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un syndrome général affectif et un syndrome psychotique,
ainsi que, mais sur l’Axe II, quatre dimensions distinctes :
symptômes positifs, symptômes négatifs, symptômes dépres-
sifs et symptômes maniaques.
La proposition de Assen Jablensky est bien différente.
Certes, la dichotomie kraepelinienne ne possède pas de
réelle validité et la catégorie schizophrénie est hétérogène ;
toutefois des données cognitives, neuropsychologiques et
l’imagerie paraissent suffisamment consistantes pour
conserver cette catégorie.
Pour Robin Murray, il existe plusieurs objections pour le
diagnostic actuel de schizophrénie, dont la grande fréquence
des symptômes d’allure psychotique dans la population géné-
rale, pouvant aller jusqu’àplusde10%.D’autre part, le point
de vue dimensionnel ne lui paraît pas incompatible avec le
modèle médical, à l’image de ce qui se passe pour l’obésité
et l’hypertension. Enfin de même qu’il ne lui semble pas qu’il
y ait une dichotomie schizophrénie-normalité, il n’existe pas
non plus de dichotomie bipolarité-schizophrénie. Un point
de vue purement dimensionnel caractérisera sans doute le
DSM-VI. Le DSM-V sera vraisemblablement, quant à lui,
encore mixte, catégoriel et dimensionnel.
R. Murray suggère enfin de se débarrasser du terme de
schizophrénie au profit d’un « dopamine dysregulation
disorder ». Les trois dimensions qu’il propose sont les
symptômes affectifs, les symptômes positifs et l’altération
développementale.
Pour W. Carpenter enfin, chairman du groupe de travail
sur les psychoses pour le DSM-V (tableau 4), il est temps de
reconnaître l’hétérogénéité de l’entité schizophrénie, et
« déconstruire » ce chapitre en différents sub-syndromes.
Il propose aussi de remplacer la catégorie par trois dimen-
sions : la psychopathologie (comprenant les symptômes
positifs et négatifs), les cibles du traitement (anxiété,
dépression, insertion socioprofessionnelle) et les objectifs
à long terme (autonomie, qualité de fonctionnement, qualité
de vie).
Lors d’une longue discussion, diverses propositions ont
été faites par les participants à cette Conférence inter-
nationale,notamment l’introduction au rang des critères
diagnostiques des perturbations cognitives ainsi que divers
endophénotypes voire des anomalies des potentiels évoqués
(P50).
Le vote final concernant la disparition de la schizophré-
nie en tant qu’entité autonome dans le DSM-V a donné
62 voix pour versus 61 contre.
Les arguments pour ou contre (la destruction) ont
ensuite été développés par Craddock et Owen en 2007 [5]
à la suite d’une proposition déjà formulée l’année précé-
dente par T. Levin [16] qui avait proposé de remplacer la
schizophrénie par l’expression « Neuro-emotional Integra-
tion Disorder ».
Plusieurs propositions allemandes
C’est à la fin de l’année 2008 que Wolfgang Gaebel et
Jürgen Zielasek [13] de Düsseldorf ont publié un article
résumant les conférences citées ci-dessus et qu’ils ont pré-
senté leurs propres propositions. Cet article, central pour
mon propos, est intitulé « The DSM-V initiative decons-
tructing psychosis in the context of Kraepelin’s concept
on nosology ».
Pour W. Gaebel et J. Zielasek, ce débat mérite d’être
élargi à l’ensemble des troubles psychiatriques à l’image
de la démarche de Zachar et Kendler en 2007 [28] qui
rappellent les différents concepts dimensionnels qui peu-
vent sous- tendre nos modèles de descriptions, modèles
médicaux, reposant soit sur ceux des troubles organiques
soit sur un modèle dysfonctionnel, soit sur un modèle
« biopsychosocial », soit enfin sur un modèle hybride de
J.C. Wakefield, modèle du « dysfonctionnement nocif »
(Harmful Dysfunction).
Les idées de J.C. Wakefield, développées depuis les
années 1990 sont loin de faire l’unanimité. L’article cité,
paru dans le numéro d’octobre 2007 de la revue World
Psychiatry [26], a aussi entraîné divers commentaires
contrastés, en majorité critiques de A. Jablensky, de
D. Bolton, de K. Fulford et T. Thornton ou encore du
B. Brülde, mais aussi des commentaires reconnaissants
pour l’effort réalisé pour disposer enfin d’une réelle
définition d’un trouble mental (M. First, N. Sartorius).
Les auteurs allemands W. Gaebel et J. Zielasek [13]
préconisent quant à eux, un modèle alternatif des troubles
psychiatriques issus des conceptions de Jerry Fodor [10]
elles-mêmes inspirées de l’ancienne psychologie des facul-
tés (Franz Joseph Gall et ses 27 facultés mentales) et du
localisationnisme de Brodman (52 aires distinguées d’un
point de vue cytoarchitechtonique).
Le livre de J. Fodor sur la modularité de l’esprit, publié
en anglais en 1983, traduit en français et publié en
1986 réhabilite en effet la psychologie des facultés. Dans
cette perspective néo-cartésienne, l’esprit est constitué de
différents dispositifs cognitifs indépendants, chacun trai-
tant de façon automatique un petit nombre d’informations
en provenance du monde extérieur. Ces systèmes modulai-
res transforment les sensations en représentations et four-
nissent aussi de la matière à la pensée, tout en demeurant
relativement autonomes par rapport à la pensée elle-même.
Fodor ne mentionnait guère, quant à lui, la psycho-
pathologie –et la schizophrénie notamment –sauf pour rap-
peler « qu’autrefois on pensait que la schizophrénie était
unepathologiedelapenséemaisj’imagine –poursuivait
Fodor –que ce point de vue n’est plus très populaire ».
À la suite de Kurt Shneider, les auteurs allemands ont
réactualisé cette conception modulaire qui pourrait s’appli-
quer à la pathologie psychotique et inclure, par exemple,
les cognitions, les perceptions, les intentions, les émotions,
les fonctions sociales et conduire à dresser pour un patient
J.-D. Guelfi
L’INFORMATION PSYCHIATRIQUE VOL. 86, N° 2 - FÉVRIER 2010130
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