32 DOSSIER Les psychoses hallucinatoires chroniques >> DOSSIER Une “spécialité” française Focus ... Les femmes en majorité Outre leur apparition tardive, majoritairement chez les femmes en période ménopausique, les psychoses hallucinatoires chroniques se caractérisent par la richesse hallucinatoire, avec une sensation de pensée parasitée, une bonne conservation des fonctions cognitives avec l’ouverture au monde réel et une bonne sensibilité aux neuroleptiques à de faibles doses. Cette entité clinique est reconnue en France, malgré son absence dans les classifications internationales. Ainsi, les psychoses hallucinatoires chroniques sont distinguées de la schizophrénie et des délires chroniques non hallucinatoires paranoïaques. Elles se caractérisent par leur apparition tardive survenant majoritairement chez les femmes en période ménopausique. D écrite au début du XXe siècle par un médecin français, la psychose hallucinatoire chronique a été individualisée par Ballet en 1911. Il s’agit d’un délire chronique survenant le plus souvent chez une femme (7 femmes pour 1 homme) âgée de plus de 40 ans et vivant seule, de mécanisme principal hallucinatoire, sans dissociation mentale et d’évolution chronique. Caractéristiques Le concept de la psychose hallucinatoire chronique (PHC) persiste jusqu’à nos jours dans la psychiatrie française. En revanche, dans la littérature internationale, on parle plutôt de schizophrénie à début tardif, laquelle pourrait être une forme moins sévère de schizophrénie avec un phénotype uniquement productif. En effet, dans le DSM IV, il n’existe pas d’isolement de cette entité, mais seulement une possibilité de schizophrénie d’apparition tardive après 45 ans, avec une surreprésentation féminine, une plus grande fréquence des hallucinations et des délires paranoïdes, une moindre désorganisation psychique et un syndrome négatif moins marqué. Cette pathologie touche quelquefois les hommes, ayant vécu une période d’isolement affectif ou sensoriel et/ou de frustrations mais plus précocement, entre 30 et 40 ans. Il est admis que l’isolement social pourrait être un facteur de risque de la PHC. Par ailleurs, un facteur déclenchant possible est souvent retrouvé, tels le décès, l’éloignement d’un proche ou la maladie dans les Professions Santé Infirmier Infirmière N° 62 • mars-avril 2005 trois années précédentes, et des prodromes à type de troubles de l’humeur, de modifications comportementales ou caractérielles. Évolution L’évolution en général chronique de la PHC se fait classiquement par poussées, avec une recrudescence de l’activité hallucinatoire, entrecoupée de rémissions, bien qu’un petit automatisme mental (pensée imposée) persiste dans le cadre d’une personnalité bien préservée, avec conservation de la lucidité et des capacités intellectuelles. La symptomatologie, au début discrète, puis progressive, peut se manifester également de façon brutale par un épisode psychotique aigu richement hallucinatoire. Les hallucinations peuvent toucher les cinq sens : des voix persistantes qui semblent être relativement bien supportées par les patients, un sentiment d’avoir perdu le contrôle de sa vie psychique, des phénomènes sensoriels multiples et désagréables qui étonnent le malade. Les hallucinations cénesthésiques (ondes, courant électrique, attouchements sexuels) et olfactives seraient plus fréquentes que dans les autres pathologies délirantes. Les thématiques les plus fréquemment rencontrées sont à contenu de persécution sexuelle, mystique ou d’influence. Si les hallucinations représentent le mécanisme délirant principal de cette pathologie, les autres mécanismes, notamment interprétatif et intuitif, peuvent être retrouvés. La thématique persécutive n’est pas constante, et le délire n’est pas totalement flou (il présente une certaine logique) et her- métique, comme peuvent l’être les délires paranoïdes dans la schizophrénie. En outre, les patients n’ont pas de une détérioration intellectuelle, ou celle-ci est peu sévère (contrairement aux schizophrènes), d’où un bon maintien de la vie sociale, voire professionnelle. Le tableau clinique comporte également un automatisme mental pouvant être idéo-verbal, idéo-moteur ou idéo-sensitif. L’affirmation selon laquelle cette pathologie délirante s’accompagne d’un maintien préservé de l’intégration sociale est toute relative. En effet, si ces patients ne connaissent pas une évolution aussi déficitaire que celle des schizophrènes, ils ont le plus souvent une vie sociale ou affective très pauvre. Traitement Il faut aménager et privilégier une relation thérapeutique basée sur la confiance afin d’amener le patient à accepter les soins. La place de l’hospitalisation est marginale, sauf à l’occasion d’une exacerbation délirante, d’une décompensation dépressive ou encore d’un bilan réalisé pour éliminer une organicité. Comme le rappelle le Dr C. Dubertret (Colombes), ces patients ont une meilleure réponse au traitement par les neuroleptiques atypiques à faibles doses que les patients atteints de schizophrénie à début précoce. À noter que la recherche et l’utilisation de la dose minimale efficace des neuroleptiques sont capitales en vue d’un traitement à long terme, comme chez tous les patients psychotiques. LC