Les psychoses hallucinatoires chroniques

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DOSSIER
Les psychoses hallucinatoires chroniques
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Une “spécialité” française
Focus
...
Les femmes
en majorité
Outre leur
apparition tardive,
majoritairement
chez les femmes
en période
ménopausique,
les psychoses
hallucinatoires
chroniques se
caractérisent par
la richesse
hallucinatoire, avec
une sensation de
pensée parasitée,
une bonne
conservation des
fonctions cognitives
avec l’ouverture au
monde réel et une
bonne sensibilité
aux neuroleptiques
à de faibles doses.
Cette entité clinique est reconnue en France, malgré son absence dans les classifications internationales. Ainsi, les psychoses hallucinatoires chroniques sont distinguées
de la schizophrénie et des délires chroniques non hallucinatoires paranoïaques. Elles
se caractérisent par leur apparition tardive survenant majoritairement chez les
femmes en période ménopausique.
D
écrite au début du
XXe siècle par un médecin français, la psychose
hallucinatoire chronique a été individualisée par Ballet en 1911. Il
s’agit d’un délire chronique survenant le plus souvent chez une
femme (7 femmes pour 1 homme) âgée de plus de 40 ans et
vivant seule, de mécanisme principal hallucinatoire, sans dissociation
mentale et d’évolution chronique.
Caractéristiques
Le concept de la psychose hallucinatoire chronique (PHC) persiste
jusqu’à nos jours dans la psychiatrie française. En revanche, dans la
littérature internationale, on parle
plutôt de schizophrénie à début
tardif, laquelle pourrait être une
forme moins sévère de schizophrénie avec un phénotype uniquement productif. En effet, dans
le DSM IV, il n’existe pas d’isolement de cette entité, mais seulement une possibilité de schizophrénie d’apparition tardive après
45 ans, avec une surreprésentation féminine, une plus grande fréquence des hallucinations et des
délires paranoïdes, une moindre
désorganisation psychique et un
syndrome négatif moins marqué.
Cette pathologie touche quelquefois les hommes, ayant vécu une
période d’isolement affectif ou
sensoriel et/ou de frustrations
mais plus précocement, entre 30
et 40 ans. Il est admis que l’isolement social pourrait être un facteur de risque de la PHC. Par
ailleurs, un facteur déclenchant
possible est souvent retrouvé, tels
le décès, l’éloignement d’un
proche ou la maladie dans les
Professions Santé Infirmier Infirmière N° 62 • mars-avril 2005
trois années précédentes, et des
prodromes à type de troubles de
l’humeur, de modifications comportementales ou caractérielles.
Évolution
L’évolution en général chronique
de la PHC se fait classiquement par
poussées, avec une recrudescence
de l’activité hallucinatoire, entrecoupée de rémissions, bien qu’un
petit automatisme mental (pensée
imposée) persiste dans le cadre
d’une personnalité bien préservée,
avec conservation de la lucidité et
des capacités intellectuelles. La
symptomatologie, au début discrète, puis progressive, peut se
manifester également de façon
brutale par un épisode psychotique
aigu richement hallucinatoire. Les
hallucinations peuvent toucher les
cinq sens : des voix persistantes qui
semblent être relativement bien
supportées par les patients, un sentiment d’avoir perdu le contrôle de
sa vie psychique, des phénomènes
sensoriels multiples et désagréables qui étonnent le malade.
Les hallucinations cénesthésiques
(ondes, courant électrique, attouchements sexuels) et olfactives
seraient plus fréquentes que dans
les autres pathologies délirantes.
Les thématiques les plus fréquemment rencontrées sont à contenu
de persécution sexuelle, mystique
ou d’influence. Si les hallucinations
représentent le mécanisme délirant
principal de cette pathologie, les
autres mécanismes, notamment
interprétatif et intuitif, peuvent être
retrouvés. La thématique persécutive n’est pas constante, et le délire
n’est pas totalement flou (il présente une certaine logique) et her-
métique, comme peuvent l’être les
délires paranoïdes dans la schizophrénie. En outre, les patients n’ont
pas de une détérioration intellectuelle, ou celle-ci est peu sévère
(contrairement aux schizophrènes),
d’où un bon maintien de la vie
sociale, voire professionnelle. Le
tableau clinique comporte également un automatisme mental pouvant être idéo-verbal, idéo-moteur
ou idéo-sensitif. L’affirmation selon
laquelle cette pathologie délirante
s’accompagne d’un maintien préservé de l’intégration sociale est
toute relative. En effet, si ces
patients ne connaissent pas une
évolution aussi déficitaire que celle
des schizophrènes, ils ont le plus
souvent une vie sociale ou affective
très pauvre.
Traitement
Il faut aménager et privilégier une
relation thérapeutique basée sur
la confiance afin d’amener le
patient à accepter les soins. La
place de l’hospitalisation est marginale, sauf à l’occasion d’une exacerbation délirante, d’une décompensation dépressive ou encore
d’un bilan réalisé pour éliminer
une organicité. Comme le rappelle
le Dr C. Dubertret (Colombes),
ces patients ont une meilleure
réponse au traitement par les
neuroleptiques atypiques à faibles
doses que les patients atteints de
schizophrénie à début précoce.
À noter que la recherche et l’utilisation de la dose minimale efficace des neuroleptiques sont
capitales en vue d’un traitement à
long terme, comme chez tous les
patients psychotiques.
LC
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