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Contrats Publics – n° 117 – janvier 2012
Dossier
Sous-rubrique
Systèmes d’information (CSSI) est recevable à se prévaloir devant le juge du
référé précontractuel des irrégularités affectant la procédure d’appel d’offres,
jusque et y compris celles affectant la déclaration de son infructuosité, à
l’appui de son recours contre la procédure négociée venue à sa suite ; […].
Considérant qu’il résulte de ce qui précède et sans qu’il soit besoin de statuer
sur les autres moyens soulevés par la société CS Systèmes d’information
(CSSI), que ladite société est fondée à demander l’annulation de la procédure
négociée engagée pour l’attribution du marché public n° 07S0014 relatif à la
fourniture d’éléments d’actifs de réseaux locaux d’entreprises et de sécurité ;
qu’en outre, dans les circonstances de l’affaire, il y a lieu de faire droit à ses
conclusions tendant à ce qu’il soit enjoint à l’Ugap de lui transmettre les
rapports d’analyse des offres produites dans le cadre de la procédure d’appel
d’offres ouvert n° 06S0029 préalablement à tout nouvel engagement d’une
procédure négociée. »(3)
On ajoutera que le juge des référés précontractuels sanctionne
systématiquement le recours irrégulier par un pouvoir adju-
dicateur à une procédure dont les obligations de publicité et
de mise en concurrence sont de moindre intensité que celles
qu’il aurait dû respecter en réalité. Ainsi, le Conseil d’État a jugé
s’agissant d’un recours irrégulier à la procédure négociée après
publicité et mise en concurrence :
« Considérant qu’en jugeant que l’acte par lequel le département du Cher
se proposait de confier à un tiers l’exécution du service de transport scolaire
n’était pas constitutif d’une activité d’exploitation de réseau ni davantage une
activité de mise à disposition de réseau au sens de l’article 135 du code mar-
chés publics, nonobstant la circonstance que le contrat envisagé comporte
des stipulations manifestant le contrôle du département sur les conditions
d’organisation et de fonctionnement du service public en cause, et qu’ainsi
le département ne pouvait être regardé comme une entité adjudicatrice au
sens des dispositions précitées, le juge des référés, qui n’a pas dénaturé les
pièces du dossier, n’a pas commis d’erreur de droit ; Considérant, en second
lieu, qu’il appartient au juge des référés, saisi en vertu des dispositions de
l’article L. 551-1 du code de justice, de rechercher si l’entreprise qui le sai-
sit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de
la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l’avoir lésée ou
risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant une entreprise
concurrente ; qu’ainsi, le juge des référés du tribunal administratif d’Orléans,
n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant, par une ordonnance qui est
suffisamment motivée, que le département avait manqué à ses obligations de
publicité et de mise en concurrence pour avoir lancé une procédure négociée
avec mise en concurrence préalable sur le fondement des dispositions de
l’article 144 du code des marchés publics, procédure applicable aux seules
entités adjudicatrices, et que la société requérante était susceptible d’avoir
été lésée par ce manquement bien qu’elle ait participé à la procédure jusqu’à
son terme et que son offre ait été retenue pour certains lots, dès lors que le
département avait effectivement négocié les offres qui lui étaient soumises
et qu’il n’établissait pas qu’il aurait été à même de le faire dans les mêmes
conditions s’il avait appliqué les dispositions de la première partie du code
des marchés publics. »(4)
II. Estimation réaliste et déclaration
d’infructuosité
Au cas d’espèce jugé récemment par le tribunal administra-
tif de Lille(5), la société requérante avait, entre autres moyens,
(3) TA Melun ord. 22 mai 2007, req. n° 0703417/2.
(4) CE 14 décembre 2009, Dpt du Cher, req. n° 330052 : CP-ACCP, n° 96,
février 2010, p. 14 ; RDI, 2010, p. 150, note S. Braconnier S.
(5) TA Lille 19 mai 2011, Sté Coved, req. n° 1102497.
contesté le recours à la procédure négociée au motif pris de l’ir-
régularité de la déclaration d’infructuosité antérieure(6). Le juge
a retenu le grief par une motivation qui xe très précisément
les exigences attendues du pouvoir adjudicateur dans l’établis-
sement de l’évaluation prévisionnelle du marché qui doit servir
de fondement à la déclaration d’infructuosité. Il doit s’agir d’une
estimation « réaliste au regard des besoins propres du marché »,
ce qui n’était pas le cas de l’estimation critiquée et cela pour les
raisons suivantes :
« Considérant que la communauté de communes Cœur d’Ostrevent fait valoir
que son estimation a été faite sur la base sur la base des données de prix
d’Eco-Emballages et des prix à la tonne pratiqués par la société Coved elle-
même dans le cadre d’un marché en cours avec une communauté d’agglo-
mération voisine ; que, toutefois, il ressort du procès-verbal de la commission
d’appel d’offres du 29 novembre 2010 que les trois offres remises dans le
cadre de la première consultation lancée par la communauté de communes
Cœur d’Ostrevent émanaient toutes de grandes entreprises spécialistes de la
collecte des déchets, dont les estimations de coût peuvent donc être jugées
représentatives des prix pratiqués dans le secteur économique concerné ; qu’il
résulte par ailleurs de l’instruction que, même après négociations, l’offre de
l’attributaire désigné au terme de la seconde consultation excède encore
de 15,3 % l’estimation précitée de l’administration ; qu’enfin, si la commu-
nauté de communes Cœur d’Ostrevent a fait valoir à l’audience qu’une partie
de l’écart entre son estimation et le montant des offres reçues provient du
nombre exagéré de salariés à reprendre indiqué par la société Coved, sor-
tante, elle n’explique pas pourquoi elle a communiqué aux candidats ces
informations alors qu’elle n’en a pas tenu compte elle-même pour faire sa
propre estimation ; que, dans ces circonstances, et pour sincère qu’elle ait pu
être, l’estimation retenue par la communauté de communes Cœur d’Ostrevent
ne peut manifestement pas être considérée comme réaliste au regard des
besoins propres du marché envisagé ; que, par suite, la société Coved est
fondée à soutenir que la communauté de communes Cœur d’Ostrevent s’est
à tort crue autorisée à recourir à une procédure négociée sur le fondement de
l’article 35-I-1° du code des marchés publics après avoir déclaré infructueuse
la première consultation au seul motif que les trois offres remises dépassaient
significativement son estimation. »
III. Élément pris en compte justifiant
le caractère irréaliste
Il est intéressant de relever que le juge du référé s’est fondé
pour refuser à l’estimation de la collectivité ce caractère réaliste :
• D’abord sur le constat de ce que les offres jugées trop éle-
vées dans le cadre de l’appel d’offres émanaient « de grandes
entreprises spécialistes de la collecte de déchets ». Les sociétés
habituées à répondre aux appels d’offres publics ne manque-
ront pas certainement d’apprécier une décision qui voit autre
chose qu’un indice d’entente dans une concordance d’offres
à un prix élevé et accepte au contraire d’admettre qu’il puisse
s’agir d’un indice d’erreur de la personne publique dans son
évaluation prévisionnelle du prix du marché.
• Ensuite sur l’observation d’une faible baisse des prix dans le
cadre de la négociation qui, pour le juge, a conforté la crédi-
bilité de l’évaluation convergente du prix du marché faite par
les candidats à un niveau plus élevé que celui estimé par la
collectivité.
• Enn sur une analyse précise des conditions dans lesquelles
la collectivité a xé son évaluation prévisionnelle. Au cas
(6) CAA Paris 24 mars 2003, Crédit d’équipement des PME, req. n°98PA1226.