humaine.
Prof. JP Soubrier
Expert de l’Organisation Mondiale de la Santé
Membre du Comité de recherche internationale sur la prévention du suicide
Président de la section suicidologie de l’Association mondiale de psychiatrie
Formations basées sur les données probantes, sur l’expérience clinique
ou sur le « bon sens »
Le G.E.P.S. est un pionnier mondial dans la promotion des actions en prévention du suicide
basées sur la recherche. Né en 1969, neuf années après l’établissement de l’Association
internationale pour la prévention du suicide, le G.E.P.S. a tenu 38 journées d’études et de
partage, à l’occasion desquelles ses membres ont discuté de recherches et de programmes de
prévention du suicide. Maintenant, des milliers de cours et de formations en prévention du
suicide ont lieu à travers le monde pour effectuer des pratiques d’intervention et prévention qui
vont de l’écoute amicale par un bénévole à la psychanalyse traditionnelle. Malgré la grande
diversité culturelle, il est étonnant de constater qu’il y a relativement peu de diversité à l’égard
de certains aspects de la prévention du suicide. En général, tous s’entendent sur l’importance de
bien évaluer le risque suicidaire, même si les questions et méthodes d’évaluation peuvent varier.
Les méthodes d’intervention téléphonique tombent généralement dans deux catégories :
l’écoute active et les approches basées sur la résolution de problèmes. Il y a consensus sur les
bénéfices de l’usage des médicaments pour certains problèmes de santé mentale même si
chaque compagnie pharmaceutique essaie de nous convaincre qu’il faut choisir son produit
plutôt que celui de la concurrence. Cependant, il existe peu de données probantes permettant de
valider les choix d’intervention et encore moins de preuves que les formations dispensées
changent les comportements d’intervention de ceux qui les reçoivent.
Le présent congrès fait partie du nombre croissant d’événements dans lesquels les chercheurs,
planificateurs et intervenants ont l’occasion de se poser des questions fondamentales du type :
quelles sont les preuves que ce qu’on fait va prévenir les suicides et si on n’a pas ces preuves,
que doit-on faire pour en obtenir? Je suggère dans le cadre des discussions sur quelle formation
pour quelle intervention que nous n’oubliions pas les théories d’intervention lors de nos
discussions de ce qu’il faut faire. Les meilleures interventions ont une forte justification
théorique qui expliquent comment en faisant telle intervention on obtiendra l’effet escompté.
De plus, elles seront validées par des recherches empiriques. Finalement, les intuitions
cliniques doivent être en concordance avec ce qu’on fait. Actuellement, l’Association
internationale pour la prévention du suicide est en train d’entreprendre plusieurs démarches
pour faire en sorte que les meilleures pratiques en formation et en prévention du suicide soient
diffusées à travers le monde. L’un des buts formels du G.E.P.S. est de représenter les
réalisations nationales au sein de l’Association internationale pour la prévention du suicide
(IASP). Je vous félicite pour le programme impressionnant de ce congrès et je vous invite à
partager vos connaissances avec les membres de l’IASP à travers le monde.
Brian L. Mishara, Ph.D.
Président, Association internationale pour la prévention du suicide (IASP)
Professeur, Département de psychologie
Directeur, Centre de recherche et d’intervention sur le suicide et l’euthanasie (CRISE)
Université du Québec à Montréal
La crise constitue un moment de rupture dans l’existence du sujet.
Dans son sens originaire, la crise c’est le temps décisif, le moment de la sentence dont
l’issue est marquée du sceau de l’incertitude. La notion de crise fait référence à un moment de
déséquilibre, une transition entre deux périodes d’évolution.
Qu’en est il de la crise suicidaire ?
Celle-ci marquerait plutôt pour le sujet le sentiment d’être dans une impasse, avec
l’impossibilité de concevoir une autre issue que la mort. Cependant, existe-t-il toujours dans ce
moment de crise un désir de mort? N’y a-t-il pas le désir, exprimé paradoxalement, de vivre une
vie autre ?
Reconnaître la crise suicidaire, permettre au sujet de ne plus être envahi, voire submergé
par les idées morbides, tels sont les enjeux de l’intervention de crise. Permettre en effet qu’à
partir de celle-ci il puisse y avoir possibilité de changement.
Rappelons que le GEPS avait organisé en 1975 ses 7e journées sur le thème de la crise
suicidaire.
Nous sommes heureux d’accueillir à Dijon les 38e journées qui se dérouleront au Palais
des Congrès les 21, 22 et 23 septembre 2006.
Celles-ci s’articuleront autour d’une réflexion sur la crise suicidaire, sa clinique, les
modes d’intervention, les formations à l’intervention, la prévention.
Nous sommes certains que la pertinence des communications et la richesse des
expériences contribueront au succès de ce congrès.
Docteur P.BESSE
CHU Dijon
Président du comité d’organisation
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