CHAPITRE VII FORMES DIFFÉRENTIELLES § 1. Formes

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CHAPITRE VII
FORMES DIFFÉRENTIELLES
§ 1. Formes multilinéaires alternées
1. Formes p -linéaires alternées
Soit E un espace vectoriel de dimension finie sur un corps commutatif K et soit p
un entier ≥ 0 . On appelle forme p -linéaire sur E une application de Ep dans K qui est
une fonction K -linéaire de chacune des p composantes.
Remarque 1. — L’espace vectoriel des formes p -linéaires sur E est canoniquement isomorphe au
p
p
dual de l’espace vectoriel T (E) = E⊗p , et donc à T (E∗ ) . Pour p = 0 , il s’identifie à K .
Une forme p -linéaire ω sur E est dite alternée si ω(x1 , . . . , xp ) = 0 lorsque deux des
xi sont égaux. Une telle forme est antisymétrique : pour toute permutation σ ∈ Sp et
tout (x1 , . . . , xp ) ∈ Ep , on a
ω(xσ(1) , . . . , xσ(p) ) = ε(σ)ω(x1 , . . . , xp ) ,
où ε(σ) est la signature de σ . Inversement, si K est de caractéristique 6= 2 , toute forme
p -linéaire antisymétrique sur E est alternée.
On note Altp (E) l’espace vectoriel des formes p -linéaires alternées sur E . Il s’identifie
à K pour p = 0 , à E∗ pour p = 1 ; il est nul pour p > dim(E) .
Remarques. — 2) L’espace vectoriel Altp (E) est canoniquement isomorphe au dual de l’espace
p
vectoriel Λ (E) .
p
3) Lorsqu’on identifie l’espace vectoriel des formes p -linéaires à T (E∗ ) , l’espace vectoriel des
formes p -linéaires antisymétriques sur E s’identifie à l’espace vectoriel des tenseurs antisymétriques
p
dans T (E∗ ) .
2. Produit extérieur de formes multilinéaires alternées
Conservons les notations du no 1 .
Soient p , q des entiers ≥ 0 , et soient ω ∈ Altp (E) et ω 0 ∈ Altq (E) . Notons Sp,q
l’ensemble des permutations de {1, . . . , p + q} qui sont croissantes dans {1, . . . , p} et dans
{p + 1, . . . , p + q} . L’application ω ∧ ω 0 : Ep+q → K définie par
(ω ∧ ω 0 )(x1 , . . . , xp+q ) =
P
σ∈Sp,q
ε(σ)ω(xσ(1) , . . . , xσ(p) )ω 0 (xσ(p+1) , . . . , xσ(p+q) )
est (p + q) -linéaire alternée. On l’appelle le produit extérieur de ω par ω 0 .
1
L’application (ω, ω 0 ) → ω ∧ω 0 de Altp (E)×Altq (E) dans Altp+q (E) est K -bilinéaire.
Le produit extérieur est anticommutatif : on a
ω ∧ ω 0 = (−1)pq ω 0 ∧ ω
pour ω ∈ Altp (E) et ω 0 ∈ Altq (E) . Il est associatif : on a
(ω ∧ ω 0 ) ∧ ω 00 = ω ∧ (ω 0 ∧ ω 00 )
pour ω ∈ Altp (E) , ω 0 ∈ Altq (E) et ω 00 ∈ Altr (E) ; on note donc simplement ω ∧ ω 0 ∧ ω 00
les deux membres de l’égalité précédente.
Soit (u1 , . . . , up ) une suite de p formes linéaires sur E . La forme p -linéaire alternée
u1 ∧ . . . ∧ up est donnée par
(u1 ∧ . . . ∧ up )(x1 , . . . , xp ) = det(ui (xj )) .
(Lorsque p = 0 , cette forme s’identifie à l’élément 1 de K , lorsqu’on identifie Alt0 (E) à
K .)
p
L’application (u1 , ... ,up ) → u1 ∧ ... ∧ up de T (E∗ ) dans Altp (E) est p -linéaire alternée. On en
p
déduit par passage au quotient un isomorphisme canonique de Λ (E∗ ) dans Altp (E) . Le produit dans
l’algèbre extérieure Λ(E∗ ) correspond par ces isomorphismes au produit extérieur défini ci-dessus. Il n’y
a donc pas d’inconvénient à noter ces deux opérations par le même symbole ∧ .
p
On prendra garde que le tenseur P
antisymétrique dans T (E∗ ) associé à la forme p -linéaire alternée
u1 ∧ ... ∧ up ( no 1 , remarque 3) est
( )u (1) ⊗ ... ⊗ u (p) .
∈Sp
Soient (e1 , . . . , en ) une base de E et (e∗1 , . . . , e∗n ) la base duale de E∗ . Les formes
p -linéaires alternées e∗i1 ∧ . . . ∧ e∗ip , où i1 < . . . < ip est une suite strictement croissante
d’éléments de {1, . . . , n} , forment une base de Altp (E) , dite déduite de la base (e1 , . . . , en )
de E . La dimension de Altp (E) est Cpn .
3. Produit intérieur par un vecteur
Conservons les notations du no 1 .
Soient p un entier ≥ 1 , ω une forme p -linéaire alternée sur E et x un élément
de E . L’application
(x1 , . . . , xp−1 ) 7→ ω(x, x1 , . . . , xp−1 )
est une forme p − 1 -linéaire alternée sur E que l’on note i(x)(ω) et que l’on appelle le
produit intérieur de x par ω . On étend par convention cette définition au cas où p = 0
en posant i(x)(ω) = 0 dans ce cas.
2
L’application (x, ω) 7→ i(x)(ω) de E×Altp (E) dans Altp−1 (E) est K -bilinéaire. On a
i(x)(i(x)ω) = 0 et
i(x)(ω ∧ ω 0 ) = i(x)(ω) ∧ ω 0 + (−1)p ω ∧ i(x)(ω 0 )
pour x ∈ E , ω ∈ Altp (E) et ω 0 ∈ Altq (E) .
§ 2. Formes différentielles
1. Formes différentielles
Soit X une variété différentielle. On appelle forme différentielle de degré p de classe
C∞ sur X une application de classe C∞ du fibré vectoriel T(X)p (produit fibré de p
copies de T(X) ) dans R , p -linéaire alternée sur les fibres. Pour tout x ∈ X , ω définit
donc une forme p -linéaire alternée ωx sur l’espace vectoriel Tx (X) .
On note Ωp (X) le C ∞ (X) -module des formes différentielles de degré p et de classe
C∞ sur X . Il s’identifie à C ∞ (X) pour p = 0 et au module des sections de classe C∞
L
de T(X)∗ pour p = 1 . On pose Ω(X) =
Ωp (X) .
p≥0
Une construction analogue à celles du chap. V, § 3 permet de définir un fibré vectoriel Altp (T(X))
sur X dont les sections de classe C∞ s’identifient aux éléments de Ωp (X) . Ce fibré est canoniquement
p
p
isomorphe au dual de Λ (T(X)) et à Λ (T(X)∗ ) . La remarque 3 du § 1, no 1 permet aussi d’identifier
Ωp (X) à l’ensemble des champs de tenseurs p fois covariants antisymétriques de classe C∞ sur X .
On munit Ω(X) du produit extérieur caractérisé par (ω ∧ ω 0 )x = ωx ∧ ωx0 . Il est
C ∞ (X) -bilinéaire et associatif. Pour ω ∈ Ωp (X) et ω 0 ∈ Ωq (X) , on a ω ∧ ω 0 ∈ Ωp+q (X)
et ω 0 ∧ ω = (−1)pq ω ∧ ω 0 .
Le produit intérieur d’un champ de vecteurs ξ de classe C∞ sur X par une forme
différentielle ω ∈ Ω(X) est la forme différentielle définie par i(ξ)(ω)x = i(ξ(x))(ωx ) . On a
i(ξ)(ω) ∈ Ωp−1 (X) si ω ∈ Ωp (X) avec p ≥ 1 , et i(ξ)(ω) = 0 par convention si ω ∈ Ω0 (X) .
L’application (ξ, ω) 7→ i(ξ)(ω) est C ∞ (X) -bilinéaire. On a i(ξ)(i(ξ)(ω)) = 0 et
i(ξ)(ω ∧ ω 0 ) = i(ξ)(ω) ∧ ω 0 + (−1)p ω ∧ i(ξ)(ω 0 )
pour ω ∈ Ωp (X) et ω 0 ∈ Ωq (X) .
2. Calculs dans un ouvert de Rn
3
Soit U un ouvert de Rn . On a Ωp (U) = 0 pour p > n . Soit p un entier compris
entre 0 et n . Toute forme différentielle ω ∈ Ωp (U) s’écrit de manière unique
ω=
P
I
fI dxI
où I parcourt l’ensemble des parties de {1, . . . , n} à p éléments, les fI sont des fonctions
de classe C∞ sur U et dxI désigne la forme différentielle dxi1 ∧. . .∧dxip si I = {i1 , . . . , ip }
avec i1 < . . . < ip .
Soient I et J des parties de {1, . . . , n} à p et q éléments respectivement. On a
I
J
dx ∧ dx =
0
εI,J dxI∪J
si I ∩ J 6= ∅ ,
si I ∩ J = ∅ ,
où εI,J = (−1)m , avec m le nombre de couples (i, j) ∈ I × J tels que i > j .
Soit I une partie de {1, . . . , n} à p éléments et soit j ∈ {1, . . . , n} . On a
i
∂
∂xj
I
(dx ) =
0
ε{j},I--{j} dxI--{j}
si j 6∈ I ,
si j ∈ I .
3. Différentielle extérieure
Soit X une variété différentielle. Nous allons définir un opérateur ω 7→ dω de Ω(X)
dans Ω(X) qui possède les propriétés suivantes :
a) on a d(ω + ω 0 ) = dω + dω 0 pour ω, ω 0 ∈ Ω(X) ;
b) si f ∈ Ω0 (X) , df est la différentielle de la fonction f ;
c) on a d(ω ∧ ω 0 ) = dω ∧ ω 0 + (−1)p ω ∧ dω 0 pour ω ∈ Ωp (X) , ω 0 ∈ Ωq (X) ;
d) on a d(dω) = 0 pour tout ω ∈ Ω(X) .
Commençons par examiner le cas où X est un ouvert de Rn . L’opérateur d , s’il
existe, est nécessairement donné par la formule
P
P
d( fI dxI ) = dfI ∧ dxI .
On vérifie que de fait, l’opérateur d défini par cette formule satisfait bien les conditions
requises : c’est clair pour a) , b) et c) ; pour d) , cela résulte de ce que, pour pour toute
fonction f ∈ C ∞ (X) , on a
n
n P
n
P
P
∂ 2f
∂f
j
dx
)
=
dxi ∧ dxj = 0 ,
j=1 ∂xj
i=1 j=1 ∂xi ∂xj
d(df ) = d(
4
puisque
∂2f
∂xi ∂xj
=
∂2f
∂xj ∂xi
et dxi ∧ dxj = −dxj ∧ dxi .
L’existence et l’unicité de d lorsque X est difféomorphe à un ouvert de Rn s’en
déduit par transport de structure. Dans le cas général, on recouvre X par de tels ouverts
U et on définit dω en exigeant que (dω)|U = d(ω|U) pour chacun d’entre eux.
L’opérateur d ainsi défini s’appelle la différentielle extérieure. Il applique Ωp (X) dans
Ωp+1 (X) .
Proposition 1. — Soient ω ∈ Ωp (X) et ξ0 , . . . , ξp des champs de vecteurs sur X . On a
dω(ξ0 , . . . , ξp ) =
+
P
(−1)i Dξi ω(ξ0 , . . . , ξbi , . . . , ξp )
0≤i≤p
P
(−1)i+j ω([ξi , ξj ], ξ0 , . . . , ξbi , . . . , ξbj , . . . , ξp ) .
0≤i<j≤p
Il suffit de prouver cela lorsque X est un ouvert de Rn . On vérifie facilement que la
différence entre les deux membres de l’égalité est C∞ (X) -linéaire en ω et en chacun des
ξk . Il suffit donc prouver cette égalité lorsque ω = dxI pour une partie I de {1, . . . , n}
de cardinal p et que chaque ξk est égal à
∂
∂xik
pour un indice ik ∈ {1, . . . , n} . Or dans
ce cas chacun des termes de l’égalité est nul.
Exemple. — Lorsque p = 1 , cette formule s’écrit d ( , ) = D ( ( )) − D ( ( )) − ([ , ]) .
4. Image réciproque d’une forme différentielle
Soient X et Y des variétés différentielles et u : X → Y un morphisme de variétés. Soit
p un entier ≥ 0 et soit ω ∈ Ωp (Y) . Il existe une unique forme différentielle u∗ (ω) ∈ Ωp (X)
telle que
u∗ (ω)x = ωu(x) ◦ (Tx (u), . . . , Tx (u))
pour x ∈ X . On l’appelle l’image réciproque de ω par u . On étend ω 7→ u∗ (ω) par
linéarité à Ω(Y) .
On a u∗ (f ) = f
◦
u pour f ∈ Ω0 (Y) = C ∞ (Y) , u∗ (ω + ω 0 ) = u∗ (ω) + u∗ (ω 0 ) ,
u∗ (ω ∧ ω 0 ) = u∗ (ω) ∧ u∗ (ω 0 ) et u∗ (dω) = d(u∗ (ω)) pour ω, ω 0 ∈ Ω(Y)
Si Z est une troisième variété différentielle et v : Y → Z un morphisme de variétés,
on a u∗ (v ∗ (ω)) = (v ◦ u)∗ (ω) pour tout ω ∈ Ω(Z) .
5. Dérivée de Lie d’une forme différentielle suivant un champ de vecteurs
5
Soient X une variété différentielle et ξ un champ de vecteurs de classe C∞ . Soit U
un voisinage ouvert de X × {0} dans X × R et soit ψ : U → X une application de classe
C∞ telle que, pour tout x ∈ X , ψ(x, 0) = x et
d
dt ψ(x, t)|t=0
= ξ(x) .
Soit ω ∈ Ω(X) et soit x ∈ X . Pour t ∈ R suffisamment proche de 0 , l’application
ψt : y 7→ ψ(y, t) est définie au voisinage de x , ψt∗ (ω) est une forme différentielle définie
au voisinage de x et ψt∗ (ω)x une forme p -linéaire alternée sur Tx (X) . La dérivée en 0 de
t 7→ ψt∗ (ω)x se note θξ (ω)(x) . La forme différentielle θξ (ω) sur X ainsi définie s’appelle
la dérivée de Lie de ω suivant ξ . Elle ne dépend pas du choix de (U, ψ) . En effet :
Proposition 2. — L’opérateur θξ dans Ω(X) est égal à d ◦ i(ξ) + i(ξ) ◦ d .
On peut supposer que X est un ouvert de Rn . Il résulte immédiatement des définitions
que θξ (ω∧ω 0 ) = θξ (ω)∧ω 0 +ω∧θξ (ω 0 ) et θξ (dω) = d(θξ (ω)) pour ω, ω 0 ∈ Ω(X) ; l’opérateur
d ◦ i(ξ) + i(ξ) ◦ d satisfait des relations analogues. Il suffit donc de prouver l’égalité de ces
opérateurs sur les fonctions f ∈ C∞ (X) . Or tous deux appliquent f sur Dξ (f ) .
§ 3. Le complexe de De Rham
1. Groupes différentiels
On appelle groupe différentiel un couple (C, d) , où C est un groupe commutatif et d
un endomorphisme de C tel que d ◦ d = 0 . On note Z(C, d) le noyau et B(C, d) l’image
de d . On a B(C, d) ⊂ Z(C, d) . Les éléments de C sont appelés cochaı̂nes, ceux de Z(C, d)
cocycles et ceux de B(C, d) cobords. Deux cocyles qui diffèrent par un cobord sont dits
cohomologues. On appelle classe de cohomologie d’un cocyle sa classe modulo B(C, d) .
Le groupe H(C, d) = Z(C, d)/B(C, d) est appelé le groupe de cohomologie du groupe
différentiel (C, d) .
Soit (C0 , d0 ) un second groupe différentiel. On appelle morphisme de groupes différentiels de (C, d) dans (C0 , d0 ) une application u : C → C0 telle que d0 ◦ u = u ◦ d .
On a alors u(Z(C, d)) ⊂ Z(C0 , d0 ) , u(B(C, d)) ⊂ B(C0 , d0 ) et u définit par passage au
quotient un homomorphisme de groupes H(u) : H(C, d) → H(C0 , d0 ) . On dit que H(u) est
l’homomorphisme déduit de u par passage aux groupes de cohomologie.
Deux morphismes de groupes différentiels u et v de (C, d) dans (C0 , d0 ) sont dits
homotopes s’il existe un homomorphisme de groupes s : C → C0 tel que v − u =
s ◦ d + d0 ◦ s . En ce cas, on a H(u) = H(v) .
6
2. Complexes différentiels
On appelle complexe différentiel un groupe différentiel (C, d) dans lequel le groupe
L
Cn de type Z et l’endomorphisme d est gradué de
C est muni d’une graduation
n∈Z
degré 1 .
Les groupes Z(C, d) , B(C, d) et H(C, d) sont alors gradués. Le groupe Hn (C, d) est
appelé le groupe de cohomologie de degré n du complexe différentiel (C, d) .
Lorsque C est un espace vectoriel gradué et que d est linéaire, on dit que (C,d ) est un complexe
d’espaces vectoriels et que Hn (C,d ) est son espace de cohomologie de degré n .
Soit (C0 , d0 ) un second complexe différentiel. On appelle morphisme de complexes
différentiels de (C, d) dans (C0 , d0 ) un morphisme de groupes différentiels u : (C, d) →
(C0 , d0 ) qui est gradué de degré 0 . L’homomorphisme H(u) est alors gradué de degré 0 .
On note Hn (u) : Hn (C, d) → Hn (C0 , d0 ) sa composante de degré n .
Si deux morphismes de complexes différentiels u et v de (C, d) dans (C0 , d0 ) sont
homotopes, il existe un homomorphisme de groupes s : C → C0 gradué de degré −1 tel
que v − u = s ◦ d + d0 ◦ s , et l’on a Hn (u) = Hn (v) pour tout n ∈ Z .
3. Suites exactes de groupes différentiels
On dit qu’une suite de groupes différentiels et de morphismes de groupes différentiels
(1)
u
v
0 → (C0 , d0 ) −−→(C, d) −−→(C00 , d00 ) → 0
est exacte si c’est une suite exacte de groupes. On en déduit alors, par le diagramme
du serpent, un homomorphisme δ : H(C00 , d00 ) → H(C0 , d0 ) , appelé l’homomorphisme
de liaison, et défini comme suit : si x est la classe dans H(C00 , d00 ) d’un élément x
de C00 tel que d00 (x) = 0 , on choisit y ∈ C tel que v(y) = x , on remarque que
v(d(y)) = d00 (v(y)) = 0 , donc que d(y) est de la forme u(z) pour un unique z ∈ C0 ,
puis que d0 (z) = 0 ; on pose alors δ(x) = z , où z est la classe dans H(C0 , d0 ) de z : on
vérifie que celle-ci ne dépend pas du choix de x et de y .
La suite de groupes et d’homomorphismes de groupes
(2)
δ
H(u)
H(v)
δ
. . . → H(C00 , d00 ) −−→ H(C0 , d0 ) −−→ H(C, d) −−→ H(C00 , d00 ) −−→ H(C0 , d0 ) → . . .
est alors exacte et est appelée la suite exacte de cohomologie associée à (1) .
Lorsque (1) est une suite exacte de complexes différentiels, l’homomorphisme de
liaison δ est gradué de degré 1 et l’on déduit de (2) une suite exacte longue de groupes
7
de cohomologie
δ n−1
Hn (u)
Hn (v)
δn
. . . → Hn−1 (C00 , d00 ) −−→ Hn (C0 , d0 ) −−−→ Hn (C, d) −−−→ Hn (C00 , d00 ) −−→ Hn+1 (C0 , d0 ) → . . .
4. Le complexe de De Rham d’une variété différentielle
Soit X une variété différentielle. Le couple (Ω(X), d) , où Ω(X) =
L
Ωp (X) est
l’espace vectoriel gradué des formes différentielles de classe C∞ sur X et où d est la
différentielle extérieure, est un complexe d’espaces vectoriels réels appelé le complexe de
De Rham de X . Son espace de cohomologie en degré p se note HpDR (X) , ou simplement
Hp (X) lorsque cela ne prête pas à confusion, et s’appelle l’espace de cohomologie de De
Rham de X de degré p .
On dit qu’une forme différentielle ω ∈ Ω(X) est fermée si on a dω = 0 et qu’elle est
exacte s’il existe ω 0 ∈ Ω(X) tel que ω = dω 0 . Toute forme différentielle exacte est fermée.
L’espace vectoriel Hp (X) est donc le quotient de l’espace vectoriel des formes différentielles
fermées de degré p par celui des formes différentielles exactes de degré p sur X .
L’espace vectoriel H0 (X) s’identifie canoniquement à Rπ0 (X) , où π0 (X) est l’ensemble des composantes connexes de X . On déduit du produit extérieur une loi de composition
L
sur H(X) =
Hp (X) qui en fait une algèbre graduée associative et anticommutative.
p≥0
5. Fonctorialité
Soient X et Y deux variétés et u : X → Y un morphisme de variétés. L’application
ω 7→ u∗ (ω) de Ω(Y) dans Ω(X) est un morphisme du complexe de De Rham de Y dans
celui de X . On note HpDR (u) , ou simplement Hp (u) , l’application linéaire Hp (Y) → Hp (X)
qui s’en déduit par passage aux espaces de cohomologie de degré p .
6. Invariance par homotopie
Soient u et v deux morphismes de variétés de X dans Y . On appelle homotopie
différentiable reliant u à v une application h : X × [0, 1] → Y , de classe C∞ sur X×]0, 1[
telle que h(x, t) soit égal à u(x) dans un voisinage de X×{0} et à v(x) dans un voisinage
de X × {1} . On dit que u et v sont différentiablement homotopes s’il existe une telle
homotopie. Il s’agit là d’une relation d’équivalence entre morphismes de variétés de X
dans Y .
Proposition 3. — Si u et v sont différentiablement homotopes, on a Hp (u) = Hp (v)
pour tout p ≥ 0 .
8
Soit h une homotopie différentiable reliant u à v . Prolongeons h en une application
de classe C∞ de X×R dans X en posant h(x, t) = u(x) pour t < 0 et h(x, t) = v(x) pour
t > 1 . Notons ξ le champ de vecteurs (0, ddt ) sur X×R , ψt l’application (x, s) 7→ (x, s+t)
de X × R dans X × R et jt l’application x 7→ (x, t) de X dans X × R .
Soit α ∈ Ω(X × R) . L’application t 7→ ψt∗ α est dérivable point par point en t = 0 ,
avec pour dérivée θξ (α) = i(ξ)(dα) + d(i(ξ)(α)) (§ 2, no 5 ). Comme jt+t0 = ψt0
◦ jt ,
l’application t 7→ jt∗ (α) est dérivable point par point sur R et a pour dérivée
jt∗ (θξ (α)) = jt∗ (i(ξ)(dα)) + d(jt∗ (i(ξ)(α))) .
On en déduit que
j1∗ (α) − j0∗ (α) = σ(dα) + d(σ(α)) ,
(3)
où σ(α) =
R1
0
jt∗ (i(ξ)(α))dt .
Notons s : Ω(Y) → Ω(X) l’application linéaire ω 7→ σ(h∗ (ω)) . Soit ω ∈ Ω(Y) . En
appliquant la formule (3) à h∗ (ω) , on obtient v ∗ (ω)−u∗ (ω) = s(dω)+d(s(ω)) . Il s’en suit
que les morphismes de complexes u∗ et v ∗ sont homotopes. On a donc Hp (u) = Hp (v)
pour tout p .
Corollaire 1. — Soit X une variété différentielle. Soient Y une sous-variété de X
et j : Y → X l’injection canonique. Supposons qu’il existe un morphisme de variétés
p : X → Y tel que p ◦ j = IdY et que j ◦ p soit différentiablement homotope à IdX . Alors
l’homomorphisme Hp (j) : Hp (X) → Hp (Y) est bijectif pour tout p ≥ 0 .
Corollaire 2. — Soit X une variété différentielle. Supposons que l’application IdX soit
différentiablement homotope à une application constante. Alors Hp (X) = 0 pour tout
p ≥ 1.
Les hypothèses du cor. 2 sont en particulier satisfaites lorsque X est un ouvert de Rn étoilé par
rapport à l’un de ses points. Dans un tel ouvert, toute forme différentielle fermée de degré p ≥ 1 est
donc exacte (lemme de Poincaré).
Remarque. — Supposons la variété X paracompacte. Toute application continue de X dans Y est
alors homotope à une application de classe C∞ de X dans Y , et deux applications de classe C∞ de X
dans Y qui sont homotopes sont différentiablement homotopes (cf. Appendice). Cela permet de définir
un homomorphisme Hp (u) : Hp (Y) → Hp (X) pour toute application continue u : X → Y . Il ne dépend
que de la classe d’homotopie de u .
La conclusion du cor. 1 subsiste alors si l’on suppose seulement qu’il existe une application continue
p : X → Y telle que p ◦ j = IdY et que j ◦ p soit homotope à IdX . Celle du cor. 2 subsiste si l’on
suppose seulement que IdX est homotope à une application constante.
9
7. Suite exacte de Mayer-Vietoris
Soient X une variété différentielle et U , V des ouverts de X tels que X = U ∪ V .
Considérons la suite de complexes différentiels
u
v
0 → Ω(X) −−→ Ω(U) × Ω(V) −−→ Ω(U ∩ V) → 0
(3)
où u(ω) = (ω|U, ω|V) et v(α, β) = β|(U ∩ V) − α|(U ∩ V) pour ω ∈ Ω(X) , α ∈ Ω(U) et
β ∈ Ω(V) .
Lemme. — Si la variété X est paracompacte, la suite (3) est exacte.
Il est clair que l’application u est injective et que l’image de u est le noyau de v . Il
existe une fonction h ∈ C∞ (X) égale à 0 dans un voisinage ouvert V0 de {U et à 1 dans
un voisinage ouvert U0 de de {V . Soit ω ∈ Ω(U ∩ V) . Notons α la forme différentielle sur
U qui est égale à (h − 1)ω dans U ∩ V et à 0 dans U0 ∩ U , et β la forme différentielle
sur V qui est égale à hω dans U ∩ V et à 0 dans V0 ∩ V . Elles sont de classe C∞ et
l’on a β|(U ∩ V) − α|(U ∩ V) = ω . Cela prouve que l’application v est surjective.
Lorsque la variété X est paracompacte, on déduit de la suite exacte (3) une suite
exacte longue d’espaces de cohomologie, appelée la suite exacte de Mayer-Vietoris
. . . → Hp−1 (U ∩ V) → Hp (X) → Hp (U) × Hp (V) → Hp (U ∩ V) → Hp+1 (X) → . . .
§ 4. Quelques applications à la topologie
1. Cohomologie des sphères
Proposition 4. — Soit n un entier ≥ 1 . L’espace vectoriel Hp (Sn ) est de dimension 1
pour p = 0 et p = n et est nul pour les autres valeurs de p .
Posons U = Sn -- {S} et V = Sn -- {N} , où S est le pôle sud et N le pôle nord de
Sn . Les espaces vectoriels Hp (U) et Hp (V) sont de dimension 1 pour p = 0 et nuls pour
p ≥ 1 (no 6 , cor. 2 de la prop. 3). L’homomorphisme Hp (U ∩ V) → Hp (Sn−1 ) déduit de
l’injection canonique Sn−1 → U ∩ V est bijectif pour tout entier p ≥ 0 ( no 6 , cor. 1 de
la prop. 3). La prop. 4 se déduit donc par récurrence de la suite exacte de Mayer-Vietoris,
compte tenu de ce que Hp (S0 ) est de dimension 2 pour p = 0 et nul pour p ≥ 1 .
P
0≤i ≤n
Soit
l’image réciproque par l’injection canonique Sn → Rn+1 de la forme différentielle
i
(−1) xi dx0 ∧ ... ∧ dc
xi ∧ ... ∧ dxn sur Rn+1 . Elle est fermée. Nous verrons au chapitre suivant que sa
classe de cohomologie engendre l’espace vectoriel Hn (Sn ) .
10
2. Le théorème du point fixe de Brouwer
Soit n un entier ≥ 0 . Notons Bn la boule unité fermée de Rn .
Théorème 1. — Il n’existe pas d’application continue f : Bn → Sn−1 égale à l’identité
dans Sn−1 .
C’est clair si n ≤ 1 . Supposons n ≥ 2 . Si une application continue f : Bn → Sn−1
était égale à l’identité dans Sn−1 , l’application (x, t) 7→ f (tx) de Sn−1 × [0, 1] dans
Sn−1 serait une homotopie qui relie une application constante à IdSn−1 . Or, puisque
Hn−1 (Sn−1 ) 6= 0 ( no 1 ), il n’existe pas de telle homotopie (§ 3, no 6 , cor. 2 de la prop. 3
et remarque).
Corollaire (théorème de Brouwer). — Toute application continue de Bn dans Bn a
un point fixe.
En effet, si une application continue g : Bn → Bn n’a pas de point fixe, l’application
f : Bn → Sn−1 qui à x ∈ Bn associe l’unique point d’intersection de Sn−1 et de la
demi-droite ouverte d’origine g(x) passant par x est continue, et on a f (x) = x pour
tout x ∈ Sn−1 , ce qui contredit le th. 1.
3. Le théorème d’invariance de la dimension
Théorème 2. — Soient n et m deux entiers naturels distincts. Un ouvert non vide de
Rn n’est pas homéomorphe à un ouvert de Rm .
On peut supposer m > n ≥ 1 . Il suffit de démontrer que, si V est un voisinage ouvert
de 0 dans Rm , il n’existe pas d’homéomorphisme u : Rn → V tel que u(0) = 0 .
Soit S une sphère de centre 0 contenue dans V . Notons j : S → V -- {0} l’injection
canonique et p : V -- {0} → S la projection radiale. On a p ◦ j = IdS , d’où
Hm−1 (j) ◦ Hm−1 (p) = IdHm−1 (S) .
On en déduit que Hm−1 (V -- {0}) 6= 0 puisque Hm−1 (S) 6= 0 ( no 1 ). Par ailleurs
Hm−1 (Rn -- {0}) est isomorphe à Hm−1 (Sn−1 ) (§ 3, no 6 , cor. 1 de la prop. 3), donc nul
( no 1 ). Les espaces topologiques Rn -- {0} et V -- {0} ne sont donc pas homéomorphes
(§ 3, no 6 , remarque).
11
Appendice : Un lemme d’approximation
Proposition. — Soient X une variété différentielle paracompacte et F une partie fermée
de X . Soit f une application continue de X dans une variété différentielle Y , de classe
C∞ au voisinage de F . Il existe un morphisme de variétés g : X → Y et une homotopie
reliant f à g , constante dans {x} × [0, 1] pour tout x ∈ F .
Nous pouvons supposer X connexe, donc dénombrable à l’infini. Soit U un voisinage
ouvert de F dans lequel f est de classe C∞ . Il existe un recouvrement ouvert localement
fini (Un )n∈N de X possédant les propriétés suivantes : on a U0 = U ; pour tout n ≥ 1 ,
Un est un domaine de carte de X relativement compact et disjoint de F , et f (Un ) est
contenu dans un ouvert Wn de Y difféomorphe à un espace vectoriel de dimension finie.
Il existe un recouvrement ouvert (Vn )n∈N de X tel que Vn ⊂ Un pour tout n ∈ N .
Nous allons construire par récurrence une suite (gn ) d’applications de X dans Y
possédant les propriétés suivantes :
a) on a g0 = f ;
b) l’application gn est de classe C∞ dans Vm pour 0 ≤ m ≤ n ;
c) on a gn (Vm ) ⊂ Wm pour tout m ≥ 1 ;
d) si n ≥ 1 , il existe une homotopie hn : X × [0, 1] → Y reliant gn−1 à gn , constante
sur {x} × [0, 1] pour tout x ∈ {Un .
Si ces conditions sont satisfaites, gn est égale à gn−1 dans {Un pour n ≥ 1 . La
suite (gn ) est donc localement stationnaire et sa limite g : X → Y est de classe C∞ .
L’application h : X × [0, 1] → Y définie par h(x, t) = hn (x, 2n (t − 1) + 2) pour n ≥ 1 et
t ∈ [1 − 21−n , 1 − 2−n ] , et par h(x, 1) = g(x) , est continue ; c’est une homotopie reliant f
à g , constante dans {x} × [0, 1] pour tout x ∈ F . Le lemme 1 en résulte.
Soit n un entier ≥ 1 . Supposons la suite construite jusqu’à l’ordre n − 1 . Choisissons un difféomorphisme ϕ de Wn sur un espace normé E de dimension finie. Comme
gn−1 (Vn ) ⊂ Wn , il existe un ouvert U0n de Un contenant Vn tel que gn−1 (U0n ) ⊂ Wn .
Il existe une fonction u : X → [0, 1] de classe C∞ égale à 0 au voisinage de {(U0n ) et à
1 au voisinage de Vn . Son support K est contenu dans U0n et compact (puisque fermé
dans Un ). Pour tout m ≥ 1 , le sous-ensemble ϕ(gn−1 (K ∩ Vm )) de E est compact et
contenu dans le sous-ensemble ouvert ϕ(Wn ∩ Wm ) ; il est vide pour presque tout m ≥ 1 .
On peut donc choisir un nombre réel ε > 0 tel que B(y, ε) ⊂ ϕ(Wn ∩ Wm ) pour tout
m ≥ 1 et tout y ∈ ϕ(gn−1 (K ∩ Vm )) . Il existe d’après le théorème de Stone-Weierstraß
une application g 0 : U0n → E , de classe C∞ , telle que kg 0 (x) − ϕ(gn−1 (x))k ≤ ε pour tout
12
x ∈ K . Posons
gn−1 (x)
pour x ∈ X0 -- K et t ∈ [0, 1] ,
hn (x, t) =
−1
0
ϕ
(1 − tu(x))ϕ(gn−1 (x)) + tu(x)g (x) pour x ∈ Un et t ∈ [0, 1] ;
ces deux expressions sont égales si x ∈ U0n -- K puisqu’alors u(x) = 0 . L’application
hn : X × [0, 1] → Y ainsi définie est continue ; elle est constante sur {x} × [0, 1] pour tout
x ∈ {Un . C’est une homotopie reliant gn−1 à l’application gn : X → Y définie par
gn (x) =
gn−1 (x)
pour x ∈ X -- K ,
ϕ−1 ((1 − u(x))ϕ(gn−1 (x)) + u(x)g 0 (x)) pour x ∈ U0n .
Il nous reste à vérifier que gn possède les propriétés b) et c) ci-dessus :
(i) Elle est de classe C∞ dans Vm pour 0 ≤ m ≤ n − 1 : en effet gn−1 est de classe
C∞ dans Vm et g 0 de classe C∞ dans U0n ∩ Vm .
(ii) Elle est de classe C∞ dans Vn : en effet, on a Vn ⊂ U0n , on a u(x) = 1 et
gn (x) = ϕ−1 (g 0 (x)) pour x ∈ Vn , et g 0 est de classe C∞ dans U0n .
(iii) On a gn (Vm ) ⊂ Wm pour tout m ≥ 1 . En effet, soit x ∈ Vm . Si x ∈
/ K,
on a gn (x) = gn−1 (x) ∈ Wm . Si x ∈ K , on a kg 0 (x) − ϕ(gn−1 (x))k ≤ ε , donc
(1 − u(x))ϕ(gn−1 (x)) + u(x)g 0 (x) appartient à la boule fermée de centre ϕ(gn−1 (x)) et
de rayon ε ; celle-ci est contenue dans ϕ(Wn ∩ Wm ) puisque ϕ(gn−1 (x)) appartient à
ϕ(gn−1 (K ∩ Vm )) ; on a donc gn (x) ∈ Wm .
Corollaire 1. — Toute application continue de X dans Y est homotope à un morphisme
de variétés de X dans Y .
Cela résulte de la proposition en prenant F = ∅ .
Corollaire 1. — Deux morphismes de variétés de X dans Y qui sont homotopes sont
différentiablement homotopes.
Soient f et g deux tels morphismes de variétés. Il existe une homotopie h les
reliant telle que h(x, t) = f (x) pour t ≤
1
3
et h(x, t) = g(x) pour t ≥
2
3
. D’après la
proposition, il existe une application h0 : X×]0, 1[→ Y de classe C∞ qui coı̈ncide avec h
dans X×(]0, 41 ]∪[ 34 , 1[) . Cette application, prolongée à X×[0, 1] en posant h0 (x, 0) = f (x)
et h0 (x, 1) = g(x) est une homotopie différentiable reliant f à g .
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