UNIVERSITE DE NANTES FACULTE DE MEDECINE Année 2013 N° 162 THESE pour le DIPLOME D'ETAT DE DOCTEUR EN MEDECINE (DES de MÉDECINE GÉNÉRALE) par Mathilde Collignon née le 29 janvier 1985 à Rouen Présentée et soutenue publiquement le 12 Décembre 2013. REPÉRAGE DES CONDUITES ADDICTIVES EN MÉDECINE GÉNÉRALE : CE QU'EN PENSENT LES PATIENTS Président de jury : Monsieur le Professeur Jean-Luc VENISSE Directeur de thèse : Monsieur le Docteur Patrick POINT Membres du jury : Madame le Professeur Jacqueline LACAILLE Monsieur le Professeur Rémy SENAND Madame le Docteur Leila MORET REMERCIEMENTS Monsieur le Professeur Jean-Luc Vénisse Vous m'avez fait l'honneur d'accepter de présider ce jury, Vous m'avez accordé l'inscription en DESC d'addictologie. Travailler dans votre service m'a permis de découvrir les richesses de cette discipline. Veuillez trouver ici le témoignage de ma reconnaissance et de mon respect Madame le Professeur Jacqueline Lacaille Vous avez témoigné votre intérêt pour ce travail et avez accepté d'être membre du jury de cette thèse. Veuillez trouver ici le témoignage de ma reconnaissance et de mon respect Monsieur le Professeur Rémy Senand Vous avez accepté d'être membre du jury de cette thèse. Veuillez trouver ici le témoignage de ma reconnaissance et de mon respect Madame le Docteur Leila Moret Vous avez accepté d'être membre du jury de cette thèse Veuillez trouver ici le témoignage de ma reconnaissance et de mon respect Monsieur le Docteur Patrick Point Vous m'avez accompagnée et soutenue dans ce travail de thèse. Merci pour vos conseils et votre disponibilité. Merci pour cet engagement dans la médecine que vous avez su me faire partager. Merci pour cette riche expérience professionnelle et humaine au sein de votre service. SOMMAIRE LISTE DES ABREVATIONS ..................................................................................................7 INTRODUCTION ......................................................................................................................8 1 - CONDUITES ADDICTIVES .................................................................................................... 10 2 - CONSULTATION DE MEDECINE GENERALE : ....................................................................... 16 3 - LE REPERAGE PRECOCE : .................................................................................................. 20 4 - INTERVENTION BREVE : ..................................................................................................... 23 5 - OBSTACLES AU RPIB EN MEDECINE GENERALE................................................................ 27 MATERIEL ET METHODE .................................................................................................. 29 1 - OBJECTIFS DE L’ETUDE : .................................................................................................... 29 2 - TYPE DE L’ETUDE : ............................................................................................................. 29 3 - POPULATION DE L’ETUDE : ................................................................................................. 29 4 - ENTRETIENS SEMI-DIRIGES :.............................................................................................. 30 5 - ANALYSE DES RESULTATS : ................................................................................................ 30 RESULTATS........................................................................................................................... 31 1 - CARACTERISTIQUES DE LA POPULATION ETUDIEE : ........................................................... 31 2 - LE REPERAGE DES CONDUITES ADDICTIVES : VECU ET PRATIQUES .................................. 32 3 - LE REPERAGE DES CONDUITES ADDICTIVES : ATTENTES DES PATIENTS : ......................... 41 4 - ADDICTIONS, REPRESENTATIONS GENERALES DES PATIENTS : ......................................... 51 5 - LE PATIENT ET SON MEDECIN GENERALISTE ...................................................................... 58 6 - PLACE PARTICULIERE DU MEDECIN DU TRAVAIL ................................................................. 62 DISCUSSION......................................................................................................................... 64 CONCLUSION....................................................................................................................... 78 BIBLIOGRAPHIE .................................................................................................................. 79 ANNEXE 1.............................................................................................................................. 86 ANNEXE 2.............................................................................................................................. 87 ANNEXE 3.............................................................................................................................. 88 ANNEXE 4.............................................................................................................................. 89 ANNEXE 5.............................................................................................................................. 90 ANNEXE 6.............................................................................................................................. 91 ANNEXE 7.............................................................................................................................. 92 ANNEXE 8.............................................................................................................................. 93 ANNEXE 9.............................................................................................................................. 99 ANNEXE 10 ......................................................................................................................... 100 LISTE DES ABREVATIONS ALAC : Alcohol Advisory Council ANAES : Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé AUDIT : Alcohol Use Disorder Test CDT : Carbohydrate Deficient Transferrin CIM : Classification Internationale des Maladies CO : Monoxyde de carbonne DEPADO : DEPistage de consommation problématique d'alcool et de drogue chez les ADOlescents DETA-CAGE : Diminuer Trop Alcool – Cut-down Annoyed Guilty Eye-opener DSM : Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders FACE : Fast Alcohol Consumption Evaluation HAS : Haute Autorité de Santé OFDT : Observatoire Français des drogues et toximcomanies OMS : Organisation Mondiale de la santé POSIT : Problem-oriented screening instrument for teenagers RPIB : Repérage précoce et Intervention Brève VGM : Volume Globulaire Moyen INTRODUCTION La notion d'addiction est née après une longue période de séparation des différentes conduites de dépendance, opérant un regroupement à la fois descriptif, théorique, thérapeutique et institutionnel ayant le mérite de promouvoir une approche globale des troubles et des patients qui s'y adonnent. L'évolution de l'addictologie a permis une prise de conscience de la nécessité d'une prise en charge précoce. Le médecin généraliste, en première ligne, a de toute évidence une place majeure dans cette prise en charge dont la première étape en est le repérage. De nombreux outils et méthodes ont montré leur efficacité. Les types d'usage sont multiples allant de l'usage simple à la dépendance en ce qui concerne la consommation de substances psychoactives et les modalités de prise en charge en sont différentes. Le repérage précoce et intervention brève (RPIB) est à ce jour la méthode la plus efficace dans la prise en charge précoce des usagers nocifs. La recherche d'une conduite addictive doit être réalisée à plusieurs reprises au cours de la vie d'un patient. Les risques de développer une conduite addictive surviennent tout au long de la vie, de l'adolescence à l'approche de la retraite, jusqu'aux sujets âgés. Les interventions seront là aussi différentes. Les médecins généralistes voient chaque année 75% de la population générale. Moins de la moitié dépistent systématiquement une consommation de tabac ou d'alcool. Et pourtant, 30,7% des consultants fument, 18% ont une consommation d'alcool problématique (1). La consommation de substances psychoactives est un réel problème de santé publique, ayant une forte incidence sur la morbi-mortalité et des dommages bio-psycho-sociaux non négligeables. L'activité du dépistage des addictions fait partie du rôle de prévention du généraliste. Ce domaine est si vaste qu'il est difficile à réaliser en pratique et nécessite une priorisation. L'addictologie n'est pas la priorité de beaucoup de médecins, les prises en charges étant moins connues et l'usage de substances étant chargé de représentations péjoratives. Il est important de rappeler que la médecine générale est touchée par les addictions au même titre que la population générale, pouvant mettre certains médecins en difficultés face à ces questions. Le repérage précoce et l'intervention brève ont fait l'objet de très nombreuses études quantitatives en ce qui concerne l'alcool. Les études qualitatives ont principalement intéressé les médecins. Ces études ont cherché à comprendre les difficultés à réaliser le dépistage des buveurs excessifs. Les médecins décrivent des difficultés inhérentes à la consultation (manque de temps, absence de rémunération spécifique) , des freins liés à leurs représentations et à un sentiment d'inefficacité. Ils craignent la réaction de leurs patients à l'abord des questions de consommations, pensant souvent les gêner. La question se pose alors de ce que peut attendre la population générale des médecins généralistes en matière d'addictions. Leurs craintes sont-elles justifiées ? Nous nous efforcerons à travers notre travail de recueillir le vécu des patients au cours du repérage des conduites addictives, mais aussi leurs attentes en terme de modalités de dépistage. 1 - CONDUITES ADDICTIVES 1.1 D EFINITIONS : 1.1.1 LA NOTION D'ADDICTION : (2–7) Le mot addiction prend ses origines dans le droit commun romain : « ad-dictus » qui fait référence à la contrainte par le corps. C'est « le droit de disposer à son profit de la personne même du débiteur défaillant ». Fénichel (1945) décrivait déjà les « addictions sans drogue » regroupant alors diverses conduites impulsives pathologiques et signifiant l'urgence du besoin de les satisfaire ainsi que l'incapacité finale de toute tentative de les satisfaire. Dans les pays anglo-saxons S. Peele (1975) utilise le terme d'addiction pour désigner les troubles du comportement associés à l'utilisation de substances. Voyant cette notion de plus en plus utilisée, le psychiatre anglais A. Goodman (1990) en a proposé une définition opératoire intégrant les six critères diagnostics de trouble addictif [Annexe 1]. Sa description de l'addiction est issue de ses observations sur l'addiction comportementale et plus précisément l'addiction sexuelle.(8) La triade symptomatique du comportement addictif se caractérise par : - l'impossibilité répétée de contrôler un comportement - la poursuite de ce comportement en dépit de la connaissance de ses conséquences négatives - ce comportement vise à produire du plaisir ou à écarter une sensation de malaise interne L'addictologie, considérée au sens large, est une discipline médico-psycho-sociale transversale dont l'objet est l'ensemble des conduites susceptibles d'être considérées comme addictives, au-delà des seules conduites de dépendance aux substances psychoactives. La question de limites dans la notion d'addiction reste entière, celles-ci n'étant posées de façon claire et indiscutable par aucune approche théorique qu'elle soit psychanalytique ou cognitivo-comportementale. On tend à intégrer dans le champ des addictions de plus en plus de comportements pouvant s'y apparenter. (9) Dans notre travail nous utiliserons le terme de « conduites addictives » incluant les usages de substances psychoactives mais aussi les troubles des conduites alimentaires et le jeu pathologique. 1.1.2 DE L'USAGE A LA DEPENDANCE : (6,7,10) Le DSM-5, paru récemment en 2013, apporte une nouvelle approche d'ordre dimensionnelle classant les troubles liés à l'usage de substance de léger à sévère, faisant disparaître les notions précédemment décrites. Il intègre dorénavant la notion d'addiction comportementale par le jeu pathologique. Le DSM-5 fait apparaître un nouveau critère : celui du craving alors que l'on voit disparaître celui des conséquences légales. Les critères d'abus de substance et de dépendance sont désormais combinés en une seule liste de critères définissant les « troubles liés à l'usage de substance ». La présence d'au moins deux critères est nécessaire dans cette nouvelle classification alors qu'un seul critère suffisait dans le DSM IV-TR. (11) Dans les deux plus grandes classifications internationales des troubles mentaux que sont le DSM IV-TR et la CIM10, les critères de définition des troubles liés à l'usage de substances psychoactives font l'objet d'une approche catégorielle allant de l'usage à la dépendance (critères s'approchant de la définition de Goodman) (12,13). Les limites entre ces types d'usage sont cependant floues, elles sont un continuum non figé, pouvant passer de l'un à l'autre sans que l'on puisse établir de règle. L'usage est caractérisé par la consommation réglée de substance psychoactive n'entraînant pas de dommage ni de conséquence somatique, psychologique, psychiatrique ou judiciaire. L'usage à risque se caractérise par un risque aigu associé à la consommation de substance (grossesse, conduite automobile, machines-outils, tâches nécessitant une coordination psychomotrice, troubles du comportement). Un risque statistique à long terme (selon les effets pharmacologiques de la substance) peut être également pris en compte. En pratique, la limite entre usage à risque et usage nocif est controversée, les praticiens ayant leurs propres définitions du risque et du nocif. La légalité des produits diffère également selon les pays (pour le cannabis notamment), modifiant ce critère pour une même consommation, d'un pays à l'autre. L'usage nocif (CIM 10) ou Abus (DMS IV-TR) est une consommation inadéquate et répétée d'une substance au cours des 12 derniers mois induisant des dommages somatiques, psychoaffectifs ou sociaux soit pour le sujet lui-même, soit pour son environnement proche ou, à distance, pour les autres ou la société. Le DSM IV-TR décrit cinq critères définissant l'abus à une substance au travers d'un hétéro-questionnaire de dépistage [Annexe 2] La dépendance se caractérise par l'impossibilité de s'abstenir de consommer une SPA, avec possible existence d'une tolérance et d'un syndrome de sevrage à cette substance. Ceci, malgré les conséquences que peut avoir la consommation de cette substance. Les critères DSM IV-TR la décrivent en sept points. [Annexe 3]. 1.2 D ONNEES EPIDEMIOLOGIQUES : 1.2.1 USAGE DE SUBSTANCES PSYCHOACTIVES : (14,15) Les substances licites que sont l'alcool, le tabac et les médicaments psychotropes sont les substances psychoactives les plus consommées en France en terme d'usage. Parmi les 11-75 ans, 13,4 millions ont un usage régulier de tabac et 8,8 millions un usage régulier d'alcool. Onze millions des 18-75 ans ont fait un usage de médicament psychotrope dans l'année. Le tabagisme quotidien à 17 ans a vu une hausse de 10% entre 2008 et 2011, il concerne 31,5% des jeunes de 17 ans et 30% des adultes de 18 à 75 ans. Les ivresses régulières chez les jeunes de 17 ans sont en hausse depuis 2008 (8,6% en 2007) tout comme les ivresses répétées et la consommation régulière d'alcool. Plus d'un jeune de 17 ans sur deux déclare une alcoolisation ponctuelle importante (5 verres en une même occasion) au cours du mois écoulé. On note donc globalement une augmentation des conduites d'alcoolisation aiguë chez les jeunes de 17 ans en France depuis 2008. (Tableau 1) Parmi les adultes, on compte 3,8 millions de consommateurs à risque au sens du test Audit-C (hétéro-questionnaire de 3 questions définissant le type d'usage d'alcool). [Annexe 4] Tableau 1 : Types de consommation d'alcool chez les jeunes et les adultes en 2011 Consommation d'alcool Jeunes de 17 ans Adultes 18-75 ans Régulière 10,50% Ivresses régulières 10,50% Ivresses répétées 27,80% Ponctuelle importante 53,20% 19,90% 8,00% En 2011, 15% des jeunes de 17 ans ont déjà pris des anxiolytiques (en baisse depuis 2008). La consommation de médicaments psychotropes dans l'année est en hausse depuis 2005, concernant 18,3% des 18-75 ans. Parmi les substances illicites, le cannabis est le plus consommé (Tableau 2). On note une stabilisation de l'expérimentation du cannabis et un fléchissement de l'usage régulier à 17 ans entre 2008 et 2011. L'usage régulier des autres substances illicites par produit n'est pas évaluable, cependant le nombre d'usagers problématiques de drogues (usagers de drogues par voie intraveineuse, usagers réguliers d'opiacés, cocaïne, ou amphétamines dans l'année chez les 15-64ans) est estimé à 281000. Tableau 2 : Consommations de cannabis chez l'adulte et le jeune de 17 ans en 2011 Consommations Population générale Jeunes de 17 ans Expérimentation 13,4 millions 41,50% Usage dans l'année 3,8 millions Usage régulier 1,2 millions 6,50% Adultes 2,50% L'expérimentation de la cocaïne et de l'héroïne chez les jeunes de 17 ans est en légère baisse entre 2008 et 2011. L'expérimentation d'ecstasy diminue depuis 2002. En revanche, la consommation de cocaïne au cours de l'année chez les adultes de 18 à 64 ans a légèrement augmenté depuis 2005 (Tableau 3). Tableau 3 : Consommations de cocaïne, héroïne et ecstasy en 2011 Substance Expérimentation population générale Expérimentation jeunes 17 ans Usage dans l'année Adultes Cocaïne 1,5 millions 3,00% 0,90% Héroïne 500000 0,90% 0,20% Ecstasy 1,1 millions 1,90% 2,70% 1.2.2 DOMMAGES LIES A LA CONSOMMATION DE SUBSTANCES PSYCHOACTIVES :(14,16) Le tabac est la substance psychoactive à laquelle peut être attribuée le plus grand nombre de décès (73000 décès par an) devant l'alcool (49000 décès par an) en 2009. Il s'agit de la première cause de décès évitable en France comme dans le monde. Soixante quinze pour cents des décès liés à l'alcool et 81% des décès liés au tabac concernent les hommes. Parmi les fumeurs, 2,4 millions ont recours à des traitements d'aide à l'arrêt du tabac. 133000 consommateurs d'alcool sont suivis dans les centres spécialisés en addictologie. En 2011, l'alcool est en cause dans 3 accidents mortels de la route sur 10. L'usage du cannabis multiplie le risque de cancer de poumon par 3 et le risque de mortalité est multiplié par près de 15 en cas de consommation conjointe d'alcool et de cannabis. En 2010, 38000 personnes au moins étaient prises en charge dans des structures spécialisées en addictologie pour leur consommation de cannabis. Les hommes interpellés pour usage d'héroïne, de cocaïne ou de crack ont 5,2 fois plus de risque de décéder que les autres hommes du même âge. Pour les femmes, le risque de décès est multiplié par 9,5. On note une diminution de la prévalence de la séropositivité chez les usagers de drogue en lien avec la politique de réduction des risques depuis 1996. 1.2.3 ADDICTIONS COMPORTEMENTALES (4,7,16) La prévalence pour le jeu excessif (jeu de hasard et d'argent incluant jeu à problème et jeu pathologique) chez l'adulte est de 3% en Europe (données tirées d'une méta-analyse portant sur des études menées en Europe de 2000 à 2005) avec deux populations plus vulnérables : les adolescents (2,2 à 7,4%) et les adultes de plus de 55 ans. (4) En France, elle a été estimée pour la première fois en 2010 et concerne environ 200000 personnes (soit 0,4% de la population des 18-75 ans). Il y aurait environ 400000 joueurs à risque modéré pour un total de 1,3% de joueurs problématiques. Les hommes sont très majoritairement concernés (plus de 90%). Vingt pour cents des sujets concernés ont fait des tentatives de suicide. Concernant les cyberaddictions (au sens large, c'est à dire incluant les jeux vidéo) ; les études sont peu nombreuses et les outils différents, fournissant des taux de prévalence de 0,61% à 10,7% selon le pays et l'outil d'évaluation utilisé. La fréquence des achats compulsifs est évaluée à 4% en France (2002). Vingt pour cents des usagers de substances illicites sont concernés par les troubles du comportement alimentaire et jusqu'à 30% des patients boulimiques ont eu un problème avec une substance psychoactive. 1.3 R EPRESENTATIONS EN POPULATION GENERALE : Depuis 1999, l'Enquête sur les représentations, opinions, perceptions sur les produits psychotropes (EROPP) a permis à quatre reprises de faire le point sur les opinions des Français vis-à-vis des substances psychoactives, de leurs usagers et des grandes orientations de la politique publique (16,17). Neuf français sur 10 considèrent l'héroïne et la cocaïne comme dangereuses dès leur premier usage. Un français sur deux (54%) en dit de même concernant l'expérimentation du cannabis. Seuls 47% des français considèrent le tabac dangereux lors d'un usage quotidien et 74% pour l'alcool. Le seuil de dangerosité des drogues selon la population française fait apparaître les drogues licites comme étant les moins dangereuses, l'héroïne étant considérée comme la plus dangereuse. Du plus dangereux au moins dangereux, la population française classe les substances psychoactives comme suit : héroïne, cocaïne, cannabis, tabac, alcool. Les français jugent les usagers « dangereux pour leur entourage » dans 91% des cas pour l'alcool, 87% pour l'héroïne, 83% pour la cocaïne et 67% pour le cannabis. Quarante neuf pour cents d'entre eux pensent que les usagers d'alcool en grande quantité le font à cause de problèmes familiaux, 33% pensent la même chose concernant les usagers d'héroïne. Dix neuf pourcents pensent que les usagers d'héroïne souffrent d'une maladie. La limite de la consommation d'alcool à ne pas dépasser pour la conduite automobile est appréciée de façon relativement prudente, 72% de la population la plaçant à 2 verres ou moins. En revanche, le seuil de risque chronique lié à l'alcool est sous-estimé (41% estiment que le risque existe à partir de 4 verres ou plus pour un homme au lieu de 3, et 54% évaluent le risque à partir de 3 verres ou plus pour les femmes au lieu de 2). Le niveau d'assimilation à une drogue pour les substances licites est élevé (88% pour le tabac et 84% pour l'alcool). Les conséquences sociales jugées les plus importantes reviennent à l'alcool (60% des cas) loin devant le tabac et les substances illicites. (18) Les personnes abstinentes de toute consommation d'alcool perçoivent mieux le risque alcool pour la santé que les consommateurs. L'incidence d'une consommation de tabac sur la santé est perçue d'une façon plus importante que la consommation d'alcool. D'ailleurs, le besoin de réduire le risque tabac parmi les fumeurs est beaucoup plus présent que celui de réduire le risque alcool parmi les consommateurs d'alcool. Les fumeurs ont une plus grande perspective de changement que les consommateurs d'alcool associé à un meilleur sentiment de capacité au changement. Les patients ont tendance à minimiser leur consommation d'alcool alors qu'ils déclarent facilement leur consommation de tabac. Cela est d'autant plus important lorsqu'il s'agit de consommateurs à risque, population davantage concernée par le déni. (19) 2 - CONSULTATION DE MEDECINE GENERALE : 2.1 GENERALITES La médecine générale est habituellement le premier contact avec le système de soins permettant un accès ouvert et non limité aux usagers. Elle prend en compte tous les problèmes de santé, indépendamment de l'âge, du sexe ou de toutes autres caractéristiques de la personne concernée. Elle utilise un mode de consultation spécifique qui construit dans la durée une relation médecin-patient basée sur une communication appropriée. La médecine générale répond aux problèmes de santé dans leurs dimensions physique, psychologique, sociale, culturelle et existentielle. (20) 2.2 C OMPETENCES DU MEDECIN GENERALISTE : Les compétences du médecin généraliste ont été revues récemment par un groupe d'experts permettant la rédaction d'un consensus. (21) Les six compétences en médecine générale peuvent être regroupées dans le schéma suivant, appelé « marguerite des compétences ». (22) La compétence éducation, prévention, santé individuelle et communication a été définie ainsi : « capacité à accompagner « le » patient dans une démarche autonome visant à maintenir et améliorer sa santé, prévenir les maladies, les blessures et les problèmes psychosociaux dans le respect de son propre cheminement et donc à intégrer et à articuler dans sa pratique l'éducation et la prévention ; c'est à dire en mettant en place des actes destinés à diminuer l'incidence d'une maladie par des mesures individuelles de prévention, à favoriser un dépistage précoce des maladies, et à réduire les séquelles d'une maladie ; en développant une posture qui place le patient en position de sujet en s'engageant dans une alliance, un partenariat en aidant le patient à construire ses compétences [...] » Le repérage des conduites addictives fait donc partie intégrante des compétences du médecin généraliste. Les médecins les plus investis dans la prévention liée aux comportements de santé sont définis comme ceux qui abordent au moins une fois avec chaque patient la question de la consommation d'alcool, de tabac ou de cannabis. (23) 2.3 D EROULEMENT D'UNE CONSULTATION DE MEDECINE GENERALE : La durée moyenne actuelle d'une consultation de médecine générale est de 16 minutes. Cette durée varie en fonction de la situation et de la pathologie, des attentes des patients et des médecins. Elle est plus longue en cas de problèmes d’origine psychologique, de maladies chroniques, de personnes âgées et lorsqu'il s'agit de nouveaux patients. Une enquête américaine a montré qu'une majoration du temps de consultation de 3 minutes s'est accompagnée d'une augmentation des dépistages et conseils de style de vie. Ce temps de consultation importe moins pour le patient que le fait de pouvoir parler et être écouté. (24) En effet, on sait que le motif principal de la consultation énoncé par le patient est généralement accompagné d'autres motifs secondaires pouvant parfois avoir une plus grande importance que la demande initiale. Mais il reste difficile pour les médecins de répondre aux préoccupations de leurs patients, le manque de temps et de formation en étant les principaux obstacles. (25) 2.4 C E QU'ATTENDENT LES PATIENTS D'UNE CONSULTATION DE MEDECINE GENERALE : Dans les enquêtes de satisfaction ou les études d'opinion concernant les attentes des patients lors d'une consultation de médecine générale, on retrouve que les princi pales préoccupations des usagers sont des éléments de la relation médecin-patient. En effet, l'échange d'information sur le problème de santé, sur l'histoire médicale du patient, sur le traitement, la clarté des explications, le fait de pouvoir parler et être écouté par le médecin constituent les principales priorités pour la majorité des usagers. La minutie de l'examen clinique, la réalisation d'actions de prévention et d'éducation à la santé et la réponse aux conséquences physiques du problème de santé ont également une importance élevée dans ce qu'attendent les patients. Il en est de même dans une moindre mesure concernant la coordination des soins attendue par la patientelle des médecins généralistes. (26) La notion de confidentialité, la disponibilité et l'accessibilité du médecin semblent importants. En revanche, les actes médicaux et techniques importent peu dans la satisfaction des usagers. (27) Dans la relation médecin-patient, les patients attendent entre autre que le médecin questionne ouvertement les motifs de consultation, qu'il connaisse les idées, croyances et représentations que le malade se fait de ses problèmes de santé, qu'il l'interroge sur les événements de vie. Le médecin doit également demander au patient s'il a d'autres questions avant la fin de la consultation afin d'éviter les questions de « dernières minutes » (ou le syndrome du pas-de-porte) (28,29). D'une façon générale, les patients attendent de leur médecin généraliste : Des compétences techniques et biomédicales (premier recours, polyvalence, bonne tenue du dossier médical, réalisation d'examen clinique complet, capacité à faire un bon diagnostic, prise d'avis secondaires, vision globale et préventive) Des compétences dans la relation/communication (médecin « de famille », réassurance, relation de confiance, partenariat, bon contact, considération du patient comme personne, écoute des problèmes psychologiques, attention portée aux événements de vie, absence de jugement de valeur) Accessibilité et disponibilité 2.5 PARTICULARITES DE LA PREVENTION ET DE L'EDUCATION DU PATIENT Le concept de consultation de prévention en médecine générale est dans la loi de Santé Publique du 9 août 2004. Pourtant, cette démarche de prévention est encore insuffisante. Les médecins concernés mettent en avant le manque de temps, l'absence de rémunération adaptée et le déficit de formation des médecins. Il est également difficile d'avoir une vision correcte de ce que représente la prévention et l'éducation du patient dans une consultation de médecine générale tant sa définition est large et les activités de prévention prises en compte diffèrent selon les études. La majorité des médecins estiment que les patients sont demandeurs d'information. Les généralistes se sentent plutôt efficaces en matière de prévention en ce qui concerne le suivi vaccinal, le suivi gynécologique, la prise en charge des personnes âgées (dans plus de 75% des cas pour chaque item). L'efficacité dans la prise en charge des modes de vie est retenue dans une moindre mesure et seul un médecin sur deux se sent efficace en ce qui concerne les addictions (un sur deux pour le tabac, 1/3 pour l'alcool et 1/5 pour les drogues). Environ 30% de l'activité du médecin généraliste est dédié à la prévention. Cependant, l'efficacité objective perçue par les patients est beaucoup plus pessimiste que le point de vue des médecins. Il y a donc un réel travail à réaliser pour optimiser la prévention par les généralistes. (30) Le modèle de l'entretien motivationnel, développé par Miller et Rollnick, dont l'effi cacité a été largement démontrée, permet d'amener un patient à changer de comportement (qu'il s'agisse de consommation d'alcool ou de tabac mais aussi de perte de poids, de changement de régime alimentaire,...). L'utilisation de ce concept par les médecins généralistes amènerait probablement à une meilleure efficacité de leurs actions de préventions, dans la prise en charge des maladies chroniques et de leurs facteurs de risques. Ce modèle implique écoute, empathie et établissement d'une relation de partenariat entre le médecin et son patient. Ce dernier devient l'acteur principal dans sa prise en charge, le médecin l'accompagnant et le conseillant. (23,31) 3 - LE REPERAGE PRECOCE : 3.1 GENERALITES Comme vu plus haut, la consommation de substances psychoactives peut avoir des dommages évitables importants pouvant aller jusqu'à la mort. Il est donc nécessaire de repérer les usagers à risque avant l'arrivée de ces dommages. Il en est de même pour les addictions comportementales bien quelles soient plus difficiles à appréhender en matière de repérage. Le repérage précoce doit s'adresser à tous les patients, de façon systématique une fois par an. (32) De nombreux outils ont été proposés puis validés pour le repérage des consommations de substances psychoactives. Nous nous intéresserons à ceux qui permettent de distinguer les usages simples des usages nocifs et de la dépendance, même s'il est important de retenir que la pathologie addictive est un continuum pouvant aller du normal au pathologique et que les limites pour définir ces usages sont floues. 3.2 OUTILS POUR LE REPERAGE DES SUBSTANCES PSYCHOACTIVES : (33–35) D'une façon générale, l'usage nocif de toute substance peut être repéré par la recherche de consommation déclarée. Le médecin interroge alors son patient sur : consomme-t-il telle substance ? Si oui, quand, comment et en quelles quantités ? Il peut ensuite approfondir le repérage par des questionnaires plus élaborés spécifiques de la substance. (36) 3.2.1 LE TABAC : Concernant le tabac, deux outils ont été validés : le Test de Fagerström, un auto questionnaire de 6 items qui évalue la gravité de la dépendance (37) et le Short Test tabac, test court de deux questions validé en France pour une évaluation plus rapide de la consommation tabagique. Le premier fait partie des tests les plus utilisés par les médecins généralistes car plus connu de par son ancienneté (1991) et sa présence dans les recommandations concernant l'aide à l'arrêt du tabac dès 1998. Les test biologiques (dosage du CO expiré et dosage des métabolites de la cotinine) ne sont pas utilisés ni recommandés en pratique de médecine de ville. (38) 3.2.2 L'ALCOOL : Le repérage en matière de consommation de boissons alcoolisées a fait l'objet de nombreuses études. Au niveau international, le DETA-CAGE a été validé mais c'est un auto questionnaire difficile à pratiquer dans le contexte français. En effet, il s'est montré décevant pour le repérage des consommateurs excessifs ne repérant que les usagers les plus dépendants. Le test AUDIT (Alcohol Use Disorders Test), auto questionnaire de 10 items développé spécifiquement pour le repérage précoce et classant les usagers en trois groupes, a fait ses preuves au niveau international et en France. Il a été créé par le groupe de travail de l'OMS et est le plus efficace (39). Il existe dans une forme courte appelée AUDIT-C [Annexe 4] (40). Toutefois, sa faisabilité en consultation de routine en médecine générale en France n'est pas satisfaisante du fait de la difficulté à s'assurer de la distribution d'un auto questionnaire en parallèle des consultations du médecin généraliste. Ainsi, un outil plus court, a été validé : l’hétéro questionnaire FACE (Formule pour Apprécier la Consommation par Entretien), issu du programme « Boire moins c'est mieux ». Il comporte 5 questions dont deux évaluent la modalité de consommation et trois autres le retentissement des consommations. Ce test semble le plus adapté pour la pratique en médecine générale en France [Annexe 5] (41). Les tests biologiques tels que le VGM et les GammaGT d’utilisation courante n'ont pas une bonne sensibilité pour le repérage des usages nocifs d'alcool. Le dosage de la CDT, moins utilisé car coûteux, est pertinent s'il est associé aux dosages précédents pour dépister les usagers nocifs avec alcoolisations excessives épisodiques. Cependant son intérêt est plus marqué pour le suivi des consommateurs excessifs puisqu'il repère les alcoolisations récentes des trois dernières semaines (42). 3.2.3 LE CANNABIS : L' autoquestionnaire CAST (Cannabis Abuse Screening Test) qui comporte 6 items a été développé par l'OFDT et validé en population générale. C'est le plus utilisé en Europe auprès des jeunes mais il surestime les prévalences des usages à risque sévère ou de dépendance dans la plupart les études. (43) L'ALAC, questionnaire spécifique du cannabis comporte 11 items et est destiné aux jeunes. Le DETC (Diminuer, Entourage, Trop, Cannabis), traduction française du CAGE cannabis évalue en 4 items une consommation nocive de cannabis pour les adultes et les adolescents [Annexe 6] (44,45) 3.2.4 TOUTES SUBSTANCES PSYCHOACTIVES : ADOPSA (ADOlescents et Substances Psycho-Actives ou Auto/moto, Détente, Oubli, Seul, Problèmes, Amis/famille), destiné aux adolescents et jeunes adultes permet le repérage d'un usage nocif d'alcool ou de drogues illicites [Annexe 7]. Il est la traduction française du CRAFFT (Car Relax Alone Forget Family or Friend Trouble) et comporte 6 items. (46) Le DEPADO et le POSIT sont des questionnaires plus longs pour l’évaluation de la consommation d'alcool et de drogues chez les adolescents (44). Le questionnaire ASSIST, développé par l'Organisation Mondiale de la Santé a été validé en français pour le repérage de l'usage de substances psychoactives (objectivation et quantification des consommations) [Annexe 8] (47). Il propose en fonction du score obtenu la suite de la prise en charge la plus adaptée (pas d'intervention, intervention brève, traitement plus intensif). Cet auto questionnaire a été validé en médecine générale dans la population générale, y compris pour le sujet âgé. C'est un bon outil de prévention puisqu'il permet le dépistage complet de l'usage de substances psychoactives, y compris des médicaments. Cependant, ce test long dure de 4 à 15 minutes selon les consommations. Un test court appelé ASSIST lite a été récemment validé en anglais pour la pratique en médecine générale (48). 3.3 LE REPERAGE DES CONDUITES ADDICTIVES EN MEDECINE GENERALE : Moins de la moitié des médecins généralistes recherchent une consommation de tabac ou d’alcool de façon systématique lors de la consultation. Et pourtant, 30,7% des consultants fument et 18% ont une consommation d’alcool problématique. En 2009, 34% des médecins généralistes déclarent utiliser des questionnaires pour le repérage de la consommation de tabac. Cette proportion a nettement augmenté depuis 2003 (6,3%), dans le même temps que la mise en place des plans cancer. En revanche, l’utilisation de questionnaires pour le repérage des consommations d’alcool et de cannabis est moindre (respectivement 12,9% et 2% des médecins généralistes) même si l’on note une amélioration de cette pratique depuis 2003 (2% pour l’alcool en 2003). Les outils proposés depuis déjà de nombreuses années sont encore peu utilisés par les médecins généralistes. Les femmes médecin ont tendance à faire un repérage plus systématique que les hommes et le fait d’appartenir à un réseau est également en cette faveur. Concernant le tabac, la question des consommations est abordée facilement de manière systématique alors que les médecins généralistes décrivent un repérage plutôt opportuniste pour les consommations d’alcool et de cannabis. Le repérage des autres substances psychoactives par les médecins généralistes n’a pas été évalué à ce jour (23,49,50). 4 - INTERVENTION BREVE : 4.1 GENERALITES : Le repérage précoce des conduites addictives n'a d'intérêt que s'il est couplé à une intervention du médecin, en vue d'une modification du comportement repéré à risque ou pouvant le devenir s'il est poursuivi tel quel (ex : tabagisme actif quel qu'il soit, alcoolisations au delà des seuils OMS, consommation de drogues quelles qu'elles soient). L'intervention brève est une méthode qui a été développée depuis le début des années 80 pour la problématique alcool et dont la mise en place pour une utilisation en routine par les médecins généralistes est encore difficile. Nous allons exposer les recommandations françaises pour la médecine générale destinée aux buveurs excessifs. L'intervention brève est cependant extrapolable pour les usagers d'autres substances et même d'une façon plus générale pour les comportements problématiques modifiables. En effet, il s'agit avant tout de principes de communication et de relation avec le patient en vue de modifier un comportement en respectant ses motivations intrinsèques et son statut d'expert de sa propre vie. (51,52) 4.2 LES RECOMMANDATIONS FRANÇAISES : L'intervention brève est destinée aux consommateurs excessifs d'alcool, c'est à dire dépassant les seuils de consommation OMS (20g par jour pour les femmes et 30g par jour pour les hommes) et/ou ayant des symptômes ou dommages liés à leur consommation (ou voir encore les définitions d'usage à risque et usage nocif décrits plus hauts). Les alcoolodépendants ne sont pas concernés par ce type de prise en charge qui doit être plus complète même si l'on peut aussi s'en inspirer. (41) Les objectifs sont : La réduction des consommations en deçà des seuils OMS La disparition de symptômes secondaires aux consommations Elle doit être réalisée en consultation de routine, au décours de chaque repérage précoce pendant une séance au moins. L'intervention brève peut faire l'objet d'une proposition de consultation ultérieure lui étant spécifiquement dédiée. Elle est modulable : sa durée est variable, de 5-10min à une heure ainsi que le nombre de séances, allant de 1 à 5. L'intervention brève est développée à partir des approches motivationnelle et cognitivocomportementale, pouvant aller du conseil minimal à une démarche plus complète de relation d'aide comportementale. (41,53,54) L'acronyme « FRAMES » en résume les principes : (55) Feedback ou Restitution : L'information relative à la fréquence et à la quantité d'alcool consommé (issue du repérage) est restituée au patient Responsability ou Responsabilité : La responsabilité du changement de comportement appartient exclusivement au patient et non au médecin Advice ou Conseil : Un conseil précis sur la réduction de la consommation est clairement donné au patient Menu ou Choix d'options : Les différentes options relatives à la quantité, au délai et au rythme de la consommation d'alcool sont présentées au patient Empathy ou Empathie : Le médecin fait preuve d'empathie, évite les jugements de valeur et la condescendance Self-efficacity ou Sentiment d'efficacité personnelle : Le thérapeute valorise les efforts et les acquis du patient et renforce la confiance en sa capacité au changement Le programme national « Boire moins c'est mieux » a proposé une check-list de neufs items pour faciliter une intervention brève courte (de 5 à 10 minutes) destinée à la consultation de routine en médecine générale [Annexe 9] (41). Des campagnes d'information et de formation régionales destinées aux médecins généralistes ont été développées et ont permis une nette progression de son utilisation chez les médecins formés. Cependant les résultats restent encore décevants, le nombre de médecins entrant dans ces programmes de formation étant encore insuffisant. Sa promotion à grande échelle en pratique de routine fait encore l'objet de publications et de réflexion tant elle est complexe. Cette complexité est liée au manque d'intervention médiatique de masse (qui existe pourtant depuis le milieu des années 2000) visant à modifier les représentations aussi bien du grand public que des professionnels. Alors que les interventions concernant le tabac se sont faites dans une stratégie de « dénormalisation » de la cigarette, les actions médias concernant l'alcool ne ciblent que les consommateurs excessifs. Cette complexité est aussi du fait d’autres obstacles que nous détaillerons ci-après (16,56–59). 4.3 INTERET ET EFFICACITE : Il existe de nombreuses études aussi bien à l'échelle locale qu'à grande échelle internationale (méta-analyses) concernant l'intervention brève chez les buveurs excessifs. Elles ont permis d'en évaluer les modalités, la faisabilité, le coût, la validité et l'efficacité. Les divergences méthodologiques rendent difficiles les évaluations à grande échelle qui sont souvent décrites comme étant non cliniquement représentatives. En effet, il n'y a pas d'uniformité des études d'analyse, avec : des difficultés d’appréciation du critère de jugement principal (réduction de la consommation exprimée en verres ? Grammes? pourcentage ?), un nombre souvent important de perdus de vue, un groupe « témoin » bénéficiant souvent d'une réduction de consommation par le simple fait du repérage dans les essais randomisés (60). Il a été démontré que le RPIB est efficace pour la réduction de consommation des consommateurs excessifs d'alcool, en revanche, elle ne l'est pas pour les alcoolodépendants (60,61). Pour exemple, la méta-analyse de Kaner et al. trouve une réduction de 38g d'alcool/semaine. Les résultats y sont cependant non significatifs pour les femmes (trop peu d'études limitant l'obtention d'une significativité) alors qu'ils le sont pour les hommes. La durée médiane d'une intervention brève était de 25 minutes et le nombre de sessions de 2 à 7. (62) Il semble que ce n'est pas la durée des sessions qui importe mais plutôt la répétition de celles-ci. L'impact de l'intervention brève chez les buveurs excessifs a été analysée à un an et semble efficace. Certaines études montrent même des bénéfices jusqu'à 4 ans après l'intervention. (63) Les différentes populations susceptibles de bénéficier d'un repérage précoce et d'une intervention brève ont été étudiées. En ce qui concerne les femmes enceintes, une étude américaine a montré une meilleure efficacité en cas de répétition des interventions plutôt qu'une seule session même à un stade précoce. (64) Le RPIB semble réduire les dommages induits par les consommations excessives d'alcool. (62) Cependant, il n'y a pas d'étude validant son intérêt à l'échelle de la santé publique en Europe. L'utilisation en routine par les généralistes encore trop faible ne permet pas un effectif assez conséquent pour mener à de telles conclusions. En effet, même en Suède et en Finlande où la promotion du RPIB a été la plus importante en Europe, on observe au mieux que la moitié des buveurs excessifs dépistés ont bénéficié d'une intervention brève. (65) Pour que le RPIB ait un impact à l'échelle de la santé publique en Europe, il faudrait réunir 4 éléments importants : Les soignants doivent repérer tous les buveurs excessifs (donc repérage systématique) et réaliser une intervention brève auprès de la majorité d'entre eux. Le RPIB doit réduire les consommations à un seuil inférieur aux risques OMS La réduction doit être effective sur une longue durée (dans les études : 1 à 4 ans maximum) La réponse du RPIB qui est la réduction de consommation doit être corrélée à une réduction des dommages liés à cette consommation. Deux éléments sont à ce jour réunis : la réduction des risques à un seuil inférieur aux seuils OMS et la réduction des dommages. La promotion du RPIB doit se poursuivre afin de sensibiliser l'ensemble des professionnels de santé concernés. 5 - OBSTACLES AU RPIB EN MEDECINE GENERALE Les médecins généralistes ont été interrogés à plusieurs reprises afin de mieux comprendre ce qui pouvait gêner le repérage des conduites addictives (1,66–68). Le recueil de leur point de vue a permis de repérer les obstacles suivants : Manque de formation et de légitimité Manque de temps Malaise ressenti à l'abord de la question d'abus de substance Représentations péjoratives de la problématique addictive et de l'approche préventive Déni/Résistance du patient Sentiment d'inefficacité Sentiment d'incompétence Sentiment d'intrusion Peur du conflit Absence de rémunération spécifique pour ces actes de prévention Peur de perdre de la patientelle si trop de patients consommateurs en salle d'attente Finalement, un renforcement de la formation des médecins pourrait permettre de lever les obstacles relevant des compétences dans le domaine, ils permettraient également de modifier les représentations péjoratives des pathologies addictives. Les médecins pourraient aborder avec plus d'aisance la problématique de consommation de substances s'ils apprenaient à travailler avec la résistance et le déni du patient, s'ils comprenaient l'importance de leur rôle dans la prévention des dommages liés aux abus de substances. Le manque de temps n'est pas un critère objectif mais plutôt lié à une crainte des médecins et à leur manque de formation, les tests de dépistages ayant été développés justement pour leur faisabilité en consultation de routine. Le médecin généraliste a souvent les mêmes représentations que la population générale en matière d'addictions. Ces représentations du médecin sont probablement liées à un manque d'information, de formation et aux difficultés pouvant être en lien avec leurs propres consommations. L'héritage de notre société dans laquelle le médecin est respectable voire notable induit une difficulté supplémentaire chez ceux pour lesquels il existe une consommation dans la sphère privée. Cela questionne la légitimité à parler d'un comportement déviant dans ces conditions. La toxicité du tabac est bien acceptée par la population générale et par le milieu médical. La médiatisation destinée au grand public, les lois de santé public, les plans cancers..., ont favorisé la modification des perceptions sur la consommation de tabac depuis environ une dizaine d'années. Le sentiment d'incompétence et d'inefficacité du médecin fait appel à ce qu'il recherche dans son exercice de la médecine. Il est souvent dans l'attente d'obtenir résultats et efficacité. Dans le domaine de l'addictologie, il devrait accepter l’absence de résultat immédiat, la possibilité de rechute, l'importance de soigner plutôt que de guérir. Il devrait accepter la nécessité d'accompagner son patient vers la guérison en le rendant acteur de ses soins, en lui faisant confiance dans sa capacité au changement, et ce, sur une durée indéterminée. Le sentiment d'intrusion, la crainte du conflit peuvent être apaisés si l'on se penche sur ce que veulent les patients en matière de repérage des conduites addictives. Les craintes du médecin sont-elles justifiées ? Les patients sont-ils réticents à l'abord de la problématique addictive ? C'est ce que nous nous efforcerons d'éclaircir par notre travail en interrogeant les patients sur leur vécu lors de l'abord de ces questions avec leur généraliste. MATERIEL ET METHODE 1 - OBJECTIFS DE L’ETUDE : Aux vues de notre avant propos, nous constatons que les médecins généralistes expriment un frein important au repérage des conduites addictives en routine. Ils ont été souvent interrogés sur leurs pratiques et des recommandations de « bonnes pratiques » ont été mises en œuvre. Cependant, le point de vue des patients concernant ces questions et la manière dont leur médecin peut les aborder avec eux n’a pas été évalué. Notre objectif principal était de définir les perceptions que peuvent avoir les patients issus de la population générale quand leur médecin généraliste aborde avec eux la question des conduites addictives (qu’ils en souffrent ou non). 2 - TYPE DE L’ETUDE : Nous avons réalisé une étude qualitative par entretiens semi-dirigés individuels de patients, méthode qui semblait la plus adaptée pour recueillir sans idée préconçue leur point de vue (69,70). 3 - POPULATION DE L’ETUDE : Nous avons recruté 10 patients dont huit ont été recrutés dans les salles d’attente d’un cabinet médical de groupe en Vendée en milieu semi-rural. Ces huit patients ont été recrutés parmi la patientelle de quatre médecins différents au cours de deux demi journées. Le recrutement en salle d'attente s’est déroulé sous la forme d'un échange avec les patients présents. Nous leur avons présenté succinctement notre travail. Le sujet sur lequel portaient les entretiens était présenté comme suit : « nous souhaitons nous entretenir avec vous pour connaître votre point de vue sur la manière dont votre médecin généraliste aborde avec vous certaines questions de santé ». Le mot addictions ou dérivés n’était alors pas utilisé afin de ne pas influencer la participation des patients présents en salle d'attente. Cela a permis également de ne pas influencer l'entretien par une possible réflexion préalable, celui-ci se déroulant le plus souvent à distance du recrutement. Deux autres patients ont été recrutés en Loire Atlantique, en milieu urbain. Ils avaient deux médecins différents. L'un était recruté par une connaissance du chercheur pour l'entretien test, tandis que l'autre avait été recruté par l'intermédiaire d'un médecin addictologue. Les critères d'exclusion étaient : âge inférieur à 18 ans, troubles cognitifs sévères, troubles d'élocution ou de compréhension pouvant limiter la réalisation d'un entretien (perceptibles par le chercheur ou définis par le médecin traitant lors du recrutement) Les patients étaient inclus à mesure de façon à obtenir une population hétérogène dont la tranche d'âge était étendue et se rapprochant de l'équilibre homme/femme. Les entretiens ont été réalisés jusqu’à obtention de saturation des données, leur nombre n'était donc pas prédéfini. Afin d'avoir une idée des caractéristiques de la population interrogée, nous avons recueilli en début d'entretien l'âge et la profession des sujets. En fin d'entretien nous les avons brièvement interrogé sur leurs consommations et leurs addictions comportementales éventuelles. 4 - ENTRETIENS SEMI-DIRIGES : Les entretiens ont été réalisés au domicile des patients pour sept d'entre eux. Les trois autres se sont déroulés au cabinet médical vendéen. Un guide d'entretien a été élaboré au préalable [Annexe 10]. L'analyse de l'entretien test a permis de l'adapter puis de le valider Les entretiens ont fait l'objet d'un enregistrement audio après l'accord des personnes interrogées, permettant ensuite une retranscription intégrale des verbatim sans correction des erreurs de syntaxe. Ils ont eu lieu de juin à septembre 2013. 5 - ANALYSE DES RESULTATS : L'analyse des verbatims s'est d'abord faite d'une façon longitudinale avec création d'unités de signification. Ces unités de signification, encore appelés « codes » ont fait l'objet d'une analyse transversale, thématique. En cas de doute ou de propos ambigu pour la définition des unités de signification, une double lecture du paragraphe concerné était réalisée. L'entretien test (N°1) a été intégré dans l'analyse puisqu'il apportait des éléments de réponses intéressants pour l'objectif principal de notre travail. RESULTATS 1 - CARACTERISTIQUES DE LA POPULATION ETUDIEE : La population étudiée comportait 5 hommes et 5 femmes âgés de 26 à 89 ans. L'âge médian de la population était de 41 ans. Elle est décrite dans le Tableau 4 ci-dessous précisant leur profession et leurs conduites addictives. Les types d'usage n'ont pas pu être précisés et ne sont donc pas détaillés sauf déclaration d'un phénomène de dépendance par le patient. La durée des entretiens était en moyenne de 16 minutes 28 secondes, le plus court ayant duré 10min59sec et le plus long 24min55sec. Tableau 4 : Caractéristiques de la population Conduites addictives Durée E Sexe Age Profession 1 H 28 Ingénieur Usage alcool 17min 25s 2 F 58 Retraitée chef comptable Usage alcool 11min 28s 3 H 89 Retraité médecin généraliste 4 F 33 Secrétaire Antécédent TCA 17min 07s 5 H 26 Étudiant en management Usage tabac et alcool 10min59s 6 H 65 Usage alcool 13min38s 7 F 46 déclarées Usage alcool Retraité agent entretien communal Assistante maternelle Abstinence tabac Usage alcool 24min55s 23min33s Achats compulsifs 8 H 51 Installateur télécoms Usage alcool 15min37s 9 F 36 Assistante de direction Usage alcool 11min26s Caissière Dépendance alcool et tabac, Formation info-communication Usage cannabis métiers du livre Antécédent polytoxicomanie sevrée 10 F 34 18min35s E = Entretien, H = Homme, F = Femme, TCA = Troubles du comportement alimentaire 2 - LE REPERAGE DES CONDUITES ADDICTIVES : VECU ET PRATIQUES 2.1 LE REPERAGE DES CONDUITES ADDICTIVES A-T-IL DEJA EU LIEU ? 2.1.1 TABAC - La question de consommation de tabac a été abordée par un médecin généraliste pour six patients interrogés. E1 « Oui, sûrement je pense qu'elle m'a demandé, elle a dû me demander si je fumais, parce que, enfin, de mémoire la seule fois où j'ai été la voir à N. c'est quand j'avais besoin de certificat donc elle m'a demandé si je fumais, » - Deux patients ont été interrogés sur leur consommation de tabac par leur médecin du travail. E9 « Le médecin du travail, oui, il pose la question heu, sur le tabac » - Un médecin spécialiste a abordé cette question pour quatre patients. Les spécialistes étaient un gynécologue, un anesthésiste, un cardiologue et un généticien. E2 « Bah c'était les gynécologues qui suivaient euh il me s emble qu'ils posaient la question pour savoir si on fume ou euh c'était pour la cigarette. » E3 « j'avais des petits troubles coronariens, ils avaient demandé une radio, euh... coronarographie et puis j'avais été à N. faire ça et puis en arrivant il y a eu une visite de,... je ne sais pas ce que c'était, ça devait être un cardiologue qui s'était spécialisé là dedans avec le radiologue je suppose.Il m'a demandé si je fumais » - Trois patients n'ont jamais été interrogés sur leur consommation de tabac par un généraliste. - L'un d'entre eux pense que la question n'a pas été abordée parce que son médecin généraliste sait qu'il a arrêté de fumer E3 « Non, Beh il sait que j'ai arrêté depuis quelques années. » - Deux patients ne se souviennent pas si la question du tabagisme leur a déjà été posée E8 « M : Est ce qu’il vous a déjà demandé si vous fumiez ? P : Ben, s’il me l’a demandé, y’a très très longtemps. M : Est ce que vous en souvenez ? P : Non [...] Même dans ses remplaçants ou remplaçantes, heu, non » 2.1.2 ALCOOL - Un seul patient pense que son médecin généraliste l'a interrogé sur ses consommations d'alcool mais il n'en est pas certain. E6 « Oh beh on m’a demandé si j'en buvais beaucoup ou suite à des visites que je faisais quoi » « M : C’est votre généraliste qui vous a demandé ? P :Oui, oui j’sais pas, à moins que, que je me suis fait faire 2 ou 3 fois des «atroscopies » M : Fibroscopie P : Fibroscopie, oui, à moins que ce soit là qu’on m’a demandé, j’ai pas le souvenir […] Non […] C’est pas que j’ai occulté c’est que j’men souviens pas c’est tout » - Un médecin du travail a abordé la question de consommation d'alcool pour deux patients interrogés E4 « Alors la question de l’alcool n’a jamais été posée, […] elle m’a été posée par le médecin du travail » - Un spécialiste a abordé la question de consommation d'alcool pour trois patients. Les spécialistes étaient un anesthésiste, un psychiatre, un généticien E7 « Quand je vais voir des spécialistes euh, là, prochainement, je passe sur la table d’opérati on, je vais voir l’anesthésiste qui m’a demandé […] si je buvais » - Sept patients non jamais été interrogés par leur médecin généraliste au sujet de leur consommation d'alcool et deux n'en sont pas sûrs. E8 « Le médecin généraliste, heu, Non, c’est pas le genre de question,non, il me semble pas non » E4 « La question de l’alcool n’a, n’a jamais heu n'a jamais été posée » E1 « M : Elle ne t'as pas demandé si tu buvais ? P: Non je ne crois pas, mais peut être » E2 « Mais donc, cette question là, oui, mais l’alcool, j’suis pas sûre qu’il m’ait posé la question… […] L’alcool, j’crois pas… » - Un patient précise n'avoir été interrogé par aucun médecin à ce sujet et deux d’entre eux qu'ils ne l'ont pas été par les spécialistes rencontrés. - Un patient précise que son médecin du travail ne lui a jamais demandé s'il buvait de l'alcool E9 « Le médecin du travail, […] il pose la question sur le sport, sur les vaccins après, si on… heu… l’alcool, non, et la drogue, des choses comme ça non, il n’a pas posé de questions » 2.1.3 DROGUES - La question de consommation de drogue a été abordée pour un patient par son médecin généraliste - Deux patients ont été interrogés par un spécialiste au sujet de leur consommation de drogue dont un a fait préciser l'usage de cannabis E1 « Je sais pas j'suis pas sur à 100% mais je pense qu'il m'avait posé la question […] est c'qu'il y a d'autres drogues en soirée euh enfin voilà » - Cinq patients déclarent qu'aucun médecin n'a abordé la question de consommation drogue. E7 « Non, ça c’est une question qui ne m’a jamais été posée » E5 « Jamais, les drogues » - D'une façon générale, un patient déclare que son médecin généraliste n'a jamais abordé la question de consommation de toxiques. - Deux autres patients précisent que certains médecins généralistes (puisqu'ils en ont changé) n'ont jamais abordé la consommation de toxique quel qu'il soit. 2.1.4 ADDICTIONS COMPORTEMENTALES - La question des troubles du comportement alimentaire a été posée par le médecin généraliste pour deux patientes interrogées E4 « Pour moi, heu, au niveau de l’alimentaire, ça a déjà été discuté avec mon 1er médecin traitant […] j’ai connu ce genre de questionnement sur heu qu’est ce que vous mangez, en quelle quantité, à quel moment, qu’est ce que vous ressentez quand vous mangez... » - Cinq patients déclarent n'avoir jamais été interrogés au sujet des addictions comportementales par un soignant E10 « Non, ni jeu, ni achat, ni nourriture, ni... » - Trois patients n'ont pas donné cette information au cours de l'entretien 2.2 C ONTEXTE DANS LEQUEL LE REPERAGE A EU LIEU Le recueil de la consommation de tabac a eu lieu : Lors d'un problème de santé (asthme, toux, angor) Lors d'une demande de certificat d'aptitude au sport Lors de la prescription d'une contraception orale Lors de la première consultation Lors d'un bilan de fertilité Lors du suivi de grossesse E4 « il m’a demandé si je fumais puisque que je suis asthmatique » E7 « les problèmes du tabac, si, ça, je suis sûre, il me l’a posé à plusieurs reprises, puisque quand je su is arrivée sur M., il ne comprenait pas que je, que je tousse à ce point là et que je ne fume pas » La question de consommation d'alcool a été abordée : Lors d'un problème de santé (gastralgies) Avant la réalisation d'un examen (fibroscopie) Avant une intervention chirurgicale (bilan pré-anesthésie) Dans le bilan d'une comorbidité psychiatrique Lors d'un bilan de fertilité E6 « Quand j’avais des problèmes d’estomac, régulièrement, je pense que ça devait être à cause de ça » Les patients ont été interrogés sur leur consommation de drogue à l'occasion de : Un bilan de fertilité Un bilan de céphalées dans un contexte d'urgences Une prescription médicamenteuse E4 « Alors heu on me l’a demandé suite heu, bah à de fortes migraines, il fallait trouver un traitem ent de fond pour les soigner et donc on m’a, on m’a demandé si j’avais déjà consommé des substances illicites » Les troubles des conduites alimentaires ont été recherchés à l'adolescence dans un contexte de perte de poids pour une patiente et lors d'un bilan de surpoids pour l'autre. E4 « c’est quelque chose que j’ai, que j’ai connu en étant adolescente » 2.3 VECU POSITIF DU REPERAGE DES CONDUITES ADDICTIVES 2.3.1 TABAC - Certains patients n'ont pas trouvé gênant que leur médecin aborde la question de consommation de tabac. Plusieurs ont évoqué cela précisant que leur statut de non fumeur en était la raison. Une patiente trouve normal que cette question soit abordée pendant la grossesse. E6 « Non, dans la mesure où je ne fumais pas, ça ne me gênait pas » - Une personne n'a pas été dérangée par la question dans la mesure où elle voyait son médecin régulièrement E4 « il me voyait heu, pratiquement tous, tous les mois, donc c’est quelque chose qui ne m’a pas dérangée » - Une personne a vécu la question de consommation de tabac comme étant non choquante car elle connaît bien son médecin depuis l'enfance, même si la question a été posée d'une façon assez directe. E4 « Et elle avait été posée également très directement mais il me connaissait depuis mon plus jeune âge, donc heu, 6 ans pardon, et donc heu, et donc heu, ça ne m’a pas choquée, il me connaissait, il me voyait heu, pratiquement tous, tous les mois » - Une personne a trouvé très bien et rassurant le recueil de la consommation de tabac, signifiant que son médecin s'inquiète pour elle. Une autre a été contente que son médecin ne dramatise pas ses consommations. E4 « Non parce que je, je, personnellement je l’ai pris plutôt dans le sens où il était inquiet pour moi et donc heu heu il a préféré être heu assez direct, et j’ai trouvé ça plutôt rassurant » E10 « comme lui, il ne dramatisait pas heu.. voilà… j’étais plutôt contente de son accueil en fait » 2.3.2 ALCOOL - Les questions concernant l'alcool seront toujours considérées comme étant médicales. Cette question n'est pas dérangeante dans la mesure où c'est une question classique et où le patient connaît les dangers de ce produit pour la santé. E1 « Dans la mesure où je comprend, enfin en tout cas où j'ai été sensibilisé dans le fait que le tabac ça pose un problème de santé, que l'alcool ça pose des problèmes de santé, que euh la drogue ça pose des problèmes de santé, ça ne me dérange pas » « Sur l'alcool on peut me poser toutes les questions qu'on veut, j'pense que j'imaginerai toujours que c'est de la médecine » E5 « que ce soit tabac ou alcool ça reste des questions classiques et c’est pas des choses qui me dérangent » - Un patient note que son médecin était très ouvert sur le sujet et qu'il n'était pas dans le jugement, d'autant qu'il faisait partie des commissions de permis de conduire. E10 « […] n’était pas dans le jugement d’autant qu’il fait partie d’un jury de médecins euh qui s’occupent de, heu, de décider si on rend le permis aux personnes qui ont été arrêtées avec un taux d’alcoolémie relativement important donc il n’est pas particulièrement… enfin, il ne juge pas du tout » « Il a été très heu, très ouvert sur la question » - Un médecin a encouragé son patient pour une prise en charge des consommations d'alcool, ce qui était à la fois étonnant et rassurant. E10 « Je suis très étonnée de la réaction du Dr D. qui ne me connaissait pas et heu quand je suis venue lui parler de ce souci là, et de ma volonté de faire des démarches pour que ça s’arrange il a été très euh... supportif, c'est le terme qui me venait à l’esprit mais euh.. Enfin, voilà, il m’a beaucoup encouragée, il m’a dit que c’était bien, qu’il fallait faire..., et voilà et que….C’est très…heu… c’est très rassurant » 2.3.3 DROGUES - Dans la mesure où l'on connaît les dangers pour la santé, la question de consommation de drogues n'était pas dérangeante. E1 « Dans la mesure où je comprend, enfin en tout cas où j'ai été sensibilisé dans le fait que le tabac ça pose un problème de santé, que l'alcool ça pose des problèmes de santé, que euh la drogue ça pose de s problèmes de santé, ça ne me dérange pas » - La question de consommation de cannabis n'était pas gênante. E1 « Voilà donc on m'a demandé si je buvais, si je fumais, euh si je fume du shit, heu,[…] Bah c'est un gars qui est hyper cash donc il ma posé ça hyper direct, même en mode copain, genre : « pas d'chichon » euh voilà … euh […] Moi ça ne me gène pas, enfin je suis assez, j'ai pas grand chose à cacher, j'assume tout ce que je fais enfin à peu près donc euh voilà […] Moi ça ne m'a pas gêné. Moi ça ne m e, non, ça ne me gène pas du tout qu'on me pose la question pour savoir ça. » - D'une façon générale, la question de consommation de toxiques était non gênante et le médecin avait été accueillant quand elle a été abordée à l'initiative du patient. E10 « Et en même temps il m’a accueillie comme il fallait quand j’ai décidé de lui en parler, quand j'ai réalisé qu'il y avait un souci. » E1 « Moi ça ne m'a pas gêné. Moi ça ne me, non, ça ne me gène pas du tout qu'on me pose la question pour savoir ça » 2.3.4 ADDICTIONS COMPORTEMENTALES Une patiente n'a pas été gênée par la question des troubles du comportement alimentaire puisque son médecin s'intéressait à son ressenti. E4 « Heu Non, j’avais un médecin traitant qui était heu, très heu.. très ouvert sur les questions heu de de ressenti de la personne. […] après, moi, je l’ai suivi donc ça s’est bien passé » 2.4 VECU NEGATIF DU REPERAGE DES CONDUITES ADDICTIVES 2.4.1 TABAC - Certains patients ont un vécu négatif de la question de consommation de tabac abordée par leur médecin. L'un n'avait pas apprécié la réaction du médecin qu'il trouvait froide et aurait préféré des explications. L'autre avait été gêné par la question. E3 « D'une façon qui ne m'a pas plu. » « Il m'a demandé si je fumais j'ai dit « oui, à peu près 2 cigarettes par jour ». Il m'a dit « bon, donc tabagie » euh point final. Il y aurait eu un petit mot d'explication ça m'aurait quand même paru plus correct quoi! » « Je suis prêt à l'admette mais euh répondre froidement comme ça pour..., j'avais pas aimé c'est tout. » E10 « à l’époque j’étais plus jeune ça m’avait un peu gêné de lui avouer que je fumais » 2.4.2 ALCOOL - Pour certains, c'est bizarre que le médecin interroge les consommations d'alcool. E5 « il me l'a demandé cette année... c’était bizarre » - Aborder les questions d'alcool rend mal à l'aise si l'on connaît bien son médecin et induit de la honte. Ce sentiment peut amener à un changement de médecin. E10 « ça me mettait mal à l’aise, j’avais honte » « j’avais honte, je ne voulais pas qu’il me voit comme ça, du coup j’ai changé de médecin généraliste » « ça me mettait très mal à l’aise de parler de ça avec lui parce qu’il me connaît bien et que moi, ça me mettait mal à l’aise » 2.4.3 DROGUES ET ADDICTIONS COMPORTEMENTALES Nous n'avons pas relevé de vécu négatif des questions concernant les consommations de drogues ni les addictions comportementales parmi les gens pour qui elles ont été abordées. 2.5 MODALITES DU REPERAGE DES CONDUITES ADDICTIVES - Plusieurs patients n'ont pas le souvenir de la manière dont a été abordée la question des consommations d'alcool, de tabac et de drogues. E2 « d'ailleurs il m'a demandé si je fumais, il m'a peut être demandé si je buvais aussi j'en sais rien moi je sais plus parce que c'est vieux. » E1 « c'est dur, heu non, alors comment est-ce qu'elle m'a dit » « M : Est ce que vous vous souvenez comment on vous a posé la question? P : Euh non, à vrai dire je pense qu'ils m'ont demandé si je fumais mais sans plus quoi » « c'est dur à dire c'était ya plus d'un an hein mais non je ne crois pas » E6 « Oh Oui ça remonte loin, oh oui […] Sûrement, sûrement, Je suppose, j’ai aucun souvenir » E9 « Je ne sais même plus… Je ne sais plus » - Toutes les questions concernant les toxiques avaient été abordées à l'initiative d'un médecin, excepté pour une patiente qui avait pris l'initiative de parler de ses consommations d'alcool qu'elle jugeait problématiques. E10 « Non c’est moi qui suis allée le voir heu parce que heu, parce que je commençais à avoir une consommation vraiment importante et... C’est un lendemain de grosse cuite, comme on appelle ça (rires), que je me suis dit que ça va pas du tout, il faut que je, que je fasse quelque chose, donc je suis allée le voir pour lui en parler » - Le questionnaire pouvait être utilisé dans des circonstances particulières par des spécialistes E6 « J’avais eu un questionnaire à remplir une fois quand je me suis fait opérer de la prostate » - Et les patients pouvaient être interrogés aussi bien franchement que d'une manière détournée. E10 « il posait des questions mais c’était, pas de façon détournée mais du genre voilà « le rythme de vie, ça va, pas trop d’excès ? » » E4 « est ce que vous fumez, est ce vous buvez, c’est... c’est très franc » 2.5.1 TABAC - Pour la plupart des patients, la question du tabagisme avait été posée d'une façon générale, assez directe, telle que : « Est-ce-que vous fumez ? ». Certains la qualifiaient même de banale comme n'importe quelle autre question. E5 « à chaque fois juste avant de prendre la tension : « est ce que vous fumez ? » » E9 « s’il me l’a posée il me l’a posée assez directement : « est ce que vous fumez heu » et puis j’ai répondu que non, ça a dû être assez direct en fait » E8 « Oui, oui, de façon banale comme n’importe quelle question. » - Cette question pouvait être intégrée dans un questionnaire plus général d'informations médicales. E4 « c'est purement technique son truc, c'était euh « bonjour monsieur, qu'est ce que vous voulez, vous venez pour une coronarographie bon bah, vous prenez tels médicaments ? Vous les avez arrêté ou pas arrêté ? Vous n'avez pas de traitement anticoagulant ? Vous n'avez pas de truc pour la ...» euh...[...] C'est tout, il m'a pas ausculté il m'a pas euh non c'était juste le truc pré euh je sais pas comment ça s'appelle, pré radiologique, ou pré... Si j'étais..., je sais pas moi, allergique à l'iode ou des trucs dans ce genre là quoi ! Je crois que... La petite feuille classique quoi. » 2.5.2 ALCOOL - Les patients ont souvent été interrogés sur leurs consommations d'alcool assez directement du type : « Est-ce-que vous buvez ? ». E7 « Disons que ça a été abordé « brut de pomme ». » « je trouve que les médecins sont pas, prennent pas de gants pour poser ces questions » E1 « Et donc euh oui et bah « Est-ce que vous buvez ? » » E4 « on rentre dans le bureau, heu, on nous demande qui on est, et puis c'est : […] « est ce que vous buvez?» » - A l'inverse, il a pu arriver que la question ait été posée d'une façon détournée. E5 « on a toujours l’impression d’avoir une perception heu d’alcoolique ou de je ne sais pas quoi alors ils ont détourné la question […] donc, « je pose cette question parce qu’il faut que je vous la pose mais heu ne vous inquiétez pas il n'y a pas de... » » - La quantification des consommations ainsi que leur fréquence a pu être demandée. E5 « Est ce que vous consommez de l’alcool et à quelle fréquence ? [...] Il a demandé les quantités » 2.5.3 DROGUES - Les consommations de drogues ont été amenées d'une façon directe avec utilisation du mot « substances illicites » ou « drogues », sans précision des produits pouvant éventuellement être consommés. E1 « est c'qu'il y a d'autres drogues en soirée euh enfin voilà » E4 « on m’a demandé si j’avais déjà consommé des substances illicites » - Un médecin a demandé à son patient s'il consommait du cannabis en employant une attitude et des mots familiers E1 « il ma posé ça hyper direct, même en mode copain genre « pas d'chichon ?» » « le fait qu'il par exemple qu'il ai posé la question de façon un peu on est pote, c'était un jeune, je sais pas ,il a 33 ans, c'était un peu voilà, tu peux m'le dire, on est copain » 2.5.4 ADDICTIONS COMPORTEMENTALES Les questions concernant les troubles du comportement alimentaire ont été formulées de façon à faire préciser les quantités, le rythme et le ressenti de la personne. E4 « qu’est ce que vous ressentez quand vous mangez […] « ce genre de questionnement sur heu heu qu’est ce que vous mangez, en quelles quantités, à quel moment » 2.6 R EPONSES DES PATIENTS - Tous les patients qui ont été interrogés au sujet de leur consommation de tabac ont répondu à la question posée E3 « Il m'a demandé si je fumais j'ai dit « oui, à peu près 2 cigarettes par jour ». » E7 « Et je réponds : « non », parce que je ne fume pas, et que je n’ai jamais fumé » E10 « Donc, je lui ai dit que oui. Je ne pouvais pas le nier.. heu (rires)… je venais de fumer ma cigarette avant de rentrer dans son cabinet heu » - Concernant l'alcool, un patient a pu parler ouvertement de ses consommations, ceci étant favorisé par le fait qu'il ne connaissait pas son médecin E10 « Euh, donc, lui, je lui en ai parlé plus ouvertement parce que, ben, il ne me connaissait pas » - Un autre patient répond souvent avec le sourire qu'il boit sûrement trop E1 « Sûrement trop, souvent ça c'est ma réponse parce que j'pense enfin voilà [….] Je dis ça souvent avec un sourire » - Concernant les drogues, une personne consommatrice a précisé ses consommations lorsque son médecin les lui a demandées E10 « je lui ai dit que oui… j’avais… consommé heu de la cocaïne, de la râbla [...] heu et puis des produits... d’autres, d’autres choses mais de façon moins, moins régulière, dans des festivals. Ce genre de choses, mais plus régulier, c’était cocaïne, heu râbla et les joints. » 2.7 PRISE EN CHARGE PROPOSEE - Certains patients fumeurs se sont vus proposer des conseils de diminution de tabac et des solutions d'aide au sevrage tabagique E10 « il me disait : « essaie de faire attention si tu prends la pilule, heu, essaie de fumer le moins possible » » « et pareil, il m’avait dit qu’il y avait des solutions pour heu pour, pour pouvoir arrêter […] et il a dit, « t’aurais pas dû commencer et heu, si tu veux arrêter, tu viens me voir, on essaie de trouver une solution ensemble » » - Le tabagisme était alors recherché en vue d'un accompagnement vers l'arrêt du tabac E4 « pour éventuellement voir si c’était le cas, heu... de mettre en place un système donc d’arrêt de la nicotine parce que c’était très déconseillé dans l’état où j’étais » - Cependant il est arrivé que la consommation de tabac soit recherchée sans proposition de modification du comportement E3 « Oh non oh non c'est purement technique son truc » - Concernant la consommation d'alcool problématique, le médecin a proposé la réalisation d'un bilan sanguin puis une nouvelle consultation pour discuter des résultats et proposer une aide extérieure E10 « il m’a suggéré de faire des examens sanguins » « quand je suis retournée le voir pour qu’on parle un peu ensemble du résultat du bilan il m’a suggéré plusieurs idées pour me faire aider » « il m’a dit, « l’alcool, c’est une des choses les plus difficiles à arrêter tout seul de sa propre volonté donc, ça serait bien que tu te fasses aider d’une façon ou d’une autre », voilà. » - Cependant, le patient n'avait alors pas envie d'entendre qu'il avait besoin d'aide, même si avec le recul c'était important que cela lui soit formulé E10 « Je savais qu’il fallait me faire aider mais j’avais pas du tout envie de l’entendre... Enfin, à la fois, il fallait que je l’entende » - Pour les troubles du comportement alimentaire, une patiente a bénéficié d'un suivi régulier par son médecin généraliste E4 « […] je te propose par exemple qu’on mette en place une sorte de régime pour que tu te sentes mieux […] qu’une fois par mois on se voit » 3 - LE REPERAGE DES CONDUITES ADDICTIVES : ATTENTES DES PATIENTS : 3.1 QUEL SOIGNANT POUR ABORDER LA QUESTION DES CONDUITES ADDICTIVES ? - Le médecin généraliste semble être le soignant à la meilleure place pour le dépistage des conduites addictives. En effet, c'est celui qui est consulté en premier, le plus souvent et qui connaît le mieux les patients. Cela fait partie de son rôle de médecin de famille et il est souvent plus facile d'aborder ces questions avec un médecin que l'on connaît. La traçabilité des informations recueillies par le médecin généraliste dans le dossier médical est un argument supplémentaire. E9 « Moi, je penserais déjà au médecin généraliste parce que c’est lui qui fait partie de la famille, souvent, on a le médecin de famille, c'est lui qu'on côtoie le plus souvent, c’est lui qui connaît mieux la vie dans laquelle on est et qui serait plus à même… » E4 « Pour commencer, je pense que c’est d’abord le médecin généraliste […] Oui parce que c’est lui qu’on côtoie le plus souvent, donc c’est lui qui est sensé heu heu nous connaître le, le mieux que possible en fonction de ce qui se passe dans son cabinet » E2 « ça peut être un spécialiste, un spécialiste des poumons, un spécialiste... mais quand on va voir un spécialiste c'est qu'on a un problème. […] J'pense que ça démarre quand même au généraliste. […] Parce que c'est quand même lui qu'on voit en premier. » E8 « C’est vraiment la 1ère personne qui a vraiment le droit de me la poser » « Surtout si heu le dossier du médecin du travail, s’il a tendance à disparaître, heu, y’a bien quelqu’un qui doit prendre le relais, donc, heu le seul qui est compétent, ben, c’est le médecin généraliste. » - Cependant, tous les médecins quels qu'ils soient ont leur place dans le repérage des conduites addictives. E7 « Non, moi, je ne fais pas de différence entre le fait que ce soit un spécialiste ou un généraliste » E1 « C'est bien qu'il s'y intéresse […] mon médecin du travail ça me gène pas qu'il me pose toutes ces questions » E6 « Dans la mesure où on va voir soit le généraliste, soit un spécialiste ç a m’paraît normal qu’ils posent les questions » - Les patients interrogés n'ont pas évoqué la possibilité d'intervention d'autres soignants que des médecins. - Concernant les addictions comportementales, il semble plus difficile que la question soit abordée par un médecin connu du patient et elle devrait même être plutôt abordée à l'initiative du patient qui en souffre. E5 « un médecin annexe qui ne me connaît pas forcément, oui il pourrait la poser » E4 «si le patient en a, en souffre vraiment, souffre vraiment de la situation, je pense que c’est à lui d’en parler au médecin généraliste » 3.2 QUAND REPERER ? Selon les sujets interrogés, dépister une problématique addictive a plus de sens si cela s'inscrit dans un contexte particulier. E5 « Et du coup ça a plus de sens, alors que c'était…, c’était, par exemple le tabac au moment du certificat, mais du coup il y a un contexte quand même, » E8 « si ils sont curieux de savoir par rapport à l’évolution de ma santé, heu, y’a un besoin de traitement, ou je sais pas quoi, ils sentent que la personne, elle est un peu heu, bon… bien c’est des questions qui doivent être posées » Le médecin doit donc s'intéresser aux conduites addictives dans les circonstances suivantes : - s'il repère des signes cliniques en faveur d'une problématique addictive. En particulier des comorbidités psychiatriques, des pathologies somatiques secondaires à un usage de substances psychoactives ou des signes en lien direct avec la conduite addictive, E7 « J’pense que s’il voyait un signe, heu, il m’aurait posé la question » E9 « Oui, un contexte, ouais, peut être un contexte, un contexte où le patient se plaindrait qu’il va pas bien ou qu’il est en dépression » - s'il perçoit un mal-être, E9 « C’est toujours délicat, c’est vrai, heu, après, le médecin, heu, avec ce que va dire le patient, il peut détecter que y’a un mal être, donc, c’est à lui de poser, d’aller un peu plus loin dans la curiosité » - lors de l'instauration d'un traitement médicamenteux pouvant favoriser les conduites addictives ou interagir avec des substances psychoactives E4 « Je pense qu’il y a certaines heu, enfin, je pense que c’est en fonction des prescriptions médicales qui doivent être faites à côté » « je pense que ça fait partie de... des questions à poser heu quand on est dans des situations où heu le médicament à mettre en place doit être connu avec des choses pareilles comme le tabac » E3 « Ben, ça dépend, si c’est un Park inson, par exemple, si vous donnez un médicament qui risque de causer ça, faut bien lui en parler » - s'il perçoit un changement dans l'état de santé du patient, E8 « Ha, si y’a un changement de… s’il s’aperçoit d’un changement au niveau de ma santé, heu ou d’un rythme cardiaque anormal [...] Ça doit le «tilter», il doit dire : « ha, est ce qu’il n’y a pas un changement de vie » pour ce gars là quoi » - lors d'une première consultation, dans le cadre de la création du dossier, ère E9 « En 1 consultation, plutôt […] Bah, à la rigueur, ouais, moi je dis, à une 1 ère consultation, à la 1 ère consultation ça serait de découvrir son patient » - à la demande de l'entourage E4 « Après ça peut être un membre de la famille qui demande au médecin généraliste de le faire mais c’est très délicat » 3.3 C OMMENT ? - La manière souhaitée pour aborder le repérage des conduites addictives est variée, allant d'un mode simple et direct à un mode détourné. Elle diffère selon les conduites abordées et les patients interrogés. E8 « Oui, pourquoi vouloir tourner autour du pot pour des, euh quelque chose de simple, voilà » E5 « Je pense que ça se ressent assez vite et si on sent que la personne est un peu réservée euh qui n'ose pas trop heu dialoguer sur ce genre de chose, peut être qu'il faudrait mettre la forme si on est obligé de poser la question » E1 « Pour moi il faut que ça soit des questions que je comprenne […] auquel je pourrais répondre et que je n'ai pas l'impression que ce soit des questions détournées, qu'on veut avoir une autre info que celle qu'on me demande. J'ai pas d'idée de façon de poser la question mais euh « est-ce que vous allez beaucoup en soirée ? », ça ne m'intéresse pas comme question. Je sais que le médecin c'est pas ça qu'il veut savoir, enfin je crois pas. » - Certains patients attendent une forme particulière pour aborder la consommation de toxiques. La question devrait être adaptée selon le patient et sa génération. Un patient souhaiterait que la question soit argumentée. Interroger sur le mode de vie du patient pourrait être suffisant. E5 « si j’me mets à la place d’un médecin c’est... ; tout dépend en fait de la personne, je pense, qu’on a en face » E3 « Non. Cette espèce de façon d'aller à la pêche aux renseignements euh... Je préférerais que ça soit un petit peu argumenté quoi. » E2 « On m'a dit que j'étais diplomate dans mon métier donc c'est ça bah oui ça revient a vous poser les questions de cette manière là. […] Avec euh des rondeurs quand même. » - Intégrer les questions concernant les conduites addictives dans un questionnaire est suggéré par plusieurs patients - Une patiente estime qu'il est important d'englober les conduites addictives d'une manière générale, l'utilisation du mot « addiction » lui semblant approprié. E10 « moi j’imagine que s’il me posait la question comme : « est ce que vous avez un problème d’addiction quelque soit le produit » enfin d’ailleurs ça peut être aussi un problème par rapport à l’alimentation, aux jeux enfin, y’a plein…aux dépenses.. enfin je pense que… Oui avec le terme d’addiction voilà en pensant bien à ouvrir le champs des addictions justement » 3.3.1 ALCOOL - On peut tout de même noter que la majorité des personnes interrogées attendent que la question des consommations d'alcool soit posée simplement de façon directe en utilisant le mot alcool ou boire. E9 « Non, moi, que ce soit direct je préfère autant » E1 « Si il veut savoir combien je bois d'alcool, bah il me demande.» - Puis, faire préciser les quantités d'alcool consommées est important, permettant d'amener la question d'une façon moins brutale E2 « Pas braquer je veux dire euh « vous fumez? », « vous buvez ? » vous euh quelques fois euh essayer de quantifier quoi euh avec la personne, enfin je sais pas » E1 « Il devrait poser la question « est ce que vous buvez beaucoup ?» enfin voilà enfin ouais combien euh ouais « est ce que vous buvez beaucoup? » et ensuite faire préciser combien.” E4 « est ce que vous consommez, heu peut être pas est ce que vous buvez, est ce que vous consommez heu je ne sais pas heu plus de 2 verres d’alcool par jour » 3.3.2 TABAC Concernant le tabac, une forme directe est attendue, associée à des explications qui semblent nécessaires et intéressantes. Les quantités peuvent être précisées. E3 « Ce qui m'a frappé c'est le coup des cigarettes que je trouvais que ça méritais un minimum d'explications c'est tout. » « Bah j'avais pris le mal de lui dire la consommation que j'avais : deux cigarettes par jour, je pense que ça méritait un minimum. Si je l'avais dit c'est parce que je pensais que ça voulait dire quelque chose donc euh ça aurait été suivi d'un petit mot explicatif... » 3.3.3 DROGUES La manière d'aborder la question de consommation de drogue est plus partagée que pour les autres produits. - Certains n'attendent pas de forme particulière et préfèrent une question banale, pouvant utiliser le mot « drogues » ou « stupéfiants » E1 « Et Pour les drogues je pense que c'est pareil. Après peut être que par des moyens détournés on a plus d'infos mais moi dans ma perception je préfère qu'on me pose la question cash. » « alors que euh il aurait suffit de dire par exemple vous fumez de la drogue ? » E5 « enfin après c'est moi je ne suis pas susceptible ou quoi et euh donc je pense pas, j’ai pas besoin qu’on mette la forme pour me poser ce genre de question » « Ben si je suis, si je suis consommateur de stupéfiants ou ce genre de choses quoi » E8 « Tout banalement, heu : « est ce que vous consommez du hein euh, de la drogue, telle drogue ? », n’importe » - D'autres pensent qu'il est utile de faire préciser les quantités consommées E4 « Je pense que comme c’est pareil c’est une question de dosage avec l’alcool heu, ya des gens qui se disent ho ben, un joint comme ça par ci par là, c’est pas choquant enfin, c’est c’est pas dérangeant donc je pense que, qu’il y a peut être cette histoire de dose » - Enfin, de la délicatesse serait bienvenue pour une patiente. E9 « la drogue pour l’aborder il faudrait peut être un… bon…une délicatesse supplémentaire pour l’aborder » - Un patient se demande si aborder la question d'une façon détournée permettrait d'obtenir plus d'informations 3.3.4 ADDICTIONS COMPORTEMENTALES - Une patiente propose que l'addiction aux jeux vidéo soit abordée de façon directe E4 « si c’est une question « est ce que vous ou quelqu’un de votre entourage souffre, souffre d’une addiction aux jeux ?» » - Une autre propose l'intégration de cette notion dans un questionnaire E9 « à la 1ère consultation ça serait de découvrir son patient, il aurait quelque part une grille ou un dossier avec des questions » 3.4 D ANS QUEL BUT ? - Aborder les questions de consommation d'alcool peuvent aider les patients en difficulté à en parler et peut permettre au médecin de savoir si un traitement est nécessaire ou non. E7 « j’pense même que c’est un sujet qui devrait être abordé parce que ya peut être des personnes qui ont du mal à aborder le sujet et que si le, le médecin en parlait, ça pourrait peut être les aider » E8 « Ça doit les aider à savoir si y’a un traitement ou pas. Je l’imagine comme ça » - Certains pensent que la consommation de toxiques doit être recherchée pour éviter que le médecin passe à côté de quelque chose. E8 « Faut pas qu'il s’embarrasse, sinon, heu, il va peut être passer à côté de quelque chose » - Un autre pense que le médecin doit se faire une idée du comportement du patient et de la perception qu'il a de son propre comportement E1 « Alors,je pense Il y a deux niveaux, je pense que voilà le médecin a intérêt à juger mon comportement réel et ma perception de mon comportement, enfin j'imagine, en tout cas et donc pour moi il a intérêt à me poser la question. » - Le médecin pourrait apprendre à connaître son patient en l'interrogeant sur les conduites addictives E9 « Ça m’aurait plu, voilà, qu’il, qu’il me connaisse un peu plus.. » « C’est toujours délicat, c’est vrai, heu, après, le médecin, heu, avec ce que va dire le patient, il peut détecter que y’a un mal être, donc, c’est à lui de poser, d’aller un peu plus loin dans la curiosité » 3.5 LE PATIENT POURRAIT-IL REPONDRE ? - Globalement, si un médecin abordait la question des conduites addictives, les patients répondraient aux questions posées. E5 « si cette question il est nécessaire de la poser, et il a besoin de la poser j’y réponds sans problème quoi » E2 « Non mais si on me la pose euh je répondrais hein. C'est pas... » E1 « Pour moi ça change rien,c'est à dire que moi je répondrais à la question qu'on me pose. » - Des difficultés à préciser les quantités d'alcool consommées sont notées. E1 « si on me pose une question en verres mais alors moi je trouve que c'est une question très très difficile à répondre » - La question concernant les addictions fait appel aux propres perceptions du patient et la réponse peut être minimisée en cas de déni. E1 « je ne pense pas du tout être dans les limites de l'alcoolisme là ou d'autres gens pourraient à l'inverse dire « oh non je bois pas beaucoup » et en fait quand tu creuses t u te rends compte qu'ils boivent matin, midi et soir » E10 « Mais pendant toute une période, moi j'aurais dit « non, enfin je bois un coup de temps en temps » mais euh voilà » - Il peut être difficile pour le médecin d'obtenir une réponse réelle E1 « j'pense que c'est difficile à poser comme question. Je ne sais pas exactement ce qu'ils arrivent à tirer comme infos, réelles. » E2 « Ouai, maintenant est ce qu'ils répondraient franchement ça c'est autre chose. » - Il est cependant préférable d'être sincère E4 « je pense qu’il vaut mieux être sincère avec le médecin et qu’il nous pose la question, après, c’est à nous, si on n'est pas très sincère c'est de notre faute » - Le secret médical, la compétence et le calme du médecin aident à répondre à ces questions E1 « C'est parce que je crois au secret médical. Donc du coup euh... et je crois en sa compétence. Donc j'imagine que ces questions là ne sont pas enfin qu'il va en faire quelque chose. » - Concernant le jeu pathologique, un patient pense que cela ne concerne pas son médecin, il pourrait ne pas répondre en ce sens. E6 « Maintenant, si j’étais joueur, peut être que je me dirais ça ne le regarde pas » 3.6 PERCEPTIONS GENERALES CONCERNANT LE REPERAGE 3.6.1 UNE PERCEPTION POSITIVE - La perception globale du repérage des conduites addictives quel que soit l'objet d'addiction est qu'il n'est ni gênant ni choquant. E2 « Non et puis je vous dis, enfin dans l’absolu, ça ne me gênerait pas qu’il me demande des trucs concernant des drogues quelconques, le jeu ou des trucs comme ça, non » E10 « moi ça ne me choquerait pas qu’on me pose la question » « Ben comme j’y suis pas sujette ça me choque pas » E5 « enfin ça ne me choquerait pas quoi, non d'un médecin ça ne me choquerait pas. » E8 « moi, personnellement, ça n’me gène pas » E9 « Oui, oui au contraire, c’est plus clair, ouais, ça m’dérange pas » E1 « Dans la mesure où je comprend, enfin en tout cas où j'ai été sensibilisé dans le fait que le tabac ça pose un problème de santé, que l'alcool ça pose des problèmes de santé, que euh la drogue ça pose des problèmes de santé, ça ne me dérange pas » - Ce point de vu est d'autant plus partagé par les patients non concernés par la problématique abordée. E6 « Dans la mesure où je ne me sens pas concerné ça ne me gêne pas qu’il me pose la question » E4 « Non. Personnellement, ça ne me gène pas parce que je ne me sens pas concernée. [...] c’est pas, je ne me sens pas dérangée par la question, parce que je ne me fais pas ce reproche là » - Ce ne sont pas des questions déplacées d'autant qu'elles font partie du rôle du médecin. E6 « Dans la mesure où ils font leur boulot je ne trouve pas leurs questions déplacées » - lls ne prendraient pas mal qu'un médecin les interroge à ce sujet E8 « Je ne le prendrais pas mal, de la part d’un médecin, non, non » E7 « Ben, s’il me posait la question sans aucun, sans aucune… heu…. Il peut me la poser, moi, ça ne me posera pas de problème de toute façon. Non » - Certains pensent même que ça leur aurait plu que leur médecin aborde la question des conduites addictives E9 « Ça m’aurait plu, voilà, qu’il, qu’il me connaisse un peu plus.. » Une patiente aurait été soulagée que son médecin aborde la question des addictions comportementales E4 « je pense que ça m’aurait soulagé d’avoir quelqu’un qui, qui ose poser la question, qui ose poser la question pour que je puisse dire oui, effectivement ya un souci » - Un patient précise qu'il a conscience que les questions de consommation de toxiques ne sont ni du voyeurisme, ni du flicage E1 « J'pense que j'ai l'éducation qui va bien pour comprendre que c'est pas du voyeurisme de la euh du flicage du machin » 3.6.2 UNE PERCEPTION NEGATIVE - Certaines questions concernant les conduites addictives peuvent être délicates, surtout si elles concernent les drogues ou les addictions comportementales E5 « je ne suis pas, comme je vous le disais, susceptible ou quoi ; donc je prend bien les choses mais peut être que pour d'autres personnes oui ça serait euh plus délicat. » E4 « Après ça peut être un membre de la famille qui demande au médecin généraliste de le faire mais c’est très délicat » E9 « Heu, peut être les drogues où je ferais heu…c’est plus délicat peut être » - Cela pourrait être intriguant, et même étonnant qu'un médecin aborde la question E3 « non, ça ne m’aurait pas, ça m’aurait intrigué » E9 « Ben heu…ça m’étonnerait parce qu’on ne me les a jamais posées , donc si on me les posait, je serais étonnée» E10 « Je pense que j’aurais trouvé ça étonnant si on m’avait posé la question, bêtement » - Certains pensent qu'ils pourraient mal vivre qu'on les interroge sur leur consommation de drogue, pouvant être considéré comme intrusif E1 « Je ne suis jamais allé jusque là parce que j'ai pas vraiment de consommations significatives dans le domaine mais euh j'pense que ça pourrait être un petit peu plus, j'pourrais un peu plus mal le vivre. » « Sur la drogue euh bah y'a un moment où j'pourrais m'dire euh bah c'est bon t'en veux ? Ou tu veux me dénoncer ? Enfin je pense que ça pourrait venir. » - La question de consommation de drogues aurait marqué le patient si elle avait été posée. Elle pourrait être surprenante E9 « Oh non je pense que ça m’aurait marqué » E2 « Je me dirais tien, qu'est ce qu'il se passe » - Un patient s'interrogerait si un médecin abordait les consommations de toxiques E3 « je me demanderais pourquoi il me pose la question. » - Certains ne répondraient pas considérant qu'il s'agit de leur vie privée E5 « Après euh je pense qu’il y a certaines personnes heu qui considèrent que ça fait partie de leur vie privée qu’ils ont pas envie que le, enfin le dire quoi » - Concernant les addictions comportementales, il semble difficile d'aborder la question lors de la première consultation E8 « comme ça, du jour au lendemain, heu pour la 1 ère fois dans son cabinet j’imagine mal lui poser comme ça [...] Ben, oui, oui peut être que après connaissant mieux la personne ça viendra peut être plus, mais dès le départ, je sais pas » 3.6.3 INTERET DU REPERAGE DES CONDUITES ADDICTIVES - Pour certaines personnes, le repérage des conduites addictives comportementales est un sujet d'actualité et ça n'est pas idiot qu'un médecin s'y intéresse. E5 « enfin c'est vrai que c’est une question plus d’actualité, on commence à en parler un petit peu euh donc ça pourrait être une question qu’on puisse me poser » E10 « je pense que ce serait pas idiot effectivement de s’intéresser à la question » - Aborder ces questions sur les addictions permet de mieux appréhender le patient. Il s'agit pour le médecin de recueillir une information. E10 « ça permet de mieux appréhender aussi leur personne au niveau médical enfin, je pense, après, je vous dis, je ne suis pas médecin » E1 « Pour moi c'est de l'information, c'est un médecin, il est là pour recueillir l'information. » E6 « Bah J’aurais l’impression qu’il se pencherait vraiment sur mon cas, quoi » - Si le médecin les aborde, cela peut signifier qu'il est inquiet pour son patient ou qu'il s'intéresse à lui. E4 « Non parce que je, je, personnellement je l’ai pris plutôt dans le sens où il était inquiet pour moi » E9 « Ha ben non, au contraire, au contraire, je trouverais qu’il s’intéresse bien à son patient » - Finalement, pour la plupart, le repérage des conduites addictives à un intérêt, il est important et utile. E7 « Non, non parce que dans tous les cas, non, je crois que c’est important de savoir si la personne fume ou non » « C’est important, Oui c’est important pour les traitements que je prends » E1 « donc pour moi il a intérêt à me poser la question » E5 « c’est leur métier c’est normal qu’ils posent les questions comme ça. » - Les questions concernant les consommations de substances psychoactives sont normales et logiques, certains les qualifient même de classiques ou encore naturelles. E5 « que ce soit tabac ou alcool ça reste des questions classiques » « Aujourd’hui c’est, c’est des choses courantes qu’on entend tous les jours, donc c’est une question pour moi qui me paraît logique » E6 « C’est normal qu’il cherche à la limite » E7 « Je la trouve logique parce que je connais un petit peu les nuisances du t abac » E10 « Mais oui, je trouverais ça naturel qu’il pose la question » - Aborder la consommation d'alcool chez un sujet déjà dépendant a peu d'intérêt selon l'une des personnes interrogées. A l'inverse, si tout semble normal, la question des addictions comportementales n'a pas d'intérêt. E3 « maintenant, les alcooliques, ils vont plus au bistrot, mais ils achètent leurs bouteilles de whisk y et puis ils boivent chez eux ceux là, ça changera pas grand grand chose, j’ai l’impression » E5 « Sinon heu, si tout semble normal heu j’vois pas heu d’intérêt à poser ce genre de question » 3.7 U NE DIFFERENCE SELON L'OBJET DES CONDUITES ADDICTIVES ? Aborder le repérage des conduites addictives se voudrait différent selon le produit ou le comportement pour la plupart des patients. - En ce qui concerne les produits, les notions de toxicité et de légalité des produits influe la façon dont les patients attendent qu'on les aborde. E1 « Moi j'ferais une différence, oui moi je ferais une différence dans la mesure où il y en a qui sont autorisées et pas d'autres ... officiellement » E4 « je pense qu’il y a les drogues douces, entre guillemets, et les drogues dures enfin il y a vraiment cette différence que nous, enfin qu’en général on fait et je pense que le médecin peut peut être intégrer cette notion là aussi » Ainsi, - Le tabagisme est plus facile à aborder que les consommations d'alcool ou de drogues et plus facile à préciser pour le patient, E4 « je pense que au niveau du tabac, c’est plus facile que pour l’alcool et la drogue » E1 « autant le tabac c'est un peu euh « tu fumes / tu fumes pas » et déjà tu as déjà une limite. Et après « tu fumes combien ? » Et les gens savent, parce qu'ils savent combien ils achètent de paquets grosso modo. […] Entre les gens qui boivent un peu beaucoup à la folie passionnément pas du tout, c'est plus compliqué. » - La consommation de drogues est d'une façon générale mise à part des questions de tabac ou d'alcool qui sont considérés comme étant plus sociétales. Les drogues sont plus délicates à rechercher car peuvent dissimuler davantage un mal être. E6 « je mettrais la drogue à part, peut être. Je sais pas j’ai peut être tors » E3 « le tabac et l’alcool, c’est quand même heu plus sociétal comme truc [...] je pense que, le tabac et l’alcool, c’est tellement rentré dans les, dans les mœurs de beaucoup de gens que c’est pas considéré comme des drogues partout quoi » E9 « je pense que le tabac et l’alcool, j’dirais pas que c’est un peu tout le monde, mais on peut commencer comme ça, que la drogue, ça peut dissimuler peut être davantage un mal être malgré que ça l’est peut être pas hein, mais, donc c’est vrai que ce serait peut être plus délicat » - La recherche d'une consommation de drogue peut être plus inquiétante E7 « Du coup, c’est quelque chose qui m’inquiète d’avantage » - En revanche, deux personnes ne pensent pas qu'interroger un patient sur une addiction est différente qu'elle soit avec ou sans produit. E10 « Euh...non je suis assez ouverte à ces questions là comme je vous ai dit alors euh non. » - Alors qu'une autre estime que parler de l'addiction aux jeux est plus difficile E4 « c’est plus difficile parce que déjà de parler de de heu, l’addiction aux jeux on pense encore que c’est pas très très grave » 4 - ADDICTIONS, REPRESENTATIONS GENERALES DES PATIENTS : 4.1 R EPRESENTATIONS GENERALES SUR LES ADDICTIONS 4.1.1 NOTION D'ADDICTION AVEC OU SANS PRODUIT - Quand on parle d'addiction, la population générale pense davantage aux addictions avec produits qu'aux addictions comportementales E10 « Mais je pense que quand on parle d’addiction, les gens pensent plus aux produits que aux autres types de comportements, je ne sais pas si on peut appeler ça compulsifs » 4.1.2 NOTION DE COMORBIDITES - La maladie bipolaire peut favoriser la survenue de conduites addictives E7 « les bipolaires peuvent facilement dériver au niveau de l’alcoolisme ou alors avoir une dépendance c’est à dire au niveau des achats impulsifs » - Les traitements pour la maladie de Parkinson sont un facteur de risque de développer des conduites addictives E3 « Il avait un Park inson et qui, et j’avais pas la notion qu’il était accroc aux jeux comme ça, c’est le traitement qui fait ça, hein, Park inson » « Ben, ça dépend, si c’est un Park inson, par exemple, si vous donnez un médicament qui risque de causer ça, faut bien lui en parler » 4.1.3 PARTICULARITES DE LA POPULATION JEUNE - Plusieurs personnes pensent que la question des drogues concerne davantage les jeunes et qu'elle doit être abordée en milieu scolaire. E2 « Je pense que c'est vrai que quand il y a des jeunes si les docteurs s'intéressent à savoir si ils consomment ça peut être un bien aussi pour les suivre.[...] parce qu'on, on entend beaucoup dire que ça démarre assez jeune hein. » E7 « Parce que je pense qu’au niveau des collèges, des lycées ben, faut, je pense, qu’il faut, qu’il faut…. C’est un sujet qui doit être abordé » - Une personne pense qu'il est plus difficile d'aborder les conduites addictives avec les jeune E3 « Aux jeunes, c’est plus difficile oui » 4.1.4 NOTION DE TOXICITE - La toxicité du tabac est bien intégrée dans l'opinion publique, E4 « fumer tue, c’est quelque chose qu’on voit partout heu, c’est vraiment intégré dans le dans le dans l’imaginaire collectif » - En revanche, la toxicité de l'alcool et du cannabis est minimisée E4 « par contre heu, l’alcool ça reste quelque chose de, où on se dit un petit verre par ci par là, ça passe » « le cannabis, reste encore quelque chose de : Ho c’est pas grave » - Le tabac est considéré comme moins toxique que l'alcool puis les drogues. E8 « je me représente ça, enfin, comme une sorte de niveau, tabac, alcool, drogue, peut être, oui, c’est peut être pas le bon ordre, mais je le verrais bien comme ça, plus grave » - La cocaïne est plus toxique que le cannabis E4 « quand c’est cocaïne, heu etc… c’est beaucoup plus dur, mais heu le le cannabis, reste encore quelque chose de : Ho c’est pas grave » 4.2 R EPRESENTATIONS GENERALES SUR LE TABAC ET L'ALCOOL 4.2.1 LE TABAC ET L'ALCOOL, UNE CONSOMMATION COURANTE EN POPULATION GENERALE - Les consommations de tabac et d'alcool sont courantes et concernent beaucoup de monde E6 « Ben, je verrais le tabac et l’alcool comme quelque chose de, pas de banal, mais courante » E9 « e pense que le tabac et l’alcool, j’dirais pas que c’est un peu tout le monde, mais on peut commencer comme ça » - La consommation de tabac et d'alcool est rentrée dans les mœurs ainsi que la nécessité d'arrêter d'en consommer E4 « Parce que le tabac c’est rentré dans les mœurs » E3 « Je pense que, le tabac et l’alcool, c’est tellement rentré dans les, dans les mœurs de beaucoup de gens » 4.2.2 LE TABAC, UNE CONSOMMATION QUI PEUT EVOLUER La consommation de tabac peut toujours évoluer E8 « Voilà, ça peut toujours évoluer, on ne sait pas, heu, les aléas de la vie… » 4.2.3 L'ALCOOL, PERCEPTION DE SES PROPRES CONSOMMATIONS - Un patient estime que ses consommations ne sont pas dramatiques et qu'il n'est pas alcoolique E1 « après je ne pense pas que je sois alcoolique […] c'est pas enfin c'est pas non plus dramatique » - Mais il semble difficile de juger ses propres consommations d'alcool E1 « Entre les gens qui boivent un peu beaucoup à la folie passionnément pas du tout, c'est plus compliqué. C'est un p'tit peu compliqué euh donc je pense que c'est plus compliqué et donc c'est plus compliqué pour moi aussi de me situer et de répondre à cette question « est ce que vous buvez de l'alcool ? » Oui La réponse est oui. « Est ce que vous buvez souvent ? » Sûrement oui. « Est ce que vous buvez beaucoup? » Alors là ça devient compliqué. » - Ainsi, certains patients minimisent leurs consommations E6 « Ha je connais des gens qui, qu’ont, comment dire, masqué les réponses un peu quoi [...] Parce qu’ils buvaient un peu plus et ils en disaient un peu moins mais ça ne ressemble à rien de dire un peu moins [...] Ils ont répondu mais un peu à côté » - La consommation excessive d'alcool peut être honteuse et être vécue comme une déchéance E10 « je croyais que c’était une sorte de déchéance et que je voulais pas qu’il me voit comme ça » 4.3 R EPRESENTATIONS GENERALES SUR LES DROGUES La perception des consommations de drogue est variable - Certains les considèrent comme banales, sans tabou et de plus en plus d'actualité E6 « C’est plus d’actualité quand même aujourd’hui » « Maintenant, la drogue, peut être que c’est banal pour tout le monde, je sais pas » E5 « J'ai pas vraiment de tabou » - D'autres les voient comme un fléau, mal vu par la société E6 « La drogue, on a vécu ça nous en cours de route comme un fléau, presque quoi à la limite » E3 « quand on fume des stupéfiants, on sait bien que c’est..., que dans l’esprit public, c’est pas bien coté, en plus et puis c’est plus prohibé » - Le cannabis est particulièrement bien toléré par la population générale - Les conséquences des drogues sur la santé sont mal connues E5 « enfin je sais pas, après les conséquences que ça a pour tout ça mais... » - Les drogues peuvent dissimuler un mal être E9 « la drogue, ça peut dissimuler peut être davantage un mal être malgré que ça l’est peut être pas hein » L'apparence physique ne peut pas prédire une consommation de drogue E8 « Tout simplement, heu est ce que mon physique représente telle personne heu il ne touche pas, c’est un saint, y’a pas de problème, heu, ça y’a rien qui le prouve » 4.4 R EPRESENTATIONS GENERALES SUR LES CONSOMMATIONS DE TOXIQUES SANS DISTINCTION DE PRODUIT - Les personnes concernées par une consommation de toxiques peuvent se sentir mal à l'aise E4 « Par contre je me mets à la place de personnes qui, éventuellement, heu.. ont un souci et n’osent pas l’avouer surtout quand c’est la 1 ère fois, je peux, je peux concevoir qu’elle se sente mal à l’aise » 4.5 R EPRESENTATIONS GENERALES SUR LES ADDICTIONS COMPORTEMENTALES 4.5.1 ADDICTIONS COMPORTEMENTALES, GENERALITES - Les addictions comportementales sont une maladie qu'il est important de traiter E4 « enfin, ça relève de la maladie aussi quelque part donc c'est qu'il y a un souci et que c’est important de le traiter » - Les questions concernant les addictions comportementales font partie de la curiosité du médecin E9 « en même temps, heu, là encore, ça fait partie de la curiosité » - Elles doivent être abordées même si cela paraît bizarre pour le patient E10 « poser la question aux gens même si ça leur fait bizarre » 4.5.2 PARTICULARITE DES JEUX VIDEO : - L'addiction aux jeux vidéo est considérée comme n'étant pas très grave E4 « l’addiction aux jeux, on pense encore que c’est pas très très grave » « C’est difficile oui, parce que, quand on dit ho oui, bah c’est pas grave il a, il a joué heu de telle heure à telle heure, heu il a reporté les RDV médicaux de son enfant, il a fait ci, il a fait ça, c'est : « ho tu exagères de toute façon ». Voilà donc heu, il faut pratiquement prouver, enfin, il faut se justifier en permanence » - La frontière entre le normal et le pathologique est difficile à distinguer par le joueur pathologique lui-même. Il ne se rend pas compte de sa pathologie. E4 « si la personne concernée heu dit bah « non non, c’est juste un passe temps ce n’est pas une addiction », voilà c’est cette frontière qui n'est pas facile à mettre en place. » « quand on dit no life c'est vraiment ça, il ne se rend pas compte. » - L'addiction aux jeux vidéo est encore quelque chose de tabou E4 « est ce qu’on va oser le dire parce que c’est quelque chose qui est encore tabou » 4.5.2.1 Des difficultés pour en parler - Il est difficile pour un patient de parler de ses problèmes de jeux vidéo E4 « l’addiction aux jeux, [...] je connais des personnes qui en souffrent et heu et heu qui ont du mal à en parler » - La question d'addiction aux jeux vidéo est difficile à aborder pour un pati ent non demandeur E4 « Je pense que c’est difficile au médecin généraliste si le patient n’a pas de demande. » - Cependant, il peut toujours y avoir d'autres éléments qui peuvent amener les sujets concernés à en parler E4 « Je pense qu’il y aura toujours quelque chose à côté qui fera que peut être la personne aura envie d’en parler » - Ainsi il semble que c'est au patient qui souffre d'addiction aux jeux vidéo de prendre l'initiative d'en parler à son médecin E4 « si le patient en a, en souffre vraiment, souffre vraiment de la situation, je pense que c’est à lui d’en parler au médecin généraliste » 4.5.2.2 Place de l'entourage dans les addictions aux jeux vidéo - C'est très dur de faire partie de l'entourage d'un addict aux jeux vidéo E4 « ya rien autour, heu, on ne peut pas se coucher avant d’avoir fini telle partie, tel niveau, avant d’avoir heu, c’est, c’est très très dur » - Pour comprendre l'addiction aux jeux vidéo, il faut l'avoir vécu dans l'entourage E4 « Il faut le vivre de l’intérieur pour heu, pour heu, pour savoir ce que c’est que d’avoir quelqu’un qui à 18 h doit, doit commencer à jouer, ya rien, ya rien autour » - Le conjoint ou la famille souffre de l'addiction aux jeux vidéo E4 « je pense qu’en général c’est le ou la conjointe qui en souffre ou la f amille quand ce sont des jeunes » - C'est la famille des personnes addictes aux jeux vidéo qui fait les démarches de soins E4 « je pense qu’en général c’est le ou la conjointe qui en souffre ou la famille quand ce sont des jeunes et c’est eux qui font la demande c’est pas le jeune en tant que tel parce que lui il est euh, quand on dit no life c'est vraiment ça, il ne se rend pas compte. » 4.5.3 PARTICULARITE DES TROUBLES DU COMPORTEMENT ALIMENTAIRE - Si les troubles du comportement alimentaire existent, c'est qu'il y a un mal être E4 « si tu ne te sens pas bien si tu as perdu autant de poids en si peu de temps c’est sûrement qu’il y a quelque chose qui ne va pas » - S'ils sont graves, le médecin intervient de façon plus directive E4 « je pense que si j’avais vraiment, si j’avais vraiment heu dégringolé au niveau du poids il serait intervenu plus énergiquement » 4.6 LE MEDECIN FACE AUX CONDUITES ADDICTIVES 4.6.1 LE MEDECIN PEUT SE FAIRE UNE IDEE DES CONDUITES ADDICTIVES DU PATIENT SANS MEME L'INTERROGER Le médecin peut savoir si un patient souffre d'un problème d'addictions : - S'il connaît le patient personnellement, E5 « Alors après avec le Dr L justement c'est..., j’connais bien son fils on a été à l’école ensemble on s’connaît un petit peu à l’extérieur donc, je pense qu’il me connaît euh... C’est le médecin de la famille, donc il connaît la famille. Je pense qu’il me connaît euh..., je pense qu’il a pas besoin » - S'il consomme avec son patient, E3 « on a souvent dîné ensemble,on a souvent fait des trucs euh.. je pense qu'il se serait rendu compte si j'avais quelque chose au point de vue alcool par exemple […]. De toute façon, l’occasion que j’aurais à boire un verre de trop, ce serait avec lui, pratiquement…» - En fonction des signes physiques pouvant l'évoquer, de l'état général du patient. E2 « Mais bon euh j'pense que peut être vu l'état général déjà ça donne une idée si la personne est fumeuse ou....je ne sais pas. » E8 « Ben, peut être qu’il avait déjà une idée sur la personne que j’suis, connaissant l’individu, pl us ou moins peut être par écho, peut être par le physique, le visage, peut être que pour lui, d’emblée, il avait déjà la réponse. » Si le médecin n'aborde pas la question des consommations de toxiques, c'est qu'il n'en a pas besoin pour soigner le patient E8 « Peut être, s’ils ne les posent pas c’est peut être qu’ils n’en ont pas vraiment besoin, ils ont toutes les machines, pour voilà, pour secourir la personne » 4.6.2 L'ATTITUDE GENERALE DU MEDECIN EST IMPORTANTE - C'est important que le médecin ne porte pas de jugement E10 « Toujours avec l’importance de pas, de pas juger enfin, je pense que c’est hyper important. » « la peur qu’il me juge uniquement là dessus alors que je sais qu’il ne va pas me juger, en plus il est médecin c’est son métier » - et qu'il n'ait pas d'a priori E10 « c’est là que j’ai réalisé que lui, n’avait pas d’a priori » 4.6.3 ATTITUDES DU MEDECIN ET CHANGEMENT DE COMPORTEMENT - La simple question posée au sujet des conduites addictives ne pourrait pas motiver un changement de comportement du patient, - En revanche, la présence d'une conséquence somatique du comportement addictif peut le favoriser. E1 « Je crois pas que je pourrais changer mon comportement comme ça juste en en parlant sauf si j'avais un problème de santé qui était lié et que il me disait bah voilà. […] juste par le simple fait de la question je ne pense pas. » - Si le médecin fait peur au patient concernant les conséquences de son comportement, cela influencera sa motivation au changement E1 « oui je changerai de comportement ou si il me fais peur en disant vous risquez ça ça ça avec le comportement que vous me décrivez, euh oui peut être » - Dire au patient qu'il nécessite de l'aide pour une problématique addictive peut permettre une prise de conscience E10 « il fallait que je l’entende, parce que ça a permis de déclencher chez moi une prise de conscience » - Le médecin doit prendre en compte le choix du patient dans sa dynamique de changement E4 « Et donc heu il m’a demandé ce que moi je, j’envisageais de mettre en place pour que j’aille mieux, il a mis un système où c’était moi qui, heu enfin, il m’a pas obligé à faire, il m’a proposé […] Il m’a pas imposé quelque chose. C’était vraiment une proposition. C'était pas une obligation. » - Il est important que le médecin propose une prise en charge à son patient s'il dépiste une problématique addictive E10 « Ben qu’il le propose, Qu’il propose en tout cas heu, Qu’il le suggère sans … voilà…[...] Parce que après c’est toujours un problème psychologique donc ça peut être important de conseiller gentiment à comment dire… De l’aide en dirigeant les personnes quoi, genre, vous pouvez vous adresser à tel ou tel médecin, tel ou tel psychiatre, tel établissement comme H., ou... voilà » 4.6.4 LE VECU DU MEDECIN IMAGINE PAR LE PATIENT 4.6.4.1 Gêné / non gêné, avis partagés - Certains patients ne pensent pas que leur médecin soit gêné pour aborder la question des consommations de toxiques E6 « j'pense pas que ça le gênerait de me le demander » E5 « Ouais sentir gêné, ben pour des questions tabac, alcool, heu cannabis, j’ai pas, heu non je ne pense pas » - D'autres ne savent pas si leur médecin était gêné mais n'en ont pas l'impression E1 « Mais Peut être qu'il était un peu gêné enfin je n'ai pas l'impression, j'arrive pas à savoir » - Enfin, plusieurs personnes pensent que leur médecin serait gêné d'aborder la question des consommations de toxiques avec eux E4 « Sincèrement, oui. Oui, je pense que ça ne doit pas être évident de formuler, de formuler la question » - Et ce, d'autant plus s'il s'agit de consommations de drogues E1 « Bah, oui j'pense que le fait qu'il par exemple qu'il ai posé la question de façon un peu on est potes, c'était un jeune, je sais pas il a 33 ans, c'était un peu voilà tu peux m'le dire on est copain j'suis pas sûr qu'il assume.» - Le médecin peut être gêné parce qu'il ne connaît pas la réaction que peut avoir son patient E8 « Lui, c’est possible que ça le gêne, je ne sais pas, parce qu’il ne sait pas la réaction que je peux avoir, c’est peut être dans ce sens là que ça peut le gêner » 5 - LE PATIENT ET SON MEDECIN GENERALISTE 5.1 LES RELATIONS ENTRE LE PATIENT ET SON MEDECIN GENERALISTE: 5.1.1 NOTION DE CONFIANCE ET CONFIDENTIALITE - Les notions de confiance et de confidentialité sont récurrentes et importantes dans la relation. E7 « Oui, oui, il faut avoir une confiance, déjà, il faut que ça reste confidentiel, bien sûr, ça va peut être passer mieux » E9 « Alors, j’ai confiance en lui parce que les diagnostics qu’il peut établir sont à chaque fois corrects » E10 « Oui, oui, en général heu je fais confiance aux médecins généralistes » - C'est au médecin d'instaurer un climat de confiance lors de la consultation E9 « je pense aussi le médecin, il a aussi la fonction de créer une ambiance de confiance…avec son patient » 5.1.2 NOTION DE MEDECIN DE FAMILLE - Les relations sont le plus souvent bonnes avec le médecin généraliste dit « de famille » E10 « C’était le médecin de famille en fait. Heu... et avec qui ça se passait très bien » - La notion de médecin de famille est importante dans la relation car elle permet au médecin de mieux connaître son patient E9 « petite, j’avais un médecin heu, qui était un médecin de famille, donc qui était proche et qui avait déjà aussi tout l’historique de la famille donc, peut être c’est pas la même relation non plus » E10 « il me connaît bien puisqu’il me connaît depuis que j’ai 3/4 ans, quelque chose comme ça » 5.1.3 UN VECU NEGATIF DE LA RELATION - Certains patients font des reproches à leur médecin généraliste. E6 « On a tous des reproches à faire à notre médecin » E7 « Et avec le Dr J. c’était plus ou moins difficile quoi [...] quand je venais dans ce cabinet, je ne savais jamais dans quel état j’allais en ressortir, en fait, parce que je suis une éponge. C'est à dire que si une journée, il n’était pas bien et que moi j’arrivais bien…Vous voyez ce que je veux dire… » - Ils le trouvent expéditif, distant, jusqu'à évoquer un barrage. Les relations peuvent être difficiles. E9 « Heu…Distantes […] Non, j’en ai eu d’autres parce qu’avant on était sur… heu…T., alors là, elle était expéditive donc, là c’était pas… Encore pire que M. L., heu ben, là ... en lui disant en 2 ou 3 minutes le diagnostic était fait, alors là j’avais presque même pas confiance » E3 « D’après ce que disent les, les patients, ce que j’entends maintenant, si vous voulez. Ils trouvent quand même qu’il y a un, espèce de barrage, maintenant entre eux et leur médecin, quoi. » - L'utilisation de l'ordinateur incite le médecin à avoir moins de contact direct avec son patient E3 « Ils arrivent… « docteur, je viens vous voir parce que nanana... » à ce moment là, il se tourne, et puis il parle, et puis il ne regarde pas… c’est l’impression qu'ils ont, c’est que… ils parlent à une machine, mais ils parlent pas… ya pas un contact humain, quoi heu, ce qui l’intéresse c’est ce qu’il regarde ce qu’il y a sur l’écran » - Certains estiment que leur généraliste ne leur pose pas assez de questions, qu'il leur porte peu d'intérêt et manque de curiosité E9 « il pose pas spécialement de questions, il va pas expliquer à quel moment on doit réaliser des diagnostics…heu… ouais, ça manque d’intérêt quelques fois » « Donc, il manque de curiosité, des fois. Ouais, c’est ça, manque de curiosité par rapport aux patients » E6 « Est ce qu’il s’occupe assez de notre cas, est ce qu’il pose les bonnes questions, je sais pas… Des fois heu, on a tendance à dire bon il aurait peut être pu faire plus, je ne sais pas on n'est peut être pas très objectif en fait. » - Le patient en vient parfois à penser que c'est lui qui s'exprime mal. Peut-être en attend-il trop de son médecin E6 « Peut-être qu’on en attend de trop de notre médecin » « Ou c’est moi qui explique mal ce que je ressens quoi », 5.2 N OTION DE CHOIX DU MEDECIN Le patient choisi son médecin généraliste et il sait qu'il peut en changer s'il le souhaite. E1 « mon médecin généraliste c'est moi qui l'ai choisi, je vais le voir quand je veux et si il me plaît pas j'en change. » E2 « De toute façon le jour où j'aurai plus confiance j'irais voir ailleurs hein. Ça c'est sur » E6 « Bon chacun reproche un petit peu à son médecin alors bon finalement si on voulait changer de médecin, ce serait un chassé croisé qui n’en finirait pas quoi » 5.3 MOTIF DE CONSULTATION 5.3.1 MOTIF PRINCIPAL DE CONSULTATION CHEZ LE GENERALISTE - Les patients vont voir leur médecin quand ils en ont besoin, pour une raison précise. E6 « Quand j’en ai besoin […] Moui, bah en général, quand on y va, c’est vrai qu’on y va pour quelque chose de bien ciblé » - La demande de certificat de sport et le renouvellement de traitement sont des motifs particuliers évoqués. E1 « Non, jamais ! Enfin j'vais le voir quand j'ai besoin d'un certificat … en gros» E8 « Par rapport à mon traitement heu contre le cholestérol, renouvelé, pour voir où j’en suis un p’tit peu, par rapport aux prises de sang, tout ça. Donc, 2 fois régulièrement on va dire » 5.3.2 UN MOTIF SECONDAIRE NON PRIS EN COMPTE Le médecin généraliste prend rarement en compte les motifs secondaires de consultation exprimés par le patient E6 « s’il y a un petit truc à côté, on lui dit quand même mais dans la mesure où on est des vieux patients, il connaît notre dossier » E9 « Il me pose toujours la question, pourquoi je viens le voir, mais, il ne s’intéresse pas plus que ça à d’autres problèmes que je pourrais avoir [...] les diagnostics qu’il peut établir sont à chaque fois corrects mais heu, il pousse pas, heu … voilà, il va pas plus loin » 5.3.3 UN CHANGEMENT DES PRATIQUES - Les médecins généraliste ont changé leurs pratiques, prenant moins en compte le patient dans sa globalité et s'intéressant davantage au motif principal de consultation E6 « peut être que les généralistes ont changé par rapport à autrefois aussi [...] ben ou autrefois, ils s’occupaient plus des patients sur la, comment dire, sur le plan général, alors que maintenant, si on va le voir pour mal de gorge, c’est ciblé, point final, on en parle plus, on fait pas le, on fait pas le reste » 5.4 LE ROLE DU GENERALISTE Le généraliste a pour fonction d'orienter le patient, il se charge de faire le lien avec le spécialiste E4 « Et ensuite en fonction de l’addiction ou en fonction de heu... il peut orienter, orienter le patient » E7 « Dans la logique des choses pour moi, heu, c’est le généraliste qui vous oriente vers un spécialiste, moi, je vois ça comme ça [...] j’dirais qu’il fait le lien avec le spécialiste » 5.5 PLACE DU GENERALISTE DANS LA SOCIETE Le médecin généraliste est quelqu'un d'important dans la société, il est respecté et estimé. E8 « j’ai connu heu le Dr A. étant enfant ça représente quand même des personnes d’un certain, d’un certain respect […] le Dr L., pour moi, c’est le même type de personne donc, ya, ya un certain respect, ouais » « ça a toujours été un p’tit peu les gens qui dominent un p’tit peu la société, on va dire, et, j’ai encore un p’tit peu cet esprit là » E10 « Je pense, comme beaucoup de gens, on a beaucoup d’estime pour heu, pour les médecins qu'ils soient généralistes ou autres, voilà » 5.6 LE MEDECIN GENERALISTE DANS SA PRATIQUE 5.6.1 CE QU'IL EST ET CE QU'IL DOIT ETRE - Le médecin généraliste sait ce qu'il fait, il est raisonnable E10 « Je sais que c’est des gens raisonnables qui savent ce qu’ils font » - C'est celui qui doit connaître le mieux son patient, sur le plan médical il doit être au courant de tout E7 « il sait exactement tous les traitements que je prends pour les problèmes de bipolarité, ça me semble essentiel […] Donc il est au courant de tout en fait » E4 « Donc c’est lui qui est sensé heu heu nous connaître le, le mieux que possible en fonction de ce qui se passe dans son cabinet » - Cela prend du temps au médecin d'apprendre à connaître son patient mais cela lui permet de mieux comprendre ses symptômes E9 « Le médecin peut quand même s’intéresser à son patient, à ce qu’il fait et… heu…pour comprendre quelques fois pourquoi, il a tel syndrome, ou telle chose quoi » - Il est important que le patient puisse compter sur lui en cas de problème E7 « Parce que si à un moment ou un autre, j’ai un problème, je veux pouvoir compter sur lui » - Il a le droit à l'erreur et n'est pas infaillible E8 « Une erreur est toujours possible, il est pas, j’pense pas qu’il soit infaillible, il aurait de la chance !! » 5.6.2 ÉLEMENTS DU DEROULEMENT DES CONSULTATIONS - Lors de la première consultation, le médecin généraliste pose des questions très générales E10 « Ben, c’était très général, heu genre, un peu mon passif médical, heu opérations… [...] Est ce que j’avais des…[...] un…traitement… heu voilà, j’ai répondu à tout ça heu et qui avait été mon médecin généraliste jusque là » - Un questionnaire pourrait permettre au médecin de connaître plus rapidement son patient lors de la première consultation ère E9 « à la 1 consultation ça serait de découvrir son patient, il aurait quelque part une grille ou un dossier avec des questions […] Et au contraire au moins il aurait un historique et puis… parce que… quelque part ça va vite » - Le médecin se fait une idée du profil du patient en l'interrogeant sur son mode de vie E5 « il me pose des questions, heu comment ça va à l’école ce genre de choses dans la famille heu le sport tout ça et je pense qu’à partir de là, il se fait une idée heu de mon profil, ça lui suffit. » E10 « il posait des questions mais c’était, pas de façon détournée mais du genre voilà « le rythme de vie, ça va, pas trop d’excès ? » » - Certains prescrivent peu de traitements médicamenteux E10 « Mais c’est un médecin qui n'est pas du tout heu … enfin, en gros, quand on a un rhume, il dit : « tu prends du doliprane tu dors 10 h et ça ira mieux », il est pas du genre à sur-médicamenter [...] Il a, comment dire, comment on pourrait dire ça… il encourage pas le, le... surmédicamentation » 6 - PLACE PARTICULIERE DU MEDECIN DU TRAVAIL 6.1 PLACE PARTICULIERE DANS LE REPERAGE DES CONDUITES ADDICTIVES La plupart des personnes interrogées ont parlé de leur médecin du travail, qui souvent les a questionnés au sujet de leurs consommations de toxiques sans pour autant prendre le temps d'agir en fonction des réponses données. 6.2 PLACE PARTICULIERE DANS L'ENTREPRISE - Le médecin du travail n'est pas choisi par le patient E1 « le médecin du travail il est du travail. C'est pas moi qui l'ai choisi, c'est mon boulot qui prend le rendez vous avec lui » - Son rôle est mal connu en dehors de celui de donner l'aptitude au travail E4 « Alors je vais être très sincère, le médecin du travail je sais pas à part heu « être apte au travail », quelque fois je ne sais pas trop à quoi il sert (rires) » E1 « Il est chargé de signaler à mon boulot, enfin du moins pour ce que j'en comprend, si j'ai une incompatibilité avec le poste et tout ça » - Le patient a l'impression qu'il est amené à le voir de moins en moins souvent E8 « C’est plus annuel parce que c’est tous les 2 ans, voire pas du tout, enfin, on a l’impression que ça s’espace de plus en plus » - La place du médecin du travail auprès de l'employeur est un obstacle dans la relation avec le patient et favorise le fait d'obtenir des réponses moins sincères E1 « j'ai rien à cacher en l’occurrence mon médecin du travail ça me gène pas qu'il me pose toutes ces questions mais si jamais j'avais des choses que j'avais pas envie que ma boite sache je serais peut être un peu plus exigeant sur l'entournure. » E4 « le médecin du travail, il peut les poser les questions mais les gens n'y répondront pas sincèrement » 6.3 D EROULEMENT D'UNE CONSULTATION DE MEDECINE DU TRAVAIL - Les consultations de médecine du travail sont courtes, très ritualisées E4 « c'est vrai que le rendez-vous est tellement rapide et les questions tellement formatées que heu on a l’impression qu’on est un numéro […] les questions sont mises dans, sont vraiment dans l’ordre heu heu on sait à quoi s’ attendre on sait à quoi répondre » - Le patient n'a pas le temps d'échanger s'il le souhaite E4 « si on a quelque chose heu qui, qu’on a sur le cœur ou quoi que ce soit de toute façon y’a le prochain patient à telle heure et puis on sort » DISCUSSION Méthodologie 1. Forces de l'étude L'étude qualitative par entretiens semi-dirigés a permis un recueil riche concernant l'opinion des patients. La non transmission du sujet précis des entretiens aux médecins et aux patients à permis d'optimiser l’authenticité et la spontanéité du discours des personnes interrogées. Donner le choix aux sujets inclus de la modalité de réalisation de l'entretien (lieu et horaire) a permis une meilleure disponibilité de ceux-ci. 2. Limites de l'étude 2.1 Biais de recrutement Le recrutement s'est déroulé en salle d'attente d'un cabinet de groupe de médecins généralistes. Un médecin avait refusé le recrutement parmi ses patients, réduisant la variabilité du mode de prise en charge des patients interrogés. Nous avons pu constater lors du recrutement le refus de certains patients pour qui l'étude avait été proposée lors de leur passage en salle d'attente. Certains d'entre eux pouvaient être eux-mêmes concernés par une problématique addictive. Ces personnes peuvent être en difficultés pour aborder les questions de santé les concernant, du fait de la présence d'un déni, d'une comorbidité psychiatrique ou même d'une intoxication au moment du recrutement. Ceci pourrait expliquer que notre population recrutée au cabinet médical était peu consommatrice de substances psychoactives et peu concernée par le repérage précoce et l'intervention brève. De même, pour des raisons logistiques, et de disposition des locaux, la totalité des patients présents en salle d'attente lors des deux demi-journées dédiées au recrutement n'a pu être rencontrée en vue de présenter notre étude. Les personnes abordées en salle d'attente étaient ciblées à mesure du recrutement en fonction de leur âge et de leur sexe afin d'obtenir une population la plus représentative de la population générale. Ces choix et limites pour le recrutement ont pu réduire la diversité de profils de conduites addictives des personnes incluses. 2.2 Spécificités des patients recrutés en addictologie La dernière personne interrogée a été recrutée via la patientelle d'une consultation d'addictologie. Elle était donc déjà inscrite dans des démarches de soins pour une problématique addictive. Elle a été recrutée puisqu'elle avait un médecin traitant, que son âge et son sexe correspondaient aux besoins de l'étude au moment de son inclusion. Il semblait intéressant d'interroger une personne ayant une problématique addictive, notre population précédemment recrutée étant peu concernée. Cependant, son point de vu pouvait être modifié au moment où nous l'avons interrogée puisqu'elle avait dépassé le stade du déni et qu'elle avait entamé ses démarches de soins. Cela questionne la nécessité d'interroger des patients addicts connus comme tels, afin d'élargir nos données. Cependant, les patients suivis en addictologie sont dans une démarche de soins volontaires et donc non concernés par le repérage précoce et intervention brève (qui aurait dû avoir lieu beaucoup plus tôt dans leur parcours de soins). Il s'agirait alors de faire un recueil rétrospectif avec le risque que le point de vu du patient soit modifié comme décrit plus haut. Certains sont suivis dans un contexte de consommations excessives, pouvant alors être concernés par l'objet de notre étude. Il pourrait être intéressant de réaliser le même type d'étude chez ces patients afin d'ajuster davantage les interventions du généraliste. Enfin, les patients ayant une problématique addictive même peu évoluée n'ont pas toujours de médecin généraliste, limitant les possibilités du repérage et de l'intervention brève. 2.3 Limites intrinsèques à la technique de l'entretien semi-dirigé La réalisation d'un entretien est la rencontre entre deux personnes : le chercheur et l'enquêté. Cette rencontre induit des paramètres difficilement maîtrisables tels que le caractère personnel de chacun, la personnalité du patient, l'attitude et l'attention particulière du chercheur. Les entretiens ont été réalisés par le chercheur qui ne maîtrisait pas initialement la technique de l'entretien semi-dirigé. Il se l'est appropriée progressivement, à mesure des entretiens, pouvant modifier leur déroulement. Les propos des participants ont pu être influencés par le chercheur en l'interrompant ou en l'orientant prématurément pour suivre le guide d'entretien, pouvant amener à une perte de données. Le fait que l'enquêté connaisse le statut du chercheur (ici, un médecin) induit un biais de désirabilité sociale ayant pu influencer ses propos. Résultats 1. Résultats principaux Dans notre étude , on constate que la majorité des patients interrogés ont bénéficié d'un repérage de leur consommation de tabac lors d'une consultation de médecine générale. En revanche, celui-ci était moins systématique pour l'alcool et encore moins pour les drogues et les addictions comportementales, réalisé le plus souvent dans un contexte dédié. Tous les patients ont déclaré qu'ils répondraient aux questions concernant les conduites addictives posées par leur médecin généraliste. Ces questions n'étaient pas gênantes et font partie du rôle du médecin généraliste plutôt que d'un autre soignant. Cependant, il reste une réticence pour certaines personnes au sujet de l'exploration des conduites autres que le tabagisme, une forme plus adaptée étant alors souhaitée. 2. Le repérage en pratique en médecine générale 2.1 Le tabac mieux dépisté que les autres conduites addictives La plupart des patients interrogés par leur médecin généraliste l'ont été au sujet de leur consommation de tabac plutôt que pour les autres substances psychoactives. Ceci concorde avec les données de la littérature, le tabac étant dépisté de façon systématique par environ deux tiers des médecins généralistes français (23). En revanche, en ce qui concerne les autres conduites addictives, elles avaient été recherchées par le médecin généraliste dans un contexte particulier. Le dépistage était alors plutôt réalisé par un spécialiste. On sait que seuls 23% des médecins généralistes dépistent la consommation d'alcool de façon systématique pour tous les patients au moins une fois et moins de 8% en ce qui concerne le cannabis (23). Les pratiques des médecins généralistes varient suivant les substances psychoactives considérées, le repérage d'alcool étant souvent trop tardif. (71) La particularité du repérage du tabagisme peut s'expliquer par le fait qu'il s'inscrit dans le cadre des plans cancers et des plans gouvernementaux de lutte contre le tabac depuis de nombreuses années. La prévention à grande échelle dans ce domaine (au travers des médias notamment) a permis une « dénormalisation » de la consommation de tabac. Les médecins semblent être plus aisés dans l'abord des questions qu'ils peuvent traiter eux-mêmes. Hors pour la plus grande majorité d'entre eux, ils prennent en charge seuls les patients consommateurs de tabac, ce qui n'est pas le cas pour les autres substances (30). On constate tout de même une amélioration du repérage de la problématique alcool par les médecins généralistes et dans une moindre mesure du cannabis. Il n'existe que peu de données en ce qui concerne le dépistage des autres substances illicites. (49) On sait cependant que le nombre de patients pris en charge pour traitement de substitution aux opiacés a augmenté (14). En 2009, la moitié des généralistes déclarait avoir vu au moins une fois dans le mois un patient dépendant aux opiacés. (23) Ceci peut supposer une ouverture peu à peu des médecins généralistes sur la question des addictions d'une façon globale. On peut espérer que les politiques de santé en matière de prévention et d'addiction amènent à une progression plus importante du repérage des conduites autres que le tabagisme. 2.2 Contexte du repérage des conduites addictives Les occasions du repérage les conduites addictives étaient bien décrites par les patients de l'étude. Non seulement ceux qui avaient bénéficié d'un repérage comme ceux qui n'en avaient pas bénéficié décrivaient les situations particulières dans lesquelles ils avaient été ou souhaitaient être interrogés. On y retrouve parmi les situations décrites les mêmes données évoquées dans le programme « Boire moins c'est mieux » : Les moments où il est légitime de faire le point sur les facteurs de risque : ouverture du dossier, en première consultation, demande de certificat... Les situations cliniques où l'alcool peut jouer un rôle dans la symptomatologie : troubles digestifs, mal-être (dépression, anxiété, irritabilité),... Lorsque il y a nécessité d'une prescription médicamenteuse Les recommandations pour la recherche des consommations d'alcool et de tabac suggèrent un repérage systématique. Cependant, le programme « Boire moins c'est mieux » propose ces occasions au cours desquelles le médecin généraliste doit aborder la consommation d'alcool avec son patient, à défaut de le faire systématiquement. (41) En Nouvelle Zélande, les opportunités d'abord des questions d'alcool et autres substances psychoactives ont été étudiées par analyse vidéo de 171 consultations de médecine générale. Un tiers environ contenaient une opportunité possible d'aborder les questions des conduites addictives. Au total 25% des consultations analysées contenaient au moins une fois l'évocation d'une substance psychoactive par le médecin ou le patient. Les médecins généralistes n'avaient donc pas toujours profité de ces occasions pour aborder la question des conduites addictives avec leurs patients. (72). Les mêmes données sont retrouvées dans une étude qualitative réalisée aux Etats-Unis au sujet de la consommation d'alcool abordée spontanément par les patients et non explorée ou approfondie par le médecin généraliste (73). Finalement, les occasions de repérer les conduites addictives sont nombreuses et concernent tous les patients à un moment donné dans leur parcours de soins, ne serait-ce que lors de l'ouverture du dossier. Un dépistage opportuniste rigoureux reviendrait alors à un repérage systématique. 3.Le médecin généraliste et son rôle dans le repérage des conduites addictives D'après les patients de l'étude, tout médecin rencontré a une légitimité pour le repérage des conduites addictives. Il semble important que le recueil d'information concernant les consommations de substances ou les addictions comportementales ait lieu si la présence d'une conduite addictive peut avoir une incidence dans la problématique abordée avec le médecin consulté. En effet, la prise en charge de pathologies pouvant être liées directement à des pathologies addictives ou une prescription médicamenteuse pouvant interférer avec une consommation de toxiques sont des situations pouvant être rencontrées par tout médecin qu'il soit généraliste ou non. Le médecin généraliste a cependant une plus grande légitimité qu'un autre soignant dans le dépistage des addictions dans son rôle de médecin de famille. Il est le médecin de premier recours, celui consulté le plus souvent et qui, selon les patients, connaît le mieux ses consultants. Les patients que nous avons interrogés estiment qu'il est souvent plus facile d'aborder les questions des conduites addictives avec un médecin qu'ils connaissent. Les données de la littérature confortent le fait que le médecin généraliste a une place importante dans le repérage des conduites addictives (1) du fait de : son rôle de médecin de premier recours (21) son rôle de médecin de famille et sa proximité avec le patient (20) ses compétences en terme de prévention et éducation en santé la nécessité de tenue du dossier médical 3.1 Une grande confiance accordée aux médecins généralistes pour le repérage des conduites addictives Un sondage téléphonique interrogeant 1608 personnes en population générale en 2002 mettait en évidence un haut niveau de confiance accordé au généraliste pour les questions liées au tabac (90%), à l'alcool (88%) et aux drogues (85%). Le médecin généraliste était désigné comme le meilleur interlocuteur dans 21% des cas après les centre spécialisés et avant les spécialistes (14%) en ce qui concerne l'aide aux personnes en difficulté avec l'alcool. Une grande majorité considéraient « facile » d'aborder la problématique alcool avec leur médecin généraliste. Les sujets interrogés estimaient que leur médecin généraliste était bien informé sur les substances psychoactives (90% pour le tabac, 88% pour l'alcool, 74% pour les drogues). Cependant, il existe un contraste important entre ces opinions en population générale et l'effectivité du dépistage. Seuls 23% des répondants ayant consulté un médecin généraliste avaient eu une conversation sur l'usage d'un ou plusieurs produits avec leur médecin généraliste. (18) Les médecins généralistes ont exprimé dans plusieurs études qualitatives et quantitatives leur sentiment d'inefficacité à obtenir un changement de comportement de leur patient et la nécessité de formation en terme de prévention et de dépistage. Ils sous-estiment la confiance que leur accorde leurs patients (74,75). Les patients choisissent leur médecin traitant, pouvant en changer si toutefois ils en sont insatisfaits. Globalement, ils accordent une confiance importante dans les compétences de leur médecin généraliste et dans le respect de la confidentialité. (26,29) 3.2 Le médecin généraliste et la prévention Le rôle du médecin généraliste dans le repérage des conduites addictives est inhérent à son rôle de prévention. Il s'inscrit dans la Loi de Santé publique du 9 août 2004 dans une volonté d'organiser une activité de prévention plus systématisée par les médecins généralistes à travers la mise en place de consultations spécifiques de prévention. Cependant, le cadre organisationnel et le contenu de ces consultations reste flou. (76) Les médecins généralistes sont sollicités de toutes parts pour intervenir comme acteurs de la prévention. Ces sollicitations sont si nombreuses qu'on peut se demander si un médecin peut réaliser tout ce qui lui est recommandé en ce sens. Prenons quelques exemples de ce qu'on attend d'un médecin traitant en terme de prévention à différents âges de la vie de ses patients : Il doit vérifier l'état vaccinal de son patient, Dépister les facteurs de risque cardiovasculaires, S'assurer de la participation de ses patients aux dépistages de masse de cancer du sein et du colon, Prévoir le dépistage des cancers du col de l'utérus par la réalisation des frottis tous les 3 ans et un examen gynécologique tous les ans, S'assurer de son hygiène de vie (alimentation, activité physique), Dépister les cancers de la peau par un examen cutané complet, Organiser les dépistages nécessaires en cas de facteurs de risques individuels surajoutés, Repérer la crise suicidaire chez les patients potentiellement à risques Et chez les patients atteins de pathologies chroniques telles que le diabète, l'insuffisance cardiaque ou la bronchopneumopathie chronique obstructive, la liste d'éléments à prendre en compte s'allonge considérablement Le cahier des charges est tel qu'il suppose une organisation rigoureuse. On peut comprendre la nécessité de hiérarchiser les priorités en fonction du patient. Cependant, cette évaluation se fait au bon vouloir du médecin, et on sait que chaque médecin a une sensibilisation variable en fonction des pathologies. Il dépistera mieux celles qu'il connaît le mieux et avec lesquelles il se sent plus à l'aise. Afin d'aider les généralistes dans leurs démarches de prévention, plusieurs outils sont proposés et en cours d'évaluation. Il s'agit aussi bien d'outils papiers que du développement de logiciels informatiques tels que EsPeR (Estimation Personnalisée des Risques) ou encore PPP (Plan de Prévention Personnalisé) (77). 3.3 Le dossier médical en médecine générale Dans notre étude, certains patients soulignent la nécessité du recueil des pratiques addictives pour le remplissage du dossier médical par le médecin généraliste. Un audit clinique a montré que la consommation de tabac était très bien renseignée dans le dossier médical du patient, au même titre que les autres facteurs de risques cardiovasculaires. En revanche, la consommation déclarée d'alcool était moins bien renseignée. Après formation des médecins généralistes, le taux de remplissage de cet item s'était significativement amélioré (78). Ces données de recueil du tabagisme plus important que d'autres substances dans le dossier du patient sont retrouvées dans plusieurs études (79,80). L'importance du remplissage du dossier médical par le médecin généraliste a fait l'objet de plusieurs évaluations. Il a été rendu obligatoire en 1995 par le Code de Déontologie et a fait l'objet de recommandations pour la pratique clinique par l'ANAES en 1996. Les rappels automatiques intégrés au dossier patient et les fiches de suivi permettent d'améliorer la qualité des soins en terme d'activités préventives et de suivi de certaines maladies chroniques (81). Le recueil des antécédents du patient fait partie de la tenue du dossier médical, incluant notamment le statut tabagique du patient dont la recherche systématique est recommandée. (82). D'une façon générale, le développement constant de l'informatisation du dossier patient offre plus de facilités et multiplie les possibilités en terme de recueil d'informations (81). Les notions de consommations de toxiques devraient être intégrées dans le cahier des charges de tous les logiciels médicaux pour en faciliter le recueil systématique. Une recommandation datant de 2007 décrit les stratégies de soins pour les abus, dépendances et polyconsommations. L'objectif serait que les polyconsommations soient prises en compte au même titre que tout autre facteur de risque pouvant entraîner des dommages somatiques, psychiques ou sociaux. Les intervenants de première ligne devraient alors les rechercher systématiquement. Le médecin traitant est cité parmi les intervenants de première ligne avec le service de santé au travail, la médecine scolaire, la médecine préventive, les pharmacien et les soignants des services d'accueil et d'urgence. (83) Aux vues de ce que nous venons de décrire, le médecin généraliste a donc toute sa place dans le repérage des conduites addictives. 4. Le repérage plutôt bien vécu par les patients Les questions de consommation de toxiques ont été plutôt bien vécues quand elles ont été abordées. Globalement, les patients de notre étude n'étaient pas gênés, parfois même ils ne semblaient pas avoir été marqués puisqu'ils ne se souvenaient pas de la façon dont la question avait été abordée. Cependant, une nuance était retrouvée en ce qui concerne le repérage des consommations d'alcool et surtout de drogues pour lesquels une approche particulière est souvent attendue. Les difficultés ressenties par les patients interrogés étaient davantage liées à la manière d'aborder la question qu'au fait d'aborder les consommations de toxiques. Cela pouvait venir aussi des représentations que le patient se faisait de ses consommations qu'il jugeait excessives et pour lesquelles il avait des craintes quant au regard que pourrait porter son médecin généraliste. Dans tous les cas, les patients déclaraient répondre à la question posée puisqu'elle semblait légitime ou normale. Les patients interrogés au cours d'une étude qualitative en Irlande relataient de la même façon que l'abord de la question d'alcool ne leur posait pas de problème, et, ceux pouvant être gênés par la question reconnaissaient qu'elle était nécessaire. (84) Les médecins évoquent de leur côté des difficultés à aborder les questions d'alcool notamment par manque de formation, manque de temps mais aussi par crainte des réactions de leurs patients. Le sujet « alcool » est défini encore comme un sujet tabou par les médecins généralistes et est difficile à aborder. Ils craignent d'être intrusifs et doutent de l'accueil que pourraient leur réserver leurs patients (75,85–88). Aux vues des représentations et du vécu des patients, les inquiétudes exprimées par les médecins généralistes quant aux réactions possibles des patients ne semblent pas justifiées. 5. Modalités du repérage des conduites addictives Les modalités attendues par les patients de notre étude pour le repérage des conduites addictives diffèrent selon la conduite abordée. En ce qui concerne la recherche de la consommation de tabac, les patients attendent tous des questions simples et directes, du type : « fumez-vous ? » à laquelle ils pourraient répondre oui ou non. En cas de réponse positive, les quantités peuvent être précisées et des explications peuvent être données. Ceci se rapproche des recommandations pour les démarches de recherche et de prise en charge du tabagisme. Le tabac se distingue des autres substances dans le fait que la plupart des consommateurs réguliers sont dépendants et que la notion d'abus n'est pas retrouvée. Le repérage dit « précoce » en matière de tabagisme s'adresse donc plutôt aux jeunes consommateurs, occasionnels, et au mieux avant la première expérimentation. Repérer un fumeur doit s'accompagner au moins d'une évaluation succincte et d'un conseil minimal. Repérer un non fumeur doit s'accompagner d'informations appropriées des risques d'une consommation, d'autant plus s'il fait partie de la tranche d'âge des premières expérimentations. (38,89) De la même façon que pour le tabac, dans notre étude, le repérage d'une consommation d'alcool doit être abordé d'une façon plutôt directe. Cependant, la plupart des patients attendent que leur médecin les invite directement à quantifier leurs consommations d'alcool plutôt que de poser une question fermée à laquelle ils pourraient répondre par oui ou par non. Parmi les moyens de repérage des buveurs excessifs, la consommation déclarée d'alcool semble correspondre le plus aux attentes des patients. C'est un moyen de dépistage simple, rapide et efficace qui devrait avoir lieu de façon systématique par tout médecin généraliste. Celle-ci peut être complétée par un auto ou hétéro questionnaire conçu à cet effet afin d'affiner le type d'usage. Le questionnaire FACE semble être le plus adapté en médecine générale de par sa courte durée (cinq items) et sa facilité d'utilisation. (41) Pour les patients que nous avons interrogés, la manière la plus adaptée pour rechercher une consommation de drogues est plus partagée, entre besoins de simplicité, de banalité et de délicatesse. Une adaptation de la forme des questions en fonction du patient semble nécessaire. A la fois les questions trop détournées peuvent sous entendre que le médecin est gêné par la problématique et une façon trop directe peut donner l'impression d'être « fliqué ». De plus, le cannabis, drogue illicite la plus consommée, n'est pas toujours considéré comme une drogue. Il serait donc intéressant de le distinguer des autres substances illicites tout comme nous distinguons le tabac et l'alcool. Finalement, une question du type « vous arrive-t-il de consommer du cannabis et/ou d'autres drogues ? », puis faire préciser la/les substance(s), la fréquence et les quantités permettrait une bonne évaluation du type d'usage de drogues. Les patients de notre étude sont globalement peu exigeants sur la forme du repérage des conduites addictives. Les questions les plus simples sont les plus attendues, sauf en ce qui concerne les drogues. Certains évoquent la possibilité d'intégrer ces questions dans un questionnaire, au même titre que le recueil d'autres informations tels que les antécédents. Aucun patient n'a évoqué la possibilité d'un questionnaire spécifique pour une substance. L'utilité des questionnaires de repérage en pratique de routine se pose. Ils ont pourtant été adaptés et validés en médecine générale. On a pu voir que leur utilisation était encore difficile par les généralistes en France. (49) Cela suppose que le médecin ait le questionnaire à sa portée au moment où il en a besoin. L'anticipation de sa réalisation paraît nécessaire, ce qui en pratique nécessite une organisation spécifique voire une consultation spécifiquement dédiée. L'utilisation des questionnaires est toutefois en nette progression entre 2003 et 2009 pour les consommations de tabac (+ 27,7%) et d'alcool (+10,9%). Pour le cannabis, ces outils restent utilisés de façon très marginale (2%). 6. Particularités du médecin du travail Notre étude souligne la place particulière du médecin du travail dans le repérage des conduites addictives. Celui-ci faisait partie des soignants ayant souvent abordé la question du tabagisme et de l'alcool avec le généraliste. Cependant, sa place particulière au sein de l'entreprise semble limiter l'authenticité des réponses apportées par les patients en terme de consommation de toxiques. Il existe des recommandations spécifiques dédiées à la médecine du travail en matière de conduites addictives (90). Celles-ci concordent avec les recommandations en médecine générale avec cependant la spécificité de la réglementation en médecine du travail. Le médecin du travail a un rôle important en terme de prévention et de santé publique. Le repérage systématique et régulier de consommation de substances psychoactive pour tous les salariés est recommandé ainsi qu'une intervention brève en cas de besoin. Le repérage semble avoir été effectué chez les patients de notre étude. Cependant, leur description du déroulement d'une consultation de médecine du travail qui semble de très courte durée pouvait limiter la possibilité d'une intervention brève. Le cadre réglementaire des conditions de travail stipule que lorsque le médecin du travail constate dans une entreprise l'existence d'un risque au travail lié à des consommations de substances psychoactives mettant en danger la santé et la sécurité des salariés, il doit en informer l'employeur par écrit. Cette particularité peut expliquer les réticences des patients à être sincères en ce qui concerne la déclaration de leurs consommations de substances (alcool ou drogues). 7. Intérêt du repérage des conduites addictives Le repérage des conduites addictives semblait utile, ayant une importance et un intérêt pour la plupart des patients interrogés. Les notions de « normal » ; « logique » et même « naturel » qualifiaient les questions de consommations de toxiques. Les patients s'attendent donc à l'éventualité que leur médecin généraliste les interroge à ce propos. En revanche, l'objectif du repérage des conduites addictives semblait peu clair dans leurs esprits. La recherche d'une conduite addictive permettrait ainsi au médecin de mieux connaître son patient, d'évaluer la nécessité d'une prise en charge ou non. Nous ne retrouvions pas d'autres éléments plus précis en ce qui concerne l'intérêt du dépistage des conduites addictives. Ces limites dans la description de l'intérêt du repérage des conduites addictives peuvent s'expliquer par : Le manque d'informations en ce qui concerne l'importance des dommages liés aux consommations de substances psychoactives. La plupart des sujets interrogés ne se sentant pas concernés par la question des conduites addictives Les représentations générales concernant les addictions encore mal connues La toxicité des substances autres que le tabac sous évaluée L'intérêt des démarches de prévention globales encore mal intégré dans la population générale Le manque de confiance en la capacité au changement de comportement (19) Pourtant, les politiques de santé publique s'efforcent à diffuser des informations concernant les dommages des substances psychoactives depuis quelques années. On retrouve la diffusion des conséquences somatiques en ce qui concerne le tabac (exemple des imprimés sur les paquets de tabac), les sensibilisations à la sécurité routière (médiatisations pour l'alcool et le cannabis) et des spots publicitaires au sujet des drogues. (91) Le repérage des conduites addictives n'a d'intérêt que s'il est couplé à une intervention, allant du conseil minimal à une prise en charge plus complexe. Il a également un intérêt surtout s'il est précoce. Il cible donc : les adolescents afin de repérer les usages précoces, voire éviter les premières expérimentations mais aussi tout sujet quelque soit son âge. Les comportements addictifs ont une évolution dynamique au cours de la vie, sans âge de début défini, pouvant apparaître après des événements difficiles. Il est donc important de réitérer le repérage à plusieurs reprises au cours de la vie d'un individu. Le repérage précoce semble encore peu s'appliquer aux addictions comportementales, même si leurs descriptions et leurs prises en charges se développent considérablement depuis plusieurs années. La parution du DSM 5, dont les nouvelles définitions font déjà l'objet de débats, officialise la généralisation du terme « addiction » et l'intégration des addictions comportementales à travers la problématique du jeu (11). On pourrait s'attendre à ce que cette pathologie traverse les mêmes difficultés que les consommations de substances psychoactives en terme de promotion du dépistage et de prise en charge. 8. Perspectives Tout comme l'avaient déjà décrites les études précédentes au sujet du repérage des conduites addictives, il est indispensable de renforcer la formation des médecins généralistes. La formation en addictologie au cours des études médicales progresse, avec l'intégration de modules spécifiques sur les addictions. Elle n'est cependant pas uniforme sur le territoire et il existe encore des étudiants non sensibilisés. Les étudiants en médecine sont pourtant une cible évidente pour la sensibilisation au repérage des conduites addictives dans la pratique clinique au même titre que la recherche des autres facteurs de risques. L'activité d'addictologie s'accroît au fil des années avec le développement des diplômes spécifiques (DIU, Capacité, DESC) depuis ces dix dernières années. Il existe tout de même encore quelques rares CHU dépourvus de service d'addictologie à part entière. Les structures de soins spécialisées ont connu une croissance importante de leur activité qui s'est généralisée vers une prise en charge addictologique sans spécificité de substance ou de comportement. Il est difficile pour un médecin installé d'avoir une connaissance intégrale de toutes les structures de soins et réseaux existants des différentes spécialités. Il est important que ces structures se fassent connaître à l'échelle loco-régionale, auprès de l'ensemble des acteurs de soin du territoire. Les actions de communication et d'information à l'échelle locale devraient être renouvelées régulièrement. Enfin, le développement des réseaux favorise la prise en charge des patients addicts en médecine de ville. Les médecins généralistes doivent être formés au repérage mais aussi et surtout à la prise en charge des addictions. Il n'est pas seul, mais encore faut-il qu'il sache qui adresser, à quel moment et vers qu'elle structure. La possibilité de pouvoir prendre un avis téléphonique auprès d'un spécialiste rassure, ce système pourrait donc être développé et diffusé auprès des généralistes. La technique de l'intervention brève qui a fait ses preuves chez les buveurs excessifs mérite d'être diffusée davantage non seulement pour la problématique alcool mais aussi pour les autres conduites addictives. Les formations doivent également viser à déstigmatiser le patient addict. Les objectifs de soins ne sont pas les mêmes que pour une pathologie somatique isolée, ou aiguë. Il faut savoir que l'accompagnement de ces patients se fait sur une longue durée, qu'une rechute n'est pas un échec mais qu'elle fait partie intégrante du parcours du patient vers la stabilisation. Tout comme le diabétique qui au cours de sa vie connaîtra des décompensations puis de nouveau des stabilisations, ces périodes pouvant varier dans la durée. Enfin, le plan gouvernemental de lutte contre la drogue et les conduites addictives 20132017 est paru le 19 septembre 2013 dernier. Il vise entre autres à fonder les politiques de lutte contre les drogues et les conduites addictives sur la recherche et la formation. Prévenir, prendre en charge et réduire les risques sont le premier point de ce nouveau plan. Il intègre également les besoins d'intensifier la lutte contre les trafics, de mieux appliquer la loi et de renforcer la coordination des actions nationales et internationales. On voit bien là toute l'importance et la prise de conscience des pouvoirs publiques sur la nécessité de renforcer les actions contre les drogues et les addictions tant sur le plan légal que sur le plan sanitaire et social. (92) CONCLUSION Le repérage des conduites addictives intègre des outils simples pour sa réalisation pratique. Cependant, il est rendu complexe puisqu'il intègre toutes les dimensions bio-psychosociales de la pathologie addictive et qu'il est l'interaction entre le médecin, son patient et leurs propres attentes et représentations. Notre étude a permis de renforcer l'idée que les obstacles au dépistage des consommations de substances psychoactives proviennent du médecin plutôt que des patients. Les consultants en médecine générale attendent des questions simples, directes en ce qui concerne le tabac. Une forme de question plus détournée est parfois attendue en ce qui concerne l'alcool, les drogues et les addictions comportementales même si les patients répondront à la question posée par le généraliste, quelle qu'en soit la forme. Le repérage des conduites addictives a un intérêt certain pour les patients, mais celui -ci reste encore mal identifié par la population générale. Le dépistage est plutôt bien vécu dans l'ensemble. Quelques réticences ont été observées chez des patients addicts. Cette population mériterait d'être interrogée spécifiquement afin d'évaluer si leurs attentes sont plus spécifiques que celles de la population générale. L'intégration du repérage des conduites addictives au sein de l'activité de prévention dédiée au médecin généraliste limite sa faisabilité. Cette activité est vaste et hiérarchiser les actions de prévention est difficile même au sein d'une consultation de prévention spécifique. L'amélioration de l'outil informatique et le renforcement des formations pourraient permettre une meilleure appréciation des priorités en terme de prévention aux différents âges de la vie du patient. La formation initiale au cours des études médicales puis la formation continue sont en constante amélioration. La promotion à l'échelle locale du repérage précoce et de l'intervention brève semble indispensable et la participation des réseaux y a toute sa place. Enfin, le plan gouvernemental de lutte contre les drogues et les addictions 2013-2017 va permettre d'améliorer les pratiques telles qu'elles l'ont été depuis l’essor de l'addictologie ces dernières années. BIBLIOGRAPHIE 1. Reynaud M, Bailly D, Venisse J-L. Médecine et addictions : peut-on intervenir de façon précoce et efficace? Masson; 2005. 2. Fernandez L., Sztulman H. Approche du concept d’addiction en psychopathologie. Méd Psychol. 1997;155(4). 3. Le Poulichet S. Les Addictions. Paris: Presses universitaires de France; 2000. 4. Morel A, Fouilland P, Valleur M. L’aide-mémoire d’addictologie. Paris: Dunod; 2010. 5. Reynaud M, Parquet P-J, Lagrue G, Kouchner B. Les pratiques addictives: usage, usage nocif et dépendance aux substances psychoactives : rapport au directeur général de la santé. Paris: O. Jacob; 2000. 6. 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Sensation de perte de contrôle pendant le comportement E. Présence d'au moins un 5 des 9 critères suivants : 1 Préoccupation fréquente au sujet du comportement ou de sa préparation 2 Intensité et durée des épisodes plus importants que souhaitées à l'origine 3 Tentatives répétées pour réduire, contrôler ou abandonner le comportement 4 Temps important consacré à préparer les épisodes, à les entreprendre ou à s'en remettre 5 Survenue fréquente des épisodes lorsque le sujet doit accomplir des obligations professionnelles, scolaires ou universitaires, familiales ou sociales 6 Activité sociale, professionnelle ou récréatives majeures sacrifiées du fait du comportement 7 Perpétuation du comportement bien que le sujet sache qu'il cause ou aggrave un problème persistant ou récurrent d'ordre social, financier, psychologique ou physique 8 Tolérance marquée : besoin d'augmenter l'intensité ou la fréquence pour obtenir l'effet désiré, ou diminution de l »effet procuré par un comportement de même intensité 9 Agitation ou irritabilité en cas d'impossibilité de s'adonner au comportement F. Certains éléments du syndrome ont duré plus d'un mois ou se sont répétés pendant une période plus longue ANNEXE 2 Critères DSM-IV TR d'abus d'une substance : Réponse en oui-non . Une réponse positive (ou plus) à ces questions est évocatrice d'abus. Avez-vous été à plusieurs reprises ivre ou intoxiqué(e) par des drogues (nommer la substance ou la classe de substances sélectionnée) ou « défoncé(e) » alors que vous aviez des choses à faire au travail (à l'école) ou à la maison ? Cela a-t-il posé des problèmes ? Vous est-il arrivé d'être sous l'effet de l'alcool ou de drogues dans une situation où cela était physiquement risqué de conduire, utiliser une machine ou un instrument dangereux, faire du bateau ? Cela a-t-il posé des problèmes ? Avez-vous eu des problèmes légaux parce que vous aviez bu ou pris des drogues comme une interpellation ou une condamnation ? Avez-vous continué à boire ou à prendre des des drogues tout en sachant que cela entraînait des problèmes avec votre famille ou votre entourage ? Symptômes ne doivent avoir jamais atteint, pour cette classe de substance, les critères de la dépendance à une substance. ANNEXE 3 Critères DSM IV-TR de la dépendance Mode d'utilisation inapproprié d'une substance conduisant à une altération du fonctionnement ou d'une souffrance, cliniquement significative caractérisé par la présence de trois (ou plus) des manifestations suivantes à un moment quelconque d'une période continue de 12 mois : 1. Tolérance, définie par l'un des symptômes suivants : besoin de quantités notablement plus fortes de la substance pour obtenir une intoxication ou l'effet désiré ; effet notablement diminué en cas d'utilisation continue d'une même quantité de la substance 2. Sevrage : caractérisé par l'une ou l'autre des manifestations suivantes : syndrome de sevrage caractéristique de la substance ; le même substance (ou une substance très proche) est prise pour soulager ou éviter les symptômes de sevrage 3. La substance est souvent prise en quantité plus importante ou pendant une période plus prolongée que prévu 4. Il y a un désir persistant, ou des efforts infructueux, pour diminuer ou contrôler l'utilisation de la substance ; 5. Beaucoup de temps est passé à des activités nécessaires pour obtenir la substance, à utiliser le produit ou à récupérer de ses effets 6. Des activités sociales, professionnelles ou de loisirs importantes sont abandonnées ou réduites à cause de l'utilisation de la substance 7. L'utilisation de la substance est poursuivie bien que la personne sache avoir un problème psychologique ou physique persistant ou récurrent susceptible d'avoir été causé ou exacerbé par la substance. ANNEXE 4 ANNEXE 5 ANNEXE 6 ANNEXE 7 ANNEXE 8 ANNEXE 9 Check-list issue des recommandations du programme « Boire moins c'est mieux » pour l'Intervention Brève auprès des buveurs excessifs : Restitution du test de repérage : « votre score pour le test que nous venons de voir semble vous situer au niveau d'une consommation à risque. Êtes-vous d'accord pour que nous en parlions ? » Information sur les effets de l'alcool sur la santé : « Les études scientifiques montrent que la consommation d'alcool, au-delà de 2 verres (femmes) ou 3 verres (hommes) par jour en moyenne, a des effets négatifs sur la santé qui se traduisent par une réduction de l’espérance de vie, comme lorsqu’on a trop de tension ou un cholestérol élevé. » Le verre standard (s’aider d’un visuel, sur une affiche ou dans le livret) : « C’est le verre qu’on boit au bistrot: qu’on boive de la bière, du vin ou un spiritueux, c’est toujours la même quantité d’alcool. Il n’y a pas d’alcools moins dangereux que d’autres. » Recherche d’une motivation personnelle pour le changement : « À votre avis, quels bénéfices pourriez-vous tirer d’une réduction de votre consommation d’alcool? » Mise au point d’objectifs précis : « Je vous propose de vous conseiller pour que vous rameniez dans les semaines qui viennent votre consommation d’alcool en dessous du seuil de risque, c’est-à-dire de 2 (ou 3) verres par jour, dans le but de protéger votre santé et pour recevoir les bénéfices que vous venez d’évoquer. Qu’en pensez-vous? » Méthodes pour réduire sa consommation : Passer en revue les méthodes: réduire le nombre de jour avec alcool, ou le nombre de verres par occasion, ou limiter les “moments à risque”. S’appuyer sur le livret (livret INPES). Rechercher l’avis du (de la) patient(e). S’assurer de l’adhésion du patient à la démarche : « Nous venons de voir pourquoi, comment et à quel niveau vous pourriez réduire votre consommation d’alcool. Souhaitez-vous passer rapidement à l’essai? » Délivrer un livret d’aide au changement (ou d’information) : Ne pas pousser un(e) patient(e) réticent(e). L’encourager à s’informer, à en reparler quand il (elle) le souhaitera, lui donner un livret d’information. Féliciter un(e) patient(e) se déclarant prêt(e), et lui donner un livret pour se guider dans sa réduction. Proposer une deuxième consultation : Dans un mois ou dans un an, idéalement dans 6 à 8 semaines, pour lui manifester de l’intérêt, et pour qu’il (elle) ait une échéance pour mesurer l’évolution de sa consommation. ANNEXE 10 Grille d'Entretien Semi-Dirigé Modèle d'introduction des entretiens : Je fais un travail de thèse sur les perceptions que peuvent avoir les patients quand leur médecin généraliste leur parle de consommations de tabac, d'alcool, de drogue. Je vais donc vous poser quelques questions pour que vous puissiez me donner votre point de vu personnel de façon la plus précise possible. Je ne suis là en aucun cas pour émettre un jugement sur ce que vous pourrez me dire. Dans le seul but de retranscrire les informations avec précision, je vais enregistrer notre discussion avec le dictaphone. Cet enregistrement restera anonyme, et aucun nom/lieu ne sera retranscris. Êtes -vous prêt pour commencer? Questionnaire données quantitatives caractéristiques échantillon préalable : Age – Sexe – Profession – Lieu de recueil et en fin d'entretien : consommation (active ou ancienne) de tabac – alcool – cannabis – cocaïne – héroïne – autres addictions sans produit. Grille d'entretien : 1/ Perception par le patient de ce qu’est un dépistage des conduites addictives : Existe-t-il pour le patient un dépistage de ses consommations ? Quel est (ou pourrait être) son intérêt d’après lui ? Est-il utile de faire un tel dépistage ? Quelle forme doit il prendre ? Doit-il être initié par le MG, un autre médecin ou un autre personnel de soin ? Ou au contraire le médecin doit-il attendre que le patient aborde lui-même la question ? Tabac-alcool-cannabis-cocaïne-héroïne-médicaments et autres produits : quelles différences le patient fait-il concernant le dépistage d’un éventuel usage? Même importance; gravité /Mêmes conséquences ; complications ? Place du repérage précoce 2/ Relation avec le médecin généraliste : Confiance envers le médecin ? Est-ce que le patient considère que la question des consommations de produits et de l’addiction concerne ou implique le médecin généraliste ? La perception des compétences du MG par le patient dans le domaine des addictions, influence-t-il le choix de se confier ou non à ce dernier pour une problématique addictive ? La manière d’aborder les consommations de tabac-alcool-drogues en consultation est il le même selon les produits consommés et s’il existe ou non une problématique addictive ? 3/ Perception de ses propres conduites addictives : Le patient se sent-il concerné par la question des conduites addictives ? Quelle serait la réaction du patient si le médecin traitant lui demandait s'il consomme du tabac alcool-drogues ou s’il a un problème addictif avec l’un ou l’autre produit ? Pense-t-il que le fait d’en parler à son médecin amorcera un quelconque changement, ou une prise en charge thérapeutique ? Exemples concrets de questions, à adapter selon le discours et la situation du patient. Avez vous déjà abordé la question de consommations de tabac, d'alcool ou de drogues avec un (votre ) médecin généraliste ? A > Si Réponse oui : 1.Racontez moi comment cela s'est-il passé en pratique la première fois ? > Relances : Était-ce de votre initiative ? La sienne ? Dans quel contexte ? > Relances : Avez vous pu y répondre ? 2.-Si non, pourquoi ? Auriez vous souhaité/Souhaiteriez vous que votre médecin aborde de nouveau la question et comment ? -Si oui, comment y avez vous répondu ? (Avez vous déclaré des consommations réelles?) 3.Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées personnellement ? B > Si Réponse non : 1.Quelles sont les raisons pour lesquelles cela n'a pas eu lieu ? 2.Expliquez moi comment vous pourriez réagir si votre médecin vous demandait si vous fumez, si vous buvez ou si vous consommez de la drogue ? > Relance : Quelles pourraient être les difficultés pour vous ? 3.Expliquez moi dans quelle(s) circonstance(s) vous souhaiteriez qu'on vous pose ces questions sur le tabac, l'alcool, la drogue ? Quelle serait l'attitude à avoir selon vous pour aborder la question de consommation selon que l'on veuille parler de tabac, d'alcool ou de drogue ? En quoi l'approche devrait-elle être différente ? En quoi le fait que votre médecin vous demande si vous avez déjà consommé de la drogue pourrait vous gêner ? Quelles différences feriez vous si c'était un autre intervenant que votre médecin généraliste qui abordait ces questions avec vous ? Pour quelles raisons trouvez-vous que votre médecin généraliste est meilleur ou moins bon intervenant qu'un autre pour aborder avec vous ces questions ? Finalement, quelles seraient vos besoins, en tant que patient pour pouvoir aborder ces questions d'une manière idéale ? Si nécessaire, décliner la question 1 pour tabac – alcool – drogues (cannabis, héroïne, cocaïne, etc... selon le patient) – addictions comportementales. SERMENT MEDICAL « Au moment d’être admise à exercer la médecine, je promets et je jure d’être fidèle aux lois de l’honneur et de la probité. Mon premier souci sera de rétablir, de préserver ou de promouvoir la santé dans tous ses éléments, physiques et mentaux, individuels et sociaux. Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans aucune discrimination selon leur état ou leurs convictions. J’interviendrai pour les protéger si elles sont affaiblies, vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou leur dignité. Même sous la contrainte, je ne ferai pas usage de mes connaissances contre les lois de l’humanité. J’informerai les patients des décisions envisagées, de leurs raisons et de leurs conséquences. Je ne tromperai jamais leur confiance et n’exploiterai pas le pouvoir hérité des circonstances pour forcer les consciences. Je donnerai mes soins à l’indigent et à quiconque me les demandera. Je ne me laisserai pas influencer par la soif du gain ou la recherche de la gloire. Admise dans l’intimité des personnes, je tairai les secrets qui me seront confiés. Reçu à l’intérieur des maisons, je respecterai les secrets des foyers et ma conduite ne servira pas à corrompre les mœurs. Je ferai tout pour soulager les souffrances. Je ne prolongerai pas abusivement les agonies. Je ne provoquerai jamais la mort délibérément. Je préserverai l’indépendance nécessaire à l’accomplissement de ma mission. Je n’entreprendrai rien qui dépasse mes compétences. Je les entretiendrai et les perfectionnerai pour assurer au mieux les services qui me seront demandés. J’apporterai mon aide à mes confrères ainsi qu’à leurs familles dans l’adversité. Que les hommes et mes confrères m’accordent leur estime si je suis fidèle à mes promesses ; que je sois déshonorée et méprisée si j’y manque. » NOM : COLLIGNON PRENOM : MATHILDE Titre de Thèse Le repérage des conduites addictives en médecine générale : ce qu'en pensent les patients RESUMÉ Le repérage précoce en addictologie a fait l'objet de recommandations et d'élaboration d'outils adaptés. Il est la première étape nécessaire dans la prise en charge des conduites addictives avant le stade de dépendance. Le médecin généraliste, en première ligne, exprime pourtant de nombreux freins dans sa réalisation. L'objectif de ce travail est de recueillir le vécu et les attentes des patients afin de déterminer si les craintes des médecins en matière de repérage des conduites addictives sont justifiées. Nous avons réalisé une étude qualitative par entretiens semi-dirigés de dix patients adultes suivis en médecine générale. Les patients interrogés ont bénéficié d'un repérage de consommation de tabac alors qu'il était moins systématique pour les autres conduites addictives. Un contexte spécifique pour aborder ces questions est attendu. Le médecin généraliste a toute sa place dans le repérage, ces questions n'étant globalement pas gênantes. Cependant, il existe une réticence pour certains quant à l'exploration des conduites autres que le tabagisme, une forme plus adaptée étant attendue. Quelle qu'en soit la forme, les patients répondront aux questions posées par leur médecin en matière d'addiction. Les obstacles au repérage des conduites addictives proviennent du médecin plutôt que des patients, faisant appel à ses représentations et à toutes les difficultés inhérentes à son activité de prévention. MOTS-CLÉS Conduites addictives – Repérage – Médecin généraliste - Prévention