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Polycopié du Collège national universitaire de
psychiatrie
Auteurs :
Professeur Ch. AUSSILLOUX - Président
Professeur M. FERRERI - Vice-Président
Professeur J. TIGNOL - Vice-Président
Professeur M.C. HARDY-BAYLE - Secrétaire Générale
Professeur L. SCHMITT - Trésorier
Secrétariat des questions de psychiatrie assuré par les Professeurs Florence THIBAUT et
Michel LEJOYEUX.
L'ensemble des universitaires de psychiatrie, regroupés au sein du C.N.U.P., a
entrepris la rédaction des questions relevant de sa discipline et figurant au
programme de l'Examen Classant National (B.O. n°31 du 30 août 2001)
Chacune des questions a été rédigée par un ou plusieurs universitaires de
psychiatrie. Elles ont été relues et validées par le Collège des Psychiatres.
Ces questions n'ont cependant pas de valeur opposable pour les examens et les
concours. Les grilles rédigées à l'occasion des examens et concours le sont à
l'initiative et sous la responsabilité des membres des jurys concernés. Elles ne
reprendront pas nécessairement l'ensemble des points figurant dans les questions
figurant ci-joint.
Ces documents seront, de plus, commentés et actualisés par chacun des
responsables d'enseignement de la psychiatrie de votre Faculté.
Nous vous en souhaitons une bonne lecture.
PREMIERE PARTIE : MODULES TRANSDISCIPLINAIRES
Module 1 : Apprentissage de l'exercice médical
Objectif 1 : La relation médecin-malade. L'annonce d'une maladie grave
Objectif 9 : Hospitalisation à la demande d'un tiers et hospitalisation d'office
Objectif 13 : Organisation des systèmes de soins. Filières et réseaux
Module 2 : De la conception à la naissance
Objectif 19 : Troubles psychiques de la grossesse et du post-partum
Module 3 : Maturation et vulnérabilité
Objectif 40 : Sexualité normale et ses troubles
Objectif 41 : Troubles anxieux et troubles de l'adaptation
Objectif 42 : Troubles du comportement alimentaire de l'adulte
Objectif 43 : Troubles du sommeil de l'adulte
Objectif 44 : Risque suicidaire de l'adulte : identification et prise en charge
Objectif 45 : Addictions et conduites dopantes : épidémiologie, prévention, dépistage.
Morbidité, comorbidité et complications. Prise en charge, traitement substitutif et sevrage :
alcool, tabac, psychoactifs et substances illicites
Objectif 46 : Précarité
Objectif 47 : Bases psychopathologiques de la psychologie médicale
Objectif 48 : Les grands courants de la pensée psychiatrique
Module 4 : Handicap - Incapacité - Dépendance
Objectif 52 : Le handicap mental. Tutelle, curatelle, sauvegarde de justice
Module 5 : Vieillissement
Objectif 63 : Confusion, dépression, démences chez le sujet âgé
(seule la question dépression est traitée en psychiatrie)
Module 6 : Douleurs, soins palliatifs, accompagnement
Objectif 70 : Deuil normal et pathologique
Module 10 : Cancérologie - Oncohématologie
Objectif 142 : Prise en charge et accompagnement d'un malade cancéreux à tous les stades
de sa maladie. Problèmes psychologiques.
Module 11 : Synthèse clinique et thérapeutique. De la plainte du patient à la décision
thérapeutique. Urgences
Objectif 168 : Effet placebo
Objectif 177 : Prescription et surveillance des psychotropes
Objectif 183 : Accueil d'un sujet victime de violences sexuelles
Objectif 184 : Agitation et délires aigus
Objectif 189 : Conduites suicidaires chez l'adulte (voir module 3, Objectif 44)
Objectif 191 : Crise d'angoisse aiguë et attaque de panique
DEUXIEME PARTIE : MALADIE ET GRANDS SYNDROMES
Objectif 266 : Névrose
Objectif 278 : Psychoses et délires chroniques
[1. La schizophrénie - 2. Les délires chroniques non schizophréniques]
Objectif 285 : Troubles de l'humeur
Objectif 286 : Troubles de la personnalité
Objectif 289 : Trouble psychosomatique
PREMIÈRE PARTIE : MODULES TRANSDISCIPLINAIRES
Module 1 – Apprentissage de l’exercice médical
Question 1
La relation médecin-malade. L’annonce d’une maladie grave
Rédaction : M. ESCANDE
LA RELATION MÉDECIN-MALADE
La relation thérapeutique médecin-malade est déterminée par de nombreux
facteurs, individuels et socio-culturels. De même que le malade réagit à sa
maladie en fonction de sa personnalité propre, le médecin réagit face à son
malade par un certain nombre d’attitudes conscientes et inconscientes qui
dépendent de sa personnalité et de son histoire, et qui sont susceptibles
d’infléchir le cours de la relation thérapeutique.
1. Les particularités psychiques et psychosociales du médecin
. Le choix individuel de la profession
Il s’explicite par des motivations conscientes sous-tendues par des mobiles plus
inconscients.
Ainsi les désirs de voir, comprendre, savoir, toucher, pouvoir sont sous tendus
par le couple pulsionnel voyeur-exhibitionniste plus inconscient. Les désirs
conscients de soulager, se rendre utile, réparer, gagner de l’argent sont sous
tendus par l’attrait de la réparation des tendances agressives et sadiques.
. Les attentes de la société
Elles peuvent influer sur le choix de la profession. Elles concernent : le savoir
technique, l’altruisme, l’universalité du pouvoir, le désintéressement, la neutralité
affective, morale, juridique voire politique et religieuse. Ces attentes réelles ou
imaginaires peuvent confronter le médecin à des conflits internes.
2. Les caractéristiques générales de la relation médecin-malade
. Les données classiques
Avec ses symptômes, un malade demande certainement au médecin-technicien de
le guérir de sa maladie, mais il demande aussi d’autres choses. L’Homme malade
demande soutien, réassurance, sécurité et affection ; il demande donc à son
médecin une véritable relation affective et une disponibilité, compatibles avec
l’exigence de neutralité qui incombe au médecin.
1
Le médecin réagit devant son malade non seulement comme un technicien averti
des maladies, mais aussi comme personne ayant une histoire propre, plus ou
moins sensible à la souffrance de l’autre.
Ainsi la relation médecin-patient a les caractéristiques suivantes :
- c’est une relation fondamentalement fondée sur l’inégalité et l’asymétrie,
puisque la demande du patient le rend passif et dépendant et puisque sa
souffrance le mobilise et le diminue.
- c’est une relation d’attente et d’espérance mutuelle : le malade attend la
guérison ou au moins le soulagement, le soignant la reconnaissance de son pouvoir
réparateur
- c’est une relation où le lieu d’échange est avant tout le corps mais où la parole a
sa place
- c’est une relation de confiance non égalitaire, impliquant la distance et l’aseptie.
. L’apport du modèle psychanalytique
La théorie psychanalytique a défini le concept de transfert. Il s’agit des
réactions affectives conscientes et inconscientes qu’éprouve le patient à l’égard
de son médecin.
En effet, dans le cadre de la relation médecin-malade des désirs inconscients
sont actualisés et un certain nombre de désirs insatisfaits du patient vont se
projeter sur la personne du médecin en ce qu’il représente – inconsciemment – un
autre personnage. Le malade peut ainsi répéter des situations conflictuelles qu’il
a vécu dans son passé.
La théorie psychanalytique a aussi défini le concept de contre-transfert alors
que le malade est sujet au transfert, le contre-transfert se définit comme les
réactions affectives conscientes et inconscientes qu’éprouve le médecin vis à vis
de son patient. Ce contre-transfert et très directement lié à la personnalité et à
l’histoire personnelle du médecin.
Le plus souvent, le contre-transfert est positif, permettant une relation
médecin-malade de qualité caractérisée par l’empathie du médecin et une action
thérapeutique efficace. Une relation médecin-malade de qualité fait référence
au fait que le médecin s’identifie au patient et comprend sa situation tout en
étant capable de garder une certaine distance vis à vis de lui, distance requise
par l’objectivité nécessaire à la prise de décisions thérapeutiques.
Un contre-transfert excessivement positif risque de conduire à une
identification massive au malade et/ou à une perte d’objectivité dans les soins.
Ailleurs, un contre transfert négatif induisant l’agressivité et des frustrations
excessives du malade peut être à l’origine d’échecs de la relation thérapeutique.
Il en est de même pour une absence de contre-transfert qui peut conduire à une
froideur excessive.
2
. L’apport des travaux de M. Balint
M. Balint, psychanalyste hongrois, a développé une modalité originale d’approche
de la relation médecin-malade.
Ces travaux sont issus de quelques constatations : 1. il existe un certain nombre
d’insuffisances de la médecine traditionnelle, qui étudie plus les maladies que les
malades. 2. Un tiers de l’activité professionnelle d’un médecin généraliste ne
relève que d’une action psychothérapeutique et 3. que la relation médecin-malade
s’organise entre 2 pôles extrêmes de domination et de soumission auxquels
correspondent le pouvoir du médecin et la fragilité du malade.
Pour Balint, le médecin est un remède en soi, même si son action est médiatisée
par un médicament. Ainsi, une meilleure maîtrise de la relation inter-individuelle
doit permettre au médecin d’établir avec son patient un échange affectif qui
aura des vertus curatives. C’est l’objectif des « Groupes Balint » consacrés à
l’approche en groupe des diverses problématiques relationnelles médecin-malade.
. Les données récentes
La relation médecin-patient est actuellement en pleine mutation.
Mettant en avant les droits de l’individu, notre société souhaite faire évoluer la
relation médecin-patient d’un modèle « paternaliste » vers un modèle d’
« autonomie ». Cette évolution se traduit notamment dans les nouvelles
obligations liées à l’information et au consentement éclairé du patient concernant
les soins ainsi qu'à la communication du dossier médical au patient.
Ainsi, le médecin risque d’avoir une marge de manœuvre relativement faible
entre ses obligations éthiques et déontologiques anciennes d’une part et ces
nouvelles modalités de fonctionnement d’autre part.
D’une façon un peu schématique, la situation pourrait être ainsi résumée : le
médecin devra trouver un juste milieu entre deux pôles extrêmes.
Le premier pôle est une relation dite « paternaliste » trop inégalitaire, trop peu
concertée, respectant insuffisamment l’individu qui est peu informé des
traitements.
Le second rôle correspond à une relation dite d’ « autonomie ». Dans cette
relation, le médecin, désinvestissant son rôle et son statut de médecin, se
déresponsabiliserait de toute décision pour le patient : le patient, censé être
capable de prendre les meilleures décisions pour lui-même (dans les domaines
aussi difficiles que sa maladie ou sa mort par exemple), serait quant à lui renvoyé
à des décisions imprenables, car le mettant dans une position ingérable en
termes psychologiques et risquant de conduire au fait qu’il ne bénéficie pas des
meilleurs traitements pour lui-même.
En pratique, et pour respecter le patient sans se dédouaner de son rôle, le
médecin se devra d’expliquer sa maladie au patient en adaptant son langage à
celui du patient. La communication du dossier médical devra se faire, autant que
possible, dans le respect de ces grands principes.
3
3. Quelques situations pratiques
Quelques exemples particulièrement fréquents sont illustrés dans ce paragraphe
. Attitudes face à l’angoisse
L’attitude la plus adaptée est le plus souvent une attitude souple d’écoute
bienveillante, centrée sur les préoccupations du malade, associée une attitude
de ré-assurance et d’explication des symptômes.
Certains médecins, au tempérament « actif » et « volontaire » préfèreront des
attitudes plus directives, qui entretiennent l’image mythique du « médecinSauveur ». Elles sont sous-tendues par une tentative d’identification directe du
malade au médecin : « Soyez fort comme moi ». Ce type d’attitude donne des
résultats inconstants, parfois négatifs.
. Attitudes face à l’agressivité :
Les réactions agressives du médecin face à l’agressivité du patient sont
fréquentes car certains médecins tolèrent mal les revendications agressives de
leurs patients. Ces réactions agressives sont à éviter car elles entraînent
souvent une escalade dans l’agressivité et une rupture de la relation
thérapeutique.
L’attitude la plus adaptée consiste, dans la mesure du possible à reconnaître et
nommer l’émotion du patient, ne pas refuser le principe du dialogue mais sans
chercher à discuter rationnellement.
. Attitudes face à l’hypocondrie
L’hypochondriaque confrontera le médecin à l’impuissance thérapeutique. Si le
médecin l’accepte, il évitera toute surenchère de médicalisation qui pérenniserait
les troubles voire les aggraverait.
. Attitudes face à la séduction histrionique
Ces patients, suggestibles, influençables, dépendants se moulent au corps
médical avec une plasticité étonnante. Guérir pourrait alors signifier pou eux une
rupture de ce lien affectif. Ce phénomène favorise l’engrenage des
hospitalisations abusives, de la iatrogénie, des bénéfices secondaires. Le
médecin doit avoir pour objectif de prévenir cet engrenage.
4
Pour en savoir plus :
-
BALINT M. " Le Médecin, son malade et la maladie " Trad. J.P. Valabrega,
Petite collection Payot, Paris, 7ème éd. 1996
GUYOTAT J (éd) et collaborateurs. Psychothérapies Médicales, collection
Médecine et Psychothérapie, Masson, Paris, 1978.
Ph. JEAMMET et collaborateurs. Psychologie médicale, collection Abrégés
Masson, Paris, 2ème éd. 1996
-
5
PREMIERE PARTIE : MODULES TRANSDISCIPLINAIRES
Module 1 : Apprentissage de l'exercice médical
Question 9 - HOSPITALISATION A LA DEMANDE D'UN TIERS ET HOSPITALISATION
D'OFFICE
Rédaction commune : JP Lépine, S Arbabzadeh-Bouchez, N. Lafay, JL
Senon
Objectifs :
· Argumenter les indications, les modalités d'application et les
conséquences de ces procédures.
Les modalités d’hospitalisation en milieu psychiatrique sont
régies par la Loi du 27 Juin 1990. Il est important de retenir que
cette loi est relative aux droits et à la protection des personnes
hospitalisées en raison de troubles mentaux et a pour objectif de
protéger les libertés individuelles.
Cette loi précise donc les droits généraux des malades mentaux
quel que soit le mode d’hospitalisation (hospitalisation libre,
hospitalisation à la demande d’un tiers et hospitalisation
d’office)
instaurant
un
meilleur
contrôle
des
conditions
d’admission de ces patients en milieu spécialisé psychiatrique.
Qu’il s’agisse d’une hospitalisation libre ou sous contrainte, les
droits du patients demeurent intacts en ce qui concerne
l’information sur la situation juridique et les droits, la
communication avec les autorités, l’émission et la réception de
courrier, consultation du règlement intérieur de l’établissement…
Modes d’hospitalisation :
1.Hospitalisation libre :
L’hospitalisation libre est le régime habituel d’hospitalisation
dans les hôpitaux généraux publics. L’état de santé du patient
justifie des soins en hospitalisation. Le malade est consentant
aux soins, il signe lui même son admission à l’entrée à l'hôpital
et donne l’autorisation éclairée de soins. Le consentement du
malade est recevable car l’altération éventuelle de ses capacités
mentales ne n’altère pas son libre arbitre. Il peut comprendre les
soins proposés et l’information donnée sur sa maladie. Le médecin
généraliste
rédige
éventuellement
un
certificat
médical
préconisant l’hospitalisation et présentant la pathologie du
patient : c’est là une pratique confraternelle souhaitable mais
qui n’est pas obligatoire pour une hospitalisation libre.
Si le médecin estime que le malade court un risque, il demande au
malade de signer une décharge avec une sortie contre avis médical
; si le malade refuse de signer sa sortie, ce refus est constaté
par deux témoins qui peuvent appartenir au personnel soignant.
1
Toute personne hospitalisée, même en HL dispose des mêmes droits
que ceux prévus par la loi du 27 juin 1990 et repris par l’article
3211-3 du Code de la santé publique.
2.Hospitalisation à la demande d’un tiers (HDT)
L’hospitalisation à la demande d’un tiers (HDT) s’applique quand
le malade n’est pas consentant aux soins ou n’a pas les capacités
pour consentir à ceux-ci. L’HDT est justifiée quand les troubles
mentaux du patient rendent son consentement impossible et quand
son état rend indispensables des soins immédiats avec surveillance
en milieu hospitalier. Dans ce cas, un tiers signe la demande
manuscrite d’admission. Le tiers peut être un membre de la
famille, un proche ou personne agissant dans son intérêt (à
l’exclusion
des
personnels
soignants
ou
de
direction
de
l’établissement hospitalier). Par contre l’assistante sociale peut
être acceptée comme tiers. Dans le cas d’un mineur la procédure
d’HDT n’a pas de support légal : il appartient au titulaire de
l’autorité
parentale
de
prendre
la
responsabilité
de
l’hospitalisation.
2.1. Quels sont les certificats nécessaires pour hospitaliser un
patient en HDT ?
Une hospitalisation à la demande d’un tiers impose la rédaction de
plusieurs pièces administratives :
- Demande émanant d’un tiers : il s’agit d’une demande
manuscrite et signée d’une tierce personne, membre de la
famille du patient ou personne agissant dans l’intérêt de
celui-ci. Cette demande doit comprendre nom, prénom, âge,
profession et domicile de la tierce personne demandant
l’hospitalisation sous contrainte du patient ainsi que la
nature de ces relations avec ce dernier.
- Deux certificats médicaux : datant de moins de 15 jours,
rédigés
par
des
médecins
thésés,
non
obligatoirement
psychiatres et inscrits au Conseil de l’Ordre des médecins.
Le premier certificat est rédigé par un médecin n’exerçant
pas dans l’établissement hospitalier où le patient sera admis
en HDT. Ce médecin ne peut être parent ou allié au 4ième degré
avec
le
patient,
la
tierce
personne
demandant
l’hospitalisation, le directeur de l’établissement d’accueil
ou le deuxième médecin certificateur.Il décrit dans ce
certificat les particularités de la maladie et la nécessité
de traiter et de maintenir hospitalisé le patient.
Exemple :
Je soussigné, Docteur X, (Nom, Prénom), exerçant en tant que
…à ….., certifie avoir examiné ce jour Mr/Mme Y. (âge,
profession,
adresse)
et
avoir
constaté
les
éléments
suivants :
…(décrire les comportements et l’état mental du patient, les
faits graves rapportés par l’entourage en précisant toujours
qui les a exprimés, sans donner de diagnostic).
Les troubles mentaux de Mr (Mme) Y. rendent impossible son
consentement , son état impose des soins immédiats assortis
2
d’une surveillance constante en milieu hospitalier habilité
en application de l’article L. 3212-1 du Code de Santé
Publique.
Fait à …., le….
Signature.
NB :Le médecin a la possibilité de rajouter la phrase
suivante à la fin de son certificat :
« Je certifie par ailleurs n’être ni parent ni allié au 4ième
degré inclusivement avec la personne hospitalisée et le tiers
demandant l’hospitalisation ».
Le second certificat médical doit être rédigé par un médecin
thésé, inscrit au Conseil de l’Ordre des Médecins mais non
obligatoirement psychiatre et qui peut être attaché à
l’établissement qui accueille le patient. Il est à noter que
les 2 médecins ne peuvent être parents ou alliés, au 4ième
degré
inclus,
ni
entre
eux,
ni
des
directeurs
de
l’établissement, ni du tiers demandeur, ni de la personne
hospitalisée.
A titre exceptionnel et uniquement en cas de péril imminent
pour la santé du patient, le directeur de l’établissement qui
reçoit le patient peut prononcer son admission au vu d’un
seul certificat (Art. L. 3212-3).
Les deux certificats constatent l’état mental du patient
(sans
nécessairement
donner
le
diagnostic),
précisent
l’évolution de sa maladie en attestant que le consentement
est impossible, qu’il y a nécessité de soins immédiats et
d’une prise en charge en milieu hospitalier.
2.2. Quels sont les certificats nécessaires pour maintenir
l’hospitalisation à la demande d’un tiers ?
Chaque patient hospitalisé à la demande d’un tiers devra
faire très régulièrement l’objet d’un certificat médical
circonstancié
justifiant
son
maintien
sous
ce
mode
d’hospitalisation :
- Le certificat immédiat , dit « des 24 heures », rédigé par
un médecin différent des 2 premiers,
- Le certificat de quinzaine, rédigé dès le 12ième jour après
l’admission sous ce mode (
- Les certificats mensuels, rédigés de mois en mois après la
quinzaine.
2.3. Quelles sont les modalités de levée d’une hospitalisation à
la demande d’un tiers ?
Une fois le patient hospitalisé, la levée de l’HDT peut être
obtenue de diverses façons :
- soit par un membre de la famille (conjoint, ascendants,
descendants majeurs) ou par la personne qui a signé la demande
d’admission à moins qu’un parent jusqu’au 6ième degré inclus
s’oppose à cette décision sans consultation du conseil de
famille,
3
-
soit après un certificat médical émanant d’un psychiatre
exerçant dans l’établissement,
soit automatiquement par non production des certificats de
quinzaine ou des certificats mensuels,
soit par décision judiciaire prononcée par le président de
grande instance qui peut être saisi par le procureur de la
République, le patient et toute personne lui portant intérêt.
3. Hospitalisation d’office (HO)
L’hospitalisation d’office (HO) : concerne les malades mentaux
compromettant l’ordre public et la sécurité des personnes. Il
s’agit alors d’une mesure administrative prise par le préfet du
département (préfet de police à Paris). Deux procédures sont
possibles :
ü dans la procédure courante le médecin rédige un certificat
médical circonstancié et le préfet prononce, au vu de celuici, l’hospitalisation d’office. Un médecin de l’établissement
ne peut pas être certificateur. (cf certificat HO)
ü dans la procédure d’urgence, en cas de danger imminent, pour
la sûreté des personnes, le médecin atteste de la dangerosité
du patient et le maire peut alors prendre des mesures
d’urgence.
La loi du 4 mars 2002 subordonne l’hospitalisation d’office à
trois conditions : l’existence d’un trouble mental, la nécessité
de soins de ce trouble, et une atteinte grave à l'ordre public.
Le maire de la commune et les commissaires de polices des grandes
métropoles signent un arrêté provisoire sur lequel le préfet
statue sous 24 heures. Faute de confirmation préfectorale,
l’arrêté provisoire du maire ou du commissaire de police est
caduque au bout de 48 heures.
Un certificat immédiat est établi dans les 24 heures par le
psychiatre
de
l’établissement
hospitalier,
constatant
la
pathologie
et
justifiant
l’hospitalisation ;
un
certificat
confirme la nécessité du placement tous les 15 jours.
La sortie est prononcée après arrêté préfectoral abrogeant l’HO.
Une forme particulière d’HO est celle qui découle d’un non lieu
judiciaire après application de l’article 122-1 du Code pénal qui
établit l’irresponsabilité pénale. Dans ce cas la sortie ne peut
être
prononcée
par
le
préfet
qu’après
deux
expertises
indépendantes et convergentes.
-
la
procédure
courante
(Art.
L.
3213.1)
nécessite
un
certificat médical circonstancié par un psychiatre n’exerçant
pas dans l’établissement accueillant le patient. Au vu de ce
certificat, le préfet de police à Paris et les préfets dans
les départements prononcent par arrêté cette hospitalisation.
-
Toutefois, dans le cas d’un danger imminent pour la sûreté
des personnes, (Art. L. 3213.2), l’hospitalisation d’office
peut être décidée par les commissaires de police à Paris ou
les maires dans les autres départements au vu d’un avis
médical (et non pas un certificat). Dans ce cas, le préfet en
4
est informé dans les 24 heures et statue sans délai. Faute de
décision préfectorale, ces mesures provisoires sont caduques
au bout de 48 heures.
3.1. Quels sont les certificats nécessaires pour maintenir
l’hospitalisation d’office ?
Tout comme pour l’HDT, la production de certificats après examen
du patient hospitalisé en HO est obligatoire.
- Un certificat immédiat doit être établi dans les 24 heures
par un psychiatre de l’établissement,
- Un certificat dans la quinzaine puis les certificats
mensuels, ces derniers devant être rédigés 1 mois après
l’admission dans l’établissement.
3.2. Quelles sont les modalités de levée d’une hospitalisation
d’office ?
Une hospitalisation d’office peut être levée de différentes
manières, par décision préfectorale:
- soit par la production d’un certificat de demande de levée
d’HO rédigé par un psychiatre et transmis dans les 24 heures
au préfet qui doit statuer sans délai,
- soit par décision judiciaire, comme dans le cas d’une levée
d’HDT où le président de grande instance peut être saisi par
le procureur de la République, le patient ou toute personne
lui portant intérêt,
- ou bien après expertise de 2 psychiatres n’appartenant pas à
l’établissement et choisis par le représentant de l’état,
établissant que le patient n’est ni dangereux pour lui-même
ni pour autrui.
5
ANNEXES
HL
Demandeur
HDT
HDT Péril
Imminent
(L. 3212-3)
Le malade lui- Un tiers
Un tiers
même
Signature du
Signature du
Signature de
formulaire par formulaire par
la demande de le tiers
le tiers
soins
HO
Consentement
du malade
Libre choix de
l’établissemen
t et du
praticien
Certificat
médical
Présent
Absent
Absent
Arrêté
provisoire du
maire ou du
commissaire
Arrêté
préfectoral
Absent
Total
Total
Total
non
Simple
certificat
2 certificats
médicaux
Un certificat
médical
Permissions
Autorisées par
le directeur
après avis du
médecin
Un seul
certificat
médical
confirmant le
péril imminent
Nécessité d’un
certificat de
situation
transmis au
préfet
Certificat de
24 heures
Certificats de
quinzaine puis
mensuels
Limitées à
celles rendues
nécessaires au
traitement
Sur avis du
médecin
en l’absence
des
certificats
réglementaires
Sur demande du
tiers ou des
personnes
mentionnés par
l’art L. 339
Sur décision
du préfet
après avis de
la commission
départementale
Sur décision
du président
du TGI
Certificats
médicaux
obligatoires
Libertés
générales
Sortie
Nécessité d’un
certificat de
situation
transmis au
préfet
Aucun
Certificat de
24 heures
Certificats de
quinzaine puis
mensuels
Celles de tout Limitées à
citoyen
celles rendues
nécessaires au
traitement
Sur avis du
Sur avis du
médecin
médecin
contre avis
en l’absence
médical
des
certificats
réglementaires
Sur demande du
tiers ou des
personnes
mentionnés par
l’art L. 339
Sur décision
du préfet
après avis de
la commission
départementale
Sur décision
du président
du TGI
Sur
autorisation
du préfet
Certificat de
24 heures
Certificat de
quinzaine puis
mensuels
Limitées à
celles rendues
nécessaires au
traitement
par arrêté
préfectoral
en l’absence
des
certificats
réglementaires
Sur décision
du préfet
après avis de
la commission
départementale
Après
expertise de
deux
psychiatres
Sur décision
judiciaire
Tableau 1 : réglementation comparée de l’hospitalisation du malade
mental
6
DEMANDE D'HOSPITALISATION SUR DEMANDE D'UN TIERS
(demande à remplir par le tiers)
Je, soussigné, (nom, prénom et nom de jeune fille s'il y a lieu)
Domicilié à
né le
à
profession
degré de parenté avec le malade
nature des relations avec le malade
demande l'admission en hospitalisation sur demande d'un tiers dans
le service de psychiatrie de
de M.
né le
à
fils de
et de (nom de jeune fille de la mère)
domicilié à
profession
suivant le certificat médical délivré par M.
à
le
Signature
Pièce d'identité du malade :
- Carte d'identité nationale *
nationale *
- Permis de conduire *
- Passeport *
* délivré(e) le
à
à
N°
N°
Pièce d'identité du demandeur :
Carte
d'identité
- Permis de conduire *
- Passeport *
* délivré(e) le
7
HOSPITALISATION SUR DEMANDE D'UN TIERS
1er certificat Médical : Médecin extérieur à l’établissement
d’accueil
et
2ème certificat Médecin : extérieur ou de l'établissement
Je soussigné, Docteur
certifie avoir examiné ce jour Mr ou Mme
né(e) le
domicilié(e) à
et avoir constaté les troubles suivants :
(décrire l’état mental du malade et son comportement, agitation,
délire, idées de suicide... en insistant sur les éléments
cliniques préoccupants qui permettent aussi d’apprécier les
raisons de l’absence de consentement et l’urgence des soins
appropriés ; il n’est pas obligatoire de mentionner le diagnostic)
Ces troubles rendent impossible son consentement.
Son état impose des soins immédiats et une surveillance constante
en milieu hospitalier.
En conséquence, ceci justifie son hospitalisation sur demande d'un
tiers dans un établissement mentionné aux articles L.331 du code
de la santé publique en vertu de la loi du 27 Juin 1990.
Date et signature :
8
HOSPITALISATION SUR DEMANDE D'UN TIERS
(Péril imminent : article L. 3212-3)
Certificat unique en cas d'urgence établi par un seul médecin
Je soussigné, Docteur
certifie avoir examiné ce jour Mr ou Mme
né(e) le
domicilié(e)
et avoir constaté les troubles suivants :
(décrire l’état mental du malade et son comportement, agitation,
délire, idées de suicide... en insistant sur les éléments
cliniques préoccupants qui permettent d’argumenter la notion de
péril imminent et aussi d’apprécier les raisons de l’absence de
consentement et l’extrême urgence des soins appropriés ; il n’est
pas obligatoire de mentionner le diagnostic)
Il existe un péril imminent pour la santé du malade.
Ces troubles rendent impossible son consentement.
Son état impose des soins immédiats et une surveillance constante
en milieu hospitalier.
En conséquence, ceci justifie son hospitalisation sur demande d'un
tiers dans un établissement mentionné aux articles L.3222-1 du
Code de la santé publique en vertu de la Loi du 27 Juin 1990 et
conformément à l’article L.3212-3 du même code.
Date et signature
9
HOSPITALISATION D'OFFICE
(procédure normale)
Certificat médical médecin extérieur
Je soussigné, Docteur
certifie avoir examiné ce jour Mr ou Mme
né(e) le
à
domicilié(e)
et avoir constaté que son comportement révèle des troubles mentaux
manifestes suivants :
(décrire l’état mental du malade et son comportement, agitation,
violence, délire, idées de suicide... en insistant sur les
éléments cliniques démontrant la dangerosité pour le malade et ses
proches en rappelant l’absence de consentement et l’urgence des
soins appropriés ; il n’est pas obligatoire de mentionner le
diagnostic)
Ce comportement compromet gravement l'ordre public et la sûreté
des personnes.
Son
état
justifie
son
hospitalisation
d'office
dans
un
établissement
spécialisé
habilité
à
soigner
les
personnes
atteintes de troubles mentaux, en application de l'article L.32221 du code de la santé publique modifié par le Loi du 27 Juin 1990.
Date et signature
10
HOSPITALISATION D'OFFICE
(procédure d'urgence)
Certificat médical médecin extérieur
Je soussigné Docteur
certifie avoir examiné ce jour Mr ou Mme
né(e) le
à
domicilié(e)
et avoir constaté que son comportement révèle des troubles mentaux
manifestes suivants :
(décrire l’état mental du malade et son comportement, agitation,
violence, délire, idées de suicide... en insistant sur les
éléments cliniques démontrant la dangerosité pour le malade et ses
proches en rappelant l’absence de consentement et l’urgence
extrême des soins appropriés ; il n’est pas obligatoire de
mentionner le diagnostic possible)
et constitue par son
sûreté des personnes.
comportement
un
danger
imminent
pour
la
Son
état
justifie
son
hospitalisation
d'office
dans
un
établissement
spécialisé
habilité
à
soigner
les
personnes
atteintes de troubles mentaux, en application de l'article L.32131 du code de la santé publique modifié par la Loi du 27 Juin 1990.
Date et signature
11
PREMIÈRE PARTIE : MODULES TRANSDISCIPLINAIRES
Module 1 – Apprentissage de l’exercice médical
Question 13
Organisation des systèmes de soins – filières et réseaux
Rédaction : M.C.Hardy-Baylé
Objectifs pédagogiques généraux
 Connaître dans son esprit et sa réalité l’organisation du système de soins
propre à la psychiatrie
Objectifs pédagogiques spécifiques
 Connaître l’organisation de la psychiatrie publique centrée sur le secteur
 Connaître les diverses structures de soins en psychiatrie, hospitalières et
extra-hospitalières : rôle, fonctions, indications.
 Connaître le dispositif (hospitalier et extra-hospitalier) de prise en charge
des urgences psychiatriques
Les réseaux de santé
1. Les réseaux de santé dans les textes
Les réseaux, dont la reconnaissance par voie légale a été tardive par rapport aux
premières expériences de terrain, ont initialement été développés à l’initiative
des professionnels soignants et ont concerné les pathologies dans lesquelles
l’interdépendance d’acteurs différents était forte comme dans le suivi de
patients présentant une pathologie sidéenne. Les centres anti-tuberculeux ou la
politique de secteur en psychiatrie impliquant prévention, soins et réinsertion
pour des pathologies au long cours ont été également considérés comme les
précurseurs des actuels réseaux de santé.
Avant que les textes ne viennent consacrer le terme de réseaux de santé, de
nombreuses définitions ont été donnée aux réseaux, visant à répondre à la
1
diversité des expériences de coopération entreprises par les professionnels de
terrain.
Les textes viennent formaliser, sur la base de critères objectifs et harmonisés,
les contours restés jusqu’alors très flous, de tout réseau de santé.
Parallèlement, les principes généraux et les bases méthodologiques de
l’évaluation des réseaux de santé ont été posés, le cadre réglementaire des
réseaux de santé et leurs principales obligations ont été définis et, récemment
l’ANAES a mis à la disposition des professionnels les outils concrets de
l’évaluation de la pertinence et de l’efficience attendues des réseaux.
L’article L. 6321-1 du Code de la santé publique précise les missions des réseaux
de santé : « les réseaux de santé ont pour objet de favoriser l’accès aux soins, la
coordination, la continuité ou l’interdisciplinarité des prises en charge sanitaires,
notamment de celles qui sont spécifiques à certaines populations, pathologies ou
activités sanitaires. Ils assurent une prise en charge adaptée aux besoins de la
personne tant sur le plan de l’éducation à la santé, de la prévention, du diagnostic
que des soins. Ils peuvent participer à des actions de santé publique. Ils
procèdent à des actions d’évaluation afin de garantir la qualité de leurs services
et prestations ».
En pratique, différents éléments de définition rendent les réseaux de santé
spécifiques et superposables à aucune offre de santé existante.
Ce texte, en formalisant les missions d’un réseau de santé, le distingue d’une
part de toute offre de soins existant déjà (notamment, pour la psychiatrie, de
l’offre publique du secteur psychiatrique) et d’autre part de toute forme de
collaborations confraternelles classiques (du type, réseaux personnalisés et
informels de correspondants habituels que possède tout médecin ou
professionnel sanitaire ou social).
Le texte présuppose que de tels réseaux sont nécessaires pour permettre
d’améliorer l’offre de soins là où un acteur (ou une institution) pris isolément ne
pourrait le faire.
Des distinctions antérieures, il faut garder l’idée que deux types de démarches
différentes, toutes deux impliquant des liens partenariaux entre divers
professionnels, peuvent relever de cette définition « globale » d’un réseau de
santé. Si, dans ces deux démarches, le partenariat est requis entre
professionnels d’horizons différents, la nature et les objectifs du partenariat ne
sont pas équivalents.
La première démarche caractérise des réseaux plus orientés vers la prise en
charge de pathologies spécifiques, s’appuyant sur des protocoles de soins pour
lesquels un consensus existe. Dans cette perspective, la dynamique du réseau
repose sur l’acceptation des partenaires de s’inscrire dans le protocole de soins
2
ou le protocole organisant les liens entre les partenaires intervenant dans le
prise en charge du patient.
Ces réseaux que l’ont peut nommer « réseau de prises en charge spécifiques »
visent à répondre à un problème de santé publique pour lequel des protocoles de
soins existent ou seront rapidement élaborés. Ces protocoles permettent
d’organiser la place et les missions de chacun des intervenants dans la
trajectoire de soins des patients. La démarche repose sur une prise en charge
selon un protocole médical et organisationnel défini, appliqué par les différents
professionnels en charge du patient pour une pathologie spécifique.
Ce type de réseau peut être schématisé sur le mode d’une réponse apportée aux
différents acteurs à un problème repéré de santé publique.
L’évaluation de ce type de réseau repose pour l’essentiel sur des données liées à
la file active ( nombre de patients pris en charge dans le réseau, difficultés
rencontrées dans l’application du protocole (sortie des patients du protocole,
situations d’urgence ….) et sur l’élaboration et les évolutions du ou des protocoles
de soins pour les patients présentant la pathologie « cible » du réseau.
L’autre démarche caractérise les réseaux de coordination, (précédemment
nommés réseaux secondaires) qui posent le partenariat comme seul susceptible
de répondre à des questions de nature organisationnelle voire de soins auquel
aucun consensus préalable (protocoles de soins ou protocoles organisant la place
et la mission de chaque acteur de santé) ne permet de répondre.
Comme certains auteurs le soulignent, une telle coordination large, collective,
telle qu’un réseau secondaire ou de coordination la propose, s’impose « quand le
niveau d’interdépendance est élevé entre les acteurs. Elle est particulièrement
bien adaptée à des situations où les problèmes de santé sont multiples ou
complexes, aux contours flous dont l’évolution dans le temps et dans l’espace est
incertaine. Les problèmes chroniques qui menacent l’autonomie des personnes
fragiles correspondent bien souvent à un tel niveau de complexité ».
Ces réseaux sont véritablement des réseaux de santé dans la mesure notamment
où ils intègrent, dans cette complexité, les dimensions de prévention, de soin et
d’insertion et de ce fait impliquent des acteurs n’appartenant pas au seul
domaine sanitaire.
Dans cette définition extensive du réseau de santé, la psychiatrie peut trouver
une place particulièrement adaptée à ces besoins. En effet, plus que dans toute
autre discipline, la psychiatrie est requise dans des champs d’une diversité telle
que les contours de son champ deviennent flous et l’interdépendance des acteurs
y intervenant très élevée.
2. Réseau de santé et psychiatrie
3
Comme le stipule l’article D.766-1-2 du code de la santé publique, « les réseaux
de santé répondent à un besoin de santé de la population, dans une aire
géographique définie, prenant en compte l’environnement sanitaire et social. En
fonction de leur objet, les réseaux mettent en œuvre des actions de prévention,
d’éducation, de soin et de suivi sanitaire et social ».
Ces objectifs, faut-il le rappeler, sont ceux que s’étaient fixés les promoteurs
de la politique de secteur en psychiatrie dans les années 60-70.
Cependant, le paysage de l’offre de soins en psychiatrie s’est largement modifié
depuis les années 70 et le secteur public n’est plus le seul à assurer la
prévention, l’éducation, les soins et le suivi sanitaire et social des personnes de
son secteur géographique présentant une souffrance psychique associée ou non à
un trouble mental avéré.
L’enjeu d’un réseau de santé en psychiatrie est de décloisonner les espaces de
soins (dont les oppositions sont bien connues), que traverse le patient au cours
de sa trajectoire de santé, en particulier les différentes modalités de
fonctionnement des secteurs, de renforcer les liens « ville - hôpital » et de
développer le partenariat entre le champ sanitaire et le champ social. Il est
essentiel de voir dans le développement des réseaux de santé une opportunité de
renouer avec une tradition de partenariat où les missions et les spécificités de
chacun sont posées dans le partage et où les dispositifs mis en œuvre sont
pensés et appliqués en partenariat. La valeur ajoutée d’une coordination tient
essentiellement à la possibilité de mêler savoir académique et savoirs liés à
l’expérience d’une grande diversité d’acteurs (psychiatres hospitaliers et
libéraux, médecins généralistes, psychologues hospitaliers et libéraux,
personnels paramédicaux pour le seul champ sanitaire) pour apporter les
réponses les plus pertinentes, en l’état des connaissances actuelles, à chaque
situation clinique rencontrée et d’orienter le patient vers le professionnel le plus
adapté à son état.
A titre d’exemple, le 1er réseau de santé mentale ayant obtenu un financement
par le FAQSV et la DRDR a été le Réseau de Promotion pour la santé mentale
dans les Yvelines Sud, réseau de coordination de l’ensemble des acteurs du
territoire du Sud Yvelines. L’objectif de ce type de réseau est double :
organisationnel et médical. Dans un premier temps, il s’est attaché à améliorer
l’accès au soin, la continuité des prises en charge, en réponse à des
dysfonctionnements réels repérés dans la trajectoire de soins des patients, par
la confrontation des connaissances et des attendus de chacun des métiers
concernés dans l’accès aux soins et le suivi des patients. Un tel réseau impose un
partenariat dès la définition des problématiques relevées « sur le terrain » et
repose sur le postulat que la conception et la mise en œuvre de dispositifs
4
innovants de réponse aux dysfonctionnements repérés ne peut procéder que d’un
partage de connaissances. Cependant, lorsque la formalisation des liens entre les
différents acteurs aux différentes étapes de la trajectoire de santé des
patients a été posée, il s’avère que lorsque les questions d’organisation sont
résolues, il reste des vraies questions qui touchent à la pratique clinique et à ce
que l’on pourrait appeler les « points aveugles » des théories du fait psychique ou
les « impensés » de la clinique, que l’exercice professionnel impose pourtant de
penser. Tant que ces questions ne sont pas traitées, l’amélioration des pratiques
de soins et donc de la prise en charge des patients n’est pas satisfaisante, même
si des dysfonctionnements réels (facilité et délais d’accès au spécialiste,
organisation de la réponse aux situations d’urgence…) sont résolus. Ces question
cliniques qui se posent alors sont nombreuses : pourquoi proposer et sur quels
critères décider d’une hospitalisation ? Pour quels bénéfices attendus ? Quels
sont les objectifs de soins que l’on peut se fixer à ce moment de l’évolution pour
ce patient là ? Quels leviers de changement psychique peut-on mettre à sa
disposition ? Quelles connaissances des autres modalités thérapeutiques possède
chaque praticien pour juger de celle qui est finalement retenue ? La liste est
longue des questions que pose la clinique et auxquelles les « savoirs
académiques » n’apportent pas de réponse et face auxquelles, sans conteste, les
professionnels de la psychiatrie répondent les uns et les autres de manière
différente. Le cloisonnement entre professionnels d’exercice et de compétences
diversifiés en santé mentale ne permet souvent pas que ces questions soient
abordées entre professionnels institutionnels et libéraux, généralistes et
spécialistes, médecins ou psychologues.
En permettant d’améliorer l’organisation des soins, de travailler sur la place de
chaque professionnel dans la prise en charge des patients, en créant un espace
de confiance, de débat entre professionnels à partir de prises en charge
communes de patients, le réseau permet de déplacer la question du plan
organisationnel à celui des pratiques professionnelles. Ce débat est
particulièrement difficile, intéressant et nécessaire en santé mentale, domaine
dans lequel il n’existe pas de protocoles de soins, susceptibles de répondre aux
questions cliniques posées. C’est pourquoi le réseau permet un travail essentiel,
fondamental pour la discipline et la qualité réelle de la prise en charge.
3. Le financement des réseaux
Si la Loi permet d’intégrer une grande diversité de réseaux, et répond au fait
que la mise en œuvre et la conception même d’une organisation en réseau peut se
poser de façons différentes selon les disciplines médicales concernées, selon
l’existence ou non de protocoles ou de référentiels de soins, selon la place de la
prévention et de l’insertion, selon le nombre et la diversité des acteurs
5
concernés, les obligations de tout réseau ont été plus précisément décrites par
les organismes en charge de financer ce type de dispositif.
Parmi ces enveloppes financières destinées au développement des réseaux, le
fonds d’aide à la qualité des soins de ville (FAQSV), créé ( Article 25 de la loi de
financement de la sécurité sociale 98-1144 du 23-12-1998 pour 1999 modifié par
les articles 25, 27 et 39 de la loi de financement pour 2002) au sein de la Caisse
Nationale de l’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés « participe à
l’amélioration de la qualité et de la coordination des soins dispensés en ville et
contribue au financement d’actions concourant notamment à l’amélioration des
pratiques professionnelles et à leur évaluation, à la mise en place et au
développement de formes coordonnées de prise en charge et notamment des
réseaux de soins liant des professionnels de santé exerçant en ville à des
établissements de santé ».
L’article 36 de la Loi de financement de la sécurité sociale 2001-1246 du
21/12/2001 pour 2002 crée la Dotation des Développements des Réseaux, sous
la double responsabilité, au niveau régional, du directeur de l’Agence Régionale
de l’Hospitalisation et du directeur de l’Union Régionale des caisses d’assurance
maladie. Cette double responsabilité témoigne du souci de coordonner l’offre de
soins de ville et hospitalière. Il est stipulé dans cet article la nécessité pour
prétendre au statut de réseau de santé de répondre à des conditions
d’organisation, de fonctionnement et d’évaluation précis, fixés par décret.
Tout réseau de santé doit par ailleurs se doter d’un statut juridique lui
permettant de recevoir des fonds et d’une plate-forme administrative et
financière pour en assurer la gestion. Les formes juridiques relèvent soit de
groupements de coopération sanitaire (GCS), de groupements d’intérêt
économiques (GIE), de groupements d’intérêt public (GIP) ou d’associations.
4. Les obligations des réseaux
Tout réseau doit répondre à un certain nombre de contraintes pour prétendre à
un financement, en particulier il devra préciser :
a. la population concernée (pathologies et/ ou caractéristiques de la
population)
b. les thématiques du réseau : quelles sont les raisons qui ont présidé au
lancement du projet ? ce projet répond-il à une priorité de santé ? quelle
est la valeur ajoutée attendue du projet (en regard de l’offre existante) ?
c. l’aire géographique : la notion de territoire de santé correspond bien au
souci de voir s’élaborer une structure de coordination territoriale des
acteurs de santé pour une meilleure organisation de l’offre de soins au
sein du territoire choisi. La notion de « projet médical » de territoire
6
d.
e.
f.
g.
h.
vient souligner l’importance de la compétence soignante dans l’élaboration
de cette offre de soins.
les objectifs « opérationnels » : nature des services rendus ? Actions
mises en œuvre ? indicateurs de suivi de ces objectifs, des services et
des actions.
les acteurs concernés : présenter les acteurs qui participent
effectivement à la mise en œuvre du réseau.
les modalités de fonctionnement du réseau : les outils du réseau le
permettent (charte, règlement intérieur, fiche d’information des patients,
conventions, dossier médical commun, site web, protocoles de soins
lorsqu’ils existent, protocoles organisationnels, tableau de suivi interne….)
le parcours suivi par le patient tout au long de la prise en charge par le
réseau. La constitution de ces cohortes de patients permet un « retour
sur les décisions de soins », élément essentiel de la réflexion clinique
nécessaire à l’amélioration de la qualité des soins.
l’économie du projet (bilan financier).
5. L’évaluation dans le cadre des réseaux
L’évaluation dans le cadre d’une organisation en réseau est un élément essentiel.
Il s’agit en effet de pouvoir apporter la preuve, d’une part qu’un réel partenariat
a été mis en place, d’autre part qu’une amélioration de l’offre de soins ou de
l’offre de santé a été obtenue.
Récemment l’ANAES a établi les critères d’évaluation que tout réseau de santé
ou de soins se doit de respecter. Il est rappelé (Art D. 766-1-2 se référant à la
dotation des réseaux) que « chaque réseau met en place une démarche
d’amélioration de la qualité des pratiques, s’appuyant notamment sur des
référentiels, des protocoles de prise en charge et des actions de formation
destinées aux professionnels et intervenants du réseau, notamment bénévoles,
avec l’objectif d’une prise en charge globale de la personne ».
Les protocoles de soins sont un ensemble de règles à respecter, des codes
conçus et des gestes à effectuer au cours de certains traitements.
Les protocoles organisationnels sont « des documents formalisant les
engagements des acteurs du réseau, l’organisation et les outils devant être
utilisés par les membres du réseau lors de la prise en charge d’un patient ».
Enfin, la notion de parcours du patient est définie comme « le chemin suivi par le
patient tout au long de sa prise en charge par le réseau. La vocation d’un réseau
de santé étant de redéfinir un parcours cohérent par rapport à la prise en
charge traditionnelle, en offrant des services, en déterminant le bon
professionnel de santé afin d’assurer la qualité, la continuité, la coordination et
l’accès aux soins ».
7
Si, dans des réseaux de psychiatrie, le même souci d’évaluation est exigé, force
est de constater que, compte tenu de la spécificité de cette discipline, la
démarche d’évaluation nécessite d’être adaptée. Nous avons déjà évoqué
l’absence de protocoles de soins ou même organisationnels établis. Il est donc
essentiel de poser que les élaborer relève d’objectifs et non d’éléments préexistants au réseau et susceptibles de le structurer en l’appliquant à l’ensemble
des acteurs.
Il est ainsi essentiel de distinguer différents niveaux d’évaluation.
Un premier niveau d’évaluation, qui ne pose pas de réelle difficulté, est celui
du fonctionnement institutionnel du réseau, qui tend à montrer que le réseau
existe et vit. Les critères sont essentiellement de nature quantitative : nombre
de professionnels adhérents, nombre de réunions, nombre de participants aux
réunions…..
Un second niveau est celui de l’évaluation spécifique des actions. Certaines
actions, dans un réseau de santé, se prêtent plus facilement que d’autres aux
indicateurs habituels retenus par l’ANAES (nombre de patients inclus dans un
protocole, suivi de sa trajectoire, en particulier, nombre de consultations et de
contacts avec le système de soins et gestion des situations d’urgence,
satisfaction du patient et nombre de professionnels inclus dans cette
démarche…).
Deux raisons peuvent expliquer cette difficulté. D’une part parce qu’à l’évidence,
une même logique ne peut être appliquée à l’ensemble des actions. D’autre part
par ce que se pose clairement la question de la distinction entre l’évaluation des
organisations et l’évaluation des pratiques cliniques.
Ainsi, l’évaluation d’actions dont l’objectif est l’aide aux aidants, c'est-à-dire
toutes les actions que l’on peut appeler indirectes en les distinguant des actions
directes impliquant la relation au patient reste aveugle dans cette approche.
Concernant l’évaluation des pratiques cliniques, nous avons montré en quoi elle
était particulièrement importante en psychiatrie, puisqu’il n’existe pas de
protocoles de soins, et en quoi elle est rendue possible par un travail en réseau.
Cette évaluation est la plus importante pour les professionnels du réseau. Elle ne
peut apporter, à court terme, de critères dans l’évaluation proposée par la
DRDR. Il est indispensable que son apport soit cependant reconnu à sa juste
valeur et il y a là un chantier à ouvrir, dans lequel l’ANAES devra sans doute
prendre part. Le guide d’évaluation des réseaux de santé écrit par l’ANAES
indique que « les items portant plus spécifiquement sur l’évaluation des pratiques
professionnelles sont volontairement peu développés, la démarche d’évaluation
structurée des réseaux étant encore trop débutante. Ils devront néanmoins
être intégrés à la démarche évaluative globale dans un second temps. La
démarche d’évaluation est donc ici focalisée sur l’action du réseau en lui-même. »
8
Un troisième niveau d’évaluation est donc incontestablement celui de
l’évaluation des pratiques cliniques qui doit faire l’objet d’un réel intérêt parce
qu’il est au cœur des changements.
Enfin un quatrième niveau est celui de la pertinence institutionnelle du réseau
et qui implique de travailler sur les coûts globaux du réseaux (comptabilité
analytique du réseau mais aussi analyse des dépenses consacrées à la psychiatrie
sur le demi-département et de leur évolution) et de les mettre en regard avec
les évolutions globales sur la zone géographique concernée. Ces évolutions sont
perceptibles à travers de nombreux indicateurs de natures différentes
(critères en population générale, position des collectivités territoriales,
évolutions globales des files actives suivies en psychiatrie….), mais qui ne
trouvent pas de place dans les évaluations anticipées par la DRDR.
6. Les réseaux : une révolution des rapports professionnels
Un réseau de santé est un lieu de débat, où les professionnels travaillent sur des
dysfonctionnement de l’offre de soin et proposent des solutions innovantes, en
termes d’actions spécifiques, de formation ou de réajustement des relations
entre professionnels. Cela demande une grande confiance entre acteurs de santé
et apporte une connaissance de l’offre de soins et de ses potentialités qu’aucun
autre lieu ne permet de la même façon.
Ce point est essentiel. Sans pouvoir développer ici une analyse sociologique sur
l’évolution des rapports au travail dans le cadre d’un réseau, il est important de
comprendre que le travail en réseau est fondé sur la créativité des
professionnels, sur une liberté nouvelle dans le travail autour d’un projet et sur
la confiance entre les partenaires. Un réseau n’est pas seulement un nouveau
dispositif de soin dans lesquels on demande aux soignants de prendre une place
spécifique. Le réseau porte en lui de nouvelles valeurs. Aux maîtres mots du
management des années 70-80, « encadrement », « planification », « évaluation
quantifiée » viennent se substituer des notions comme « refus de la hiérarchie,
de l’encadrement, de la planification », « multiplicité des contacts »,
« évolutivité », « rôle des leaders ». Le centre de l’action devient le projet, sa
réalisation, son évaluation. Il s’agit d’une approche souple et changeante des
rapports au travail, qui implique que l’ensemble des acteurs change de position.
Penser le réseau comme l’application de protocoles serait passer à côté du
véritable changement que permettent les réseaux, ce serait aussi sans doute
enlever de la motivation aux professionnels du soin et ne pas donner les
garanties de pérennité à la démarche.
9
1
PREMIÈRE PARTIE : MODULES TRANSDISCIPLINAIRES
Module 2 – De la conception à la naissance
Question 19
Troubles psychiques de la grossesse et du post-partum
Rédaction : F. PINABEL, C. EPELBAUM, P. HARDY
Objectifs :
1.
Connaître les principales questions concernant le projet parental, la contraception et la
demande de conseil avant une grossesse (y compris le conseil génétique) chez la femme
souffrant d'un trouble psychiatrique.
2. Connaître les différents troubles psychiques de la grossesse et du post-partum.
3. Connaître les principaux facteurs étiopathogéniques de ces troubles, leurs modalités
évolutives et leurs traitements.
4. Connaître les principaux aspects de la grossesse chez le sujet présentant un trouble
psychiatrique :
- effets de la grossesse sur les troubles mentaux,
- traitements psychotropes et grossesse,
-
troubles mentaux et relations précoces mère-enfant.
I. INTRODUCTION

Etape essentielle du développement psycho-sexuel de la femme, la grossesse
entraîne de profonds remaniements psycho-socio-biologiques. Chez la femme
souffrant de troubles psychiques, elle peut parfois conduire à une atténuation de
ces derniers. Mais elle peut aussi être l'occasion d'une apparition ou d'une
exacerbation de tels troubles : qu'ils soient du registre thymique (dépression),
anxieux/névrotique ou psychotique, ces troubles peuvent s'accompagner d'une
réactivation de l'angoisse liée aux conflits que pose, dans l'histoire de chacun, la
création d'un nouveau lien de filiation.

Le terme de "maternalité" a été introduit par Racamier (psychiatre-psychanalyste)
pour définir "l'ensemble des processus psycho-affectifs qui se développent et
s'intègrent chez la femme à l'occasion de la maternité".

On ne peut rendre compte du comportement maternel de la femme qu'en se
référant :
d'une part à l'environnement, aux traditions, au mode de vie de la société dans
laquelle elle se déroule,
d'autre part, aux problèmes spécifiques que rencontre chaque femme au cours de
son développement psycho-affectif.
-
2


-
-
Même si le retentissement psycho-pathologique du milieu de vie (événements,
support social) dépend étroitement de l'histoire de chacun, l'état de grossesse
accroît la sensibilité des femmes à ces facteurs psycho-sociaux, notamment :
à l'attitude du conjoint
à celui de l'entourage parental
aux conditions socio-économiques.
Le désir d'enfant et désir de grossesse ne se superposent pas toujours :
Pour la majorité des femmes, le "je suis enceinte", expression d'un vécu
narcissique s'associe rapidement au "j'attends un enfant", expression du désir de
l'enfant associé à l'anticipation de sa naissance, de sa vie.
Mais il est des cas où le désir de grossesse peut être qualifié de pathologique :
quand l'état de grossesse n'est recherché que pour lui-même. La grossesse, état
de complétude imaginaire et preuve de fertilité, est vécue comme une expérience
valorisante, une tentative de résolution des conflits personnels. L'enfant vient là
comme "le prix à payer". Cette situation où les deux désirs ne coïncident pas
s'observe à l'extrême dans certains cas de grossesses répétées suivies d'I.V.G.
ou d'abandons, de refus répétés de contraception associés au refus d'enfant.
II.
PROJET PARENTAL, DEMANDES DE CONSEIL, CONTRACEPTION ET
PROCREATION CHEZ LA FEMME SOUFFRANT DE TROUBLES
PSYCHIATRIQUES
II.1. Le projet parental :
Dans la grande majorité des cas, les couples au sein desquels la femme présente un
trouble mental sont susceptibles de former un projet parental au même titre que les
autres, même si la pathologie en cause peut imposer certaines contraintes, notamment
en matière de risque évolutif du trouble et sur le plan des capacités de la mère à
assumer son rôle maternel.
Dans certains cas, cependant, le projet de grossesse apparaît directement lié à la
pathologie mentale de la femme et ne s'intègre pas véritablement dans un projet
parental. Ce peut être le désir d'une jeune fille instable, impulsive, présentant de
fortes carences narcissiques (identité mal assurée) de trouver, à travers une
grossesse et l'enfant à venir une solution à ses difficultés psychologiques : dans ce
type de trouble de la personnalité, l'objectif non avoué est celui d'obtenir un "enfant
médicament" susceptible d'apaiser le mal-être de la personne. Le projet de grossesse
entre parfois dans le cadre d'un processus délirant : c'est le cas de délires
messianiques conduisant la femme à vouloir "concevoir le sauveur du monde". Parfois la
conception court-circuite tout projet de grossesse et a fortiori tout projet parental :
c'est le cas lorsqu'elle survient dans le cadre de trouble des conduites avec activité
3
sexuelle impulsive liée à un trouble de la personnalité (personnalité antisociale,
personnalité borderline) ou à un état d'excitation maniaque.
Dans ces situations peut se poser la question de l'intervention médicale : conseil sur la
procréation, sur la contraception, voire sur une interruption médicale de grossesse.
II.2. Les demandes de conseil :
Il arrive fréquemment que des femmes suivies pour un trouble psychiatrique
interrogent leur médecin sur la possibilité d'avoir un enfant.
Particulièrement cruciale pour les femmes souffrant de schizophrénie ou de maladie
maniaco-dépressive, cette question ne peut être abordée que si la personne se
reconnaît malade et dispose d'une information minimale sur sa pathologie. Cette
condition est loin d'être toujours remplie, surtout dans le cas des femmes
schizophrènes, en raison du déni ou du manque de reconnaissance des troubles qui
caractérise bon nombre de ces patientes et du caractère socialement très
stigmatisant que revêtent encore ces diagnostics. Malgré ces difficultés, la question
est souvent abordée par le biais du risque de transmission de la maladie. La
schizophrénie, comme la maladie maniaco-dépressive sont en effet des pathologies
partiellement déterminées par des facteurs génétiques et donc susceptibles de se
transmettre d'une génération à l'autre : lorsqu'existe une forte agrégation familiale
du trouble ou, parfois même, lorsque n'existe qu'un seul parent atteint, certains
patients, très affectés par une histoire familiale traumatisante (histoires de suicides,
d'hospitalisations chroniques ou à répétition, de carences parentales, etc.), renoncent
à toute descendance, parfois même sans avoir abordé la question avec un médecin,
pour éviter de transmettre la "tare".
De fait la question du risque génétique n'est pas le seul facteur à prendre en compte
dans la réflexion qu'il convient de conduire avec le patient, homme ou femme : doivent
également être évoqués avec le sujet l'impact de la maternité sur l'évolution du
trouble et, inversement, la réduction de la capacité à assumer la fonction parentale
que peut entraîner la maladie.
II.2.1. Le risque génétique :
Les études familiales ont permis d'établir les éléments suivants :
 Pour la schizophrénie (SZ) :
Risque de SZ en population générale :
1%
Risque de SZ en cas de proposant SZ :
- Pour les apparentés du premier degré :
5-6 %
- Pour les apparentés du deuxième degré : 3-4 %
- Pour les apparentés du troisième degré : 2-3 %
 Pour la maladie maniaco-dépressive de type trouble bipolaire (TB) :
Risque de TB en population générale :
1%
Risque de TB ou unipolaire (dépression)
en cas de proposant bipolaire :
- Pour les apparentés du premier degré :
25-30 %
4
- Pour les apparentés du deuxième degré : 12-15 %
- Pour les apparentés du troisième degré : 6-9 %
Même si elles peuvent être affinées en tenant compte de l'arbre généalogique
familial, de telles données ne sont qu'un élément indicatif pour le patient. Elles
doivent être relativisées du fait que ces pathologies ne répondent pas à un mode de
transmission autosomique dominant et que, en cas de transmission, la pénétrance est
très variable (le descendant pouvant exprimer une forme sévère ou atténuée de la
maladie, voire pas de maladie du tout).
Dans ces conditions, les deux facteurs suivants sont particulièrement importants à
évaluer.
II.2.2. Impact de la maternité sur l'évolution du trouble :
Même si la grossesse peut avoir un effet positif sur l'évolution de certains troubles
psychiatriques, cela n'est pas toujours le cas, et l'on observe souvent une aggravation
de la pathologie, notamment lors du post-partum.
Un autre facteur à prendre en compte concerne la nécessité de limiter au maximum
les risques iatrogènes, chez des patients qui souvent nécessitent un traitement au
long cours (traitement neuroleptique chez les schizophrènes, traitement
thymorégulateur chez les malades bipolaires). L'arrêt de ces traitements comporte
un risque de rechute, variable selon les individus, qu'il importe de bien évaluer.
II.2.3. Capacité à assumer la fonction parentale :
Ce troisième point doit également être abordé dans les demandes de conseil. Pour
l'enfant, plus que celui d'une transmission génétique de la maladie, le risque est
souvent d'être placé dans des conditions de développement précaire, la pathologie
maternelle pouvant être une source de carences affectives précoces dans les formes
les plus sévères de schizophrénie, de trouble de l'humeur ou de trouble de la
personnalité.
II.3. La contraception :
Dans certaines situations, la décision peut être celle d'un renoncement à la
procréation. Se pose alors la question du mode de contraception le plus adapté.
Lorsque l'instabilité de la patiente rend trop incertaine l'observance des traitement,
il est possible de proposer une contraception progestative injectable à effet prolongé
ou un stérilet plutôt que des contraceptifs oraux classiques.
Une situation particulièrement délicate est celle des patientes qui ne disposent plus
d'une réelle autonomie de jugement (psychoses infantiles ; débilité mentale, etc.) et
qui, incapables d'assurer une contraception efficace, s'exposent de façon répétée au
risque de grossesse par des conduites sexuelles incontrôlées. C'est pour ce type de
patientes, souvent sous tutelle, que peut se poser la question d'une stérilisation
forcée. De telles pratiques ont eu cours, notamment en Scandinavie dans l'immédiat
après guerre et ont suscité depuis un fort mouvement de réprobation.
5
Interrogé sur le sujet, le Comité Consultatif National d'Ethique ou CCNE
(http://www.ccne-ethique.org/) a estimé, dans son avis N°49 du 3 avril 1996 ("Avis
sur la contraception chez les personnes handicapées mentales") "qu'une demande de
stérilisation faite par des tiers pour une personne handicapée mentale, sans qu'ait été
considérée auparavant la possibilité d'autres formes de contraception, n'est pas
d'emblée recevable. Il paraît indispensable, avant que ne puisse être envisagée par
des tiers la possibilité d'une intervention stérilisante contraceptive, que soient
posées un certain nombre de conditions". Parmi ces multiples conditions, le CCNE met
l'accent sur la nécessité d'"une forme de prise de décision collective avec des
procédures extrêmement rigoureuses (et si nécessaire en cas de conflit, une
possibilité de recours à la justice), de manière à offrir le maximum de garanties pour
la défense des droits et intérêts des personnes incapables".
II.4. La procréation et l'interruption de grossesse :
Certaines femmes souffrant d'un trouble psychiatrique et connaissant des problèmes
de conception peuvent demander à bénéficier d'une aide médicale à la procréation.
Dans ce cas, c'est après avis spécialisé d'un psychiatre, et dans le cadre d'une
décision collégiale que l'équipe concernée pourra prendre sa décision.
En cas de grossesse non désirée, la femme peut demander la réalisation d'une
interruption médicale de grossesse. L'existence d'un trouble psychiatrique sévère
constitue un élément en faveur d'une telle décision, qui ne doit toutefois pas être
considérée comme systématique. Le cas échéant, après expertise psychiatrique, une
interruption de grossesse peut être réalisée au delà des délais légaux habituels.
III. LES TROUBLES PSYCHIQUES PENDANT LA GROSSESSE
III.1. Aspect cliniques :
III.1.1. Les troubles psychopathologiques mineurs et les troubles anxieux :
Les troubles psychopathologiques survenant pendant la grossesse sont le plus souvent
mineurs et transitoires. Il peut s'agir :
- d'une labilité émotionnelle, de courtes périodes de dysphorie ;
- d'une irritabilité, de troubles des conduites alimentaires, à type d'envies ou de
boulimie ;
- d'une anxiété, fréquente, surtout au cours du premier trimestre ; elle concerne
l'enfant à venir (peur qu'il naisse malformé ou mort), le déroulement de la
grossesse et de l'accouchement, et les responsabilités futures (peur d'être une
mère incompétente). Cette anxiété a tendance à s'atténuer au cours du second
trimestre pour réapparaître dans les semaines qui précèdent l'accouchement.
6
-
des vomissements et des nausées sont présents au cours du premier trimestre
chez plus de la moitié des femmes.
on note souvent que le besoin de dépendance est accru par rapport à l'entourage,
ce qui entraîne parfois des conduites de régression.
Rarement, un trouble anxieux caractérisé peut apparaître durant la grossesse :
- Trouble phobique ou, surtout,
- Trouble Obsessionnel Compulsif (TOC) : chez la femme, ce trouble débute à
l'occasion d'une grossesse dans 40 % des cas.
III.1.2. Les dépressions gravidiques :
Elles concerneraient environ 15 % des grossesses.
Survenant dans 60 % des cas au cours du premier trimestre de la grossesse, elles
associent :
- une dysphorie
- des crises de larmes
- une asthénie
- un sentiment d'incapacité et de dépréciation
- une quête affective
- des plaintes somatiques
- des ruminations anxieuses peuvent prendre un caractère obsédant
- des troubles du sommeil
- des vomissements, parfois incoercibles
Un environnement défavorable (mésentente conjugale, absence de couple stable,
isolement affectif) et des antécédents personnels ou familiaux de dépression
contribuent souvent à ces dépressions.
III.1.3.Les épisodes psychotiques :
Les épisodes psychotiques sont rares au cours de la grossesse, qui a plutôt un rôle
protecteur vis-à-vis de ce type de pathologie.
Les dépressions mélancoliques surviennent surtout au cours de la seconde partie de la
grossesse :
- elles ont parfois un aspect délirant (thème de culpabilité, d'indignité) ou
confusionnel.
- il existe un risque de suicide non négligeable.
- l'évolution sous traitement se fait généralement vers la guérison dans les
semaines qui suivent l'accouchement, mais des rechutes sont possibles.
III.2. Traitement :
7

Les états dysphoriques et anxieux bénéficient d'une psychothérapie de soutien
(écoute, information, dédramatisation), éventuellement d'une prise en charge
spécifique de type psychothérapie cognitivo-comportementale.

Le traitement en milieu hospitalier spécialisé est indiqué en cas de dépression
délirante ou confuse ou d'idées suicidaires.

Le traitement chimiothérapique :
-
Au cours du premier trimestre, la règle de prudence consiste à ne pas prescrire
de psychotropes (risque tératogène de ces molécules). Si l'indication est absolue,
elle doit se faire sous surveillance obstétricale rapprochée (échographie de
dépistage des malformations connues pour les psychotropes utilisés).
-
Durant le second et le troisième trimestre, on utilisera préférentiellement, en cas
de nécessité :
. des benzodiazépines à doses modérées
. des neuroleptiques de la classe des phénothiazines (Largactil®) ou Haldol ®
. des antidépresseurs de la classe des imipraminiques (Anafranil®, Tofranil®,
Laroxyl®).
-
Concernant les thymorégulateurs :
. Le lithium est contre-indiqué au cours du 1er trimestre de la grossesse (effet
tératogène sur le cœur et les gros vaisseaux, le plus souvent sous la forme d'un
syndrome d'Ebstein), mais peut être utilisé après celui-ci sous surveillance
médicale rapprochée en maintenant une lithiémie basse.
. La carbamazépine (Tégrétol®) et les dérivés de l'acide valproïque (Dépamide®,
Dépakote®) peuvent être utilisés en cas de nécessité avec une surveillance
échographique au premier trimestre (risque d'anomalie de la fermeture du tube
neural).
-
Dans les dépressions sévères, en particulier confuses, délirantes ou résistantes au
traitement
chimiothérapique,
l'électro-convulsivo-thérapie
(ECT
ou
sismothérapie) peut être proposée sans inconvénients (si ce n'est ceux liés à
l'anesthésie).

Surveillance à l'accouchement :
Dans la mesure où tous les psychotropes passent la barrière hématoplacentaire, on
doit prévoir l'accueil du nouveau-né en pédiatrie afin de réaliser une surveillance
clinique adaptée aux risques inhérents au sevrage de la molécule consommée par la
mère (Cf. tableau).
8
TABLEAU RÉCAPITULATIF
al., 2000).
Classe
médicamenteuse
DES RISQUES TÉRATOGÈNES ET DES RISQUES CHEZ LE NOUVEAU-NÉ LIÉS À LA PRISE DES PSYCHOTROPES
Quelques molécules
Risque
(liste non
tératogène
exhaustive)
(d'après Elefant &
Risque chez le nouveau-né
En pratique
En début de grossesse :
privilégier l'utilisation d'une BZD ancienne
(Valium®, Seresta®…)
En fin de grossesse :
éviter les traitements prolongés,
NE JAMAIS ARRÊTER BRUTALEMENT,
de préférence Seresta® (demi-vie
intermédiaire)
Prévoir l'accueil du nouveau-né en pédiatrie,
adapter la durée de la surveillance à la demi-vie
d'élimination de la BZD (jusqu'à 10 à 15 jours)
Tricycliques:
Benzodiazépines
(BZD)
Demi-vie longue :
Valium®, Tranxène®,
Lysanxia®, Urbanyl®,
Rivotril®
Demi-vie intermédiaire:
Seresta®, Xanax®
Pas d'arguments
cliniques solides
en faveur d'un
risque
malformatif pour
les molécules les
plus anciennes
(Valium®,
Seresta®)
Signes d'imprégnation :
aiguë: apnée, hypothermie
chronique: hypotonie axiale, troubles
de succion donc mauvaise prise
pondérale
Signes de sevrage :
De survenue tardive (en fonction
de la demi-vie d'élimination),
hyperexcitabilité et agitation.
Antidépresseurs
Tricycliques :
Anafranil®, Laroxyl®
ISRS : Prozac®,
Deroxat®, Zoloft®
IRSNA: Effexor®, Ixel®
NASSA: Norset®
Autres: Athymil®,
Stablon®, Vivalan®
Pas d'arguments
cliniques solides
en faveur d'un
risque
malformatif pour
les molécules les
plus anciennes
(tricycliques)
Tricycliques :
risque de détresse respiratoire,
syndrome atropinique :
hyperexcitabilité, convulsions,
distension abdominale ou vésicale,
tachycardie, retard à l'émission du
méconium
ISRS :
troubles du sommeil, agitation,
hyperexcitabilité (retrouvés avec le
Prozac®)
NE PAS ARRÊTER BRUTALEMENT
Prévoir l'accueil du nouveau-né en pédiatrie
ISRS et autres antidépresseurs:
Peu de données cliniques car la plupart des
molécules sont d'utilisation récentes.
Prozac® déconseillé en deuxième partie de
grossesse car demi-vie très longue
9
Neuroleptiques (NL)
ou antipsychotiques
NL classiques : Haldol®,
Largactil®, Loxapac®,
Tercian®, Nozinan®
Nouveaux NL (NL
atypiques) :
Risperdal®, Solian®,
Leponex®, Zyprexa®
Pas d'arguments
cliniques solides
en faveur d'un
risque
malformatif pour
les molécules les
plus anciennes
(Haldol®,
Largactil®)
Neuroleptiques classiques:
syndrome extrapyramidal: hypertonie,
mouvements anormaux, opisthotonos
signes atropiniques plus
particulièrement digestifs avec risque
d'iléus paralytique et de syndrome du
petit colon gauche
Neuroleptiques classiques:
Préférer la monothérapie
Ne pas utiliser de correcteurs
Diminuer si possible les doses en fin de
grossesse
Prévoir l'accueil du nouveau-né en pédiatrie
Nouveaux neuroleptiques:
Pas de données disponibles actuellement
10
TABLEAU RÉCAPITULATIF DES RISQUES
Elefant & al., 2000) (suite)
Quelques
Classe
molécules
médicamenteuse (liste non
exhaustive)
Thymorégulateur
lithium :
Teralithe®,
Neurolithium®
--------------------
Tégrétol®
Dépamide®
Dépakote®
TÉRATOGÈNES ET DES RISQUES CHEZ LE NOUVEAU -NÉ LIÉS À LA PRISE DES PSYCHOTROPES
Risque tératogène
Risque chez le nouveauné
Lithium: risque de
malformations cardiaques
notamment maladie
d'Ebstein (discuté en
terme de fréquence, 4 à 8
% ?)
En cas de taux plasmatique
maternel élevé : risque de
cyanose, hypotonie, hypothermie
et trouble du rythme.
-----------------------------
-----------------------------------Tégrétol® : syndrome
hémorragique néonatal,
hypocalcémie
Dépamide®, Dépakote® :
thrombopénie, baisse du
fibrinogène, diminution des
facteurs de coagulation
Tégrétol®,Dépamide®,
Dépakote®: risque de
d'anomalie de fermeture
du tube neural
(d'après
En pratique
En cas de grossesse débutée sous lithium : pas
d'indication absolue à une IVG, mais surveillance
echocardiographique fœtale vers 20-23 SA.
Dans la mesure du possible : interrompre la
lithothérapie jusqu'à J50, puis, en cas de nécessité
de reprise :
- maintenir une lithémie basse (contrôles lithémiques
fréquents) en fractionnant les prises afin de limiter
les pics lithémiques (sauf en cas d'utilisation de la
forme LP).
- dans la semaine qui précède l'accouchement :
diminuer par 2 la posologie
- chez le nouveau-né, dosage plasmatique du lithium,
ECG, TSH
----------------------------------------------------------- Début de grossesse : surveillance échographique du
tube neural de 12 SA à 22 SA
- Fin de grossesse : vit K chez la mère le dernier
mois.
Tégrétol® :
nouveau-né : examen neuro, bilan d'hemostase, NFS
11
IV.
LES TROUBLES PSYCHIQUES DU POST-PARTUM
Le risque d'admission en milieu psychiatrique est multiplié par 7 durant les 30 premiers jours du post-partum.
IV.1. Le "Post-Partum Blues" ou "Baby Blues" (ou "syndrome du 3ème jour")
Il survient chez plus de la moitié des accouchées, préférentiellement dans les premiers jours qui suivent
l'accouchement, en général entre le 3ème et le 5ème jour.

-
Il est caractérisé par :
une asthénie
des plaintes somatiques
des troubles du sommeil
des crises de larmes
une labilité émotionnelle
une irritabilité
la patiente présente des ruminations pessimistes concernant son rôle de mère (peur de ne pas savoir
s'occuper de l'enfant)
de discrets troubles de concentration et de mémoire sont habituels.

On implique dans le post-partum blues : d'une part des facteurs organiques (effondrement des œstrogènes
après l'accouchement), d'autre part des facteurs psychiques (accouchement vécu comme une séparation, une
rupture, confrontation avec l'enfant réel et comparaison avec son image idéale imaginée au cours de la
grossesse ).

Le post-partum blues ne dure que quelques jours. Sa résolution généralement rapide et spontanée est
favorisée par une attitude chaleureuse et maternante de l'entourage. En revanche, l'existence d'un post-
12
partum blues anormalement intense ou durable (plus d'une semaine) impose une consultation spécialisée, une
évolution dépressive étant à craindre.
IV.2. La dépression du post-partum :
Elle survient dans les semaines qui suivent l'accouchement. Elle toucherait environ 15 % des accouchées. Elle
survient après un intervalle libre de 2 à 8 semaines après l'accouchement, mais parfois dans les suites d'un "postpartum blues" qui se prolonge.

-
Les troubles sont caractérisés par :
un abattement, des crises de larmes
une irritabilité
une asthénie physique et intellectuelle
une anorexie
des troubles du sommeil
un sentiment d'incapacité (la mère se reproche de ne pas bien s'occuper de l'enfant ou de le faire sans
plaisir).
Ces symptômes s'accompagnent d'un handicap fonctionnel notable (difficultés dans les activités
quotidiennes).

La mère répète parfois les consultations pédiatriques pour toutes sortes de motifs (pleurs de l'enfant,
difficultés alimentaires .... ).
Elle peut présenter des phobies d'impulsion lorsqu'elle est seule avec l'enfant : crainte d'être poussée par une
force intérieure irrésistible à lui faire du mal, l'étouffer, le défenestrer ... ). Ces obsessions entraînent une
angoisse majeure chez la patiente qui cherche alors à éviter les contacts avec l'enfant et qui le confie à
l'entourage.
13

Peu de femmes consultent un spécialiste pour ces troubles et 10 % seulement des dépressions du post-partum
sont diagnostiquées et traitées : bien que l'évolution spontanée soit le plus souvent spontanément favorable en
plusieurs semaines ou mois, il est important de les dépister et de les traiter précocement car une dépression
de la mère qui se prolonge peut compromettre le développement adéquat des premières relations mère-enfant.

Ce type d'épisode peut récidiver à l'occasion des grossesses suivantes. De plus, un premier épisode dépressif
du post-partum peut être inaugural d'un trouble dépressif récurrent (jusqu'à 40 % pour certains auteurs).

Le traitement repose sur une chimiothérapie antidépressive (en gardant à l'esprit le passage des
psychotropes dans le lait en cas d'allaitement) et un soutien psychothérapique centré sur la relation mèreenfant. La prise en charge des formes les plus sévères peut être réalisée dans des unités mère-enfant
spécialisées.
IV.3. Les psychoses puerpérales :
Leur incidence est estimée à 0.2 %.
Dans la grande majorité des cas (80 %), des troubles de l'humeur (dépression, manie) sont au premier plan. Il
s'agit alors, soit d'un épisode dysthymique émaillant le cours d'une schizophrénie, soit d'un trouble de l'humeur
avec caractéristiques psychotiques.
IV.3.1 Aspects Cliniques :
Le post-partum est une période où le risque de décompensation psychiatrique est majeur. Le risque de
décompensation chez les femmes qui présentent des antécédents psychiatriques est 25 fois plus important
durant le premier mois après l'accouchement.

Les psychoses délirantes aiguës :
14
 Le début est brutal et survient dans les 3 premières semaines du post-partum. Il est parfois précédé de
prodromes :
- ruminations anxieuses
- crises de larmes
- cauchemars
- agitation nocturne
- insomnie
 Le tableau est labile et polymorphe, avec :
- des oscillations de la vigilance : obnubilation, désorientation plus ou moins marquée, perplexité anxieuse,
- une altération de la conscience de soi,
- un onirisme (scènes oniriques),
- des fluctuations thymiques (la malade passe rapidement du désespoir à l'exaltation),
- un délire le plus souvent centré sur la naissance et la relation à l'enfant :
 négation du lien d'alliance (la patiente ne reconnaît pas le père) ;
 négation du lien de maternité (conviction que l'enfant n'est pas né, a été substitué ou est mort) ;
 la mère peut avoir le sentiment d'être sous des influences maléfiques, d'être droguée ou hypnotisée.
 D'emblée, il faut craindre un geste infanticide et/ou suicidaire, qui peut être de réalisation brutale, et
hospitaliser la patiente, si possible dans un centre mère-enfant spécialisé dans l'abord de ces pathologies.
 Secondairement, l'évolution est en règle favorable sous traitement (chimiothérapie ou électrochocs, qui
trouvent dans ces tableaux une de leurs meilleures indications). Des rechutes sur un mode thymique sont
possibles à court terme.

L'accès maniaque :
La manie puerpérale est de début brutal et survient dans les deux semaines qui suivent l'accouchement :
- l'agitation est intense.
- les hallucinations et le délire sont fréquents : idée de toute puissance, d'influence, de mission divine.
L'évolution se fait souvent vers une phase dépressive.
15
L'accès mélancolique :
Il survient dans les semaines qui suivent l'accouchement.
 Il est caractérisé par :
- une asthénie intense physique et intellectuelle
- une insomnie
- un amaigrissement
- des plaintes somatiques
- une anxiété importante
 Il peut s'agir également d'une mélancolie avec caractéristiques psychotiques dont les thèmes concernent le
nourrisson : sentiment d'incapacité ou de culpabilité (la patiente a la conviction qu'elle ne sait pas soigner
l'enfant, que ce dernier va mourir, qu'elle -même doit disparaître).
Un geste suicidaire et/ou infanticide est à redouter (suicide altruiste).
 L'évolution sous traitement est habituellement favorable.

IV.3.2. Aspects thérapeutiques :




Une hospitalisation en milieu spécialisé s'impose du fait du risque de suicide et/ou d'infanticide.
Le traitement comporte la prescription de neuroleptiques et d'antidépresseurs en cas de dépression. L'ECT
est souvent plus rapidement efficace que la chimiothérapie quelle que soit l'allure de la psychose puerpérale.
Certaines unités d'hospitalisation psychiatrique permettent une hospitalisation de la mère et de l'enfant. Les
relations de la mère et de l'enfant doivent alors être aménagées. La reprise des contacts entre la mère et
l'enfant et la participation de la mère aux soins de l'enfant se feront très progressivement. Le personnel
soignant doit être formé à cette relation thérapeutique.
La mère doit être prévenue du risque de récidive d'une psychose puerpérale en cas de nouvelle grossesse.
16
V.
TROUBLES MENTAUX ET RELATIONS PRÉCOCES MÈRE-ENFANT (C. EPELBAUM)
Les troubles psychiques survenant pendant ou juste après la grossesse influencent la qualité des interactions
précoces mère-bébé. Or on sait que la nature de ces interactions infléchit de façon importante le développement
psychique du bébé. C'est pourquoi, en dehors du repérage diagnostic et du traitement des troubles psychiques
maternels, il semble essentiel de prendre aussi en charge ce que l'on appelle la " dyade " mère-bébé (entité
constituée par la mère encore unie de façon extrêmement proche à son nouveau-né, aussi bien sur le plan corporel
que psychique), car tout ce qui touche l'un, atteint l'autre.
V.1. Dépression maternelle du post-partum et relation précoces :
Une expérience est encore aujourd'hui présentée comme paradigmatique de l'influence de la dépression
maternelle sur le développement affectif du bébé : il s'agit du " Still Face ". Dans cette expérience, on demande
à une mère non déprimée, face à face avec son bébé, de maintenir un visage morne, figé, indifférent, quelles que
soient les réactions de l'enfant. Dans un premier temps, celui-ci tente de séduire sa mère (cris, rires, réactions
émotionnelles bruyantes) puis il détourne la tête, cherche à fuir le visage maternel, voire devient lui-même
amimique.
Dans les cas de dépression maternelle prolongée, il se passe un peu la même chose. La mère se trouve le plus
souvent capable (en dehors des épisodes mélancoliques sévères) de continuer à s'occuper de son bébé, mais le
fait de façon quasi automatique, froide, sans affect. Elle le change, le nourrit, un peu à la manière d'une mère
robotisée, sans réagir à ses propres demandes affectives, insensible à ses appels à l'aide. En effet, cette mère
ne peut investir vraiment le bébé en tant que sujet gratifiant pour elle, étant donné son état dépressif qui la
pousse à se replier sur elle-même. En l'absence de prise en charge de cette pathologie maternelle, le bébé se
trouve rapidement en détresse, particulièrement si aucun tiers (père, grand-parent etc.) n'intervient en relais.
Il peut alors développer tout un cortèges de symptômes d'allure somatique (troubles alimentaires, infections ORL
à répétition, troubles du sommeil etc.) pour en quelque sorte "appeler au secours". Il s'agite, reste tendu
17
corporellement, ce qui ne fait généralement qu'accentuer la dépression maternelle : en effet, la mère ne sait pas
répondre à ces demandes et se dévalorise encore.
Ce cercle vicieux peut faire secondairement le lit de boucles relationnelles très néfastes, aboutissant parfois à
des situations de maltraitance (le bébé devenant alors un véritable persécuteur).
Dans d'autres cas, d'emblée ou secondairement, le bébé se déprime à son tour (bébé amorphe, dormeur, etc.) et
peut même peu à peu entrer dans un désintérêt relationnel complet (risque psychotique).
C'est pourquoi il est fondamental de dépister et de traiter les situations de dépression maternelle du postpartum, situations souvent délicates (mère masquant sa dépression derrière une "fatigue" mise en avant etc.). Le
travail de prévention pendant la grossesse est aussi incontournable (repérage des situations sociales et/ou
familiales difficiles etc.), comme l'accompagnement systématique des mères qui ont à faire à un bébé d'emblée
gravement malade (grande prématurité, malformations etc.).
V.2. Les pathologies délirantes du post-partum :
Quand une mère entre dans un épisode psychotique du post-partum, le bébé est forcément pris avec elle dans des
interactions particulières, interactions dont la valence reste fortement influencée par les thèmes délirants
maternels.
Dans les délires de filiation, l'enfant peut être considéré comme " divin " et surinvesti (aucune possibilité qu'un
tiers n'ait accès à lui etc.), ou au contraire comme diabolique, porteur d'une sanction divine et il peut alors être
vécu comme le persécuteur de la mère. Dans ce dernier cas, il peut se trouver en danger vital immédiat
(infanticide envisagé par la mère comme seule libération etc .).
Dans certains délires avec angoisses corporelles majeures (dépersonnalisation etc.), la mère peut inclure le bébé,
vécu comme un morceau du corps maternel, dans des manœuvres dangereuses visant à se dégager de l'angoisse
(tentative de suicide, médications etc .).
Enfin, ces mères s'isolent souvent de toute relation tierce, et "captent" leur enfant en les enfermant avec elle
dans leurs angoisses et leurs délires. Elles n'ont pas non plus toujours conscience des besoins vitaux du bébé et
effectuent un nursing non adapté à l'âge de l'enfant.
18
Il semble donc fondamental dans ces cas, dans un premier temps de protéger l'enfant (hospitalisation
maternelle), tout en gardant à l'esprit qu'il reste nécessaire de progressivement aménager des lieux où les
rencontres mère-bébé puissent se dérouler en sécurité. Les unité d'hospitalisation Mère/Bébé, semblent alors
les plus adaptées.
V.3. Les pathologies limites de la personnalité maternelle :
Les troubles de la personnalité maternelle à type de pathologies limites ("personnalité borderline"), mettent
souvent d'emblée en route des circuits interactionnels néfastes au bébé. En effet, dans ces pathologies, les
mères se font une image très rigide du bébé parfait qu'elles veulent avoir, et supportent généralement mal
(risque dépressif), la confrontation au bébé réel (d'autant plus si ce bébé présente des difficultés somatiques à
la naissance : prématurité, etc.). Elles ont tendance à enfermer le bébé dans une maîtrise très importante, lui
dictant de façon plus ou moins violente, leur propre loi, sans être à l'écoute des désirs et des besoins de leur
enfant.
Dans certains cas, le bébé souscrit à l'emprise maternelle, et on assiste alors souvent à la mise en place de retard
de développement et d'angoisses de séparation majeures (angoisses se situant en miroir des angoisses de
séparation maternelle).
Dans d'autres cas, le bébé réagit et met rapidement en place des symptômes qui doivent alerter (colères,
troubles du sommeil, refus alimentaires etc.), troubles qui ne font qu'aggraver le sentiment d'échec maternel, ce
qui peut aboutir à la mise en place de véritable relations sado-masochistes, débouchant souvent sur une
maltraitance.
Il est donc clair que le repérage de troubles de la personnalité maternelle pendant la grossesse doit encourager à
mettre en place un suivi rapproché au sortir de la maternité (consultation de PMI, visites à domiciles d'une
puéricultrice de secteur etc.).
PREMIERE PARTIE : MODULES TRANSDISCIPLINAIRES
Module 3
-
Maturation et vulnérabilité
Question 40 - SEXUALITE NORMALE ET PATHOLOGIQUE
Rédaction : J. Tignol - F.Thibaut
Objectifs :
· Identifier les principaux troubles de la sexualité
· Dépister une affection organique en présence d'un trouble
sexuel
· Savoir aborder la question de la sexualité au cours d'une
consultation
La sexualité normale
Introduction
La sexualité est, du point de vue de l’espèce, orientée vers
la procréation.
Néanmoins elle a toujours eu des significations autres que ce
but : pouvoir, valeur, place sociale, de l’individu…
L’apparition récente (il y a 30 ans, soit une génération) de
moyens efficaces de contrôle des naissances l’a affranchie de
sa liaison à la grossesse et a favorisé une libération
certaine des mœurs, de même qu’un changement dans le statut et
les rôles sociaux des femmes et des hommes. Malgré ces
changements
importants,
la
sexualité
hétérosexuelle
se
pratique le plus souvent dans le cadre d’une relation de
couple et la question d’avoir des enfants et de les élever
reste toujours aussi primordiale.
Enfin la possibilité de contamination par le VIH pèse sur les
pratiques sexuelles et doit faire l’objet de l’attention de
chacun, en particulier des médecins.
Physiologie
La connaissance de la physiologie sexuelle a été révolutionnée
par deux médecins américains, William Masters et Virginia
Johnson (M et J), qui ont publié à la fin des années 60 les
résultats de leurs observations de laboratoire sur des
volontaires hommes et femmes, ainsi que leur méthode de
traitement des difficultés sexuelles (donner les réf).
M et J décrivent la relation
similaires, pour les 2 sexes :
1
sexuelle
selon
3
phases,
-
-
-
-
la phase d’excitation est caractérisée chez l’homme par
l’établissement de l’érection et chez la femme par la
lubrification vaginale et la tumescence de la muqueuse du
tiers inférieur du vagin. NB : la lubrification vaginale
est un transsudat vasculaire et non une sécrétion
glandulaire.
la phase en plateau voit la réalisation de l’acte
sexuel ; son nom provient de ce que les phénomènes de la
phase d’excitation y restent stables , au maximum de leur
développement .
Elle aboutit dans les bons cas à l’orgasme. Il s’agit
d’une manifestation globale de l’organisme, dont la
composante la plus importante est une sensation de
plaisir
intense,
cette
intensité
pouvant
toutefois
varier ; elle est typiquement,mais pas obligatoirement,
accompagnée
dans
les
deux
sexes
de
contractions
périnéales, au nombre de 3 à 5, au rythme de 0,8 par
seconde ; chez l’homme elles coïncident avec l’expulsion
saccadée de l’éjaculat. L’orgasme s’accompagne aussi de
tension musculaire, de modifications respiratoires, de
tachycardie et d’élévation tensionnelle, ainsi que de
rougeur
cutanée
plus
ou
moins
étendue.
L’orgasme
clitoridien, déclenché par la stimulation du clitoris, et
l’orgasme vaginal, déclenché par la stimulation intravaginale,ont les mêmes manifestations physiologiques. La
plupart des femmes peuvent aboutir à l’orgasme par
stimulation clitoridienne, alors qu’un certain nombre
auront du mal à l’obtenir par stimulation vaginale, sans
qu’il s’agisse d’un problème pathologique.
L’orgasme est suivi de la phase de résolution, pendant
laquelle
les
phénomènes
de
la
phase
d’excitation
diminuent rapidement. Mais la femme peut avoir plusieurs
orgasmes successifs si la stimulation sexuelle ne
s’interrompt pas et la phase de résolution ne survient
alors qu’après le dernier orgasme. Par contre chez
l’homme, l’orgasme est suivi d’une période réfractaire,
pendant
laquelle
la
stimulation
sexuelle
devient
inefficace ; très courte chez l’adolescent, elle augmente
avec l’âge et interdit le plus souvent la répétition
immédiate du rapport sexuel.
Deux autres médecins américains, Helen Kaplan et Harold Lief
ont, en 1977, ajouté à cette physiologie, avant la phase
d’excitation , la phase du désir. Elle est occupée par des
idées et des fantaisies érotiques et le souhait d’avoir des
rapports sexuels. Elle est difficile à définir précisément,
dans sa durée comme dans sa phénoménologie. Elle est toutefois
une composante importante de l’activité sexuelle.
L’activité sexuelle met en jeu non seulement ses effecteurs
périphériques,
mais
aussi
leur
vascularisation,
leur
2
innervation et des voies et centres médullaires et cérébraux.
L’érection
est
un
phénomène
vasculaire
actif
faisant
intervenir la musculature lisse des corps caverneux. Sa
commande
nerveuse
est
parasympathique ;
des
médiateurs
spécifiques
intra-caverneux,
tels
l’oxyde
nitrique,
y
participent. Le pénis est maintenu habituellement flaccide par
un tonus sympathique inhibiteur, qui doit cesser pour
permettre
l’érection.
La
commande
périphérique
de
l’éjaculation est sympathique. La physiologie de l’excitation
génitale féminine est moins bien connue. Au niveau central on
commence à repérer les zones du cerveau impliquées. Parmi les
neuromédiateurs,
la
dopamine
est
celui
du
plaisir
et
probablement du désir, tandis que la sérotonine est plutôt
anti-libido et retarde l’orgasme.
La physiologie sexuelle nécessite que la testostérone ne soit
pas effondrée chez l’homme, tandis que chez la femme désir et
plaisir seraient aussi sous la dépendance du peu de
testostérone produit par la surrénale.
Epidémiologie
« Ma sexualité est-elle normale ? » est une question que l’on
peut se poser - plus ou moins anxieusement – à tout moment de
son existence, surtout à l’adolescence. La plupart des pays
industrialisés disposent actuellement d’études de la sexualité
en population générale.
Ces études étaient destinées, il y a 30 ans, à mieux connaître
les comportements sexuels en vue de la contraception ; il y a
10 ans elles ont été diligentées en vue de la prévention du
Sida. On connaît ainsi la fréquence moyenne des rapports
sexuels en fonction de l’âge, de l’éducation…, les différentes
pratiques sexuelles, les opinions sur la sexualité, la
communication sur ce sujet… (donner les ref Spira et Lauman).
Néanmoins il ne s’agit que de données statistiques et les
variations individuelles sont très grandes. Comptent surtout
pour l’individu la pratique qui lui va – dans les limites de
la loi – et sa capacité à trouver un équilibre et une certaine
satisfaction dans cette pratique, y compris dans l’abstinence
s’il l’a choisie.
La loi
La loi ne contrôle pas les pratiques sexuelles privées, entre
adultes consentants.
Elle réprime les pratiques sexuelles publiques, les abus
sexuels de personnes adultes non consentantes, et les abus
sexuels d’enfants.
3
Pathologie sexuelle : les troubles sexuels
Ils comprennent les dysfonctions sexuelles, les paraphilies,
et les troubles de l’identité sexuelle.
Les dysfonctions sexuelles (DS)
Caractères généraux
Les termes anciens d’impuissance et de frigidité, trop
imprécis et péjoratifs, n’ont plus cours.
Les DS sont maintenant décrites en référence à la phase des
relations sexuelles qui est altérée, et de façon parallèle
chez la femme et chez l’homme.
Selon le DSM-IV, on décrit donc dans les deux sexes des
troubles du désir, de l’excitation et de l’orgasme, auxquels
il faut ajouter les troubles sexuels avec douleur. Il existe
aussi, dans les 2 sexes, les catégories DS due à une affection
médicale générale et DS induite par une substance.
Pour chaque DS, des caractéristiques importantes - et donc à
rechercher systématiquement en clinique - constituent les
sous-types :
- de tout temps ou acquis
- généralisé ou situationnel
- du à des facteurs psychologiques
- du à une combinaison de facteurs (facteurs psychologiques
+ affection médicale ou substance).
Epidémiologie
Les DS sont très fréquentes en population générale, de façon
similaire dans tous les pays occidentaux, par exemple, tous
âges confondus, 8 à 10 % de dysfonction érectile (DE), 15 à 30
% d’éjaculation précoce (EP), 2 à 4% de trouble de l’orgasme
chez l’homme, 30 % de trouble du désir et de trouble de
l’orgasme chez la femme. La DE voit son taux augmenter avec
l’âge, tandis que l’EP ne diminue pas avec le temps,
contrairement à ce que l’on croyait ; par contre les DS de la
femme auraient plutôt tendance à s’améliorer avec l’âge.
S’il n’existe pas une relation obligatoire de la satisfaction
sexuelle avec la satisfaction de la vie de couple, les DS
affectent toutefois fortement la qualité de vie et l’estime de
soi de beaucoup de sujets qui en sont atteints ; ceci joint à
la fréquence des DS doit inciter le médecin à s’en préoccuper
dans sa pratique.
Clinique des DS
4
NB : les intitulés des troubles et
guillemets sont des citations du DSM-IV
les
phrases
entre
Troubles du désir sexuel
- Baisse du désir sexuel : « Déficience (ou absence)
persistante et répétée de fantaisies imaginatives d’ordre
sexuel et de désir d’activité sexuelle… »
- Aversion sexuelle : « Aversion extrême, persistante ou
répétée, et évitement de tout (ou presque tout) contact
génital avec un partenaire sexuel ».
Quand ces troubles ne sont pas liés à une affection médicale
ou à une substance, ils résultent souvent de problèmes de
couple.
Troubles de l’excitation sexuelle
- chez la femme : « Incapacité persistante ou répétée à
atteindre, ou à maintenir jusqu’à l’accomplissement de
l’acte
sexuel,
une
activité
sexuelle
adéquate
(lubrification, intumescence). »
- chez l’homme : « Incapacité persistante ou répétée à
atteindre, ou à maintenir jusqu’à l’accomplissement de
l’acte sexuel, une érection adéquate ».
La symétrie des définitions est remarquable. Néanmoins, autant
le
trouble
de
l’érection
chez
l’homme
est
facilement
identifiable, autant le trouble de l’excitation chez la femme
est relativement difficile à étudier. Les femmes elles-mêmes
n’ont pas toujours une claire perception de leur niveau
d’excitation physique. Il est difficile de différencier chez
elles ce trouble d’un trouble du désir.
La DE est la DS la plus étudiée, la plus traitée, la plus
médicalisée, c’est-à-dire la plus entrée dans le champ de la
médecine. Ceci est lié à son caractère très repérable déjà
cité, à son importance symbolique pour l’homme (être un homme
ou non), et à la découverte récente (moins de 30 ans) de
traitement médicaux efficaces de plus en plus perfectionnés.
La tendance à médicaliser de la même façon le trouble de
l’excitation chez la femme n’en est qu’à ses débuts.
Troubles de l’orgasme
- Trouble de l’orgasme chez la femme : « Absence ou retard
persistant ou répété de l’orgasme après une phase
d’excitation sexuelle normale. Il existe chez la femme
une grande variabilité dans le type ou l’intensité de la
stimulation nécessaire pour déclencher un orgasme. Le
diagnostic d’un trouble de l’orgasme chez la femme repose
sur le jugement du clinicien qui estime que la capacité
orgastique de la femme est inférieure à ce qu’elle
devrait être, compte tenu de son âge, de son expérience
sexuelle et de l’adéquation de la stimulation sexuelle
reçue ».
5
-
-
Le jugement du clinicien n’est pas un critère bien défini.
Il faut plutôt se référer au jugement de la femme ellemême, et ne pas oublier de demander de quel orgasme il
s’agit, clitoridien ou vaginal.
Trouble de l’orgasme chez l’homme : «Absence ou retard
persistant ou répété de l’orgasme après une phase
d’excitation
sexuelle
normale
lors
d’une
activité
sexuelle que le clinicien juge adéquate en intensité, en
durée et quant à son orientation, compte tenu de l’âge du
sujet ». NB : « quant à son orientation » est la
traduction de « adequate in focus » et ne se réfère pas à
l’orientation sexuelle du sujet.
Ce trouble était antérieurement appelé retard à l’orgasme
quant l’orgasme était quand même obtenu, au prix d’un
délai anormalement long, ou anéjaculation anorgasmique
lorsqu’il ne pouvait l’être. Il est ennuyeux pour la
satisfaction du patient, qui tarde à venir ou ne vient
pas, et celle de la partenaire habituelle qui n’apprécie
pas d’être stimulée au-delà de ses souhaits. Il est une
cause – curable - d’infertilité en cas d’impossibilité
d’éjaculation intra-vaginale. Si certains de ces sujets
peuvent éjaculer en dehors du vagin en se masturbant,
certains ne peuvent jamais obtenir l’éjaculation à l’état
de veille.
Ejaculation
précoce :
« Trouble
de
l’éjaculation
persistant ou répété lors de stimulations sexuelles
minimes avant, pendant, ou juste après la pénétration, et
avant que le sujet ne souhaite éjaculer ».
C’est la DS masculine la plus répandue. Elle est assez
toxique pour la relation de couple car la partenaire peut
se sentir exploitée par un homme qui lui semble prendre
son plaisir sans se soucier d’elle. Elle est traitée avec
succès par sexothérapie ou médicaments.
Troubles sexuels avec douleur
- Dyspareunie : « Douleur génitale persistante ou répétée
associée aux rapports sexuels, soit chez l’homme, soit
chez la femme ».
Ce trouble est souvent associé à des lésions ou affections
médicales, plus fréquentes chez la femme en raison des
grossesses et de leurs complications. Il peut être
uniquement lié à des facteurs psychologiques. Il faut
néanmoins être toujours très prudent avant d’attribuer à
des manifestations douloureuses, quelles qu’elles soient,
une cause psychologique.
- Vaginisme : « Spasme involontaire, répété ou persistant,
de la musculature du tiers externe du vagin perturbant
les rapports sexuels ».
Il s’agit d’un phénomène de type phobique, qui était
classiquement responsable de non-consommation du mariage
et pouvait, soit durer des années, soit donner lieu à des
6
thérapeutiques inadaptées et traumatisantes (dilatation
vaginale ou défloration chirurgicale sous anesthésie). Il
se soigne très bien, la plupart du temps, par un
traitement congnitivo-comportemental simple effectué par
une gynécologue ou une sexologue.
DS due à une affection médicale générale : « Mise en évidence,
d’après l’histoire de la maladie, l’examen physique ou les
examens complémentaires, que la DS est entièrement expliquée
par les effets physiologiques directs d’une affection médicale
générale ».
Toutes les maladies affectant le dispositif physiologique
nécessaire à la sexualité peuvent entraîner une DS. Elles
comportent en général une séméiologie sexuelle concomitante
qui permet leur diagnostic. En dehors de signes d’appel
cliniques, le seul examen complémentaire destiné à déceler une
cause cachée de DS, surtout trouble du désir ou de
l’excitation, serait le dosage de la prolactine à la recherche
d’un adénome hypophysaire. Il s’agit toutefois d’une affection
rare et cet examen n’est pas justifié en première intention.
NB : la présence d’une affection médicale facteur possible de
DS n’indique pas son implication automatique dans la DS ; par
exemple un athérome patent, ou un diabète, ou un traumatisme
du bassin, peuvent coexister avec une DE essentiellement
psychogène.
DS induite par une substance : « Mise en évidence, d’après
l’histoire de la maladie, l’examen physique ou les examens
complémentaires, que la DS est entièrement expliquée par
l’utilisation d’une substance, comme en témoigne la présence
soit de (1) soit de (2) :
(1) les symptômes sont apparus pendant une intoxication à
une substance ou dans le mois qui a suivi
(2) la perturbation et liée étiologiquement à la prise
d’un médicament ».
Ces spécifications soulignent que la prise d’un médicament ou
d’une substance ne suffit pas en soi à l’incriminer dans la
genèse de la DS ; il faut évaluer l’imputabilité selon la
démarche habituelle.
Les substances illicites stimulantes – dont l’alcool – sont
aussi des stimulants sexuels ; elles ne donnent de DS qu’à
dose intoxicante. Les opiacés par contre ne sont pas des
stimulants sexuels et peuvent être facteurs de DS à des doses
non intoxicantes.
Les médicaments fréquemment facteurs de DS sont les antihormones, les antidépresseurs et les neuroleptiques, à un
moindre degré les divers traitements de l’hypertension. Pour
tout médicament, il est recommandé de consulter la liste des
effets secondaires dans le RCP (sur le Vidal) et d’étudier
l’imputabilité du produit en fonction de la clinique.
7
L’examen sexologique
Il suit les procédures habituelles de l’examen médical. Sa
spécificité tient à l’embarras qu’il peut susciter chez le
malade et le médecin.
L’entretien
doit
commencer
par
faire
préciser
les
caractéristiques du trouble, actuelles et
passées. Il faut
encourager le patient à s’exprimer avec ses termes à lui et ne
pas utiliser de termes techniques sans les expliquer. Le
médecin doit acquérir la capacité de parler tranquillement de
la sexualité.
On explore ensuite la vie sexuelle et relationnelle du sujet,
ses antécédents personnels somatiques et psychiatriques, ses
problèmes
psychologiques
(quant
les
symptômes
sont
insuffisants pour un diagnostic de trouble psychiatrique), ses
antécédents familiaux somatiques et psychiatriques.
Une attention particulière est portée au ou à la partenaire,
du point de vue relationnel et sexuel. Le problème se pose de
le ou la voir si présent(e) à la consultation, ou de demander
à le ou la voir si absent(e), avec le ou la consultant(e), ou
à part. Il faut un certain entraînement pour mener ces
consultations de couple et on ne peut pas le recommander à un
médecin qui ne s’y serait pas préparé.
NB : il existe en France un DIU de Sexologie, dans des
universités réparties sur tout le territoire, qui assure une
formation de validité reconnue. Renseignements auprès de votre
université.
L’examen somatique est recommandé ; on peut le confier
éventuellement à un spécialiste urologue ou gynécologue.
De même après débrouillage du trouble, on peut demander l’avis
d’un spécialiste en sexologie, qui est en général titulaire du
DIU.
L’examen sexologique fournit le diagnostic de la DS.
L’orientation thérapeutique est fonction de l’étiologie et des
moyens thérapeutiques.
Les DS reconnaissent des causes communes
Affections médicales et substances : cf supra
Causes psychiques individuelles
- troubles mentaux : la plupart des troubles mentaux sont
anti-sexuels, sauf la manie, qui stimule la sexualité. La
dépression est le trouble mental le plus fréquemment
responsable de DS, bien que de façon inconstante dans ses
formes
de
sévérité
modérée.
Rappelons
que
les
psychotropes peuvent ajouter leurs effets secondaires à
ceux de la maladie.
- traumatismes psychiques actuels : évènements de vie
défavorables ; nécessité (e enlevé) d’adaptation.
8
-
traumatismes sexuels actuels: abus sexuels, facteurs très
importants de DS.
- maltraitance physique, psychologique, ou sexuelle, dans
l’enfance, idem.
- anxiété sociale, timidité, phobie sociale, sont aussi des
facteurs de risque de DS.
Causes psychiques de couple
- les messages positifs de la ou du partenaire renforcent
puissamment la motivation sexuelle et le fonctionnement
sexuel ; inversement des messages négatifs les inhibent .
- les problèmes et difficultés de couple, passagers ou plus
profonds, sont, par ce mécanisme, des facteurs fréquents
et puissants de DS ; ils sont aussi, heureusement, très
sensibles à des traitements de couple adaptés.
Moyens thérapeutiques
Psychothérapies
- individuelles générales : en règle peu adaptées à la
demande des consultants qui est celle de traitements de
la DS
- individuelles
centrées
sur
la
DS
(sexothérapies) :
d’inspiration essentiellement cognitivo-comportementale ;
moins efficaces que les traitements de couple.
- sexothérapies de couple : inventées par M et J de façon
pragmatique, elles peuvent être décrites en termes
cognitivo-comportementaux .
Elles s’adressent principalement à la composante anxiété
de performance de la DS.
Il s’agit d’une anxiété apparentée à l’anxiété sociale,qui
saisit le sujet lorsqu’il doit effectuer publiquement une
performance dont il se sent incapable. Ici la performance
est l’acte sexuel et le public le ou la partenaire. Cela
s’applique bien aux DE et à l’EP, où l’homme se sent tenu
de performer dans des fonctions somatiques qu’il ne peut
contrôler volontairement. Cela s’applique aussi aux
troubles de l’excitation et de l’orgasme chez la femme
malgré le caractère secret de leur performance pour le
partenaire ; ce secret ne joue pas pour elles et elles
présentent aussi, bien que moins souvent que l’homme, une
anxiété de performance sexuelle.
Pour la femme la sexothérapie comporte une part importante
d’information et de familiarisation avec la connaissance
de ses organes sexuels cachés et de leur fonctionnement.
Enfin dans les deux sexes une composante importante du
traitement est le travail sur la communication dans le
couple.
Ces sexothérapies comportent des prescriptions d’exercices
sexuels à domicile et leur discussion dans les séances de
9
thérapie. Il s’agit essentiellement de décentrer la
préoccupation des sujets de la performance sexuelle pour
la recentrer
sur
les
sensations,
la
communication
détendue, et le plaisir corporel. Les premières consignes
comportent en général l’interdiction des rapports et des
stimulations sexuelles directes, et la prescription de
travailler les sensations corporelles générales, non
sexuelles. Ce temps initial passé, la sexothérapie peut
être considérée comme une rééducation de la sexualité.
Certaines sexothérapies utilisent des méthodes de travail
corporel spécifiques à visée pschothérapique,par exemple
la psychomotricité ou la relaxation.
Par contre, tout exercice de stimulation sexuelle effectué
avec le thérapeute doit être considéré comme suspect
d’abus et est maintenant réprouvé par les associations de
sexologues. Il faut en informer les patients lorsqu’on les
adresse à un spécialiste.
NB : le traitement du vaginisme comprend un travail avec
un thérapeute (femme recommandée) sur la pénétration
vaginale,mais
il
ne
s’agit
pas
d’un
exercice
de
stimulation sexuelle.
Traitements médicamenteux ou chirurgicaux
Ils s’adressent essentiellement à la DE et l’EP.
La DE peut être traitée par :
- les androgènes en cas d’insuffisance avérée ; on discute
actuellement du traitement androgène de l’andropause, où
cette insuffisance est relative (mais risque pour le
cancer de la prostate).
- Les alpha-bloquants (yohimbine), d’efficacité démontrée,
mais faible
- Les inhibiteurs de la 5-phosphodiestérase (PDE-5) intracaverneuse, qui favorisent l’action de l’oxyde nitrique.
Leur prototype est le sildenafil, premier produit actif
par voie orale sur l’érection. Ils nécessitent une
stimulation sexuelle pour agir.
- L’apomorphine,
d’action
centrale
dopaminergique,
administrée en sub-lingual. Moins active que les produits
précédents.
- Les vaso-dilatateurs actifs uniquement par injection
intra-caverneuse (IIC), papavérine, phentolamine, et
surtout prostaglandine E. La plupart procurent une
érection dans les minutes qui suivent l’injection, sans
qu’il soit besoin de stimulation sexuelle. Il existe une
présentation de prostaglandine E en application intraurethrale.
10
-
On peut aussi provoquer l’érection par aspiration puis
blocage élastique de la base du pénis, à l’aide d’un
dispositif appelé vacuum.
Enfin il existe des prothèses péniennes, semi-rigides,
malléables, ou gonflables, à insérer chirurgicalement
dans les corps caverneux.
L’EP peut être traitée par les inhibiteurs sélectifs de la
sérotonine ou la clomipramine, à des doses souvent faibles, à
la demande ou en continu. L’efficacité de la clomipramine, de
la paroxétine et de la sertraline a été démontrée dans des
études en double insu contre placebo.
NB : Divers produits, dont les inhibiteurs de la PDE-5 sont ou
ont été étudiés dans les troubles de l’excitation chez la
femme, avec des résultats inconstants.
Choix du traitement
Il ne dépend que partiellement de l’étiologie. Si les troubles
organiques ne peuvent pas être traités par sexothérapie, les
troubles psychogènes ne répondent pas obligatoirement à la
sexothérapie, mais peuvent aussi être traités par médicaments,
vacuum ou prothèses.
Dans le cas de troubles liés à des facteurs psychologiques
prédominants ou exclusifs, le choix du traitement dépend des
préférences du patient et de l’efficacité des traitements
antérieurs. Le thérapeute expose les traitements possibles
pour un trouble et un sujet donnés, et guide par ses
informations le choix du patient.
Lorsqu’il existe un ou une partenaire stable, son implication
dans le choix du traitement est souhaitable. De même un
accompagnement sexothérapique est souhaitable dans tous les
cas, y compris avec les traitements les plus médicaux et les
cas les plus organiques. Il peut être aussi difficile de
s’adapter au rétablissement plus ou moins artificiel de la
fonction sexuelle qu’à sa défaillance.
Paraphilies
Caractères généraux
« Les caractéristiques essentielles d’une paraphilie sont des
fantaisies
imaginatives
sexuellement
excitantes,
des
impulsions sexuelles, ou des comportements, survenant de façon
répétée et intense, et impliquant : 1) des objets inanimés, 2)
11
la souffrance ou l’humiliation de soi-même ou de son
partenaire,
3)
des
enfants
ou
d’autres
personnes
non
consentantes ; et qui s’étendent sur une période d’au moins 6
mois ».
Il s’agit des troubles anciennement appelés perversions
sexuelles.
Le terme paraphilie désigne éthymologiquement une sexualité
déviante quant à son but et son objet. Le caractère déviant ne
suffit pas à définir ces troubles ; il faut lui ajouter :
l’intensité du désir qui leur est lié, et son caractère
répétitif.
Epidémiologie
Il n’existe pas d’étude épidémiologique des paraphilies. Les
données existantes viennent de la justice. Les consultations
spontanées sont rares. " …l’importance du marché commercial de
la pornographie paraphilique … suggère que sa prévalence dans
la communauté est probablement plus élevée. " Les problèmes
les plus couramment rencontrés dans les lieux spécialisés dans
le
traitement
des
paraphilies
sont
la
pédophilie,
le
voyeurisme et l’exhibitionnisme… Approximativement la moitié
des sujets qui consultent pour paraphilie sont mariés.
Clinique
Les troubles sont répertoriés en fonction de la focalisation
paraphilique.
On
distingue
ainsi parmi
les
paraphilies
fréquentes :
- l’exhibitionnisme : « …consistant à exposer ses organes
génitaux devant une personne prise au dépourvu
par ce
comportement »
- le fétichisme : « …utilisation d’objets inanimés (par
exemple des sous-vêtements féminins) ».
- le frotteurisme : « …acte de toucher et de se frotter
contre une personne non consentante ».
- la pédophilie : « …activité sexuelle avec un enfant ou
des enfants prépubères (généralement âgés de 13 ans ou
plus jeunes). Le sujet présentant une pédophilie doit
avoir au moins 16 ans et au moins 5 ans de plus que
l’enfant ». L'attirance sexuelle peut concerner les
garçons, les filles ou les deux.
- le masochisme et le sadisme sexuels, dans lesquels le
stimulus paraphile est la souffrance subie ou infligée.
- le transvestisme fétichiste, qui est le fait, pour un
homme hétérosexuel, de se travestir plus ou moins
complètement en femme et de s’imaginer ainsi être une
femme.
- le voyeurisme : « …consistant à observer une personne
nue, ou en train de se déshabiller, ou en train d’avoir
12
des rapports sexuels, et qui ne sait pas qu’elle est
observée ».
Formes cliniques et évolution
Les caractéristiques paraphiliques peuvent être obligatoires
et toujours être nécessaires à l’acte sexuel, ou épisodiques,
(par exemple liées au stress ou à la consommation de
toxiques).
Les actes paraphiliques peuvent être vécus sans aucune
culpabilité et le problème des sujets est alors celui des
conséquences sociales de son comportement. Chez d’autres
paraphiles, leur activité s’accompagne de culpabilité, honte,
ou dépression.
Les
paraphilies
peuvent
débuter
dans
l’enfance,
mais
s’installent vraiment au moment de l’adolescence ou chez
l’adulte jeune. Leur évolution tend à être chronique, avec une
intensité fluctuante.
Elles sont souvent associées entre elles. Dans 90 % des cas il
s'agit de sujets de sexe masculin. Les malades mentaux avérés
sont peu fréquents parmi les délinquants sexuels (4 %). Par
contre, des troubles de personnalité de type psychopathique ou
antisocial sont fréquents chez les violeurs.
Les paraphilies qui impliquent un partenaire non consentant
(viol) ou un enfant (pédophilie), ou encore l'exhibitionnisme,
tombent sous le coup de la loi. On parle alors de délinquance
sexuelle. Les sanctions légales sont lourdes et le caractère
récurrent des troubles expose le sujet à la récidive, qui sera
plus lourdement sanctionnée encore.
Psychopathologie
On peut essayer de comprendre les paraphilies comme des
obsessions, comme un trouble du contrôle des impulsions (comme
le jeu pathologique ou la kleptomanie), ou comme un
comportement de type addictif, ou addiction comportementale.
La force du désir paraphile, l’incapacité du sujet à lui
résister malgré les inconvénients légaux très sérieux qu’il
implique, et son caractère répétitif, sont en faveur de
l’hypothèse addiction.
On décrit d’ailleurs un trouble addiction sexuelle - non
reconnu par les nomenclatures internationales – dans lequel
des comportements sexuels non déviants, par leur fréquence et
leur retentissement social, entraînent des inconvénients
sérieux, et que sujet ne peut contrôler malgré cela. Cette
définition, calquée sur celle des addictions aux substances,
peut également s’appliquer aux paraphilies.
Parmi les facteurs de risque de récidive de délinquance
sexuelle, on distingue le type de paraphilie (les pédophiles
homosexuels sont à fort risque de récidive), les antécédents
de délinquance sexuelle, l'existence d'un retard mental, la
mauvaise observance du traitement.
13
Traitement
But du traitement
Le but principal est essentiellement pragmatique :
(1)
supprimer les comportements paraphiles, nuisibles au sujet et
éventuellement à autrui, (2) améliorer la qualité de vie du
sujet et atténuer sa souffrance
Les psychothérapies
- les psychothérapies non directives sont en général
inadaptées et inefficaces.
- il existe des méthodes psychothérapiques spécifiques,
d’inspiration
cognitivo-comportementale,
dont
le
caractère principal est d’être directives et contrôlées.
Elles visent à la prise de conscience des conséquences de
la paraphilie, à apprendre à éviter les occasions de la
mettre en œuvre, à remplacer les idées et comportement
paraphiles par des idées et comportements non paraphiles
à améliorer les relations avec autrui, à corriger les
distorsions sur la sexualité.
Elles ne sont bien pratiquées que par des équipes
spécialisées.
Elles sont utilisées dans la prise en charges des
exhibitionnistes et de certaines paraphilies, lorsque le
risque de passage à l'acte est peu important.
Les médicaments
- les
antidépresseurs inhibiteurs de la recapture de la
sérotonine (IRS) sont actifs dans le traitement des
paraphilies, probablement plus par leur effet secondaire
anti-libido que par un effet anti-obsessionnel ou
antidépresseur.
Actuellement
leurs
indications
sont
limitées à l'exhibitionnisme et à certaines formes de
pédophilie dont le risque de passage à l'acte paraît peu
important.
- Les traitements antiandrogènes sont des traitements très
efficaces des paraphilies par suppression du désir.
L’absence de désir en général vaut pour le désir
paraphile en particulier. Il en existe deux types :
l'acétate de cyprotérone (forme orale) ou les analogues
de
la
GNRH
(triptoreline
ou
leuproreline)
(forme
injectable à libération prolongée).
Cependant, ils ne sont pas dénués d'effets secondaires à
long terme (déminéralisation osseuse surtout) et leur
prescription est réservée aux patients chez lesquels un
risque de passage à l'acte est élevé (violeur ou
pédophile),
lorsque
les
autres
traitements
sont
inefficaces ou encore lorsque le niveau intellectuel du
patient est incompatible avec une psychothérapie.
14
Ces traitements antiandrogènes ne peuvent être prescrits
qu'avec le consentement du patient, après s'être assuré de
l'achèvement de la puberté et de l'absence d'anomalies
hormonales.
La durée pendant laquelle le traitement antiandrogène doit
être poursuivie ne fait pas l'objet d'un consensus.
Législation
La loi du 17 juin 1998, relative à la répression et à la
prévention des infractions sexuelles, ainsi qu'à la protection
des mineurs, a modifié les conditions de détention du sujet,
mais aussi celles de l'aménagement des peines.
Le juge d'application des peines devient un élément central du
dispositif, articulant le soin et le judiciaire.
Si un suivi socio-judiciaire est mis en place par le juge,
après expertise médicale, il comporte, pour le condamné,
l'obligation
de
se
soumettre,
sous
contrôle
du
juge
d'application des peines et pendant une durée déterminée par
le jugement, à des mesures de surveillance et d'assistance
(pouvant comprendre une injonction de soins) destinées à
prévenir la récidive. Aucun traitement ne peut être entrepris
sans le consentement du condamné, mais si ce dernier refuse
les
soins
proposés,
l'emprisonnement
peut
être
mis
à
exécution. L'incitation aux soins, si elle est nécessaire,
peut débuter en détention, et être poursuivie après la sortie
La loi a prévu d'instituer un médecin coordonnateur à côté du
médecin traitant pour servir de relais entre le médical et le
judiciaire.
POUR EN SAVOIR PLUS
"Troubles des conduites sexuelles diagnostic et traitement"
F Thibaut - EMC - Psychiatrie 37-105 G10 de 2000 (9p)
15
PREMIÈRE PARTIE : MODULES TRANSDISCIPLINAIRES
Module 3 – Maturation et Vulnérabilité
Question 41
TROUBLES ANXIEUX ET TROUBLES DE L’ADAPTATION
Rédaction : J.-P. Boulenger, C. Piquet, E. Corruble, P. Hardy
Objectifs pédagogiques spécifiques
Anxiété normale et pathologique
 Connaître la différence entre anxiété normale et pathologique
 Connaître la définition du mot névrose et la différence entre névrose et psychose
 Connaître les co-morbidités des troubles anxieux
 Connaître la sémiologie d’une crise d’angoisse aiguë ou attaque de panique
 Connaître le traitement curatif d’une crise aiguë d’angoisse
Trouble panique
 Connaître la définition du trouble panique et les critères diagnostiques
 Connaître les modalités évolutives possibles des attaques de panique
 Connaître les principes du traitement préventif des attaques de panique
Anxiété généralisée
 Connaître la définition de l’anxiété généralisée
 Connaître les principaux symptômes et les principes de traitement
Phobies
 Connaître la définition d’une phobie et les modifications comportementales que
peuvent induire les phobies
 Connaître les différents types de phobies
 Savoir différencier phobie et obsession
 Connaître les principaux traits de personnalité associés à la névrose phobique
 Connaître les principes du traitement de la névrose phobique
Névrose ou stress post-traumatique
 Connaître les signes de l’état de stress post-traumatique
 Connaître les principes du traitement de l’état de stress post-traumatique et savoir
que le pronostic est d’autant meilleur que le traitement est plus précoce
1
Névrose obsessionnelle
 Connaître la définition d’une obsession
 Connaître les différents types d’obsessions
 Connaître la définition des compulsions
 Connaître les principaux traits de personnalité associés à la névrose obsessionnelle
(ou Trouble Obsessionnel Compulsif)
 Savoir qu’il existe des travaux biologiques concernant le Trouble Obsessionnel
Compulsif
 Connaître les principes du traitement chimiothérapique et psychothérapique de la
névrose obsessionnelle
Trouble de l’adaptation
Savoir diagnostiquer un trouble de l'adaptation, avec humeur anxieuse, avec humeur
dépressive, ou mixte.
2
INTRODUCTION
Depuis 1980, les termes de Troubles anxieux et de Troubles de l'adaptation sont
utilisés par le Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux (DSM),
classification de l'Association Américaine de Psychiatrie (APA), pour désigner
deux grandes catégories de troubles mentaux.
a) Troubles anxieux : trouble panique (sans agoraphobie et avec agoraphobie),
agoraphobie sans antécédent de trouble panique, phobie spécifique, phobie
sociale, trouble obsessionnel-compulsif, trouble état de stress posttraumatique, trouble de stress aigu, trouble anxiété généralisée, trouble
anxieux dû à une affection médicale générale, trouble anxieux induit par une
substance.
b) Troubles de l'adaptation : troubles de l'adaptation avec humeur dépressive,
trouble de l'adaptation avec anxiété, trouble de l'adaptation avec anxiété et
humeur dépressive, trouble de l'adaptation avec perturbation des conduites,
trouble de l'adaptation avec perturbation des émotions et des conduites.
Plus récemment, la 10ème version de la Classification Internationale des Maladies,
élaborée par l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS), a également introduit
ces deux types de troubles, mais de façon plus discrète. Ceux-ci sont en effet
regroupés parmi d'autres au sein d'une même grande catégorie diagnostique,
celle des "Troubles névrotiques, troubles liés à des facteurs de stress et
troubles somatoformes" qui comporte les sous-catégories suivantes :
Troubles névrotiques, troubles liés à des facteurs de stress et troubles
somatoformes (CIM-10, 1992)
 Troubles anxieux phobiques : agoraphobie (sans trouble panique ou avec trouble






panique), phobies sociales, phobies spécifiques (isolées), etc…
Autres troubles anxieux : trouble panique, anxiété généralisée, trouble anxieux et
dépressif mixte, etc…
Trouble obsessionnel-compulsif
Réactions à un facteur de stress important et troubles de l'adaptation : réaction
aiguë à un facteur de stress, état de stress post-traumatique, troubles de
l'adaptation (réaction dépressive brève ; réaction dépressive prolongée, réaction
mixte, anxieuse et dépressive ; avec prédominance d'une perturbation d'autres
émotions ; avec prédominance d'une perturbation des conduites ; avec perturbation
mixte des émotions et des conduites ; avec prédominance d'autres symptômes
spécifiés), etc..
Troubles dissociatifs (de conversion)
Troubles somatoformes
Autres troubles névrotiques
3
La comparaison des deux classifications montre une utilisation très comparable
du terme "Trouble de l'adaptation" et assez divergente du terme "Troubles
anxieux". Cette divergence tient à l'histoire des classifications psychiatriques
dans le domaine concerné. Jusque vers les années 1970, le classement des
troubles mentaux répondait en effet à une conception très dichotomique et
s'organisait autour de concepts binaires tels que : psychotique/névrotique,
endogène/psychogène, autonome/réactionnel. Par opposition aux troubles
psychotiques-endogènes-autonomes, les troubles névrotiques-psychogènesréactionnels étaient caractérisés par leur moindre sévérité, par la conscience
qu'avaient les sujets de leur nature pathologique, par leur compréhensibilité et
par l'importance étiopathogénique supposée exclusive des facteurs
psychologiques et environnementaux. Ce très vaste ensemble des troubles dits
"névrotico-réactionnels" est en fait hérité de la psychopathologie freudienne
qui, au début du XXème siècle, a repris et reconceptualisé un terme plus que
centenaire, celui de "névrose". Introduit dès 1769 par William Cullen pour
désigner les affections du système nerveux sans lésion décelable, ce terme a en
effet été réutilisé par Sigmund Freud (1856-1939) et ses successeurs de l'école
psychanalytique pour désigner un ensemble de troubles dont ils distingueront
deux grands types :
 Les "névroses actuelles" (névrose d'angoisse et neurasthénie), dont les
causes doivent être recherchées dans des "désordres de la vie sexuelle
actuelle".
 Les "psychonévroses" dites de "transfert" ou de "défense" dont les
symptômes résultent de l'expression symbolique d'un conflit sous-jacent lié à
l'histoire infantile du sujet. Les symptômes témoignent ainsi à la fois du
stade du développement auquel s'est produite la fixation source du conflit et
des mécanismes de défense inconscients mis en jeu pour lutter contre
l'angoisse conflictuelle. Ainsi, si dans la névrose d'angoisse, l'anxiété est
libre et flottante, elle se déplace sur des objets ou des situations dans la
névrose phobique, sur le corps dans la névrose hystérique et sur des contenus
psychiques dans la névrose obsessionnelle.
La théorie psychanalytique a longtemps prévalu, jusqu'à ce que, depuis ces trente
dernières années, de nouveaux modèles, nullement exclusifs les uns des autres,
soient venus enrichir le champ de la psychiatrie et de la psychologie. Parmi les
modèles psychologiques nouveaux, on citera notamment l’apport clinique et
thérapeutique des théories cognitivo-comportementales, ainsi que les modèles
neuro-anatomiques mettant en avant le rôle du système limbique et du tronc
cérébral.
4
Parmi les modèles biologiques, on citera les modèles mettant en jeu le système
nerveux autonome ou les neurotransmetteurs (noradrénaline, sérotonine, GABA
notamment) et la contribution de plus en plus importante des modèles
génétiques. Devant l'impossibilité de choisir certains modèles plutôt que
d'autres, il est apparu préférable, compte-tenu de l'état actuel des
connaissances, de ne pas en privilégier un plus qu'un autre et de se référer à des
modèles descriptifs athéoriques qui pourraient servir de base à des travaux
scientifiques de qualité. C'est ainsi que le concept de névrose a été abandonné et
remplacé par d'autres concepts comme ceux des troubles anxieux et des
troubles de l'adaptation dans les dernières classifications internationales (CIM10 et DSM-IV).
I. Les pathologies "réactionnelles" : troubles de l’adaptation et états de
stress post-traumatique
Si l'évolution de la plupart des troubles mentaux (psychoses, troubles de
l'humeur, troubles anxieux et troubles névrotiques) et des troubles des
conduites (conduites suicidaires …) est sensible au contexte événementiel
(l'apparition et la pérennisation d'un épisode est souvent liée à la survenue d'un
événement stressant de la vie), deux catégories de troubles psychiatriques sont
définies par le rôle déclenchant spécifique de certains événements de la vie : il
s'agit des troubles de l'adaptation et des états de stress post-traumatique.
I. 1. Troubles de l’adaptation
Ces troubles se situent aux frontières du fonctionnement normal et du
fonctionnement pathologique avéré. Ils ont la particularité de survenir en
réaction à un facteur de stress identifiable.
Les troubles de l'adaptation sont fréquents : en consultation psychiatrique
ambulatoire, ils représentent 5 à 10% des patients. Ils sont parmi les diagnostics
psychiatriques les plus fréquents chez des patients hospitalisés pour des
problèmes médicaux ou chirurgicaux, le facteur de stress identifiable étant
alors souvent la maladie physique.
Les troubles réactionnels ou de l’adaptation sont caractérisés par l’apparition de
symptômes cliniquement significatifs dans les registres émotionnels ou
comportementaux, en réaction à un ou plusieurs facteurs de stress venant
déborder les capacités d’adaptation du sujet. Le caractère inadapté
(pathologique) du trouble se manifeste par une souffrance marquée plus
importante que celle qui était attendue compte tenu de la nature du facteur de
stress ou bien par une altération significative du fonctionnement social,
professionnel ou scolaire.
5
Les symptômes peuvent en être variables et intéresser différents registres :
 émotionnel : anxiété, tristesse, retrait affectif, irritabilité, agressivité
 somatique : céphalées, douleurs musculaires, insomnie, fatigue,
sensations de tension ou de déséquilibre, troubles fonctionnels
digestifs, cardio-vasculaires ou respiratoires
 cognitif : difficultés de concentration et d’attention, troubles de la
mémoire à court terme, intrusions de pensée, ruminations mentales,
baisse de l’efficience scolaire ou professionnelle
 comportemental : opposition, fugue, inhibition sociale, isolement, actes
délictueux, abus de médicaments ou de toxiques (tabac, alcool,
drogues), comportement suicidaire.
Le trouble de l’adaptation est, par définition, transitoire. Il apparaît rapidement
(au plus tard trois mois) après un événement stressant clairement identifiable et
cesse dans les six mois qui suivent sa disparition. Les Troubles de l’Adaptation
comme les autres pathologies réactionnelles (la réaction aiguë de stress, l’état
de stress post-traumatique) peuvent survenir à tout âge et touchent les deux
sexes avec cependant une prédominance féminine chez l’adulte (2/3 des cas).
Le facteur de stress peut être unique ou multiple ; il peut se reproduire
régulièrement ou être continu, toucher une seule personne, une famille entière,
ou bien un groupe plus large ou une communauté. Certains facteurs de stress
sont associés à des étapes spécifiques du développement et de la vie (entrée à
l’école, départ du milieu familial, mariage, maternité et paternité, retraite,
veuvage,…). Les facteurs de stress les plus régulièrement retrouvés sont
néanmoins communs (difficultés scolaires ou sociales, problèmes familiaux ou
sentimentaux, difficultés professionnelles, usage de toxiques, …). Il est
important de noter que certains événements de vie a priori non traumatisants
(déménagement, promotion, naissance) peuvent être à l’origine de troubles de
l’adaptation chez certains sujets vulnérables.
Malgré le flou sémiologique qui le caractérise, le trouble de l’adaptation demeure
l’un des diagnostics les plus souvent portés chez l’adulte (10 %). L’apparition d’un
trouble de l’adaptation est souvent favorisée par la coexistence d’un trouble de
personnalité qui limite les capacités de réaction aux événements à certaines
conduites stéréotypées. Cependant si ces symptômes apparaissent chez un
patient présentant un trouble anxieux ou dépressif spécifique préexistant, c’est
ce diagnostic et non celui du trouble d’adaptation qui devra être porté. Le
trouble de l’adaptation doit aussi être distingué de la pathologie posttraumatique, réactionnelle à des événements majeurs et de ce fait moins
dépendante de la variabilité des caractéristiques individuelles.
6
I.2 Pathologies post-traumatiques
Le terme de traumatisme psychique est utilisé pour désigner une blessure, un
phénomène d’effraction et d’envahissement du psychisme par un afflux
d’excitations violentes, vécues comme agressives et susceptibles de déborder
les capacités de défense, psychologique de l’individu. C'est la nature même et
l’intensité exceptionnelle du traumatisme qui donnent aux symptômes leur
caractère spécifique, l’ensemble justifiant de la classification des états de
stress post-traumatiques au sein des troubles anxieux.
Cette catégorie est essentiellement définie par l’intensité de l’événement
traumatisant dont les conséquences sont susceptibles d’affecter un grand
nombre de victimes ou de témoins du fait de la menace objective représentée
pour leur intégrité physique ou psychologique : agressions, viols, accidents,
catastrophes, confrontations subites à la mort...
- La réaction aiguë de stress se développe dans les suites immédiates d’un
traumatisme ayant eu un impact émotionnel majeur. Son évolution est souvent
spontanément résolutive en quelques jours à quelques semaines et centrée sur la
répétition involontaire et stéréotypée de l’événement traumatique dans toute
son acuité émotionnelle, que ce soit sous forme de cauchemars, d’images
récurrentes ou de pensées obsédantes. Ces reviviscences sont soit spontanées,
soit provoquées par la confrontation à des stimuli évoquant le traumatisme ou le
contexte dans lequel il est survenu, stimuli auxquels le patient tentera souvent
de se soustraire par des conduites d’évitement parfois invalidantes. Ces
symptômes sont généralement accompagnés d’une anxiété permanente avec
exagération de la réaction de sursaut et hypervigilance, parfois source
d’insomnie et de tension.
Dans les suites immédiates des traumatismes les plus violents, des symptômes
dissociatifs peuvent être observés : hébétude, mutisme, errance, impressions de
détachement, de dépersonnalisation, de déréalisation. L’impossibilité de se
souvenir de tout ou partie de l’événement en est une conséquence possible. Plus
spectaculaires que les symptômes précédemment décrits, les symptômes
dissociatifs seraient associés à un risque accru de chronicisation et de
développement de l’état de stress post-traumatique.
7
- L’état de stress post-traumatique n’est souvent que la continuation au-delà
d’un mois des symptômes observés dans la réaction aiguë de stress. Il peut aussi
apparaître avec retard par rapport au traumatisme, le plus souvent dans les
jours ou les semaines qui suivent ce dernier mais parfois aussi après plusieurs
mois ou années. Le syndrome de répétition reste au centre du tableau avec les
émotions intenses qui lui sont associées. L’hypervigilance s’y associe ainsi que
l’évitement de certaines situations mais également un certain degré
d’émoussement affectif, une tendance à l’isolement et au détachement, une
raréfaction des intérêts et des projets ou une modification notable de la vision
du monde, éventuellement sous-tendue par des sentiments marqués de
culpabilité ou de rejet. Dans environ un tiers des cas, une évolution chronique est
à craindre. La probabilité de survenue de ce syndrome et son pronostic
dépendent en partie du terrain sur lequel survient le traumatisme et notamment
de sa comorbidité avec d’autres troubles psychiatriques ou avec un trouble de
personnalité.
- D’autres types de troubles (dépression, trouble panique, phobies,...) sont
également susceptibles d’apparaître après un traumatisme violent soit isolément,
soit en association avec ces manifestations.
II. Les troubles anxieux
La vulnérabilité anxieuse est non seulement susceptible de se manifester à
l’occasion d’événements de vie, traumatiques ou non, mais également de manière
apparemment spontanée à divers âges de la vie. Les principaux tableaux cliniques
seront décrits ci-dessous par ordre chronologique d’apparition et de façon
isolée, sans méconnaître cependant leur fréquente association chez les mêmes
individus soit de manière contemporaine, soit de manière successive dans le
temps. Plusieurs études longitudinales ont en particulier démontré que les
troubles anxieux constatés chez l’enfant ne se retrouvaient pas obligatoirement
sous une forme identique chez l’adulte, mais que leur présence augmentait
notablement le risque ultérieur de développement d’un trouble anxieux ou
dépressif.
8
II.1. L’anxiété généralisée
L'anxiété généralisée est fréquente (5-10%) mais ne peut être diagnostiquée que
si ses symptômes durent depuis plus de six mois. Dans ce cas, le trouble est
caractérisé par la survenue involontaire d’inquiétudes relatives à des événements
négatifs mais réalistes, portant sur la vie quotidienne et dont le patient
surestime la probabilité de survenue. Les ruminations caractéristiques de
l’anxiété généralisée sont incontrôlables, portent sur des sujets variables (la
famille, le travail, la santé, la maison), s’accompagnent de symptômes
d’hypervigilance (tension, insomnie, fatigue, difficultés de concentration,
réactions de sursaut) et sont source d’un handicap fonctionnel sans lequel le
diagnostic du trouble ne saurait être porté. Le trouble comporte souvent des
symptômes fonctionnels chroniques (douleurs musculaires ou rachidiennes,
céphalées, insomnie, troubles digestifs …) qui peuvent être source d'errance
diagnostique en médecine générale ou en consultation spécialisée.
L’anxiété généralisée coexiste fréquemment avec les autres troubles anxieux et
avec la dépression ; elle peut également précéder l’apparition de ces troubles ou
persister à titre de séquelle après leur disparition.
II.2 Les troubles phobiques
II.2.a Les phobies spécifiques
Très fréquentes dans la population générale (10-15%), elles sont limitées à un
stimulus déterminé (objet ou situation) comme la proximité de certains animaux,
les endroits élevés, les orages, l’obscurité, la foule, les espaces clos, la vue du
sang… Face au stimulus phobogène, la réaction anxieuse est immédiate et
systématique, pouvant parfois atteindre l’intensité d’une attaque de panique ;
cette confrontation peut aussi donner lieu à une anticipation anxieuse ou à un
évitement plus ou moins systématique mais le handicap fonctionnel est
habituellement minime. Les phobies spécifiques apparaissent le plus souvent dans
l’enfance, restent stables au cours de l’existence, mais peuvent parfois
s’aggraver à l’âge adulte sous l’influence de facteurs divers : survenue d’attaques
de panique, traumatismes, événements de vie, maladie (notamment chez le sujet
âgé).
9
II.2.b. La phobie sociale
L’anxiété sociale pathologique se caractérise par une perturbation du
fonctionnement social, permanente ou répétée avec crainte ou évitement
excessif des étrangers. Le trouble interfère de façon significative avec les
relations sociales ; toute situation sociale nouvelle ou imposée provoque une gène
et un désarroi marqués. Normale et adaptative chez les adolescents confrontés
aux modifications de leur tissu socio-relationnel, l’anxiété sociale peut s’aggraver
à cette époque de manière progressive jusqu’à constituer le tableau de la phobie
sociale, le plus fréquent des troubles anxieux rencontré chez l’adulte (8-10%).
Dans ce trouble, l’anxiété relève principalement de la crainte d’être jugé
négativement par autrui et se révèle donc essentiellement dans les situations
d’interaction sociale notamment face aux inconnus, aux personnes du sexe opposé
ou à celles occupant une position d’autorité. Dans ces cas les patients
appréhendent ou évitent des situations comme les réunions, le fait d’écrire, de
manger ou de téléphoner en public ou les situations nécessitant d’interagir avec
un tiers ou de s’affirmer face à un interlocuteur. La peur de s’exprimer en public
est toujours présente mais ne saurait constituer à elle seule un élément
diagnostique suffisant tant elle est fréquente dans la population générale. Ces
phobies sociales sont souvent expliquées par les patients par la peur de rougir,
de trembler ou de bafouiller ou tout simplement celle qu’on ne remarque leur
embarras ; contrairement au trac ou à la timidité, elles entraînent des
conséquences fonctionnelles handicapantes et des complications qui, comme la
dépression ou l’alcoolisme, sont souvent révélatrices de troubles évoluant déjà
depuis plusieurs années.
Les phobies sociales surviennent plus fréquemment chez des sujets chez lesquels
un tempérament qualifié «d’inhibition comportementale à la nouveauté», est
associé avec anxiété et repli dans les situations non familières (notamment face
à des inconnus) et une réactivité sympathique exagérée lors de ces
confrontations.
10
II.2.c L'agoraphobie
L'agoraphobie est caractérisée par la crainte d'être confronté à certaines
situations (espaces découverts, être en dehors du domicile, magasins, foules,
endroits publics, transports en commun …), qui sont de ce fait fréquemment
évitées.
Il existe des liens complexes entre agoraphobie et trouble panique, que
reflètent les positions différentes des classifications : la CIM-10, qui range
l'"agoraphobie" parmi les "troubles phobiques", distingue entre "agoraphobie
avec trouble panique" et "agoraphobie sans trouble panique", tandis que le DSMIV (qui distingue entre "agoraphobie sans antécédents d'attaques de panique" et
"trouble panique") met l'accent sur l'importance des attaques de panique en
séparant le "trouble panique sans agoraphobie" et le "trouble panique avec
agoraphobie".
II.3 Le trouble panique et l’agoraphobie
Le trouble panique débute brutalement chez un adulte jeune (25-35 ans) et
résulte de la répétition d’épisodes d’anxiété aigus et spontanés : les attaques de
panique. Sa prévalence est d’environ 1- 2% chez l’adulte ; il est plus fréquent
chez la femme (2/3).
L’attaque de panique ou crise aiguë d’angoisse, se caractérise par un début
brutal, sans facteur déclenchant évident, marqué par la survenue de symptômes
physiques intenses : tachycardie, douleurs thoraciques, dyspnée, sensations
vertigineuses, paresthésies, sueurs. Ces symptômes s’accompagnent d’un
sentiment de perte de contrôle et/ou de catastrophe imminente : peur de
mourir, de perdre connaissance, d’étouffer, de devenir fou, de tomber, de vomir,
de perdre le contrôle de ses sphincters. Ces cognitions « catastrophiques »
amènent souvent le patient à interrompre ses activités et à consulter en
urgence, aucune explication médicale immédiate n’étant susceptible de rendre
compte de la survenue de ce malaise. Le caractère subit de ces crises est
d’ailleurs vérifié par la survenue possible de crises de panique nocturnes, dont
les symptômes physiques réveillent le patient dans son premier sommeil, en
dehors de toute activité onirique.
La répétition des crises va entraîner chez certains individus l’apparition d’une
anxiété inter-critique de plus en plus importante, et constituer ainsi, de façon
progressive, le trouble panique proprement dit. Cette anxiété peut alors revêtir
soit la forme d’une anticipation permanente, le patient vivant dans la crainte de
voir se reproduire ses crises de manière inopinée, soit la forme d’une anxiété
phobique, le patient évitant l'ensemble des situations dont il pourrait facilement
s'échapper et dans lesquelles il ne pourrait être facilement secouru en cas de
nouvelle attaque de panique.
11
C’est dans ce dernier cas qu’on parlera d’agoraphobie avec attaque de panique,
terme utilisé pour désigner, non seulement la peur de la place publique et des
grands espaces, mais la diversité des situations phobogènes rencontrées chez
ces patients : endroits publics, foule, transports en commun, conduite
automobile, ponts, tunnels, situations d’immobilité prolongée (coiffeur,
encombrements), éloignement d’un pôle de sécurité,...
Le déclenchement du trouble panique est souvent consécutif à des facteurs de
stress dont la nature varie en fonction des sujets : surmenage, prise de
toxiques, difficultés personnelles ou professionnelles, deuils, problèmes
médicaux... Contrairement à la chronicité observée dans la plupart des troubles
précédemment décrits, l’évolution du trouble panique peut être résolutive en
quelques semaines à quelques mois, même si la vulnérabilité du patient l’expose à
des rechutes ultérieures. Dans d’autres cas, une chronicisation est possible
malgré la disparition des crises de panique spontanées du fait de l’aggravation de
l’agoraphobie.
II.4 Autres troubles anxieux
II.4.a Le Trouble anxieux du à une affection médicale générale
Ce trouble doit être systématiquement envisagé chez tout sujet qui présente
des symptômes anxieux non étiquetés, car les interventions thérapeutiques
seront alors à visée étiologique. Les symptômes anxieux retrouvés sont en règle
générale des symptômes d'anxiété généralisée, des attaques de panique, voire
des symptômes obsessionnels compulsifs ou phobiques. Ces symptômes peuvent
se rencontrer dans de nombreuses pathologies médicales, notamment : maladies
neurologiques (tumeurs cérébrales, traumatismes cérébraux, crises comitiales,
démence débutante, hémorragies sous-arachnoïdiennes, migraines, encéphalites,
sclérose en plaques, épilepsie, maladie de Wilson, maladie de Hungtington),
maladies cardio-respiratoires (troubles du rythme cardiaque, pathologie
ischémique,
insuffisance
respiratoire,
embolie
pulmonaire),
maladies
endocriniennes
(thyroïde,
para-thyroïdes,
hypophyse,
surrénales,
phéochromocytome, diabète), maladies infectieuses, maladies inflammatoires
(lupus érythémateux disséminé, polyarthrite rhumatoïde, péri-artérite noueuse,
maladie de Horton), maladies métaboliques (carence en vitamine B12, pellagre),
cancers, insuffisance rénale notamment. Du fait de sa fréquence et du terrain
de survenue similaire à celui des troubles anxieux (femme jeune),
l’hyperthyroïdie sera systématiquement évoquée si les symptômes sont
évocateurs.
12
II.4.b Le Trouble anxieux induit par une substance
Il peut survenir dans un contexte d'intoxication ou dans un contexte de sevrage
à une substance. Les substances en cause sont en particulier l'alcool, les opiacés,
les psychostimulants, et notamment la caféine ainsi que certains médicaments
(methylxanthines,
bêta-stimulants,
corticostéroïdes,
substances
prodopaminergiques).
II.4.c La symptomatologie anxieuse n'entrant pas dans le cadre des troubles
anxieux avérés
Les limites sont parfois ténues entre anxiété normale, anxiété pathologique et
troubles anxieux avérés. Ainsi, certains patients présentent des symptômes
anxieux significatifs, qui sont au-delà de l'anxiété normale, mais qui n'atteignent
pas les seuils requis en termes d'intensité ou de durée pour parler de trouble
anxieux avéré : on parle alors de pathologie sub-syndromiques (catégorie des
troubles anxio-dépressifs mixtes de la CIM 10). Ces symptômes peuvent
néanmoins être source de souffrance et de dysfonctionnement, et justifier d’un
suivi, voire d’une prise en charge thérapeutique. Enfin, ils peuvent évoluer
éventuellement vers des troubles anxieux avérés. Ces tableaux s'intègrent
également dans le cadre des troubles de l'adaptation, décrits précédemment.
III. Traitement
III.1 Les traitements d’urgence
Les situations d’urgence liées aux troubles anxieux non associées à d'autres
troubles psychiatriques se résument à la prise en charge des attaques de panique
et à celle des victimes de traumatismes récents.
III.1.a La crise aiguë d’angoisse ou attaque de panique
L'attaque de panique est une urgence subjective pour celui qui la subit mais
n’expose le patient à aucune conséquence pathologique notable, en l’absence
d'autre pathologie associée. Par contre elle peut entraîner une augmentation du
risque de passage à l'acte suicidaire lorsqu’elle survient sur un terrain
prédisposant, notamment dépression ou trouble grave de la personnalité. La
conduite à tenir se résume à des gestes simples et de bon sens :
 Isoler le patient des stimulations anxiogènes, notamment l’inquiétude des
proches
 Le rassurer et dédramatiser la situation par un examen physique rapide
 Eliminer un appoint organique, notamment toxique
 Refocaliser l’attention du patient sur autre chose que ses symptômes
physiques en l’interrogeant sur ses antécédents, les circonstances d’apparition
de sa crise...
13
 Lutter contre les effets de l’hyperventilation et de l’hypocapnie secondaire en
lui faisant adopter une respiration physiologique
 Si les mesures précédentes ne suffisent pas, envisager l’administration par
voie orale d’un anxiolytique d’absorption rapide comme le diazepam, le recours
à une injection intra-musculaire de benzodiazépine (BZD) ayant le double
inconvénient d’une absorption incomplète et lente et celui de renforcer les
cognitions "catastrophiques" du patient.
III.1.b La prise en charge précoce des victimes de traumatisme
Bien que les techniques dites de « debriefing » aient été récemment contestées
sur la base d’études contrôlées de manière scientifique, les interventions
précoces auprès des victimes se sont imposées dans la pratique médicale. Leurs
principaux objectifs sont :
 repérage et traitement des patients présentant des manifestations aiguës de
stress et notamment une symptomatologie dissociative.
 information des victimes et de leurs proches sur les modalités évolutives de
leurs symptômes et les possibilités d’aide en cas de persistance de ces
derniers
 support psychologique et notamment possibilité d’une écoute de ceux
souhaitant verbaliser les émotions, souvent violentes, ressenties au cours de
la situation traumatique.
Les benzodiazépines sont à utiliser avec parcimonie à ce stade, certaines études
suggérant qu’elles puissent favoriser le risque ultérieur de développement d’un
trouble de stress post-traumatique.
III.2 Les traitements de fond
III.2.a Les psychothérapies comportementales et cognitives (TCC)
Les TCC s’intéressent principalement aux mécanismes d’acquisition et
d’apprentissage des comportements normaux et pathologiques et aux processus
conscients ou inconscients de traitement de l’information.
Limitées dans le temps, ces psychothérapies se caractérisent par leur aspect
très interactif et par le nombre des études scientifiques ayant démontré leur
efficacité (notamment dans les troubles anxieux).
Leurs indications privilégiées sont le refus scolaire, les troubles phobiques,
l’agoraphobie, les troubles obsessionnels et compulsifs, les dépressions
d’intensité modérée.
Les TCC peuvent être utilisées en association avec les traitements psychotropes.
Contrairement à ces derniers, les TCC ont un effet thérapeutique durable, qui
persiste bien au delà du traitement et limite ainsi le risque de rechute.
14
Les principales techniques utilisées en TCC sont : la relaxation, la
désensibilisation (par exposition in vivo ou en imagination), l’affirmation de soi, la
restructuration cognitive. Toutes visent à assurer une meilleure autonomie et un
contrôle accru du patient sur les divers aspects pathologiques de son anxiété,
tout en préservant chez celui-ci les modulations anxieuses normales et leur rôle
adaptatif.
Vu le nombre encore limité des spécialistes des TCC en France, signalons
l’intérêt potentiel des techniques de relaxation, plus facilement accessibles, sur
la symptomatologie somatique de nombreux troubles anxieux, notamment
l’anxiété généralisée.
III.2.b Les traitements psychotropes
Ils doivent toujours être associés à une approche psychoéducative associant
réassurance, explications sur les symptômes et information sur le caractère
adaptatif de l’anxiété « normale ». En fonction de leur délai d’action on peut
distinguer :
Des psychotropes ayant une activité anxiolytique rapide :
C’est avant tout le cas des benzodiazépines (BZD) dont de nombreux dérivés
existent sur le marché. Leurs propriétés pharmacologiques sont voisines :
anxiolyse, sédation, activité myorelaxante, anticonvulsivante et amnésiante. Elles
exposent toutes à un risque de dépendance en cas d’utilisation prolongée, et ne
devraient, de ce fait, pas être prescrites de façon continue pour plus de 12
semaines consécutives dans l’anxiété et pour plus de 4 semaines dans l’insomnie.
Même dans ces cas, l’arrêt du traitement devrait être progressif afin d’éviter
l’apparition d’une anxiété-rebond ou de symptômes de sevrage qui
caractériseraient l'instauration d'une dépendance. Les BZD sont indiquées à
titre symptomatique dans le traitement des manifestations d’anxiété intenses
et/ou invalidantes. Elles peuvent être utilisées transitoirement en association
avec les antidépresseurs en attendant le développement de l’activité
thérapeutique de ces derniers.
Dans l’anxiété généralisée, elles peuvent être utilisées seules pour une période
de temps limitée du fait de l’exacerbation souvent transitoire des symptômes.
Dans le trouble panique, les BZD peuvent être utilisées comme traitement des
attaques de panique ou du trouble panique ; cette dernière indication est
cependant limitée par le risque de dépendance.
15
En ce qui concerne les autres psychotropes d’action rapide (anti-histaminiques,
neuroleptiques sédatifs), leur utilisation n’est pas étayée par des essais cliniques
contrôlés et relève donc de contre-indications éventuelles aux BZD, ou de
l’inefficacité de ces dernières. Les carbamates ne devraient plus être utilisés
(risque de dépendance, cardiotoxicité en cas de surdosage, effet inducteur sur
les enzymes hépatiques) .
Des psychotropes ayant une activité anxiolytique progressive, c’est-à-dire se
développant en 2 à 4 semaines :
Il s’agit avant tout des antidépresseurs et notamment des inhibiteurs
spécifiques de la recapture de sérotonine (ISRS), dont l’efficacité dans les
troubles anxieux est indépendante de l’existence d’une symptomatologie
dépressive associée. Cette efficacité a été démontrée dans l’ensemble des
troubles anxieux de l’adulte (à l’exception des troubles de l’adaptation et des
phobies spécifiques), même si tous ne possèdent pas l’Autorisation de Mise sur le
Marché (AMM) pour l’ensemble de ces indications. Les ISRS doivent être utilisés
aux mêmes posologies que celles connues pour être efficaces dans les états
dépressifs majeurs ; seuls les TOC peuvent nécessiter des posologies plus
importantes en cas de non réponse aux posologies habituelles. Du fait de la
sensibilité accrue des patients souffrant de troubles panique aux effets
secondaires des médicaments, le traitement sera initié aux plus faibles doses
possibles sur ce terrain. En ce qui concerne les autres types d’antidépresseurs,
la venlafaxine possède une indication AMM dans le trouble anxieux généralisé.
Les antidépresseurs tricycliques peuvent être utilisés en seconde intention dans
le traitement du trouble panique et dans celui du TOC. L’utilisation des IMAO
mérite d’être tentée dans les troubles anxieux résistants et notamment dans les
phobies sociales. La buspirone est un autre psychotrope d’activité progressive
dont l’efficacité a été démontrée dans le traitement de l’anxiété généralisée.
16
PREMIÈRE PARTIE : MODULES TRANSDISCIPLINAIRES
Module 3 – Maturation et Vulnérabilité
Question 42
Troubles du comportement alimentaire de l’adulte
Rédaction : F Baylé, R Dardennes, JD Guelfi, H Lôo, JP Olié
Relecture : R Dardennes, F Lang
Objectifs pédagogiques spécifiques (Anorexie mentale)





Connaître la fréquence de l’anorexie mentale et ses facteurs étiologiques
Savoir les principales expressions et formes cliniques de l’anorexie mentale
Faire le diagnostic d’anorexie mentale de l’adolescence.
Savoir les modalités évolutives et le pronostic de l’anorexie mentale
Connaître les principes du traitement et de la prise en charge des
anorexiques mentales
Objectifs pédagogiques spécifiques (Boulimie)





Connaître la fréquence de la boulimie et ses facteurs étiologiques
Connaître la symptomatologie clinique, dont le déroulement de
l’accès boulimique
Connaître les modalités évolutives de la boulimie
Connaître les principes du traitement de la boulimie
A - LES TROUBLES DES CONDUITES ALIMENTAIRES
Objectifs
Reconnaître et diagnostiquer :
- une anorexie,
- des conduites boulimiques,
- des vomissements,
- un mérycisme.
Evaluer les critères de gravité d’un état de dénutrition.
Faire les investigations complémentaires pour estimer les complications des
troubles alimentaires.
Proposer les traitements adéquats en fonction de l’état clinique et des éléments
psychopathologiques.
I.
GÉNÉRALITÉS : LE COMPORTEMENT ALIMENTAIRE HUMAIN
Versant comportemental de mécanismes de régulation énergétique
nutritionnelle qui assurent l’homéostasie de l’organisme.
Plusieurs mécanismes entrent en jeu :
- faim,
- satiété,
- apprentissage alimentaire.
et
II.
DÉTERMINISMES DU COMPORTEMENT ALIMENTAIRE HUMAIN
• Physiologiques,
• psychologiques,
• comportementaux (les préférences et les rejets alimentaires sont appris),
• environnementaux (la vie en société impose les heures et le nombre de repas,
on « apprend » à avoir faim à l’heure),
• l’homme aime ce qui le nourrit,
• quand les apports énergétiques sont limités, le volontaire humain compense en
mangeant davantage,
• En cas d’excès alimentaire, la compensation se fait moins bien.
III. EPIDÉMIOLOGIE DES TROUBLES DES CONDUITES ALIMENTAIRES
• Prévalence de l’obésité en France : 10 %.
• Prédominance féminine des troubles pour les formes à début péri pubertaire,
sex-ratio 1/9.
IV.
PICA
A. Définition :
Ingestion de substances non nutritives tels que terre, cailloux, végétaux,
papiers, excréments, cheveux, peinture, etc…
Ne représente pas une pratique culturellement admise.
B. Etiologie :
Carences martiales.
Carences en zinc.
Négligence et carences parentales.
Retard de développement.
Troubles psychiatriques (autismes, schizophrénie).
C. Evolution et complications :
Digestives : trouble du transit, occlusions intestinales bénignes, corps étrangers.
Respiratoires : fausses routes répétées.
Infectieuses, bactériennes ou parasitaires.
D. Traitement :
Prise en charge complexe.
Résultats décevants.
Les neuroleptiques donnent des améliorations transitoires chez les patients
délirants.
Peut être considéré comme un comportement appris et bénéficier de techniques
comportementales.
Aménagement des lieux et surveillance du patient en milieu institutionnel.
V.
MÉRYCISME
A. Epidémiologie :
Rumination avec régurgitation puis réingestion du bol alimentaire et ceci de
façon répétée.
La fréquence du mérycisme dans la petite enfance a considérablement diminué.
Le mérycisme continue à exister chez des jeunes adultes anorexiques ou
boulimiques.
B. Clinique :
Rumination « physiologique » chez des sujets indemnes de tout autre trouble.
Enfants hospitalisés.
Retards mentaux.
Associé à des troubles du comportement alimentaire.
C. Etiologies :
Le syndrome de rumination est sous-diagnostiqué, comportement souvent caché
mérycisme associé aux troubles alimentaires dans 20 % des cas.
D. Examens complémentaires :
Pas d’investigation particulière ; la manométrie œsophagienne ne semble pas
nécessaire pour faire le diagnostic.
E. Evolution et complications :
Dénutrition.
Déshydratation.
Retard de développement.
F. Traitement :
Le traitement fait appel à des techniques comportementales et de relaxation ou
bien le mérycisme disparaît avec le traitement des troubles alimentaires sans
action thérapeutique spécifique.
VI.
AUTRES TROUBLES DU COMPORTEMENT ALIMENTAIRE
L’ENFANT
Anorexie précoce du nourrisson.
Vomissements, régurgitations.
Anorexie pré-pubère :
- Sex-ratio = 1
- sémiologie faite d’hyperactivité et de refus de manger et de boire
- risque de retard staturo-pondéral
- aménorrhée primaire
VII.
CHEZ
ANOREXIE MENTALE
A. Critères de diagnostic de l’anorexie :
Refus de maintenir un poids au-dessus de IMC (indice de masse corporelle) =
17,5. IMC normal entre 20 et 25.
Peur intense de devenir gros.
Altération de la perception du corps, déni des troubles (non-reconnaissance de
l’état de maigreur ou de danger vital).
Aménorrhée.
Sous-type restrictif / sous-type boulimie, vomissements, laxatifs.
B. Hypothèses étiopathogéniques :
Facteurs biologiques :
- Neuropeptide Y –cholécystokinine – ghréline - leptine.
Facteurs psychologiques :
- troubles du développement précoce entre 0 et 2 ans (séparation précoce
entre mère et enfant),
- interactions familiales (elles sont généralement perturbées dès l’apparition
du trouble alimentaire, mais peuvent précéder l’apparition du trouble :
troubles de la communication intra-familiale, confusion des rôles parentaux).
Facteur socioculturel, il s’agit probablement d’un facteur de risque, mais pas
d’une cause à proprement parler.
Facteurs génétiques : ce sont vraisemblablement des facteurs de vulnérabilité
génétique.
C. Epidémiologie :
Prévalence de l’anorexie : 1 % de la population adolescente de plus de 16 ans.
Prédominance féminine des troubles pour les formes à début pré-pubertaire :
sex-ratio 1/9.
Taux de mortalité : 15-20 %.
Causes de mortalité essentiellement :
- dénutrition,
- suicide.
D. Clinique :
Début des troubles classiquement à l’adolescence.
Transformations corporelles au moment de la puberté.
Existence de formes à début pré-pubertaire.
Et de formes à début plus tardif.
Prédominance féminine des troubles dans la forme « classique ».
Début des troubles pouvant se faire sous la forme de restrictions, mais aussi de
grignotages entraînant un léger surpoids.
Amaigrissement rapide ou progressif.
Sensation de faim persistante qui ensuite s’atténue.
Préoccupations excessives concernant l’alimentation avec comptage des calories.
Stratégie de contrôle du poids :
- prise de laxatifs,
- prise de diurétiques,
- vomissements,
- prise d’extraits thyroïdiens,
- omissions volontaires d’insuline chez les diabétiques insulino-dépendants.
Aménorrhée :
Autrefois considérée comme un symptôme clé.
Ne peut être mise en évidence que si les règles n’apparaissent pas après arrêt du
traitement œstroprogestatifs de plus en plus souvent prescrit (à visée
contraceptive ou pour traiter une ostéoporose).
Le début des troubles peut se faire par des vomissements provoqués, par des
crises boulimiques.
Notion de continuum dans l’évolution des troubles alimentaires avec passage
d’une forme restrictive à une forme boulimique.
50 % des patients qui ont présenté un épisode d’anorexie ou de régime strict
développeront à un moment de leur évolution des comportements boulimiques.
Les conduites restrictives :
Restrictions d’abord quantitatives : diminuer les portions, cacher ou stocker
la nourriture.
• Restrictions qualitatives : éliminer certaines catégories d’aliments.
• Les seuls aliments généralement acceptés par les patientes anorexiques sont
les fruits (sauf bananes), les légumes verts et les laitages.
• Apparition d’un végétarisme plus ou moins justifié.
• Préférence pour des produits allégés, des édulcorants, des laitages à O % de
matière grasse.
Déni des troubles.
Hyper-investissement scolaire ou professionnel.
Troubles de la perception corporelle :
• Non-reconnaissance de l’état de maigreur.
• Phénomène identique chez les sujets obèses.
• Cas particulier des professions qui imposent un poids ou une apparence
corporelle (danseurs, mannequins, jockeys, judokas…).
Hyperactivité physique :
• Décrite par les patients comme une stratégie de contrôle du poids.
• Mais aussi comme un comportement incontrôlable.
• Données chez l’animal qui mettent en évidence le développement d’une
hyperactivité physique en relation avec l’état de dénutrition.
• Besoin qu’éprouvent certains sujets de boire constamment, le plus souvent de
l’eau, mais aussi tout autre liquide à leur portée.
• S’accompagne de polyurie.
• Dans les troubles du comportement alimentaire, la consommation excessive
de boissons se rencontre dans plusieurs cadres : volonté de se purger, de
nettoyer, de purifier l’intérieur de l’organisme sous-tendue par l’idée que la
consommation de boisson fait perdre du poids.
• Chez les patients boulimiques, c’est un élément facilitant les vomissements.
• D’autre part, le fait de vomir de façon importante entraîne une
déshydratation et une sensation de soif.
• Quand la potomanie atteint 10 litres de liquide par jour, elle peut entraîner
des troubles métaboliques graves tels qu’hyponatrémie avec risque d’épilepsie
ou de coma.
• Le traitement ne peut être dissocié de celui du trouble alimentaire et fait
appel à des techniques comportementales.
Autres troubles comportementaux :
• Restriction hydrique.
• Consommation excessive d’épices.
• Stockage alimentaire (syndrome du hamster).
• Mérycisme et régurgitations.
• Auto-saignements.
•
E. Examens complémentaires :
Ionogramme : kaliémie / phosphorémie
Bilan hépatique
Formule numération sanguine
Protéines de la nutrition
Electrocardiogramme
Impédancemétrie (mesure de la composition corporelle)
Ostéodensitométrie
F. Evolution et complications :
Troubles digestifs : retard à la vidange gastrique
Hypertrophie des glandes salivaires
Troubles des phanères / lanugo
Ostéoporose
Troubles de la fertilité
Hypotrophie ou malformations fœtales
Risque d’infections (mycobactérie)
Iatrogène (ré-alimentation trop brutale, « refeeding syndrome ») se
manifestant par une aggravation de la cytolyse hépatique avec troubles de
l’hémostase et hypophosphorémie à l’origine de troubles du rythme cardiaque.
G. Diagnostic différentiel :
Dépression
Schizophrénie dans moins de 10 % des cas
Trouble obsessionnel-compulsif
Troubles de la personnalité de tout type, mais plus particulièrement évitante et
état limite dans 50 % des cas
Dénutrition :
- signes cliniques :
• bradycardie,
• acrocyanose,
• œdèmes des membres inférieurs,
• troubles de phanères,
• lanugo,
• œdèmes,
• hypotension,
• hypothermie,
• mauvais état bucco-dentaire,
- signes biologiques :
• perturbations du bilan hépatique,
• troubles de l’hémostase,
• pan cytopénie possibilité de nécrose
(probablement d’origine carentielle).
gélatineuse
de
la
moelle
H. Traitement :
Hospitalisation :
• Durée des programmes de soins entre trois et quatre mois liée aux
caractéristiques cliniques et évolutives des troubles.
• Etats de dénutrition parfois sévères (parfois nécessité de transfert en
service de réanimation pour une renutrition médicalisée).
• Hospitalisation libre, mais contractuelle.
• Approches diététiques et nutritionnelles.
• Approches cognitivo-comportementales.
• Psychothérapies individuelles et de groupe.
• L’anorexie mentale est une situation médicale, psychopathologique et
interpersonnelle complexe, grave et souvent chronique.
• La plupart des symptômes physiques et psychologiques résultent de la
malnutrition.
Buts du traitement :
• Traiter la dénutrition et les problèmes biologiques associés.
• Restaurer des comportements alimentaires corrects.
• Traiter les troubles psychologiques et comportementaux.
• Prendre en compte les déficits sociaux.
Cibles thérapeutiques :
• Dénutrition.
• Troubles métaboliques.
• Comportements pathologiques potentiellement dangereux.
• Comorbidité psychiatrique.
Programme de soin :
• Evaluation en consultation.
• Présentation de l’hospitalisation et de l’unité de soin.
• Semaine d’observation.
• Réalisation d’un contrat de traitement.
• Evaluation hebdomadaire des objectifs thérapeutiques.
Le contrat thérapeutique :
• Rendu nécessaire par le fait que les comportements alimentaires
pathologiques ne peuvent être déconditionnés que dans un environnement
standardisé.
• Elimine le plus possible les contingences de l’environnement qui rendraient
difficile l’application des techniques comportementales.
• Evite les attitudes de « manipulation » fréquemment rencontrées dans ce
type de troubles.
• Rassure les patients en appliquant un cadre à l’intérieur duquel il devient
difficile d’émettre des comportements de dissimulation, de stockage de
nourriture, de vomissements, de boulimie, etc…
• Permet d’établir une relation de coopération entre le patient et ses
thérapeutes en ce qui concerne le programme de soins.
• Fixe la durée des soins.
• Est la seule référence tout au long de la prise en charge.
Les différentes phases du traitement hospitalier :
• Phase 1 :
- axée sur la renutrition,
- permet de commencer le programme de diversification alimentaire.
• Phase 2 :
- ré-apprentissage alimentaire complet.
• Phase de stabilisation :
- se tester à l’extérieur.
Les traitements nutritionnels :
• La stratégie de renutrition dépend des éléments cliniques et paracliniques :
- perte de poids rapide = facteur de gravité,
- BMI < 14,
- hypokaliémie,
- cytolyse hépatique,
- hypophosphorémie.
• Moyens :
- alimentation par son nasogastrique,
- apports caloriques très progressifs,
- supplémentation en phosphore, vitamines et oligo-éléments,
- régime désodé.
Les traitements comportementaux :
• Application du conditionnement opérant à la modification du comportement
alimentaire (système de renforçateurs).
• Techniques de modeling (repas thérapeutiques).
• Exercices d’évaluation des quantités alimentaires.
• Ateliers repas.
Approches psycho-éducatives :
• Sous forme de groupes d’information.
• Différents thèmes relatifs aux troubles alimentaires.
Thérapie cognitive :
• Cibles thérapeutiques :
- distorsions cognitives,
- croyances irrationnelles relatives :
∗ aux aliments,
∗ à la représentation corporelle,
∗ à l’estime de soi.
Thérapie d’affirmation de soi :
• Traiter un défaut d’assertivité :
- inhibition,
- agressivité.
• Traiter une phobie sociale.
Technique de relaxation :
• Type training autogène de Schultz.
• Type technique de Jacobson :
- contrôler l’anxiété post-prandiale,
- aider à contrôler les régurgitations, le mérycisme.
Autres psychothérapies :
• Groupe d’expression.
• Psychothérapies à médiation artistique.
• Psychothérapie d’inspiration analytique.
Thérapie familiale : indiquée plutôt chez les adolescents et jeunes adultes.
Suivi ambulatoire :
• Consultations régulières avec le psychiatre référent.
• Consultations de diététique.
• Groupe d’expression.
• Repas thérapeutiques.
• Poursuite ou reprise des psychothérapies individuelles.
Au total :
• Difficultés à poursuivre en ambulatoire un support thérapeutique aussi
important.
• Ne résout pas le problème des rechutes.
• S’adapte difficilement aux patients présentant des troubles graves de la
personnalité.
Avantage de ce type de protocole :
• Très bonne efficacité à court terme.
• Permet d’obtenir des bons résultats même chez des patients chroniques.
• Personnel compétent en technique de renutrition, de thérapie cognitivocomportementale, de relaxation…
• L’hospitalisation fait partie d’un programme de soins.
• Les troubles alimentaires, en particulier l’anorexie, nécessitent une post-cure
prolongée.
VIII. BOULIMIE
Différents aspects cliniques :
• Boulimie.
• Binge eating disorder.
• Night eating syndrome.
• Hyperphagie.
• Grignotages.
A. Critères de diagnostic de la boulimie :
Survenue récente de crises de gloutonnerie :
• quantité de nourriture largement supérieure à la normale,
• sentiment de perte de contrôle pendant la crise.
Comportements visant à perdre du poids.
Survient en moyenne deux fois par semaine pendant trois mois.
Estime de soi influencée de manière excessive par le poids et les formes
corporelles.
B. Epidémiologie :
Prévalence de la boulimie : 3 à 5 %.
C. Caractéristiques de la boulimie :
Caractéristiques physiologiques :
• fluctuations pondérales,
• aménorrhée ou dysménorrhée,
• effets de la privation ou semi-privation / risque d’ostéoporose.
Caractéristiques comportementales :
• épisodes récurrents de gloutonnerie incontrôlable,
• stratégies de compensation pour contrôler le poids,
• refus de maintenir le poids physiologique.
Caractéristiques psychologiques :
• préoccupations extrêmes concernant le poids et les formes corporelles,
• instabilité affective,
• peur de la grosseur,
• dépression, anxiété, honte du fait de la perte de contrôle,
• impulsivité, comportements auto-agressifs, abus de substance, tentatives de
suicide…
• grand besoin d’approbation,
• difficultés d’adaptation sociale,
• faible estime de soi et auto-dépréciation.
Conséquences somatiques des boulimies :
• syndromes pseudo occlusifs,
• prise de poids,
• hypertrophie des glandes salivaires (parotidomégalie),
• mauvais état nutritionnel malgré un poids normal,
• troubles des règles.
Conséquences des vomissements :
• hypokaliémie,
• érosions dentaires,
• douleurs œsophagiennes et gastriques,
• ingestion de corps étrangers au cours des vomissements provoqués,
• fausse route.
D. Traitement :
Cibles du traitement :
Comportements potentiellement dangereux :
• crises de boulimie,
• vomissements,
• restrictions alimentaires.
Les méthodes comportementales, les méthodes cognitives et les méthodes
mixtes peuvent être envisagées en individuel ou en groupe.
Méthodes comportementales :
• auto-enregistrement,
• planification des repas,
• contrôle de stimulus,
• résolution de problèmes.
Méthodes cognitives :
• compréhension des relations entre croyances, affects et comportement,
• correction des perturbations de l’image corporelle,
• examiner la connexion entre perception de sa valeur et apparence physique,
• mettre à distance les émotions,
• examiner la valeur adaptative et fonctionnelle des croyances,
• distancer les croyances,
• déterminer des conséquences réalistes,
• chercher des explications alternatives,
• développer des sentiments réalistes.
Groupe psycho-éducatif pour la boulimie :
• programme psycho-éducatif,
• délivre des informations au sujet de la nature des troubles,
• propose de favoriser le changement d’attitude et de comportement,
• processus didactique,
• donne des informations scientifiques :
- les patients sont perplexes devant toutes les informations qu’ils reçoivent,
- parler du modèle de multi-détermination de la boulimie.
• Répond à des questions telles que :
- pourquoi ai-je développé ce problème ?
- qu’est ce que je peux faire pour aller mieux ?
Au total
Difficultés méthodologiques à évaluer une technique en particulier :
• hétérogénéité des populations,
• fort taux d’abandon, même pour des thérapies brèves,
• les patients ont plusieurs thérapies en même temps.
Bâtir une stratégie thérapeutique sur le long terme.
Proposer des approches séquentielles.
Utiliser une seule technique à la fois.
Favoriser des prises en charge bi-focales.
Traiter une comorbité.
L’efficacité des traitements à long terme n’est guère assurée.
PREMIÈRE PARTIE : MODULES TRANSDISCIPLINAIRES
Module 3 – Maturation et Vulnérabilité
Question 43
TROUBLES DU SOMMEIL DE L'ADULTE
Rédaction : B. Bonin - Relecture : D. Pringuey
Objectifs pédagogiques spécifiques




Connaître le sens des termes hypersomnie, somnolence diurne excessive, trouble du
rythme circadien, parasomnie
Savoir orienter l’ examen clinique face à une plainte de trouble de sommeil telle que
l’insomnie
Connaître les principales causes d’insomnies secondaires d’origine psychiatrique :
troubles anxieux, épisode dépressif majeur, état maniaque
Connaître les principales classes d’hypnotiques et leurs indications
I - GENERALITES
1 –
LE SOMMEIL
Le sommeil est un besoin physiologique et fondamental qui occupe le tiers
de l'existence de l'être humain. Fonction physiologique, vitale, rythmique, adaptative, le
sommeil est indispensable à la vie tant au plan physique que psychique. Le sommeil, en
effet, contient et permet le rêve, fonction essentielle de la vie psychique.
Organisation phasique
Chez l'adulte le sommeil est organisé en cycles avec alternance de phases de sommeil
lent, de profondeur croissante (stade I, II, III et IV) et de phases de sommeil
paradoxal (sommeil REM : rapid eye movements ou mouvements oculaires rapides).
Une nuit de sommeil comporte 4 à 5 cycles, chacun d'une durée d'environ 90 minutes.
Dans un cycle, les critères électro-encéphalographiques, électro-myographiques et
électro-oculographiques objectivent 5 stades :
- stade I et II : sommeil léger
- stade III et IV : sommeil lent profond
- stade V : sommeil paradoxal SP ou REM (Rapid Eye Movements)
La durée totale respective de ces différents stades est en moyenne :
- stade I et II : 50 % de la nuit
- stade III et IV : 25 % de la nuit
- sommeil paradoxal : 25 % de la nuit
Au cours de la nuit la durée de ces différents stades varie dans les cycles ; le sommeil
lent profond prédomine en début de nuit, le sommeil paradoxal en fin de nuit.
Cette configuration évolue également avec l'âge. Chez la personne âgée on décrit :
- une augmentation de la durée des stades I et II
- une diminution de la durée des stades III et IV
- une stabilité de la durée du sommeil paradoxal
- une augmentation de la fréquence des éveils nocturnes
 Stade I
- Endormissement
- Mouvements oculaires lents
- E.E.G. : activité théta (4 à 7 cycles par seconde) et persistance possible d'activité
alpha (8 à 13 c/s)
 Stade II
- Sommeil léger
- E.E.G. : activité lente théta (4 à 7 c/s) interrompue par des bouffées rapides (12 à
14 c/s)
 Stade III
- Sommeil profond
- E.E.G. : activité lente delta (1,5 à 2 c/s) en proportion de 20 à 50 %
 Stade IV
- Sommeil très profond
- E.E.G. : activité lente généralisée delta (1,5 à 2 c/s) en proportion supérieure à 50 %
; réactivité très faible.
 Stade V ou Sommeil Paradoxal ou Sommeil REM (mouvements oculaires
rapides)
- Sommeil profond au cours duquel surviennent les rêves
- Atonie musculaire
- Mouvements oculaires rapides
2 –
CLASSIFICATION DES TROUBLES DU SOMMEIL
Les troubles du sommeil sont classés selon leur forme, leur durée ou leurs
causes.
-
-
La classification internationale des troubles du sommeil (ICSD) distingue :
les dyssomnies : perturbations de la qualité, de la quantité ou des horaires du
sommeil : insomnies, hypersomnies, troubles circadiens. L'origine intrinsèque (cause
interne à l'organisme) ou extrinsèque (cause extérieure) est considérée pour la
classification.
les parasomnies : phénomènes anormaux qui surviennent au cours du sommeil :
somnambulisme, cauchemars, terreurs nocturnes…
3 –
EXAMEN CLINIQUE
Les troubles du sommeil sont une plainte subjective fréquente ; ils
nécessitent néanmoins une écoute attentive, un examen clinique minutieux, parfois un
interrogatoire de l'entourage.
L'examen doit rechercher :
- les antécédents
- les caractéristiques des troubles : circonstances d'apparition, ancienneté, forme,
durée… en recherchant un trouble spécifique
- des facteurs circonstanciels
- l'existence d'une pathologie psychiatrique ou organique
- les signes d'accompagnement : phénomènes hypnagogiques, rites, ronflements,
pauses respiratoires, éveils, polyurie, mouvements des membres…
- les répercussions diurnes : céphalées, lombalgies, fatigue, somnolence diurne,
troubles cognitifs, irritabilité, troubles du comportement, de l'humeur, cataplexie…
4 –
EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
Certaines méthodes permettent de mieux préciser le trouble du sommeil
et ses conséquences :
- calendriers, agendas de sommeil
- nombreux questionnaires spécifiques et échelles analogiques visuelles
- tests de performance (attention, labilité psychomotrice…)
- mesures objectives de la vigilance
L'enregistrement polygraphique du sommeil permet d'objectiver le
trouble du sommeil par l'étude de l'architecture interne du sommeil. La
polysomnographie comprend l'enregistrement simultané de :
- l'électroencéphalogramme
- l'électromyogramme du menton
- l'électro-oculagramme
En fonction des pathologies recherchées on peut également enregistrer :
- l'électrocardiogramme
- les respirations abdominales et thoraciques
- le flux respiratoire
- la saturation oxyhémoglobinée
- le débit cardiaque
- l'électromyogramme de divers muscles
II – INSOMNIES
1 –
DÉFINITION
-
ÉPIDÉMIOLOGIE
L'insomnie est une plainte subjective qui désigne à la fois une durée
insuffisante du sommeil et un sommeil non réparateur. Elle se caractérise, selon les cas,
par des difficultés d'endormissement, des éveils au cours de la nuit, un réveil matinal
précoce ou encore une impression d'absence totale de sommeil. Les causes en sont
multiples.
La prévalence apparaît importante :
- 10 à 15 % dans la population générale
- l'insomnie occasionnelle est la plus fréquente
- accroissement de l'incidence avec l'âge
- trouble deux fois plus fréquent chez les femmes que chez les hommes après 40 ans
- une comorbidité psychiatrique existe dans1/3 des cas
- 7 % des ordonnances comportent un hypnotique
2 –
INSOMNIES TRANSITOIRES
1) Définitions
Les insomnies occasionnelles (quelques nuits) ou à court terme (quelques
semaines) surviennent chez des sujets dont le sommeil est habituellement satisfaisant.
Leur caractère réactionnel est souvent manifeste.
2) Prévalence
Ce sont les insomnies les plus fréquentes : 30 à 40 % de la population
générale
-
3) Causes diverses
Causes psychologiques : évènements de vie, deuil, difficultés familiales,
professionnelles, facteurs de stress…
Mauvaise hygiène de vie : longues siestes, abus d'excitants, lever ou coucher
irrégulier, hyperactivité physique le soir, suractivité professionnelle…
Trouble somatique : douleur aiguë, toux, prurit, fièvre…
Environnement : nuisances sonores, altitude, mauvaises conditions de coucher,
hospitalisation…
4) Traitement
 Conseils d'hygiène du sommeil
-
-
A faire :
se coucher à heure régulière
se lever à heure régulière
dormir dans une chambre fraîche, sombre, calme
se relaxer avant l'heure du coucher (lecture, bain tiède)
faire de l'exercice en journée mas pas trop tard en soirée
douche chaude le matin, fraîche le soir (pour accompagner l'évolution physiologique
de la température)
Eviter :
le lever tardif
la sieste l'après-midi
l'alcool
un dîner lourd
le café, le thé, certains sodas
aller au lit trop tôt
 Prescription d'un traitement
Dans le cas de l'insomnie à court terme, la prescription d'un hypnotique à
demi-vie courte (cyclopyrrolones : zopiclone (5 H), Imovane* ; imidazopyridines :
zolpidem (2,4 H), Stilnox*)peut être envisagée à faible posologie, sur une courte
période, quelques jours à quelques semaines, avec réévaluation régulière de la
prescription. Il convient d'informer le patient des effets indésirables des médicaments,
du risque de dépendance, de la possibilité d'une insomnie de rebond à l'arrêt de
l'hypnotique.
3 –
INSOMNIES SECONDAIRES
1- Causes psychiatriques
Tous les troubles psychiques peuvent s'accompagner d'une insomnie. Les
causes psychiatriques représentent 30 à 60 % des causes d'insomnie.
 Insomnie matinale - Etats dépressifs
Les dépressions s'accompagnent, dans 80 à 90 % des cas, d'insomnie.
Toutes les formes d'insomnies peuvent être observées ; mais l'insomnie dépressive, en
particulier dans la mélancolie, est cliniquement une insomnie matinale : réveil précoce (3
à 4 heures du matin) avec, dès le réveil, recrudescence des symptômes dépressifs
(tristesse, ruminations, angoisse, fatigue, idéations suicidaires…).
 Insomnie d'endormissement - Anxiété
Les troubles anxieux et névrotiques sont souvent à l'origine d'une
insomnie d'endormissement chronique, l'anxiété s'opposant à l'abandon dans le sommeil.
Le coucher s'accompagne souvent d'une tension anxieuse avec crainte de l'insomnie, de
ruminations, de rituels.
La prescription d'un hypnotique, d'un anxiolytique est souvent indiquée ; il
convient cependant d'apprécier le risque de dépendance à l'hypnotique et de rappeler
les conseils d'hygiène du sommeil.
 Insomnie totale
Les accès maniaques, les états délirants, les états confusionnels
désorganisent le cycle sommeil - veille entraînant souvent une insomnie totale, à
l'origine d'une agitation nocturne.
Le traitement hypnotique fait souvent appel à la prescription d'un
antipsychotique ou au traitement de l’accès maniaque
 Insomnie chronique
Les troubles de la personnalité, les addictions donnent souvent lieu à une
insomnie chronique.
La prescription d'hypnotiques ou d'anxiolytiques de la famille des
benzodiazépines expose à la dépendance, voire à un usage addictif. La chimiothérapie
fait appel aux phénothiazines sédatives, aux antidépresseurs sédatifs à faible posologie
et surtout à la psychothérapie, à la relaxation.
2) Causes organiques
De nombreuses pathologies peuvent perturber le sommeil, en particulier
les affections :
- douloureuses, par exemple rhumatismales à recrudescence douloureuse nocturne
- digestives : ulcère gastro-duodénal, reflux gastro-oesophagien
- urinaires
- endocriniennes : diabète, hyperthyroïdie
- cardiaques
- pulmonaires : asthme, insuffisance respiratoire
- neurologiques : maladie de Parkinson, sclérose en plaques, maladie d'Alzheimer,
séquelles de traumatisme crânien, d'accident vasculaire cérébral
Le traitement de l'insomnie est celui de la cause, complété éventuellement
par un traitement hypnotique (benzodiazépines) sur une courte durée.
3) Causes toxiques et iatrogènes
- Abus de substances stimulantes : café, tabac, amphétamines, cocaïne, psychotropes
stimulants
- Alcool : l'abus d'alcool est à l'origine d'une perturbation du sommeil (diminution des
durées du sommeil lent profond, du sommeil paradoxal) avec endormissement facilité
mais réveil précoce et sensation de sommeil non réparateur.
Le sevrage alcoolique est également à l'origine d'une insomnie presque
totale.
- Certains médicaments : théophylline, corticoïdes, antidépresseurs stimulants,
hypnotiques au long cours.
L'aménagement horaire des prescriptions médicamenteuses, les conseils
hygiéno-diététiques sont la base de l'approche thérapeutique.
4 –
INSOMNIE CHRONIQUE PRIMAIRE
Ce type d'insomnies regroupe la majeure partie des insomnies chroniques
pour lesquelles aucune cause n'est retrouvée. L'insomnie est le seul symptôme,
résultant, au plan physiopathologique, d'un phénomène d'hyperéveil entravant le
fonctionnement des mécanismes d'induction du sommeil.
On distingue :
- l'insomnie idiopathique qui évolue depuis l'enfance avec souvent des répercussions
diurnes
- l'insomnie psychophysiologique ; il s'agit d'une insomnie conditionnée, acquise,
dépendant à la fois de facteurs psychologiques, peur de s'endormir, anxiété
anticipatoire de l'insomnie, et de facteurs physiologiques, conditionnement négatif
du sommeil. L'insomnie, objectivée par la polysomnographie, est la préoccupation
majeure du patient dont le sommeil est d'autant plus perturbé que le sujet redoute
une nuit sans sommeil.
- la mauvaise perception du sommeil : hypnoagnosie ; le trouble du sommeil n'est pas
retrouvé à l'examen polygraphique et n'a pas de conséquences diurnes.
Ces insomnies sont souvent à l'origine de polymédications anciennes qu'il
convient de contrôler. Leur traitement fait appel à différentes méthodes : restriction
du temps de sommeil, relaxation, psychothérapie, thérapies comportementales.
III - TROUBLES DE L'EVEIL ET HYPERSOMNIES
Ces troubles, qui concernent entre 2,5 et 8,7 % de la population selon les
études, correspondent à une vigilance altérée en durée (hypersomnie) ou en qualité
(somnolence diurne). A l'inverse de l'insomnie, ces troubles sont souvent méconnus,
négligés, difficiles à diagnostiquer et à traiter d'autant que la déstructuration du
sommeil est parfois mal perçue par le patient.
1 –
CARACTÉRISTIQUES GÉNÉRALES
1 - Cliniques
L'excès de sommeil est plus ou moins permanent ou paroxystique : sommeil
de nuit très allongé ou somnolence diurne.
Il constitue le symptôme unique ou s'inscrit dans un contexte
pathologique.
Il peut être physiologique à certaines heures ou à certains âges. Ailleurs il
est nettement anormal, dépendant de maladies diverses.
2 - Conséquences
Elles peuvent être lourdes, responsables d'une diminution des
performances professionnelles et cognitives.
Aux U.S.A. la somnolence et la fatigue au volant constituent la première
cause de mortalité sur les autoroutes (28 % en France de 1988 à 1991). Il en est de
même des accidents du travail.
3 - Physiopathologie
L'origine de l'excès réside dans de multiples facteurs :
- insuffisance aiguë ou chronique de sommeil
- sommeil pris à des heures anormales
- prise d'alcool
- prise de médicaments psychotropes
- troubles respiratoires avec fractionnement du sommeil de nuit
- état dépressif
- anomalies du rythme circadien
- lésions cérébrales
- narcolepsie ou hypersomnie idiopathique
4 - Traitement
Ne comporte que les dérivés amphétaminiques d'usage délicat et non
dénué d'inconvénients.
2 –
LE SYNDROME D’APNÉES OBSTRUCTIVES DU SOMMEIL
1 - Définitions
Le syndrome d'apnées obstructives du sommeil se définit comme un arrêt
de l'échange aérien au niveau de la bouche et du nez d'au moins 10 secondes, survenant
plus de 5 fois par heures de sommeil alors que les mouvements thoraco-abdominaux
persistent. Cette persistance des mouvements thoraco-abdominaux différencie les
apnées obstructives des apnées centrales au cours desquelles ces mouvements seront
absents.
Première cause de somnolence diurne, ce syndrome se rencontre le plus
souvent chez l'homme de la cinquantaine, ronfleur, en excès pondéral.
Forme très évoluée de cette pathologie, le syndrome de PICKWICK
associe
apnées
du
sommeil,
obésité,
cyanose,
polyglobulie,
insuffisance
cardiorespiratoire.
2 - Clinique
- Au cours de la nuit : ronflements, arrêts respiratoires répétés suivis
d'un éveil bref, rarement perçu par le patient, et d'une reprise respiratoire bruyante.
On note une polyurie nocturne, un sommeil agité avec cauchemars, une transpiration
abondante.
- Le réveil matinal est difficile avec céphalées, gorge irritée par les
ronflements.
- Au cours de la journée on retrouve une somnolence diurne, des
endormissements involontaires. Le patient se plaint d'asthénie, de troubles cognitifs
(attention, concentration, mémoire), d'anxiété, d'humeur dépressive.
3 - Terrain
-
Obésité
ORL :
-
- hypertrophie amygdalienne
- voile du palais hypotonique, long, épais
Facteurs aggravants : alcool, benzodiazépines
-
4 - Complications
Accidents de voiture, du travail
Hypertension artérielle, accidents ischémiques cérébraux, coronariens
-
5 - Comorbidité
Acromégalie, hyperthyroïdie
Maladies neuromusculaires
Bronchite chronique
-
6 - Bilan
Polysomnographie
Oxymétrie nocturne : diminution de 50 % du taux d'oxygène sanguin au cours des
apnées
Examen O.R.L.
Bilan fonctionnel respiratoire, cardiovasculaire, métabolique
-
7 - Traitement
Action au niveau des facteurs aggravants : poids, alcool, benzodiazépines
Respiration en pression positive continue la nuit
Traitement chirurgical dans certains cas : uvulo-palato-pharyngoplastie
-
3 –
HYPERSOMNIE PAR INSUFFISANCE DE SOMMEIL
1 - Définition
Il s'agit d'une restriction chronique de sommeil, volontaire mais non
intentionnelle, à l'origine d'une hypersomnolence diurne pour laquelle le patient
consulte.
Cette insuffisance de sommeil est liée le plus souvent à un travail
exigeant, un travail posté, la maladie d'un proche, la naissance d'un enfant…
L'existence d'une hypersomnie diurne différencie ce trouble des sujets
courts dormeurs qui ont un temps de sommeil court mais sans conséquences diurnes.
2 - Clinique
Le sujet se plaint :
- réveil difficile
- somnolence l'après-midi
- altération des performances
- difficultés d'attention
- irritabilité
- fatigue
3 - Examen polygraphique
Il montre un sommeil riche en sommeil lent profond, un endormissement
rapide confirmant la dette de sommeil.
4 - Thérapeutique
Le traitement consiste en un allongement du temps de sommeil avec
réapprentissage d'une hygiène de vie.
4 –
HYPERSOMNIE IATROGÈNE
La somnolence diurne liée à certains médicaments nécessite l'examen de
sa durée, de son intensité, de ses conséquences sur la vie quotidienne et la conduite
automobile. Un aménagement des posologies prescrites est nécessaire.
- Médicaments psychotropes
Les hypnotiques à demi-vie longue, les anxiolytiques, les antidépresseurs,
les antipsychotiques, les thymorégulateurs peuvent induire une somnolence diurne liée
en particulier à l'effet antihistaminique H1.
- Autres médicaments
Les anticomitiaux, antihistaminiques, myorelaxants, antimigraineux,
progestatifs, antalgiques d'action centrale, morphinomimétiques, anti-inflammatomires
non stéroïdiens, certains antihypertenseurs comme la clonidine peuvent également être
à l'origine d'une somnolence diurne.
5 –
LA NARCOLEPSIE
1 - Clinique
Décrite par GELINEAU (1880), la narcolepsie, observée plutôt chez
l'homme, débutant le plus souvent à l'adolescence, associe une tétrade symptomatique :
- une hypersomnie avec somnolence diurne quotidienne excessive, non permanente,
survenant souvent aux mêmes heures pour un sujet : attaques de sommeil soudaines,
incontrôlables ;
- des accès de cataplexie : abolition soudaine, de courte durée du tonus musculaire.
Cette hypotonie peut être généralisée ou ne concerner que certains groupes
musculaires (chute de la mâchoire, bascule de la tête, dérobement des genoux…). Les
accès surviennent souvent à l'occasion d'émotions ;
des hallucinations visuelles, auditives, surviennent à l'endormissement, dans un vécu
d'angoisse ;
- les paralysies du sommeil se caractérisent par une incapacité totale à mobiliser les
muscles, à respirer avec une amplitude normale ; elles surviennent lors d'un éveil,
durant quelques minutes.
Le patient se plaint également d'un sommeil de mauvaise qualité ;
l'endormissement est rapide mais il existe de multiples éveils nocturnes avec une
activité onirique importante.
-
-
-
-
2 - Diagnostic
Clinique : il est souvent porté avec un retard de plusieurs années. La cataplexie
manque parfois au tableau clinique.
Polysomnographie : le test itératif d'endormissement montre une latence courte
d'endormissement ( 8 minutes) avec apparition rapide de sommeil paradoxal.
Le typage HLA n'est pas indispensable au diagnostic mais écarte le diagnostic dans
les cas incertains si l'association avec HLA DR2-DQ1 n'est pas retrouvée.
3 - Comorbidité
Une comorbidité peut être retrouvée avec :
un syndrome d'apnée du sommeil
un syndrome des mouvements périodiques des membres
une affection neurologique : tumeur cérébrale, encéphalite, sclérose en plaques,
traumatisme crânien
4 - Physiopathologie
L'approche physiopathologique de cette désorganisation des états de
veille et de sommeil évoque actuellement un déséquilibre des systèmes cholinergiques
(hypersensibilité) et monoaminergiques (hypofonctionnement). Le caractère génétique
de cette maladie est attesté depuis de nombreuses années.







5 - Traitement
Traitement de la somnolence et des accès de sommeil
Pharmacologique : modafinil (Modiodal*)
méthylphenidate (Ritaline*)
Siestes
Traitement de la cataplexie, des hallucinations, des paralysies du sommeil
Pharmacologique : antidépresseurs (tricycliques, IRS)
Thérapies comportementales
Traitement du mauvais sommeil
Pharmacologique : hypnotiques
Conseils d'hygiène du sommeil
6 - Aspects médico-légaux
La narcolepsie est en principe une contre-indication à la conduite de tout
véhicule (arrêté du 7 mai 1997)
6 - HYPERSOMNIE PRIMAIRE OU IDIOPATHIQUE
1 - Clinique
Débutant à l'âge adulte, cette hypersomnie apparaît isolée, sans cause
connue ; il s'agit d'une somnolence diurne excessive (ivresse de sommeil) avec des
périodes d'endormissements involontaires de quelques heures, non réparatrices. Le
sommeil nocturne est en général satisfaisant mais long avec un réveil difficile, tardif à
l'origine de conséquences socio-professionnelles. Le patient décrit parfois une
impression de n'être jamais complètement éveillé.
-
-
2 - Diagnostic
Clinique : cette hypersomnie ne s'accompagne pas de cataplexie, d'hallucinations, de
paralysies du sommeil.
Polysomnographie : les enregistrements montrent l'heure tardive du réveil spontané,
un temps de sommeil sur 24 heures souvent supérieur à 12 heures. Le test itératif
d'endormissement met en évidence un endormissement rapide (10 minutes) en
sommeil lent (non en sommeil paradoxal comme dans la narcolepsie).
Diagnostic différentiel :
 narcolepsie
 causes psychiatriques d'hypersomnie
 causes infectieuses ou organiques cérébrales
3 - Physiopathologie
Une désynchronisation du système noradrénergique est évoquée.
-
4 - Traitement
Pharmacologique : antidépresseurs stimulants (tricycliques, IRS)
Conseil d'hygiène de sommeil avec en particulier interdiction des siestes.
7 - HYPERSOMNIES RECURRENTES
1 - Définitions
Ce sont des affections rares caractérisées par des accès récurrents de
somnolence intense ; les accès durent de plusieurs jours à plusieurs semaines, se
reproduisant à des intervalles très variables ; entre les accès le sujet ne présente pas
de troubles de la vigilance.
-
2 - Clinique et traitement
Le syndrome de KLEINE LEVIN affecte l'adolescent de sexe masculin. Les épisodes
de somnolence sont associés à une hyperphagie compulsive, une désinhibition avec
hypersexualité, des troubles psychiques (étrangeté, hallucinations), du
comportement (irritabilité, agressivité).
Le tracé électroencéphalographique est ralenti avec quelques bouffées
théta. La polysomnographie montre un sommeil long, pauvre en sommeil lent profond, une
latence courte du sommeil paradoxal.
Une thérapeutique par thymorégulateurs ne se justifie que lors d'accès
fréquents.
- Certaines formes sont d'origine organique : tumeur cérébrale (3e ventricule),
complications évolutives de traumatisme crânien, d'encéphalite.
- D'autres formes apparaissent de cause psychiatrique : troubles dépressifs de
l'humeur en particulier.
8 - MOUVEMENTS PERIODIQUES NOCTURNES DES MEMBRES ET
SYNDROME DES JAMBES SANS REPOS
1 - Mouvements périodiques nocturnes des membres
Survenant pendant la nuit, à l'origine d'éveils, cette pathologie se
manifeste par des secousses de quelques secondes, survenant de manière périodique
toutes les 30 secondes, qui affectent surtout les membres inférieurs. A ces secousses
s'associent une extension du gros orteil, une dorsiflexion du pied, parfois une flexion du
genou, de la hanche.
Le sujet se plaint d'un sommeil non réparateur, d'insomnie de milieu de
nuit, d'une sensation de fatigue des membres inférieurs le matin.
La
polysomnographie
montre
les
bouffées
d'activation
sur
l'électromyogramme des membres inférieurs.
Ces mouvements, dont la fréquence croît avec l'âge, peuvent être associés
à d'autres troubles du sommeil (narcolepsie, syndrome d'apnées du sommeil) ; ils
apparaissent plus fréquents chez les patients traités par antidépresseurs.
2 - Syndrome des jambes sans repos
Survenant le soir, surtout au coucher, des paresthésies à type de
fourmillements, de brûlures des membres inférieurs, soulagées par le mouvement,
empêchent l'endormissement.
La polysomnographie montre l'existence fréquente de mouvements
périodiques nocturnes des membres.
Ces impatiences, apparaissant vers la trentaine, ont une évolution
fluctuante. Il faut noter leur fréquence au cours du dernier trimestre de la grossesse,
chez les patients traités par antidépresseurs.
3 - Traitement
La thérapeutique de ces deux affections fait appel aux benzodiazépines,
en particulier le clonazepam (Rivotril*).
9 - AUTRES CAUSES D'HYPERSOMNIE
1 - Hypersomnie psychogène
Cette hypersomnie s'inscrit dans le contexte d'une pathologie
psychiatrique : état dépressif, troubles bipolaires de l'humeur, dépression saisonnière,
dysthymie, troubles névrotiques comme par exemple l'hystérie. Elle concerne le plus
souvent le sujet jeune et s'accompagne de clinophilie, d'augmentation de l'appétit.
La polysomnographie montre un sommeil nocturne de qualité médiocre ainsi
qu'un raccourcissement de la latence d'apparition du sommeil paradoxal. Le test itératif
d'endormissement est normal.
Le traitement comporte la prescription d'antidépresseurs stimulants.
2 - Hypersomnie post-traumatique
Une somnolence diurne peut apparaître dans les suites d'un traumatisme
crânien avec perte de connaissance. Cette somnolence est isolée ou fait partie d'un
syndrome subjectif des traumatisés crâniens.
-
3 - Hypersomnie de causes médicales
Hypertension intracrânienne (vomissements, nausées)
Tumeur cérébrale (hypothalamus, épiphyse)
Accident vasculaire cérébral
Affections dégénératives : maladies d'Alzheimer, de Parkinson
Encéphalite, en particulier la trypanosomiase
IV -TROUBLES DES RYTHMES CIRCADIENS
Ce sont des troubles du sommeil et de l'éveil liés à une inadéquation entre
les horaires réels de sommeil et les horaires souhaités. Ils témoignent d'une
discordance entre le mode de vie et le rythme physiologique. L'agenda de sommeil est
une aide précieuse pour le diagnostic.
1 - Syndrome d'Avance de Phase
Ce trouble se caractérise par un endormissement et un réveil précoces
avec une durée habituelle de sommeil conservée. Le réveil vers 2, 3 heures du matin
s'accompagne d'un besoin de sommeil en fin d'après-midi. Ce trouble s'observe surtout
chez les personnes âgées.
2 - Syndrome hypernycthéméral
Il s'agit de cycles veille - sommeil d'une durée supérieure à 24 heures
avec un décalage progressif des horaires de sommeil d'environ 1 heure chaque jour,
l'endormissement devenant de plus en plus tardif. On peut observer une insomnie totale
suivie d'une somnolence diurne. Ce trouble est principalement observé dans la cécité
d'origine périphérique, la schizophrénie, la démence.
3 - Syndrome de Retard de Phase
Ce syndrome, qui évoque un échappement du rythme veille - sommeil aux
synchroniseurs externes, débute en général à l'adolescence et concerne le plus souvent
l'homme. L'endormissement survient tardivement, après 2 heures du matin (heure
constante pour un sujet à la différence de l'heure toujours décalée du syndrome
hypernycthéméral), de manière permanente. Le sommeil est satisfaisant en qualité et en
quantité si l'heure du réveil spontané, 7 à 8 heures après le coucher, est compatible
avec les exigences de la vie quotidienne.
La symptomatologie apparaît lorsque l'heure de réveil doit être avancée
pour obéir aux exigences des horaires conventionnels : quantité insuffisante de sommeil
somnolence diurne, asthénie, troubles de l'humeur… sachant que le sujet ne parvient pas
à avancer l'heure de l'endormissement.
La tenue d'un agenda de sommeil sur un mois permet le diagnostic.
La thérapeutique est la chronothérapie par retard progressif des
horaires de sommeil jusqu'à ce que l'heure d'endormissement parvienne à l'heure
souhaitée. La photothérapie matinale représente une autre approche thérapeutique. La
prescription d'hypnotiques n'est pas indiquée en raison du risque important de
dépendance dans ce syndrome.
4 - Changement de fuseaux horaires
Nommé "Jet Lag", ce syndrome correspond à une désynchronisation des
rythmes veille - sommeil liée au franchissement de fuseaux horaires. L'intensité des
symptômes augmente avec le nombre de fuseaux franchis et certains facteurs : dette
antérieure de sommeil, climat, conditions de voyage… Le symptôme premier est une
insomnie d'endormissement lors d'un voyage vers l'Est, un réveil prématuré lors d'un
voyage vers l'Ouest. Le tableau clinique associe fatigue, accès de somnolence,
diminution des performances psychomotrices et parfois une instabilité thymique.
Au plan polysomnographique on observe une augmentation du sommeil à
ondes lentes, une diminution du sommeil paradoxal lors d'un voyage vers l'Est, une
augmentation du sommeil paradoxal lors d'un voyage vers l'Ouest.
Ce trouble s'amende en une semaine environ, sachant que le réajustement
des rythmes endogènes se fait plus rapidement lors d'un voyage vers l'Ouest que lors
d'un déplacement vers l'Est. Un hypnotique à action courte peut favoriser
l'environnement pendant ou après le vol.
5 - Travail posté
Les horaires décalés ou variables de travail peuvent être à l'origine de
troubles du sommeil (sommeil perturbé dans sa quantité et sa qualité) et de la vigilance
(somnolence). Une surconsommation de substances stimulantes est souvent observée,
celle-ci aggravant l'altération du sommeil.
Les rotations avant (horaires retardés de travail), les alternances courtes
(2 à 3 nuits consécutives) apparaissent être mieux tolérées physiologiquement ; de
même l'adaptation apparaît plus facile chez certains sujets. Mais l'âge est un facteur
de mauvaise adaptation du travail posté. Les hypnotiques sont peu efficaces à long
terme.
V – PARASOMNIES
Les parasomnies correspondent à des phénomènes
surviennent pendant le sommeil. On distingue les parasomnies :
- par trouble de l'éveil
- par trouble de la transition veille - sommeil
- associées au sommeil paradoxal
- survenant pendant le sommeil léger
anormaux
qui
1 - PARASOMNIES PAR TROUBLE DE L'EVEIL
1 - Ivresse du sommeil
Survenant essentiellement chez l'enfant ou l'adulte jeune, c'est un éveil
nocturne caractérisé par un état d'obnubilation avec parfois une désorientation
temporo-spatiale, des comportements inadaptés. L'intensité de cet éveil confusionnel
est plus importante s'il survient en début de nuit ; souvent le sujet n'en garde pas de
souvenir. Une hypersomnie idiopathique peut être associée.
2 - Somnambulisme
Le somnambulisme, caractérisé par une activité motrice automatique
complexe nocturne, est fréquent chez l'enfant, rare chez l'adulte.
3 - Terreurs nocturnes
Les terreurs nocturnes, fréquentes chez l'enfant, sont également rares
chez l'adulte. Souvent déclenchées chez l'adulte par l'abus d'alcool, le manque de
sommeil, une fièvre, des apnées du sommeil, ces terreurs nocturnes surviennent en
début de nuit à type de hurlements peu compréhensibles et de manifestations
neurovégétatives intenses, ne provoquant pas de réveil, ne laissant pas de souvenir.
Un traitement anxiolytique par benzodiazépines peut être prescrit en as
de sévérité, de dangerosité des troubles.
2 - PARASOMNIES PAR TROUBLE DE LA TRANSITION VEILLE –
SOMMEIL
1 - Sursauts du sommeil
Symptomatologie bénigne et fréquente (60 % de la population), les
sursauts du sommeil surviennent à l'endormissement, gênant parfois celui-ci. Il s'agit
de myoclonies à type de secousses brutales de tout ou partie du corps.
2 - Somniloquie
La somniloquie est le fait de parler pendant son sommeil, de l'émission de
quelques sons à des conversations élaborées. Elle survient le plus souvent en sommeil
lent. Cette symptomatologie banale, plus souvent observée chez l'homme, ne nécessite
pas de traitement.
3 - Crampes nocturnes des membres inférieurs
Ce sont des contractions douloureuses involontaires des muscles du
mollet, du pied, qui surviennent pendant le sommeil et l'interrompent. Cette
symptomatologie est fréquente chez la femme enceinte, la femme âgée. Un traitement
myorelaxant peut être proposé.
3 - PARASOMNIES ASSOCIEES AU SOMMEIL PARADOXAL
1 - Cauchemars
Les cauchemars, rêves effrayants et angoissants, réveillent le dormeur
qui conserve le souvenir de la scène rêvée. Cette parasomnie ne s'accompagne pas de
troubles neurovégétatifs, comme dans les terreurs nocturnes, mais l'angoisse
persistante peut empêcher le retour du sommeil.
Survenant au cours du sommeil paradoxal, banals si occasionnels, les
cauchemars persistants doivent faire rechercher un trouble psychopathologique sousjacent, un syndrome de stress psychotraumatique par exemple.
Les cauchemars peuvent être favorisés par la prise de certains
médicaments : antiparkinsoniens, bêta-bloquants, certains hypnotiques.
2 - Paralysies du sommeil
Il s'agit, lors d'un éveil nocturne, d'une abolition transitoire du tonus
musculaire avec impossibilité pour le patient, pendant quelques secondes, de se
mobiliser. Les paralysies du sommeil s'observent dans la narcolepsie mais peuvent aussi
survenir après une période de privation de sommeil ou de désorganisation circadienne.
3 - Troubles nocturnes de l'érection
Des douleurs, à l'origine d'un réveil, d'une angoisse, accompagnent les
érections survenant pendant le sommeil paradoxal. En cas de chronicité du trouble une
psychothérapie peut être envisagée.
4 - Troubles du comportement en sommeil paradoxal
C'est une pathologie retrouvée chez l'homme après 50 ans ; en raison
d'une disparition de l'atonie musculaire physiologique contemporaine du sommeil
paradoxal, les patients vivent et agissent leurs rêves ; des comportements complexes,
violents, peuvent être dangereux.
On peut observer en particulier ce trouble chez les patients
narcoleptiques traités par psychostimulants, chez certains patients déprimés traités
par antidépresseurs.
La thérapeutique fait appel au clonazepam (Rivotril*).
4 - PARASOMNIES SURVENANT PENDANT LE SOMMEIL LEGER
Le bruxisme est caractérisé par des contractions musculaires
involontaires des mâchoires produisant des grincements de dents qui peuvent être à
l'origine d'altérations dentaires. Le bruxisme, qui survient au cours des stades I et II
du sommeil, serait favorisé par les facteurs de stress. Un traitement anxiolytique par
benzodiazépines peut améliorer ce trouble.
PREMIERE PARTIE : MODULES TRANSDISCIPLINAIRES
Module 3
-
Maturation et vulnérabilité
Question 44 - RISQUE SUICIDAIRE DE L’ADULTE :
IDENTIFICATION ET PRISE EN CHARGE
Rédaction : J.P. Kahn
-
Relecture : J.L. Terra
Objectifs généraux :
· Savoir détecter les situations à risque suicidaire chez l'adulte
· Argumenter les principes de la prévention et de la prise en
charge
Objectifs spécifiques :
· Connaître les principales données épidémiologiques concernant le
suicide en France
· Connaître les différents facteurs de risque associés à un risque
suicidaire
· Savoir évaluer et prendre en charge une personne en situation de
crise suicidaire
PRESENTATION ET CONSIDERATIONS INTRODUCTIVES
Pendant longtemps, le corps social et les médecins avec lui, ont
abordé le suicide sous un angle moral et philosophique,
considérant que cet acte devait être assimilé à un péché et
condamné, car contraire à la volonté divine, soit considéré, au
contraire, comme l'ultime expression de la liberté individuelle.
Actuellement dépénalisé, le suicide est plutôt abordé sur le plan
phénoménologique, cherchant à en comprendre et à en expliquer les
multiples
déterminants.
Les
recherches
tendent
à
intégrer
actuellement différents facteurs de risque et précipitants de
nature biologique, psychologique et sociale.
La France est actuellement l'un des pays industrialisés les plus
touchés par le suicide et d'après les données de l'OMS de 1999
portant sur 97 pays, la France se situe entre le 11ème et le 20ème
rang des pays ayant la plus forte mortalité suicidaire, avec près
de 12000 décès par suicide par an. Le suicide représente ainsi la
première cause de mortalité chez les adultes jeunes, avant les
accidents de la route et, pour l'ensemble de la population, le
suicide est la troisième cause d'années de vie perdues, après les
maladies coronariennes et le cancer.
Ces données inquiétantes ont conduit la France, à partir de 1998,
à l'instar de nombreux autres pays, à instaurer un Programme
National pour la Prévention du Suicide, aboutissant à la mise en
place de diverses mesures et programmes d'action pour la période
2000-2005. C'est ainsi que la prévention du suicide est l'une des
dix priorités de santé publique définies par la Conférence
1
Nationale de Santé ; par ailleurs, la crise suicidaire, sa
reconnaissance et sa prise en charge ont fait l'objet d'une
conférence
de
consensus
et
de
recommandations,
en
2001,
disponibles sur le site de l'ANAES (www.anaes.fr). Enfin, un
programme de formation à l'intervention et de sensibilisation des
intervenants des champs sanitaire, éducatif, social et associatif
est également piloté, à l'échelon des régions, par l'Agence
Nationale d'Accréditation et d'Evaluation en Santé (ANAES).
La prévention et la prise en charge des risques et conduites
suicidaires nécessitent d'énoncer quelques vérités simples et de
se débarrasser de certaines idées fausses, mais fort répandues :
1 : le suicide n'est ni un acte de courage ni un acte de
lâcheté ; ce n'est pas non plus un choix librement consenti, mais
une mauvaise solution pour un sujet ne pouvant trouver d'autre
issue à une souffrance devenue insupportable ;
2 : il est faux de croire que les personnes qui parlent de
suicide ne passent pas à l'acte : huit personnes sur dix en
parlent avant leur suicide ou tentative de suicide ;
3 : parler ouvertement de suicide à quelqu'un ne lui donne
pas envie de le faire ; au contraire ceci permet à la personne
d'exprimer ses difficultés, sa souffrance, des idées dont elle a
souvent honte et de se sentir entendue, comprise et momentanément
soulagée ;
I : DEFINITIONS DES CONDUITES SUICIDAIRES
Il convient de les reconnaître et de les identifier, pour les
prendre en charge, ainsi que la souffrance qui les accompagne et
éviter un passage à l'acte aux conséquences fatales.
1 : le suicide est une mort volontaire. Dürkheim (1897) l'a
défini comme "la fin de la vie, résultant directement ou
indirectement d'un acte positif ou négatif de la victime ellemême, qui sait qu'elle va se tuer". On parle de mortalité
suicidaire et de sujets suicidés.
2 : la tentative de suicide (TS) est plus difficile à
définir, tant est variable l'intentionnalité suicidaire d'un sujet
à l'autre ; Ce terme recouvre tout acte par lequel un individu met
consciemment sa vie en jeu, soit de manière objective, soit de
manière symbolique et n'aboutissant pas à la mort. Il ne s'agit
donc pas d'un simple suicide raté. On parle de sujets suicidants
et de morbidité suicidaire.
3 : les idées de suicide correspondent à l'élaboration
mentale consciente d'un désir de mort, qu'il soit actif ou passif
; ces idées sont parfois exprimées sous la forme de menaces
suicidaires. On parle de sujets suicidaires.
2
Les conduites suicidaires comprennent les suicides, mais aussi les
tentatives de suicide, certaines conduites à risque s'apparentant
à des "équivalents suicidaires" et les idées de suicide, pouvant
survenir -ou non- au cours d'une crise suicidaire.
4 : la crise suicidaire est une crise psychique dont le
risque majeur est le suicide. Il s'agit d'un moment dans la vie
d'une personne, où celle-ci se sent dans une impasse et est
confrontée à des idées suicidaires de plus en plus envahissantes ;
le suicide apparaît alors de plus en plus à cette personne comme
le seul moyen, face à sa souffrance et pour trouver une issue à
cet état de crise.
5 : les "équivalents suicidaires"
sont des conduites à
risque qui témoignent d'un désir inconscient de jeu avec la mort.
Ces conduites, tout comme certaines lésions ou mutilations autoinfligées non suicidaires, ne doivent pas être abusivement
considérées comme des tentatives de suicide.
II : EPIDEMIOLOGIE DU SUICIDE
Le suicide donne lieu, dans la plupart des pays, à la publication
des statistiques officielles. Les méthodes de recueil sont en
réalité très variables et on estime de manière générale que ces
statistiques sous-estiment d'environ 20% le nombre des suicides.
En France, elles résultent d'une part des certificats médicaux de
décès et d'autre part, des conclusions formulées par les médecins
légistes après l'examen des morts suspectes ou violentes.
1 : L'autopsie psychologique est une méthode, née aux EtatsUnis dans les années 1960, dont le but initial était d'élucider
les origines des décès pour lesquelles un suicide était suspecté,
sans pouvoir être clairement affirmé comme un acte mortel autoinfligé et intentionnel. Elle repose sur une enquête à posteriori,
conduite sur la base de l'interrogatoire des proches, l'analyse
des sources médicales, le recueil d'informations
concernant les
antécédents familiaux et
personnels, la psychologie de la
personne décédée, son style de vie, ses relations et les
événements ayant précédé la mort. Ces données sont confrontées aux
données objectives relatives au passage à l'acte pour conclure –
ou non – à l'existence d'un suicide. L'autopsie psychologique
s'est rapidement révélée une méthode intéressante pour documenter
l'existence de troubles psychiatriques ou somatiques et la nature
des soins dont les personnes avaient bénéficié.
2 : indices épidémiologiques du suicide
Trois principaux indices sont utilisés :
¨
L'incidence du suicide : elle correspond au nombre de suicides
répertoriés chaque année. Elle varie en France de 11000 à 12000
3
par an (1997), en rappelant que ce chiffre est sans doute sousestimé de 20%.
¨
Le taux de suicide, ou mortalité suicidaire qui s'exprime en
nombre annuel de suicides pour 100 000 habitants : il est, en
France, de 20 à 24 pour 100 000 globalement, ce qui fait de la
France un pays à forte mortalité suicidaire d'après l'OMS
(1999).
¨
Le taux de mortalité prématurée, attribuable au suicide : il est
de 9 à 10%, le suicide étant la 3ème cause de mortalité
prématurée en France, après les maladies coronariennes et les
cancers. Le suicide représente ainsi 10% des années de vie
perdues avant 65 ans, soit autant que les accidents de la
circulation ou les maladies cardio-vasculaires.
3 : données descriptives
¨
le suicide est trois fois plus fréquent chez l'homme que chez la
femme. La mortalité suicidaire était en France, en 1995 de
31,5/100 000 chez les hommes et de 10,7/100 000 chez les femmes.
Cette surmortalité masculine est observée dans tous les pays
disposant de statistiques sur le suicide, à l'exception de la
Chine.
¨
Le suicide augmente fortement avec l'âge, surtout chez l'homme
et surtout après 75 ans.
ð
ð
ð
ð
6% des suicides surviennent entre 15 et 24 ans,
66% entre 25 et 64 ans
28% chez les personnes âgées de 65 ans et plus
Chez les adultes jeunes (25-34 ans) le suicide est la première
cause de mortalité
ð Chez les adolescents, il représente la 2ème cause de mortalité
(16%), après les accidents de la circulation (38%).
ð Le suicide est plus rare chez les sujets jeunes et peut être
considéré comme exceptionnel chez l'enfant pré-pubère. (0,2/100
000 chez les 5-14 ans, chiffres 1994). Mais la notion de mort,
chez l'enfant, ne peut être assimilée aux représentations qu'en
ont couramment les adultes, une représentation construite de la
mort, dans sa dimension d'irréversibilité, n'étant acquise qu'à
partir de 8 ans.
¨
La mortalité par suicide varie selon le temps et le contexte
géographique : La mortalité par suicide a montré une certaine
stabilité jusqu'en 1975, suivie d'une forte augmentation
d'indice (près de 40%) de 1975 à 1985, puis d'une légère
diminution jusqu'en 1990, pour fluctuer entre 12000 et 11000
décès par an depuis. L'augmentation du suicide chez les jeunes a
largement contribué à l'augmentation globale de l'incidence du
suicide en France. Les données internationales concernant le
suicide sont proches de celles décrites en France, mais il
existe aussi des différences : en Angleterre par exemple, on a
4
observé une réduction notable de l'incidence du suicide au cours
des années 1960-1970. En France, il existe également des
disparités régionales sensibles.
4 : les moyens utilisés
¨
les modes de suicide les plus utilisés sont la pendaison (37%),
les armes à feu (25%), l'intoxication par médicaments (14%) ;
viennent ensuite la submersion-noyade et la précipitation d'un
lieu élevé. Il faut signaler que la consommation d'alcool
accompagne fréquemment les suicides par arme à feu.
¨
Conséquences pour la prévention : l'utilisation de ces moyens
semble liée à leur disponibilité et à la réglementation les
concernant, en particulier pour les armes à feu. C'est pourquoi,
en termes de prévention, le contrôle de l'accès aux moyens de
suicide et la diminution de leur potentiel létal représentent
des aspects importants.
¨
Les "cibles" principales de la prévention du suicide, mais aussi
les plus difficiles à atteindre, sont les hommes et les
personnes âgées.
III : EPIDEMIOLOGIE DES TENTATIVES DE SUICIDE
1 : problèmes méthodologiques
¨
Le recensement de la prévalence des tentatives de suicide (TS)
est difficile car, contrairement aux suicides, il n'y a pas
d'enquête systématique sur les TS Les enquêtes en population
générale sont évidemment difficiles à mettre en place.
¨
Par ailleurs, malgré les recommandations de l'ANAES (2001),
toutes les TS ne sont pas hospitalisées ou vues par un médecin.
On estime que 30 % des personnes ayant commis une TS sont
actuellement maintenues à domicile.
2 : données descriptives
¨
Les TS sont estimées en France à 160 000 par an
¨
Le sex ratio des TS est l'inverse de celui du suicide : les
femmes réalisent deux fois plus de TS que les hommes
¨
Effets de l'âge : les TS sont les plus fréquentes entre 15 et 35
ans et diminuent ensuite. Selon une enquête de l'INSERM
effectuée en 1999, au moins 5,2 % des filles et 7,7 % des
garçons âgés de 11 à 19 ans auraient fait au moins une fois une
tentative de suicide.
5
¨
Des études conduites en population générale aux Etats-Unis
permettent d'estimer la prévalence sur la vie entière des TS à
4,6 % chez les 15-54 ans (étude NCS, Kessler, 1999).
3 : moyens utilisés
¨
90
%
des
TS
résultent
d'intoxications
médicamenteuses
volontaires. Les phlébotomies sont également fréquentes.
4 : pronostic
¨
on note 40 % de récidives, dont la moitié dans l'année suivant
la tentative de suicide.
¨
Il y a 1 % de mortalité par suicide dans l'année qui suit la TS
(contre 0,02 % dans la population générale, soit 50 fois plus
!).
¨
Il y a plus de 10 % de décès par suicide, au cours de la vie,
après une première tentative de suicide. Un antécédent de TS est
ainsi l'un des plus importants facteurs de risque de suicide.
IV : EPIDEMIOLOGIE DES IDEES SUICIDAIRES
¨
La prévalence des idées suicidaires a fait l'objet de plusieurs
enquêtes récentes, permettant de situer le rapport des idées de
suicide/TS autour de 4.
¨
En population générale, en France, lors d'un sondage réalisé par
la SOFRES en janvier 2000, au domicile de 1000 personnes âgées
de 18 ans et plus, représentatives de la population française,
13 % d'entre elles ont répondu par l'affirmative à la question :
"vous-même, avez-vous déjà envisagé sérieusement de vous
suicider ?"
¨
Chez les jeunes en France, 23 % des garçons et 41 % des filles
de 15 à 19 ans ont rapporté avoir eu des idées suicidaires, soit
un taux 4 fois supérieur à celui des TS (Choquet et Ledoux,
1994).
¨
La chronicité des idées suicidaires est un facteur de risque de
passage à l'acte : celui-ci est de 40 % si les idées sont
fréquentes, 15 % si les idées de suicide sont occasionnelles, 1
% en l'absence d'idées suicidaires.
¨
Le risque de passage à l'acte est augmenté quant il y a
élaboration d'un plan suicidaire, c'est pourquoi la prévention
du geste suicidaire passe par le repérage et l'évaluation des
idées suicidaires.
V : FACTEURS DE RISQUE ET POPULATIONS A RISQUE
6
On appelle "facteur de risque" un facteur qui a été mis en
relation
statistique avec la survenue d'un suicide, au niveau
d'une population donnée. Il ne s'agit donc en aucun cas, d'un
facteur individuel. Les facteurs de risque suicidaire sont en
interaction les uns avec les autres et l'importance de leur effet
va dépendre de la présence ou de l'absence d'autres facteurs.
Dans une perspective pragmatique et préventive Rihmer (1996) a
proposé de les classer en trois catégories :
1 : les facteurs de risque primaires
Les facteurs primaires ont une valeur d'alerte importante, au
niveau individuel, ils sont en forte inter action les uns avec les
autres
et
peuvent
être
influencés
fortement
par
les
thérapeutiques. Ce sont :
- les troubles psychiatriques,
- les antécédents familiaux et personnel de suicide et tentatives
de suicide,
- la communication à autrui d'une intention suicidaire
- l'existence d'une impulsivité, facilitant le risque de passage à
l'acte.
2 : les facteurs de risque secondaires
Les facteurs secondaires sont observables dans la population
générale. Leur valeur prédictive est faible en l'absence de
facteurs primaires. Ils ne sont que faiblement modifiables par les
thérapeutiques. Ce sont :
-
les pertes parentales précoces
l'isolement social : séparation, divorce, veuvage…
le chômage ou l'existence d'importants facteurs financiers
les "événements de vie" négatifs sévères.
3 : les facteurs de risque tertiaires
Les facteurs de risque tertiaires n'ont pas de valeur prédictive
en l'absence de facteurs primaires et secondaires et ne peuvent
être modifiés, ce sont :
- l'appartenance au sexe masculin
- l'âge, en particulier l'adolescence et la sénescence
- certaines périodes de vulnérabilité (phase prémenstruelle chez
la femme, période estivale…).
4 : les facteurs de vulnérabilité
On appelle "facteur de vulnérabilité" des éléments majorant les
facteurs de risque précédemment décrits et pouvant contribuer,
dans certaines circonstances, à favoriser un passage à l'acte
7
suicidaire sous l'influence de facteurs précipitants. Il s'agit
d'événements de la biographie passée, survenus souvent au cours de
pertes parentales précoces, de carences affectives, de violence,
de maltraitance ou de sévices…
5 : les facteurs précipitants
On appelle facteurs précipitants des circonstances précédent de
peu le passage à l'acte ou déterminants dans la crise suicidaire :
des événements de vie négatifs, tels une séparation, une maladie,
un échec, etc. Il s'agit parfois d'événements anodins pour
l'intervenant mais qui revêtent une importance affective d'autant
plus grande pour la personne qu'ils réactualisent, à un moment
donné, des problématiques liées au passé du sujet, sous-tendues
par les facteurs de vulnérabilité précédemment décrits.
6 : les facteurs de protection
S'il existe de nombreux facteurs de risque suicidaire, il faut
mentionner l'existence de facteurs de protection. Il s'agit
essentiellement de facteurs psycho-sociaux tels un soutien
familial et social de bonne qualité, le fait d'avoir des enfants,
des relations amicales diversifiées, etc. Bien que ceux-ci soient
insuffisamment documentés actuellement, on peut citer également
"la résilience", c'est à dire la capacité d'un individu à faire
face à l'adversité.
7 : au total
La mortalité par suicide concerne surtout l'homme mûr et âgé,
alors que la morbidité suicidaire concerne surtout la femme jeune.
Le risque de décès par suicide augmente avec l'âge, alors que le
risque de décès diminue.
VI : RECONNAITRE ET EVALUER UNE CRISE SUICIDAIRE
La notion de "crise suicidaire" offre une méthode pragmatique pour
évaluer et prendre en charge une personne à haut potentiel
suicidaire.
1 : définition de la crise suicidaire
La crise suicidaire peut être définie comme un moment de crise
psychique, au cours de la vie du sujet, où celui-ci va épuiser
progressivement ses ressources adaptatives, psychologiques et
comportementales et envisager , progressivement, par le biais de
distorsions cognitives, le suicide comme seule possibilité de
réponse aux difficultés qu'il rencontre et éprouve.
2 : signes d'orientation et de diagnostic
8
¨
la crise suicidaire se traduit par des signes de rupture par
rapport au comportement habituel de la personne, dont le
regroupement
doit
alerter
l'entourage
et
provoquer
une
assistance professionnelle.
¨
Il peut s'agir de signes manifestes, tels :
Ø la
manifestation
explicite
d'idées
et
d'intentions
suicidaires par le discours ("je veux mourir", "je n'en peux
plus", "je voudrais partir…", etc.) ou sous forme de textes,
de dessins, chez les enfants en particulier.
Ø l'expression de la crise psychique dans les attitudes, le
comportement, les relations interpersonnelles : la personne a
un visage triste, douloureux ou inexpressif ; elle peut
paraître étrangement absente ; on peut noter un changement de
comportement avec l'entourage, un désintérêt ou l'abandon des
centres d'intérêt habituels, des décisions irréfléchies,
parfois illogiques ou peu compréhensibles, ; une consommation
et un recours inhabituel ou excessifs aux médicaments, à
l'alcool, aux drogues ; un repli sur soi, une anxiété, une
irritabilité, un désinvestissement inhabituels.
Ø des distorsions cognitives : elles traduisent le fait que la
personne ne perçoit et n'analyse plus de façon réaliste et
objective les événements extérieurs ou ses propres capacités
à faire face : elle présente une image altérée et dévalorisée
d'elle-même, se sent impuissante à surmonter ses émotions et
à affronter les événements de sa vie. Ce sentiment peut
confiner au désespoir, à une vision cynique et désabusée
d'elle-même et d'autrui, une réduction du sens des valeurs,
un sentiment de constriction psychique.
Ø des "comportement de départ" à forte valeur d'orientation
doivent être activement recherchés et attirer l'attention :
la recherche soudaine d'une arme à feu, le don d'effets
personnels investis d'une valeur affective, la rédaction de
lettres aux proches ou d'un testament, en sont des exemples.
¨
Les signes d'alerte peuvent varier selon l'âge :
Ø chez l'enfant, la crise psychique sera peu verbalisée et
s'exprimera plutôt sous la forme de dessins traduisant des
préoccupations pour la mort, par la survenue de plaintes
somatiques, des blessures à répétition, une hyperactivité,
des troubles du sommeil, une tendance à l'isolement; des
troubles des apprentissages ; une réduction des activités
ludiques et une tendance à devenir le "souffre-douleur"
d'autrui… Des bouleversements familiaux (décès, maladie,
séparation…) la maltraitance ou les carences affectives sont
des facteurs de vulnérabilité qui doivent être recherchés.
9
Ø chez
l'adolescent,
l'expression
répétitive
d'une
intentionnalité
suicidaire
est
un
motif
suffisant
d'intervention. Cependant, il faut également être attentif à
un fléchissement inattendu des résultats scolaires, la
survenue des conduites déviantes, de prise inconsidérée de
risques ou de conduites addictives ; des fugues et des
conduites violentes contre soi ou autrui … Les ruptures
sentimentales, les échecs scolaires ou autres, les conflits
d'autorité, la solitude affective sont des facteurs de
vulnérabilité.
Ø chez l'adulte, la crise psychique peut se manifester par des
arrêts de travail à répétition, des consultations médicales
itératives pour douleurs ou fatigue, des conflits avec la
hiérarchie ou le conjoint, un sentiment d'incapacité,
d'inefficience ou d'inutilité dans le travail et les
relations sociales, etc. Les conflits professionnels ou
conjugaux, les maladies graves, la toxicomanie, les blessures
narcissiques,
l'émigration…
sont
des
facteurs
de
vulnérabilité.
Ø chez la personne âgée : les idées suicidaires sont rarement
exprimées de façon explicite mais plutôt allusivement :
"laissez moi partir", "à quoi bon, je dérange tout le monde"…
La crise psychique doit être recherchée devant une perte
progressive d'intérêt pour les personnes et les activités
investies ; un refus de soin, des conduites anorexiques… Chez
le sujet âgé, la dépression, les maladies physiques -en
particulier celles qui génèrent handicap et douleurs-, les
changements d'environnements et le départ en institution
(hôpital, maison de retraite…), le décès du conjoint sont des
facteurs de vulnérabilité.
3 : Evaluation de la crise suicidaire
Une manière commode dévaluer les modalités et l'urgence des
interventions, préconisées par l'ANAES, consiste à décomposer et
analyser la menace suicidaire en trois composantes : les facteurs
de risque, l'urgence de la menace, la dangerosité du scénario
suicidaire. Cette méthode simple s'avère opérante pour les
professionnels de santé, mais aussi pour tous les intervenants de
"première ligne" susceptibles d'être confrontés à une menace
suicidaire : enseignants, travailleurs sociaux, personnels des
différentes administrations, bénévoles… Chacune de ces trois
dimensions : risque, urgence, dangerosité est évaluée séparément
selon trois degrés d'intensité : faible, moyen ou élevé.
¨
Les facteurs de risque suicidaire : RISQUE. En dehors des
facteurs de risque déjà mentionnés (âge, sexe, isolement social,
communication d'une intention suicidaire) il s'agit de la
10
présence actuelle ou dans
troubles psychiatriques :
les
antécédents
d'un
ou
plusieurs
Ø antécédents familiaux et personnels de suicide : la moitié
des suicides (30 à 60 %) sont précédés d'une ou plusieurs TS.
Finalement, 10 % des suicidants parviennent à se suicider et,
chez eux, le risque relatif de suicide est multiplié part 40
par rapport à la population générale. On admet que,
globalement, le taux de suicide chez les suicidants augmente
de 1 % chaque année, au cours des dix premières années, la
première année étant celle à plus fort risque.
Ø
les maladies psychiatriques sévères, en particulier les
troubles de l'humeur, l'alcoolisme, les schizophrénies. Le
fait de présenter un trouble psychiatrique constitue un
important facteur de risque suicidaire, et ce d'autant plus
que la pathologie a nécessité une hospitalisation. Les études
fondées sur un suivi prospectif montrent que 10 à 15 % des
patients décèdent par suicide. Par ailleurs, 4 % des suicides
surviennent chez des patients hospitalisés en psychiatrie
(c'est à dire durant l'hospitalisation, lors d'une permission
ou
dans
les
48
h
suivant
leur
sortie
d'hôpital).
Comparativement à des sujets contrôles issus de la population
générale, le risque de suicide est de 6 à 22 fois supérieur
chez les sujets souffrant d'un trouble mental avéré.
Ø les études "par autopsie psychologique" réalisées aux Etats
Unis et en Europe du Nord (Angleterre, Suède, Finlande)
montrent l'existence d'un trouble psychiatrique chez plus de
90 % des suicidés. Les diagnostics les plus fréquemment
portés sont ceux de dépression (50 %), alcoolisme (30 %),
trouble de la personnalité (35 %), schizophrénie (6 %).
Ø la
comorbidité
psychiatrique
est
importante
chez
les
suicidés. Les troubles de la personnalité et les abus de
substances sont rarement les diagnostics principaux ou
exclusifs mais s'associent fréquemment à celui de dépression.
Ø Si l'existence d'un trouble psychiatrique est un facteur de
risque primordial, il n'est pas nécessairement un facteur
suffisant.
C'est
dans
ces
cas
que
les
facteurs
de
vulnérabilité et précipitants (événements de vie, inter
relations avec l'environnement familial …) jouent un rôle
déterminant dans le passage à l'acte suicidaire. Dans la
semaine qui précède, on retrouve souvent de nombreux conflits
interpersonnels, de l'hostilité ou de la violence, et chez
les
adolescents
des
conflits
disciplinaires
ou
des
circonstances
s'accompagnant
de
forts
sentiments
de
déception, de rancœur, d'humiliation ou d'injustice.
Ø La présence actuelle d'un ou de facteur(s) de risque, leur
sommation permettent d'évaluer le degré d'intensité des
facteurs de risque
11
¨
L'urgence de la menace suicidaire : URGENCE
Ø deux éléments doivent être pris en compte : l'existence d'un
scénario suicidaire et l'absence pour le sujet d'une
alternative autre que le suicide.
Ø l'urgence doit être évaluée comme "faible" en l'absence d'un
scénario construit, "moyenne" si un scénario existe, mais que
sa date de réalisation est éloignée ou imprécise, "élevée"
s'il existe une planification précise ou une date arrêtée
pour les jours suivants.
¨
La dangerosité létale du moyen suicidaire : DANGEROSITE
Ø doivent être évaluées la dangerosité mortelle du moyen
considéré et son accessibilité : la personne peut-elle
facilement disposer -lors de l'évaluation- du moyen qu'elle
se propose d'utiliser ? Si l'accès au moyen est facile et/ou
immédiat, la dangerosité doit être évaluée comme "élevée",
l'intervention doit alors être immédiate et viser, en
priorité, à empêcher l'accès à ce moyen.
VII : PRENDRE EN CHARGE LA PERSONNE EN CRISE SUICIDAIRE
1 : aborder et interroger un sujet en crise suicidaire
¨
La rencontre doit pouvoir se dérouler en toute confidentialité,
en face à face, dans un endroit calme et favorisant l'expression
des affects. Il faut organiser le contexte de l'entretien au
préalable, chaque fois que cela est possible.
¨
L'entretien doit être conduit de façon à la fois directive et
empathique, laissant à la personne le temps de s'exprimer. Il
n'est pas inutile de laisser le sujet pleurer ou exprimer son
désespoir, son désarroi, ses frustrations ou sa colère. Les
sujets en crise psychique sont souvent en proie à une souffrance
intense et ne peuvent réfléchir ou s'exprimer de façon posée.
L'entretien doit en premier lieu permettre de soutenir le sujet,
établir une relation de confiance, mettre à jour sa souffrance
et l'assurer qu'on le comprend.
¨
Si l'on suspecte une personne d'être en crise suicidaire, il
faut l'interroger simplement et après un temps introductif,
aborder directement le sujet d'éventuelles idées suicidaires.
¨
Le questionnement de l'intervenant doit se faire dans un style
sobre, simple et direct, évitant les jugements de valeur et les
périphrases, telles que "il me semble que…", "vous avez l'air
de…".
12
¨
On peut procéder de façon interrogative : "avez-vous des idées
de suicide, envie de mourir ?"; on peut également utiliser le
mode affirmatif : ("vous êtes en colère n'est ce pas?") et
reformuler en résumant, à certains moments, la situation telle
qu'on l'analyse, en insistant toujours sur l'affectivité, les
sentiments de la personne : "si je comprends bien ce que vous me
dites, vous êtes très en colère parce que…").
2 : identifier
protection
l'existence
de
facteurs
précipitants
et
de
¨
L'identification et l'évaluation de facteurs de vulnérabilité et
de facteurs précipitants sont importants pour montrer à la
personne que l'on comprend sa souffrance, pour évaluer si elle a
envisagé des alternatives possibles et comment elle y réagit,
pour juger des ressources psychologiques dont elle peut encore
disposer.
¨
L'entretien doit permettre d'identifier d'éventuelles sources de
soutien dans l'entourage et apprécier comment la personne en
crise les perçoit. On peut recenser les intervenants déjà
impliqués ou possibles, relever leurs coordonnées et proposer de
les contacter et de les informer.
¨
La capacité de coopération de la personne est importante
évaluer pour juger de l'urgence d'une intervention.
à
3 : distinguer entre crise psycho-sociale et crise en rapport
avec un trouble mental
La situation n'est évidemment pas la même si la menace suicidaire
est en relation avec une pathologie psychiatrique manifeste, ou si
elle est sous-tendue par une crise psycho-sociale. La prise en
charge d'un trouble psychiatrique est évidemment prioritaire qunad
elle existe et justifie alors souvent une hospitalisation. En
revanche, dans certains cas, l'exploration du contexte de vie du
sujet permet d'identifier la nature psycho-sociale de la crise et
d'analyser les circonstances qui conduisent la personne à vouloir
mourir. Cette distinction permet de juger des capacités de la
personne à relativiser sa situation et de la possibilité, pour
l'intervenant, de réduire la tension psychique. Elle permet
d'orienter la prise en charge et les interventions proposées.
4 : proposer une orientation et intervenir
¨
Un traitement médicamenteux symptomatique peut être proposé en
cas de souffrance majeure persistante, d'agitation irrépressible
et pour permettre la poursuite d'une prise en charge adéquate.
Dans l'immédiat, un traitement anxiolytique et/ou sédatif peut
13
être prescrit. Un traitement de fond ne doit être entrepris
qu'en hospitalisation, si elle est nécessaire).
¨
L'hospitalisation s'impose si l'urgence est élevée, si le
suicide est planifié, les moyens mortels disponibles, si le
sujet est "froid" et coupé de ses émotions, ou impulsif, s'il
refuse toute coopération ou présente d'importants troubles du
jugement. Une hospitalisation sans consentement (Hospitalisation
à la Demande d'un Tiers : HDT) peut être nécessaire, en
l'absence de coopération du sujet, on doit cependant toujours
expliquer à la personne les raisons conduisant à cette décision
et son caractère temporaire. L'hospitalisation, qu'elle soit
réalisée en accord avec la personne ou sous contrainte, a pour
but de protéger la vie du sujet, de mettre temporairement à
distance les situations ayant précipité l'état actuel de crise
suicidaire , d'établir une relation de confia de qualité
suffisante et réévaluer plus finement ultérieurement, l'état
psychiatrique et/ou le contexte d'existence de la personne.
L'ANAES recommande l'hospitalisation systématique pendant 48
heures au moins de tout adolescent suicidant. Un patient
suicidaire
présentant
des
signes
d'intoxication
(alcool,
psychotropes… ) doit être maintenu au service des urgences
jusqu'à la disparition des signes d'intoxication et une nouvelle
évaluation clinique.
¨
Surveillance d'un patient hospitalisé : les suicides en milieu
hospitalier représentent 5 % des suicides ; l'hospitalisation
d'un patient suicidant n'est donc pas à elle seule, une mesure
suffisante pour éviter un passage à l'acte et il est
indispensable d'évaluer la potentialité suicidaire également
chez les patients hospitalisés. Deux profils cliniques distincts
sont retrouvés dans les études :
Ø en hôpital général, il s'agit de personnes âgées de la
soixantaine, atteints de maladies chroniques et de cancers,
Ø en service de psychiatrie, il s'agit en général de sujets
jeunes, schizophrènes ou dépressifs. Le suicide survient
alors en début de séjour ou avant une sortie non désirée ou
redoutée par le patient.
Certaines précautions peuvent être prises consistant à limiter
l'accès à des moyens mortels, en particulier la défenestration et
la pendaison : ouverture limitée des fenêtres, suppression des
moyens d'appui résistant au poids du sujet et permettant une
pendaison
:
crochets,
tringles
à
rideaux,
poignées…
La
vérification des effets personnels de la personne, en sa présence
et après avoir recherché son accord, permet également de
neutraliser certains moyens : couteaux, ceinture, médicaments,
etc. Si la situation l'exige, le patient devra être installé dans
une chambre proche du local de soins et une surveillance
rapprochée devra être prescrite. A l'hôpital, les périodes de
changement (début ou fin d'hospitalisation, transfert dans une
14
autre chambre ou unité, absence du médecin référent habituel…)
sont des périodes où le risque est le plus élevé.
¨
Prise en charge ambulatoire : si l'évaluation de la menace
suicidaire est moyenne ou faible, une prise en charge
ambulatoire peut être proposée, à condition de s'assurer d'un
soutien rapproché : coopération du sujet, entourage proche et
disponible, nouvel entretien programmé et accepté avec la
personne.
¨
Prise en charge psychologique et suivi. Que le patient soit
hospitalisé ou non, le but principal de la prise en charge d'un
sujet en crise suicidaire consiste à définir et mettre en place
des alternatives valables au projet suicidaire. L'évaluation du
ou des facteurs précipitants, l'analyse de la manière dont la
personne perçoit la crise actuelle, le soutien dont elle
dispose, ses capacités personnelles à mobiliser ses propres
ressources adaptatives vont aider à construire ces alternatives.
C'est pourquoi, l'entretien doit également permettre de repérer
les éléments positifs de sa vie et de sa personnalité, même si
elle n'est pas toujours capable de les percevoir êlle même.
5 : Suivi et évaluation
Le suivi doit être réfléchi et organisé pas à pas, dès le début de
la prise en charge et assurer la permanence et la continuité de la
prise en charge. En fonction des besoins de la personne et avec sa
collaboration,
des
ressources
adéquates
et
effectivement
accessibles seront recherchées et sollicitées dans l'entourage du
sujet ou au niveau institutionnel. Il faut planifier pas à pas des
démarches simples : téléphoner à un proche, au médecin traitant
habituel, faire intervenir l'assistante sociale ou aider à la
réalisation de telle ou telle démarche.
L'intervenant doit s'assurer personnellement
jalons aient effectivement été mis en place.
que
ces
relais
et
Une réévaluation de la situation après quelques jours est toujours
souhaitable : elle permet à la personne de sa fixer des échéances
pragmatiques et atteignables. On considère que, même chez une
personne sans facteur de risque primaire, une vigilance de
l'entourage est nécessaire dans les douze mois suivant une crise
suicidaire ou une tentative de suicide.
VIII : PREVENTION DU SUICIDE
1 : l'impossible prédiction du suicide
L'identification de plus en plus précise et étendue de facteurs de
risque suicidaire ne permet cependant pas de pouvoir prédire un
suicide. Si les différents facteurs de risque ont une utilité en
pratique clinique, leur connaissance permet d'envisager deux
15
catégories d'actions préventives : l'une vise à mieux traiter
certains
facteurs
de
risque
curables,
tels
les
troubles
psychiatriques, en particulier les dépressions, l'autre consiste à
identifier des populations à haut risque suicidaire, de manière à
leur appliquer des mesures préventives. La rareté statistique du
suicide fait que, dans ces populations à risque, la "prédiction"
du suicide s'accompagne d'un nombre très élevé de faux positifs.
Il faut donc limiter cette prévention à des mesures peu
contraignantes, tant sur le plan individuel que sur le plan
économique, si l'on ne veut pas voir leur coût et leurs
inconvénients excéder les bénéfices qu'on peut en attendre.
2 : la nécessaire prévention médicale
Quatre types d'interventions médicales peuvent cependant permettre
de prévenir utilement le suicide :
¨
¨
¨
¨
le repérage et l'intervention lors de situations de crise
suicidaire
la prise en charge des suicidants
l'amélioration du diagnostic et du traitement des troubles
mentaux, en particulier des dépressions
la prévention du suicide auprès des sujets à hauts risques que
sont les malades hospitalisés en psychiatrie.
Les deux premières : repérage et intervention lors de situations
de crise suicidaire et la prise en charge des suicidants ont fait
l'objet, en France de conférences de consensus, soutenues par
l'ANAES (cf. bibliographie).
BIBLIOGRAPHIE
Pour en savoir plus :
1. Agence Nationale d'Accréditation et d'Evaluation en Santé
(ANAES) : Prise en charge hospitalière des adolescents après une
tentative de suicide. Recommandations pour la pratique. Novembre
1998. Texte long disponible sur demande à l'ANAES et par
internet (www.anaes.fr)
2. Agence Nationale d'Accréditation et d'Evaluation en Santé
(ANAES) : La crise suicidaire : reconnaître et prendre en
charge. Octobre 2000. Texte long et recommandations disponibles
sur demande à l'ANAES et par internet (www.anaes.fr)
3. HARDY P., La prévention du suicide. Rôle des praticiens
différentes structures de soins. DOIN Editeurs, Paris 1997
16
et
4. WALTER M., KERMARREC I., Idées ou conduites suicidaires :
orientation diagnostique et conduite à tenir en situation
d'urgence, Revue du Praticien, 1999, 49 : 1685-1690
17
PREMIERE PARTIE : MODULES TRANSDISCIPLINAIRES
Module 3 - Maturation et Vulnérabilité
Question 45
ADDICTIONS ET CONDUITES DOPANTES
Rédaction :
 Chapitre alcool : F. Thibaut – M. Lejoyeux
 Chapitre tabac : C. Gillet
 Chapitre dopage et conduites dopantes : S. Prétagut – J.-L.Venisse - M. Potiron
 Chapitre psychostimulants et drogues de synthèse : A. Morel
 Chapitre opiacés : L. Karila - M. Reynaud
 Chapitre cannabis : L. Karila - M. Reynaud
Relecture :
 Professeur Jean Adès
Objectifs pédagogiques spécifiques
















Citer les principales données épidémiologiques concernant les différentes conduites
addictives (alcool, tabac, drogues illicites)
Citer les signes cliniques des ivresses et des intoxications à des substances
psychoactives
Connaître l’existence des ivresses pathologiques
Connaître les critères du syndrome de dépendance
Connaître les signes de dépendance physiologiques
Connaître les signes du sevrage d’alcool, de tabac, d’opiacés et des autres drogues
illicites
Connaître les signes de l’abus de substances psychoactives (consommation nocive
pour la santé)
Citer les principales complications de l’alcoolisme et des toxicomanies
Connaître le traitement de l’ivresse et des autres intoxications
Connaître le traitement du sevrage d’alcool
Connaître les dispositions législatives sur les alcooliques dangereux
Connaître le traitement du sevrage d’opiacés et les principes des traitements de
substitution aux opiacés
Connaître les principes de l’information et du traitement d’un patient tabagique (aide
à la motivation, soutien, substitution nicotinique)
Connaître les possibilités de prise en charge à long terme des conduites addictives
(psychothérapies, centres de post-cure, groupe d’entraides)
Connaître la définition du dopage et les principaux produits utilisés dans cette
intention
Connaître les principales complications psychiatriques et somatiques aux produits
dopants
ADDICTIONS ET CONDUITES DOPANTES :
épidémiologie, prévention, dépistage, morbidité, comorbidité, complications.
Prise en charge, traitement substitutif et sevrage.
Alcool, tabac, substances psychoactives et substances illicites.
Cadre général
Les classifications diagnostiques internationales récentes définissent l’abus et la
dépendance comme deux entités nosographiques correspondant à la plupart des
conduites addictives.
La dépendance n’est pas liée à la quantité de substance consommée, qu’il s’agisse
d’alcool ou de substances illicites. Elle définit un type de relation à un produit marquée
par l’incapacité à réduire sa consommation et l’obligation comportementale.
Les signes de dépendance sont des signes psychologiques :
o la substance est souvent prise en quantité plus importante pendant une période
plus longue que prévue
o il y un désir persistant ou des efforts infructueux pour diminuer ou contrôler
l’utilisation de la substance
o beaucoup de temps est passé à des activités nécessaires pour obtenir la
substance, à utiliser le produit ou à récupérer de ses effets
o des activités sociales, professionnelles ou de loisirs importantes sont
abandonnées ou réduites à cause de l’utilisation de la substance
o l’utilisation de la substance est poursuivie bien que la personne sache avoir un
problème psychologique ou physique persistant, ou récurent susceptible d’avoir
été causé ou exacerbé par la substance.
A ces signes psychologiques s’ajoutent les signes physiologiques de dépendance que
sont :
o la tolérance :
o besoin de quantités notablement plus fortes de la substance pour obtenir
une intoxication ou l’effet désiré
o effet notablement diminué en cas d’utilisation continue d’une même
quantité de substance
L’autre signe de dépendance physiologique est
o le sevrage caractérisé par l’une ou l’autre des manifestations suivantes :
o syndrome de sevrage
o une substance (alcool, drogue illicite ou autre) est prise pour soulager ou
éviter les symptômes de sevrage
Une autre catégorie diagnostique est représentée par l’abus de substance ou utilisation
nocive pour la santé. Il s’agit d’un mode d’utilisation inadéquat d’une substance (alcool,
tabac ou drogue illicite) conduisant à une altération du fonctionnement ou à une
souffrance cliniquement significative caractérisée par la présence d’au moins une des
manifestations suivantes au cours d’une période de douze mois :
o Utilisation répétée d’une substance conduisant à l’incapacité de remplir des
obligations majeures, au travail, à l’école ou à la maison (par exemple absences
répétées ou mauvaises performances au travail du fait de l’utilisation de la
substance, absences, exclusion temporaire ou définitive de l’école, négligence des
enfants ou des taches ménagères).
o Utilisation répétée d’une substance dans des situations où cela peut être
physiquement dangereux (par exemple lors de la conduite d’une voiture ou en
faisant fonctionner une machine alors qu’on est sous l’influence d’une substance)
o Problèmes judiciaires répétés liés à l’utilisation d’une substance (par exemple
arrestations pour comportement anormal en rapport avec l’utilisation de la
substance)
o Utilisation de la substance malgré des problèmes interpersonnels ou sociaux
persistants ou récurrents, causés ou exacerbés par les effets de la substance
(par exemple disputes avec le conjoint à propos des conséquences de
l’intoxication, bagarres)
o Le diagnostic d’abus est porté chez les patients qui ne présentent pas les
critères de la dépendance.
ALCOOL
Rédaction : F. Thibaut – M. Lejoyeux
I - EPIDÉMIOLOGIE
Malgré une diminution régulière de la consommation moyenne d'alcool pur en litre par an
et par adulte depuis 1970 (en 1998, en moyenne 17.8 litres), la France se situe au
troisième rang européen pour la consommation d'alcool. La consommation d'alcool en
France représente la part la plus importante du coût social des substances addictives.
L'usage inadapté de l'alcool est la cause directe ou indirecte d'une consultation sur cinq
en médecine générale, de 15 à 25 % des hospitalisations, de 25 % de l'ensemble des
maladies, de 30 000 à 40 000 décès par an, sans compter les accidents, agressions ou
suicides sous l'emprise de l'alcool (l'alcool est au troisième rang des causes de décès).
 Données sociologiques
Les femmes représentent 10 % des consultantes pour difficultés avec l'alcool en
médecine générale. La femme a une consommation d'alcool fort plus souvent solitaire
(au domicile). La prise associée de psychotropes est fréquente. Une comorbidité
dépressive est présente deux fois sur trois.
Chez les femmes enceintes, le risque de malformation et de retard du développement
du nouveau-né est une donnée établie. Actuellement l'abstinence, en matière de
consommation d'alcool, est préconisée chez la femme enceinte.
Une consommation d'alcool de plus en plus précoce est signalée chez les enfants et
adolescents mais peu de données épidémiologiques précises existent dans ce domaine.
Chez les sujets de plus de 65 ans, la prévalence de l'alcoolisme est de 8 % environ.
Le vin est en diminution constante au profit de boissons peu ou au contraire très
alcoolisées, mais le vin demeure l'alcool le plus fréquemment consommé. La
consommation d'alcool est forte à l'Ouest, dans le Nord et l'Auvergne.
La consommation excessive d'alcool ou la dépendance à l'alcool sont souvent associées à
d'autres conduites addictives (75 à 95 % d'entre eux sont dépendants du tabac). La
surmortalité qui en résulte est importante (cancers). Le sujet alcoolo-dépendant est
également un sujet à haut risque de dépendance aux benzodiazépines (30 à 40 % des
alcoolo-dépendants consomment des benzodiazépines). L'existence de polydépendances
associant alcool et drogues illicites est fréquente mais peu étudiée sur le plan
épidémiologique.
2 - ETIOLOGIE
L'alcoolisme est une maladie complexe dans laquelle sont intriqués des facteurs
génétiques de vulnérabilité individuelle et des facteurs environnementaux.
 Des facteurs génétiques de vulnérabilité individuelle pourraient contribuer, pour
40 à 60 %, au risque de développer une dépendance à l'alcool. Certains
polymorphismes génétiques pourraient par exemple influencer le métabolisme de
l'alcool, les effets positifs (euphorie) ou au contraire négatifs (anxiété…) induits
par la prise d'alcool, ou encore le risque plus important de développer une
cirrhose. Des facteurs génétiques communs aux différentes addictions sont
probables.
 Des facteurs socio-culturels favorisent les habitudes d'alcoolisation
(professions à risque – milieu social défavorisé – immigration récente – chômage –
incitation forte : publicité, prix modéré, nombre élevé de débits de boisson,
tolérance de l'opinion, intérêts économiques…).
 Des facteurs de personnalité peuvent également favoriser la dépendance à
l'alcool (impulsivité, recherche de sensations, immaturité…).
L'alcool favorise indirectement la transmission dopaminergique au niveau des régions
méso-limbiques (noyau accumbens), support anatomique du système de récompense.
3 - PRÉVENTION
1. Primaire
L'information du public est fondamentale.
Elle fait appel à des campagnes
d'information sur les dangers de l'alcool, dans les lycées et collèges ; à la formation et
à la sensibilisation des enseignants ; à la mise en place de réunions de sensibilisation
dans les entreprises, sur les lieux de travail…
Le contrôle et la surveillance de la publicité et de l'incitation pour les boissons
alcooliques doit déboucher sur la protection de populations à risque (en particulier, les
mineurs de moins de 16 ans et les femmes enceintes).
2. Secondaire
Les médecins du travail ont un rôle important à jouer dans le dépistage de l'alcoolisme
chronique. La sensibilisation des médecins généralistes et des services hospitaliers
d'urgence au dépistage de l'intoxication alcoolique chronique est importante.
Des campagnes de prévention routière et les contrôles des conducteurs par l'alcootest
peuvent contribuer à réduire le risque d'accidents de la route liés à l'alcool.
4 - DÉPISTAGE
La notion d'une alcoolo-dépendance doit être recherchée systématiquement à l'occasion
d'une consultation ou d'une hospitalisation chez des sujets considérés comme à risque
(autres conduites addictives, existence de maladies psychiatriques, pathologies
somatiques évocatrices d'intoxication alcoolique, malaises, ivresse, accident, tentative
de suicide…). Elle doit également être recherchée dans les situations où toute
consommation d'alcool représente un danger (grossesse, prescription de
psychotropes…)
Il s'agit d'évaluer la consommation d'alcool (consommation déclarée en g/jour : degré x
8 x vol (l) : gramme d'alcool pur ; utilisation d'auto-questionnaires) et ses conséquences
socio-professionnelles, familiales, judiciaires et enfin somatiques et psychiques ainsi
que l'existence d'autres addictions. On évaluera évidemment la motivation du sujet pour
changer ses habitudes de consommation.
Le seuil de consommation excessive d'alcool est fixé à quatre verres standards par jour
pour les hommes et trois pour les femmes (un verre standard = 10 g d'alcool pur).
1. Questionnaire DETA
Le questionnaire DETA (Diminuer, Entourage, Trop, Alcool) permet, à partir de quatre
questions simples qui peuvent être introduites de façon informelle dans l'entretien,
d'identifier un mésusage d'alcool lorsque l'interrogatoire révèle l'existence d'une
consommation excessive.
Au cours de votre vie :
 Avez-vous déjà ressenti le besoin de Diminuer votre consommation de boissons
alcoolisées ?
 Votre Entourage vous a-t-il déjà fait des remarques au sujet de votre consommation
d'alcool ?
 Avez-vous déjà eu l'impression que vous buviez Trop ?
 Avez-vous déjà eu besoin d'Alcool dès le matin pour vous sentir en forme ?
A partir de deux réponses positives, la probabilité d'une consommation excessive et
d'une alcoolo-dépendance est très élevée.
2. Questionnaire AUDIT (Alcohol Use Disorder Identification Test)
Plus riche en information, il explore les douze derniers mois de la vie du sujet. Il a
l'avantage de pouvoir être administré en auto-questionnaire (Tableau I).
3. Dosages biologiques (intérêt pour le suivi)
La consommation chronique d'alcool peut être confirmée par la pratique de dosages
biologiques.
Le volume globulaire moyen (VGM) est un marqueur tardif d'une intoxication alcoolique
chronique (normalisation après plusieurs mois d'abstinence). La gamma glutamyl
transferase (GT) est une enzyme hépatique (spécificité médiocre - diminue de moitié
tous les quinze jours si abstinence - test de première intention).
5 - DÉFINITION ET CLINIQUE DE L'ALCOOLISME
Après une première consommation d'alcool, environ 10 % des sujets s'abstiennent d'en
reconsommer. Parmi les consommateurs, la majorité d'entre eux usent de l'alcool sur un
mode convivial et non dangereux (usage simple). L'usage inclut parfois des usages à
risque (conduite automobile, grossesse…). D'autres entrent dans la catégorie des sujets
abuseurs (ou à usage nocif) (4.5 % de la population française) ou dans la catégorie des
sujets dépendants de l'alcool (2.5 % de la population).
1. L' Ivresse (intoxication alcoolique aiguë)
L'ivresse simple : L'ivresse est la manifestation comportementale de l'action de
l'alcool sur le fonctionnement cérébral. L'ivresse simple évolue classiquement en trois
phases après une ingestion récente d'alcool :
1/ Phase d'excitation psychomotrice (alcoolémie en règle comprise entre 1 à 2
grammes) : avec désinhibition, euphorie alternant avec des périodes de tristesse et
d'agressivité, logorrhée, familiarité excessive. L'attention, les capacités de jugement et
la mémoire peuvent être altérées à des degrés divers.
2/ Phase d'incoordination (alcoolémie souvent supérieure à 2 grammes) : les troubles de
la pensée se majorent et conduisent à une incohérence idéïque puis progressivement à
une véritable confusion. L'examen clinique retrouve un tremblement, une dysmétrie et
parfois un syndrome cérébelleux.
3/ Phase comateuse (alcoolémie toujours supérieure à 3 g/l) : le coma, parfois précédé
par une baisse progressive de la vigilance et une somnolence, est profond, sans signes
de localisation neurologique. Une importante hypothermie (chute de 5 à 6 degrés de la
température centrale), une mydriase bilatérale aréactive, une hypotonie, une abolition
des ROT, une bradycardie et une hypotension sont quelquefois associées. L'hypotension
artérielle, dans ce cas peut se compliquer d'un collapsus cardio-vasculaire à l'évolution
parfois mortelle.
L'ivresse pathologique : plus fréquente en cas de trouble de la personnalité,
surtout sociopathique, ou de trouble cérébral organique associé (épilepsie, détérioration
intellectuelle débutante), elle succède à une ingestion récente et massive d'alcool.
L'ivresse pathologique réalise un tableau prolongé, volontiers récidivant et marqué par
une dangerosité potentielle (auto ou hétéro-agressivité). Les principales formes
cliniques habituellement distinguées sont : l'ivresse excito-motrice, l'ivresse
hallucinatoire, l'ivresse délirante, l'ivresse avec troubles de l'humeur.
2. L'abus d'alcool (ou usage nocif)
L'abus d'alcool correspond à une consommation répétée ayant une nocivité sociale
(relations conjugales, difficultés avec la justice…), professionnelle, physique et ou
psychique et à la persistance de cette consommation malgré la nocivité. Il s'agit de
sujets buvant de manière excessive sans répondre aux critères de dépendance.
L'évolution de l'abus d'alcool est variable, notamment fonction de la prise de
conscience du patient et de la prise en charge thérapeutique. Une partie des "buveurs
excessifs", pour des raisons diverses, peut être amenée à diminuer sa consommation,
d'autres vont rester des consommateurs excessifs que l'on peut dire "stables" et un
dernier groupe atteint le stade de la dépendance. Dans ces derniers cas, l'abus d'alcool
n'aura constitué qu'un état transitoire, forme de passage vers la dépendance.
3. Le Syndrome de dépendance alcoolique
Il s'agit d'un état neurobiologique et psychologique dû à la consommation répétée de
l'alcool qui se traduit par la nécessité d'augmenter la dose d'alcool pour obtenir le
même effet (tolérance) et de poursuivre la consommation d'alcool pour prévenir
l'apparition d'un syndrome de sevrage.
 Signes physiques de dépendance
Les symptômes de sevrage peuvent apparaître lors d'un sevrage total ou lorsque
l'alcoolémie baisse (sevrage matinal). Ils comportent des symptômes neuro-musculaires
(tremblement des mains et de la langue, myalgies, crampes, paresthésies), digestifs
(nausées, vomissements), neuro-végétatifs (sueurs, tachycardie, hypotension
orthostatique) et psychiques (anxiété, humeur dépressive, irritabilité, hyperémotivité).
Des insomnies et des cauchemars sont souvent associés. L'ensemble des troubles est
spécifiquement calmé par l'ingestion d'alcool mais les signes réapparaissent, le matin
suivant ou après une autre période de sevrage. Leur présence pérennise l'intoxication
alcoolique en "imposant" au sujet de boire dès le matin pour les faire disparaître.
 Signes psychiques de dépendance
La dépendance psychique se traduit, dans les premiers temps de l'intoxication
alcoolique, par une envie irrépressible de boire. Le temps ultérieur de la dépendance
psychique est celui de la perte du contrôle des quantités d'alcool consommées. Le sujet
éprouve la nécessité d'augmenter les doses quotidiennes pour obtenir les mêmes effets
car le sujet s'habitue aux effets de l'alcool (tolérance). Cette "compulsion" à boire
persiste en dépit de toutes les conséquences négatives de l'alcoolisation pathologique.
Une fois le patient devenu dépendant, tout son comportement est centré autour de la
prise d'alcool.
4. Les "Accidents" de sevrage
Les symptômes de sevrage, quelles qu'en soient la traduction clinique et la sévérité,
apparaissent environ dans les douze heures suivant l'arrêt ou la réduction de la
consommation d'alcool. Les formes sévères de sevrage, le delirium tremens et
l'épilepsie de sevrage, ne s'observent que chez 5 % des sujets dépendants.
Les sujets les plus à risque sont les alcooliques présentant une intoxication ancienne et
massive.
Delirium tremens (DT)
Certains facteurs prédisposants ou aggravants tels que les infections, le stress, une
intervention chirurgicale, peuvent favoriser l'apparition d'un DT chez un sujet alcoolodépendant. Le DT survient brutalement ou est précédé de petits signes de sevrage
(cauchemars, tremblements, anxiété…) ou encore d'une crise comitiale, douze ou
quarante-huit heures après le sevrage. A sa phase d'état, le DT réalise un grand état
d'agitation psychomotrice confuso-onirique. Il comporte :
des troubles de la conscience avec confusion mentale, désorientation temporospaciale
des tremblements intenses et généralisés prédominant aux extrémités et à la
langue
une hypertonie oppositionnelle
un délire hallucinatoire à prédominance visuelle et parfois cénesthésique de type
onirique (ressemblant à un rêve), le rêve est vécu et agi. Le délire, très
angoissant pour le patient, entraîne une participation à l'activité délirante. Le
malade peut vivre des scènes d'onirisme ou de catastrophe ainsi que des scènes
de la vie professionnelle. Les zoopsies, visions d'animaux en général menaçants,
ne sont pas rares. Les symptômes délirants, majorés par l'obscurité et
l'endormissement, sont à l'origine d'une importante agitation avec risque de
passage à l'acte
des troubles végétatifs et des signes généraux : sueurs profuses, tachycardie,
hypertension artérielle, diarrhée, nausées, vomissements, hyperthermie
modérée, signes de déshydratation (pli cutané, oligurie)
des modifications biologiques : En plus des signes de l'alcoolisme chronique,
existent des signes de déshydratation intracellulaire (hypernatrémie) et
extracellulaire (augmentation de l'hématocrite et de la protéinémie).
L'évolution en l'absence de traitement et de vitaminothérapie B1 précoce peut être
défavorable (encéphalopathie de Gayet Wernicke, syndrome de Korsakoff…) et parfois
entraîner le décès.
Le risque de DT impose une prévention de celui-ci chez tous les sujets hospitalisés
présentant une intoxication alcoolique chronique.
Délire alcoolique subaigu
Episodes confuso-oniriques récidivants à recrudescence vespérale.
Epilepsie de sevrage
Les crises comitiales surviennent habituellement dans les 24 heures suivant le sevrage
ou plus tardivement quand celui-ci est incomplet. Les crises de sevrage sont souvent
matinales, parfois par salves de 2 ou 3 et peuvent représenter un mode de début de
delirium tremens.
5. Les complications de l'intoxication alcoolique chronique
Les complications somatiques peuvent toucher tous les organes avec des impacts
hépato-digestifs et neuropsychiatriques particuliers. Elles sont traitées en gastroentérologie et neurologie essentiellement.
Le syndrome d'alcoolisation fœtale est caractérisé par un retard de croissance intrautérin associé à des malformations diverses et à un retard du développement cérébral
avec des troubles ultérieurs des apprentissages, voire un retard mental. L'abstinence
complète en matière de consommation d'alcool est actuellement recommandée pendant
la grossesse.
6 - PRINCIPES DU TRAITEMENT DE L'ALCOOLISME
Le traitement usuel de l'alcoolisme a pu être défini récemment comme un ensemble
d'interventions médicales, psychologiques et sociales. L'ensemble de ces prises en
charge, plus ou moins organisées entre elles, a pour objet d'aider le patient alcoolique à
initier un sevrage et à rester abstinent le plus longtemps possible (environ 30 % des
patients demeurent abstinents, 30 % rechutent et le dernier tiers est en rémission
partielle). L'hospitalisation en urgence n'est justifiée que pour les urgences
psychiatriques et somatiques, jamais pour le sevrage.
1. Les traitements de l'alcoolisation aiguë
L'ivresse simple ne nécessite généralement que le repos au calme et un apport d'eau. La
prescription de médicaments psychotropes doit rester exceptionnelle, compte tenu des
interactions négatives entre l'alcool et tous les psychotropes. Les troubles du
comportement liés à l'ivresse (gestes clastiques, scènes conjugales violentes, agitation
dangereuse) peuvent nécessiter la prescription de sédatifs.
Les ivresses pathologiques avec agitation majeure, hétéro-agressivité, idées délirantes
de persécution ou de jalousie rendent nécessaires, du fait de la dangerosité,
l'hospitalisation et la surveillance en milieu psychiatrique.
L'obtention nécessaire d'une sédation incite à recourir aux neuroleptiques par voie
intramusculaire (par exemple loxapine). Une surveillance étroite de la vigilance et de la
tension artérielle est indispensable.
2. La cure de sevrage
La cure de sevrage implique la réalisation, sous contrôle médical, d'un sevrage total
d'alcool chez un alcoolique présentant une consommation nocive (abus) ou une alcoolodépendance. L'efficacité de la cure est pour beaucoup conditionnée par la qualité du
temps préparatoire qui la précède et la motivation du patient. Les buts d'un tel
traitement sont principalement d'assurer le contrôle et surtout la prévention des
symptômes de sevrage et surtout des accidents graves tels le delirium tremens et les
crises convulsives. Ce traitement, en outre, favorise le "confort" psychologique du
patient et permet un meilleur développement des mesures psychothérapiques mises en
œuvre dans le temps de la cure.
Il peut être réalisé en ambulatoire (motivation suffisante, bonne compliance aux soins,
pas d'antécédents de DT…) ou en milieu hospitalier. La cure associe une hydratation
correcte du patient à la prescription de vitamines et à un traitement par
benzodiazépines, si nécessaire.
Hydratation et vitaminothérapie
La réalisation d'une hydratation suffisante (2 à 3l/24h) s'effectuera soit par voie
orale, soit par voie parentérale. Cliniquement, la tension artérielle, le pli cutané et la
diurèse doivent être régulièrement surveillés. Les contrôles biologiques porteront
surtout sur le ionogramme sanguin, la protidémie et l'hématocrite.
Une polyvitaminothérapie B1, B6, PP avec administration de vitamine B1 IM (1g/j
pendant au moins 8 jours per os ou i.m.) doit être systématiquement associée. L'apport
en vitamine B1 est particulièrement important en cas d'apport parentéral de glucose qui
risque de précipiter la carence en augmentant la consommation de vitamine B1.
Traitement chimiothérapique du sevrage
Il devra, compte-tenu de l'appétence fréquente des alcooliques pour divers
psychotropes, comporter le moins possible de molécules donnant lieu à des toxicophilies.
Quel que soit le médicament prescrit, il convient aussi de rappeler qu'il interagit avec
l'alcool.
Les médicaments les plus utilisés sont : les benzodiazépines (tranxène*, clorazépate
per os ou en perfusion (100 à 200 mg/24h) ; Valium*, diazépam* ; ou Séresta* oxazépam
en cas d’insuffisance hépato-cellulaire, seulement disponible per os (100 à 300
mg/24h)...). Elles entraînent une sédation rapide, en quelques heures, et préviennent
l'apparition de l'ensemble des symptômes de sevrage. La prescription doit être adaptée
au poids, à la fonction respiratoire et hépatique du sujet.
Les benzodiazépines seront ensuite diminuées rapidement et interrompues en une ou
deux semaines sauf en cas d'usage chronique antérieur.
3. Principes de la prise en charge à long terme
La prise en charge à long terme consiste à maintenir l'abstinence à l'aide d'une relation
thérapeutique stable. L'accompagnement doit être médico-psycho-social par une équipe
multidisciplinaire. Il comprend le traitement des comorbidités psychiatriques et
somatiques. L'accès aux centres de post-cure, aux consultations psychiatriques de
secteur, aux services sociaux, aux foyers d'accueil et de réinsertion, à certains
hôpitaux de jour centrés sur la prise en charge des alcooliques, ou aux associations
d'anciens buveurs peut aussi prévenir les réalcoolisations.
En pratique, la prise en charge au long cours repose essentiellement sur :
les psychothérapies, et tout particulièrement la psychothérapie de soutien
les mouvements d'anciens buveurs
la prescription de médicaments ayant pour objet de diminuer l'envie de boire ou
d'amender les complications psychiatriques (anxieuses et dépressives) de
l'alcoolisme. L'espoir placé dans les chimiothérapies diminuant l'appétence pour
l'alcool, chez les sujets alcoolo-dépendants, n'est donc pas vain, même si, pour la
plupart des produits, les travaux sont insuffisants (en particulier à long terme)
pour autoriser des conclusions formelles. Les deux seules molécules ayant une
autorisation de mise sur le marché dans cette indication sont l’acamprosate
(Aotal*) (CI : insuffisance rénale) et la naltrexone (Révia) (CI : insuffisance
hépato-cellulaire grave).
TABAC
Rédaction : C. Gillet
1 - ACTIONS DE LA NICOTINE AU NIVEAU CÉRÉBRAL
Le comportement tabagique est renforcé par une dépendance et la substance
considérée comme la principale impliquée dans la survenue de cette dépendance est la
nicotine.
La perception tant psychoactive que renforçante est variable et subjective. Ainsi une
cigarette sera-t-elle ressentie comme stimulante de l’éveil mais une autre comme
relaxante, réductrice de tension, anxiolytique. Cette perception subjective est liée
notamment à l’état initial de l’individu lorsqu’il commence à fumer, ce qui influence alors
sa façon de fumer permettant ainsi une modulation de la quantité de nicotine absorbée.
Deux facteurs particuliers semblent jouer un rôle important dans la dépendance
nicotinique : l’autotitration et l’effet bolus. Les fumeurs modifient leur façon de fumer
et d’inhaler (rythme, nombre et volume des bouffées, longueur du mégot) pour obtenir
une nicotinémie à une concentration optimale : c’est l’autotitration. Le besoin de fumer
réapparaît dès que la nicotinémie baisse et le rituel de fumer est déterminé par les
variations de nicotinémie. Fumer entraîne alors un pic rapide de la concentration
plasmatique de nicotine, se traduisant par un véritable effet « flash ». Il semble que la
séquence inhalation-bolus soit la plus génératrice de dépendance. Le fumeur a la
possibilité d’opérer une véritable autotitration de sa nicotinémie mais également de
moduler l’intensité des pics.
2 - CLASSIFICATIONS DE LA DÉPENDANCE NICOTINIQUE
Tous les diagnostics de la CIM 10 de l’Organisation Mondiale de la Santé, y compris
l’usage nocif (qui fait intervenir les conséquences psychologiques et physiques) et
l’intoxication, s’appliquent aussi à la consommation tabagique.
Le questionnaire de tolérance de Fagerström et le test de dépendance à la nicotine
de Fagerström caractérisent la dépendance comme une variable continue et proposent
des seuils limites permettant de différencier les fumeurs selon l’intensité de leur
dépendance pharmacologique. Ces questionnaires visent à préciser le degré de
dépendance en tenant compte du comportement tabagique habituel et à identifier les
fumeurs susceptibles de tirer bénéfices des traitements nicotiniques.
La quantification la plus simple de la consommation tabagique repose sur l’entretien avec
le fumeur. Toutefois, l’exactitude de celle-ci est soumise à l’imprécision des souvenirs,
aux variations de consommation au cours de différentes époques de la vie, et parfois, à
une minimisation volontaire de la consommation déclarée, bien que ceci soit beaucoup
plus rare que pour d’autres addictions.
Malgré ces réserves, l’entretien doit permettre de préciser :
- L'âge de la première cigarette et de la consommation régulière : la précocité de la
consommation est un facteur de sévérité de la dépendance et constitue un facteur
prédisposant à l’usage d’autres substances psychoactives. Il en est de même sur un plan
somatique, puisque, à consommation égale, le risque de cancer bronchique est d’autant
plus élevé que l’âge de début du tabagisme est précoce. La rapidité d’installation du
tabagisme régulier est en faveur d’une grande vulnérabilité du fumeur aux effets
psychotropes et pharmacologiques du tabac.
- L’intensité de la consommation : même si le nombre de cigarettes fumées
quotidiennement est le reflet imparfait de l’imprégnation tabagique, le fumeur étant
susceptible d’adapter sa façon de fumer à ses besoins, il reflète l’intensité de la
dépendance tant pharmacologique que comportementale.
- Les modalités de consommation : la précocité de la première cigarette après le lever,
le fait de fumer plusieurs cigarettes de suite dans les premières heures suivant le
réveil traduisent la nécessité de restaurer rapidement un taux efficace de nicotinémie.
En effet, la demi-vie courte de la nicotine fait qu’après une nuit de sommeil, le fumeur
est en manque, ce qui l’incite à fumer précocement. De même, l’impossibilité de
s’abstenir de fumer même pour une courte période témoigne de l’importance de la
dépendance.
- L’existence de signes de sevrage : les symptômes ressentis lors de tentatives d’arrêt
antérieur ou lors de sevrages temporaires objectivent la réalité de la dépendance
physique.
3 - TESTS
Le test de dépendance à la nicotine (Fagerström)
C’est le test le plus couramment utilisé dans le monde. Il permet d’identifier les
fumeurs dépendants, de quantifier cette dépendance, de faciliter l’orientation
thérapeutique. Composé de 6 questions portant sur les difficultés à s’abstenir de
fumer, les rythmes de consommation et la topographie de consommation, son score
global est compris entre 0 et 10. Ce test a cependant ses limites et il est important de
prendre en compte de façon concomitante la perception clinique et les données de
l’entretien.
Les marqueurs biologiques permettent d’objectiver l’intensité de l’imprégnation
tabagique et la réalité d’un arrêt.
L’oxyde de carbone est absorbé au niveau des voies aériennes distales et dépend des
paramètres de l’inhalation. Il se fixe sur l’hémoglobine et un équilibre s’installe entre le
CO vasculaire et extravasculaire lié à la myoglobine. L’élimination est pulmonaire. Sa
demi-vie est courte (1 à 5 heures). Son dosage dans l’air expiré est facile, non invasif
mais son interprétation doit tenir compte d’un éventuel apport exogène, domestique ou
environnemental et du CO endogène estimé à 3 – 5 particules par millions (ppm). Chez le
non fumeur, le taux habituel est inférieur à 10 ppm. Chez le fumeur de 15 cigarettes et
plus, le taux dépasse habituellement le taux de 20 ppm et peut atteindre des valeurs de
70 ppm. Toutefois, le taux, reflet du tabagisme très récent, est fonction du délai
écoulé depuis la dernière cigarette fumée. Enfin, la spécificité est faible chez les
fumeurs n’inhalant pas. La présence du monoxyde de carbone peut également être
appréhendée par le dosage de la carboxyhémoglobine, mais nécessitant un geste invasif,
il ne fait pas l’objet de pratique quotidienne.
Le dosage de CO dans l’air expiré, rapide, peu coûteux, non invasif est la méthode la
plus utilisée en pratique quotidienne. Des analyseurs de CO permettent une lecture
immédiate et la restitution des résultats au fumeur peut avoir un effet renforçant de
la motivation par prise de conscience de la normalisation des résultats dès l’arrêt de la
consommation.
Test de dépendance à la nicotine (Fagerström)
Dans quel délai après le réveil fumez-vous votre première cigarette ?
Moins de 5 mn
3
6 à 30 mn
2
31 à 60 mn
1
Après 60 mn
0
Trouvez-vous difficile de ne pas fumer dans les endroits interdits ?
Oui
1
Non
0
Quelle cigarette trouvez-vous la plus indispensable ?
La première
1
Une autre
0
Combien de cigarette fumez-vous par jour ?
10 ou moins
11 à 20
21 à 30
31 ou plus
0
1
2
3
Fumez-vous davantage les premières heures après le réveil que pendant le reste de la
journée ?
Oui
1
Non
0
Fumez-vous même si vous êtes malade et alité la majeure partie de la journée ?
Oui
1
Non
0
Evaluation
IV - LE
Très faible ou pas de dépendance
Faible dépendance
Dépendance moyenne
Forte à très forte dépendance
0
3
5
7
à
à
à
à
2
4
6
10
SYNDROME DE SEVRAGE NICOTINIQUE
L’existence d’un syndrome de sevrage nicotinique témoigne de la dépendance
pharmacologique et se traduit dans les heures qui suivent l’arrêt brutal ou la diminution
significative de la consommation. L’intensité est variable selon les fumeurs. Il s’exprime
par la survenue de symptômes tels l’existence de besoins impérieux de fumer, de
troubles dépressifs, de nervosité, d’anxiété, d’agressivité, d’irritabilité, de frustration,
de baisse des performances, de difficultés de concentration, d’impatience, d’agitation,
de troubles du sommeil, de diminution ou de retour à la normale de la fréquence
cardiaque, d’augmentation de l’appétit. La définition proposée par le DSM IV impose
l’existence d’au moins quatre signes. Généralement les troubles psychiques (irritabilité,
anxiété…), les troubles du sommeil atteignent leur maximum au cours de la première
semaine et le sujet retourne à l’état normal au bout d’un mois. Toutefois, certaines
manifestations, notamment l’augmentation de l’appétit, les troubles de la concentration
sont susceptibles de persister plusieurs mois. Le désir de fumer diminue
progressivement en intensité et en fréquence sur plusieurs mois.
V - TRAITEMENT
Les approches thérapeutiques validées scientifiquement sont peu nombreuses. Seuls les
traitements substitutifs à la nicotine, le bupropion sur le plan médicamenteux et les
psychothérapies cognitives et comportementales sont préconisées par la Conférence de
Consensus (1998) et les Recommandations de bonne pratique (2003).
Traitement pharmacologique du sevrage tabagique
 Traitement substitutif à la nicotine
Objectifs : Limiter les manifestations liées au sevrage tabagique et rendre ainsi le
sevrage plus « confortable ». Il s’adresse donc aux fumeurs pharmacologiquement
dépendants.
Indications : Le sevrage tabagique et l’arrêt temporaire (fumeurs hospitalisés,
transports aériens…). Son utilisation est évoquée, mais sans avoir l’AMM, dans le cadre
de la politique de réduction des risques chez les fumeurs souhaitant réduire ou ne
pouvant pas cesser totalement leur consommation mais présentant des complications
somatiques du tabagisme.
Posologie : Pour être efficace, l’apport du traitement substitutif doit être suffisant.
L’adaptation posologique est possible par le dosage de la cotininurie mais coûteux et non
remboursé, il n’est pas effectué en pratique courante. La posologie est donc ajustée en
fonction du nombre de cigarettes fumées, du score au test de Fagerström, des
symptômes de sous dosage (signes de sevrage) ou de surdosage (insomnie, nausées,
vomissements, diarrhées, douleurs abdominales, pâleur, palpitations, bouche pâteuse…)
Formes galéniques
Les systèmes transdermiques : Le timbre permet une administration automatique de
nicotine que le fumeur ne peut contrôler. D’utilisation facile, l’observance paraît
meilleure que pour les autres formes galéniques. Il existe des timbres délivrant sur 24
h ou sur 16 h. La nicotinémie atteint un taux stable en 4 à 11 h après la pose du timbre.
Aussi le timbre de 24 h, passé le premier jour d’utilisation, atténue-t-il davantage la
sensation de manque matinal. Les effets secondaires les plus fréquents sont des
manifestations cutanées (érythème, de prurit…). Changer quotidiennement de site
d’application limite leurs survenues. Les timbres de 24 h sont susceptibles d’entraîner
des troubles du sommeil à type d’hyperonirisme.
Les gommes : premiers substituts nicotiniques commercialisés en France. Il existe deux
dosages, 2 et 4 mg, délivrant respectivement 1 mg et moins de 3 mg de nicotine. Les
gommes à 4 mg sont recommandées chez les fumeurs très fortement dépendants.
L’absorption s’effectue au niveau de la muqueuse buccale et dépend du respect des
consignes de mastication. Les effets secondaires buccaux ou gastriques résultent
souvent d’une mauvaise utilisation. Le taux maximal de nicotinémie, moindre que celui
obtenu avec une cigarette, s’observe 20 à 30 mn après le début de la mastication.
L’inhaleur : il apporte par bouffée environ un dixième de la nicotine libérée par une
bouffée de cigarette. A l’administration de nicotine s’ajoute la prise en compte de
l’aspect gestuel. L’absorption se fait au niveau buccal. Il est recommandé d’utiliser
quotidiennement 6 à 12 cartouches. Les effets secondaires sont essentiellement
irritatifs au niveau ORL et pulmonaire.
L’augmentation des doses de timbres, l’association de deux formes galéniques sont
proposées pour optimiser les apports de nicotine. Susceptibles de majorer l’efficacité,
ces adaptations thérapeutiques, qui s’adressent aux fumeurs fortement dépendants ou
insuffisamment substitués par une seule forme galénique, doivent s’effectuer sous
contrôle médical. Les résultats paraissent plus favorables pour une durée de
prescription d’au moins 6 à 8 semaines.
 Chlorhydrate de bupropion (Zyban LP®)
Inhibiteur sélectif de la recapture neuronale de la noradrénaline et de la dopamine, sa
durée de prescription est de 7 à 9 semaines. Initialement commercialisé dans d’autres
pays comme antidépresseur, il n’a pas en France l’AMM dans cette indication et ne
possède pas d’action antidépressive aux doses préconisées dans l’aide à l’arrêt du tabac.
L’effet indésirable le plus redouté est la survenue de crises convulsives (risque dosedépendant) d’où la nécessité du respect strict des doses préconisées par l’AMM et des
contre indications. L’effet le plus fréquemment rencontré est l’insomnie. L’usage
détourné du bupropion dans un but psychostimulant et/ou récréatif doit être connu.
L’association Bupropion – traitement substitutif n’a pas démontré d’efficacité
supérieure à celle de chacun des produits pris isolément.
Traitement non pharmacologique du sevrage tabagique
 Les thérapies cognitives et comportementales
Utilisées seules ou en association avec un traitement pharmacologique, elles peuvent
être utilisées avant, pendant et après l’arrêt du tabac. L’entretien motivationnel est
utile pour faire naître mais également pour entretenir et renforcer la motivation au
cours du suivi. Certaines techniques ont pour objectif de diminuer l’apport nicotinique
avant le sevrage, ce qui en limite ainsi l’intensité des symptômes. Après l’arrêt, la
prévention des rechutes vise à identifier les situations à risque afin d’éviter ces
situations ou de mettre en place des stratégies adaptées (apprentissage de nouvelles
habitudes, résolution de problèmes, gestion de stress…).
Le renforcement de la confiance en ses capacités de réussite favorise aussi le succès
de la démarche.
VI – STRATÉGIES
DE PRISE EN CHARGE À LONG TERME
L’accompagnement du fumeur après la phase de sevrage est important. L’objectif est de
pérenniser le maintien de l’abstinence en prévenant la rechute. A l’issue de la
consultation instaurant le traitement du sevrage, le suivi est programmé et un premier
rendez-vous rapidement proposé. Le suivi vise à permettre l’adaptation du traitement
pharmacologique, l’abord par le patient des difficultés rencontrées, la surveillance de
l’état psychique (troubles anxieux ou de l’humeur), la surveillance du poids (la prise de
poids constitue une cause fréquente de rechute et un accompagnement spécialisé sera
éventuellement proposé), la surveillance de la consommation d’autres substances
psychoactives (alcool, cannabis…), le renforcement de la confiance en soi (valorisation
du maintien de l’arrêt, bonne gestion du sevrage, encouragement à poursuivre, maintien
ou renforcement de la motivation avec la mise en évidence des bénéfices à l’arrêt), la
prévention des rechutes en identifiant les situations à risque, en élaborant un plan
d’urgence, en dédramatisant et en aidant à gérer un écart afin d’éviter l’évolution vers
une rechute, en informant sur les risques des cigarettes test…., l’analyse des causes de
rechutes (moment opportun, traitement adéquat, posologies adaptées, difficultés
psychologiques, mésusage d’alcool, usage de produits illicites…), l’encouragement à
réitérer la démarche. Il est conseillé de proposer un suivi d’au moins six mois.
DOPAGE ET CONDUITES DOPANTES
Rédaction : S. Prétagut, J.-L. Venisse, M. Potiron
1 - CADRE GÉNÉRAL ET LÉGISLATIF DU DOPAGE
La prise de conscience récente du problème du dopage a incité le mouvement sportif
mais également le législateur à fixer des règles visant à protéger la santé des athlètes
et à défendre la morale et l’éthique du sport.
Lors de la conférence mondiale sur le dopage dans le sport, le 4 février 1999 à
Lausanne, le CIO (Comité International Olympique) a adopté la définition suivante du
dopage :
« est qualifié de dopage :
1- l’usage d’un artifice (substance ou méthode) potentiellement dangereux pour la
santé des athlètes et/ou susceptible d’améliorer leur performance
2- la présence dans l’organisme de l’athlète d’une substance ou de la constatation de
l’application d’une méthode qui figure sur la liste annexée au présent code ».
Cette définition, admise par la plupart des fédérations sportives internationales, ne
s’applique qu’aux sportifs pratiquant un sport institutionnalisé et prend en compte de
manière forte la question de santé publique induite par le dopage.
La France fut l’un des premiers pays à avoir légiféré à propos du dopage. La dernière loi
en la matière date du 23 mars 1999 et dispose d’un volet répressif et d’un volet
préventif.
Le volet répressif s’appuie sur une liste de substances et de procédés interdits et les
contrôles anti-dopage diligentés par le ministère des sports ou par les fédérations
sportives peuvent être réalisés lors des compétitions ou des entraînements. Les
sportifs convaincus de dopage s’exposent à des sanctions sportives et les pourvoyeurs à
des sanctions pénales.
Ainsi, dans une optique médicale, nous préférons nous attacher au concept de conduite
dopante tel qu’il a été défini par P. Laure : « une conduite dopante se définit par la
consommation d’un produit pour affronter ou pour surmonter un obstacle réel ou
ressenti par l’usager ou par son entourage dans un but de performance ».
S’intéresser à la consommation dans un but de performance revient à s’intéresser à un
comportement, c’est à dire à un individu, à une personne dans son environnement, et pas
uniquement à un produit, à l’image de ce qui prévaut en matière de conduites addictives.
2 - ÉLÉMENTS CLINIQUES
Il n’existe pas de critères cliniques formels permettant d’identifier une utilisation de
produits dopants. La symptomatologie est variable selon les individus, leur âge, leur
sexe, leur susceptibilité pharmacologique individuelle, les facteurs de vulnérabilité
psychologique, le moment de l’examen (les signes seront souvent différents si le sportif
est en phase d’entraînement optimum ou s’il est en phase de repos hivernal), le mode de
consommation (usage unique ou répété), le type de consommation (usage simple ou
polyconsommation), l’âge de début, la quantité consommée à chaque prise, la durée
d’exposition au(x) produit(s), la nature des produits utilisés (certaines substances sont
issues de la contrefaçon)…le diagnostic positif repose, lorsque cela est possible, sur la
recherche toxicologique du produit.
Certaines situations peuvent être évocatrices d’une conduite de dopage, mais celles-ci
s’observent le plus souvent lors de l’apparition de complications (liées au surdosage, au
caractère chronique de l’intoxication ou au sevrage), ou si le sujet est suivi
régulièrement par le même médecin ou sur le même plateau technique d’exploration, de
façon à disposer de références le concernant et à pouvoir comparer sa situation à
chaque examen, d’où l’intérêt d’un suivi longitudinal des sportifs.
Pour information nous citerons quelques situations évocatrices de l’utilisation de
certains produits :
 une augmentation anormale de masse musculaire, le plus souvent associée à une
augmentation de masse maigre (n’étant ni en rapport avec la croissance du sujet, ni
corrélée à un accroissement ou à un changement de schéma d’entraînement), et une
augmentation anormale de la puissance musculaire (évaluée sur ergomètre de type
cybex ou autre), peuvent faire suspecter une consommation d’hormone de
croissance (GH) ou d’IGF 1, et/ou de stéroïdes anabolisants.
 une bradycardie excessive en période d’entraînement intensif, par rapport à une
fréquence cardiaque de référence (en période hivernale), associée à une
augmentation anormale des capacités de transport en oxygène (évaluée par la VO2
max), sont en faveur d’une utilisation d’érythropoïétine (EPO) ou de molécules
apparentées, en l’absence de stage d’entraînement en altitude.
Étant donnée la difficulté à repérer cliniquement l’utilisation de produits dopants, le
clinicien devra s’évertuer à rechercher les facteurs de risque de développer une
conduite dopante, c’est à dire de faire usage d’une substance ou d’un procédé dans un
but de performance. Ces facteurs de risque peuvent être liés au produit, à l’individu ou
encore à son environnement, mais le risque de développer une conduite dopante
augmente avec l’accumulation de ces facteurs qui peuvent d’ailleurs être en
interdépendance.
 Facteurs liés au produit :
 effet réel ou supposé d’un produit dans le but d’améliorer ses performances ou son
image corporelle, de repousser ses limites.
 Facteurs liés à l’individu :
 sexe : les hommes sont de plus grands usagers que les femmes pour la plupart des
produits, sauf pour les tranquillisants, hypnotiques et anorexigènes.
 âge : les consommations débutent à l’adolescence (recherche d’identité,
contestation de l’ordre parental …) pour atteindre un sommet vers 25/30 ans, puis
tendent à diminuer pour remonter vers 35 ans (il y a souvent évolution des
consommations à cet âge et les produits visent alors plutôt le maintien des
performances).
 facteurs de personnalité : les études manquent et sont parfois contradictoires. Il
semble tout de même que pour certains sports très exposés aux pratiques dopantes
(haltérophilie, musculation, foot US…), les troubles de personnalité sont plus nombreux
(de 5 à 13 fois plus) : on retrouve essentiellement des personnalités antisociales,
borderline, histrioniques voire paranoïaques et d’une manière générale des traits de
personnalité narcissique.
 recherche de sensations et de risque : cf travaux de Zuckerman
 facteurs d’intensité de pratique : certaines études semblent montrer que
l’augmentation du temps de pratique sportive (et du niveau) est corrélée à un plus grand
usage.
 facteurs liés au poids : surtout chez les filles et dans les sports à catégorie de
poids.
 comorbidités psychiatriques : hyperactivité avec troubles de l’attention, troubles
de l’humeur, troubles anxieux, troubles du comportement alimentaire, plaintes
psychosomatiques.
 Facteurs liés à l’environnement :
 modèle parental : éducation et facteurs d’identification parentale (facteurs bien
connus pour les consommations d’alcool, de tabac, d’hypnotiques, de tranquillisants…
mais aussi recours au produit magique qui viendrait se substituer à une incapacité réelle
ou ressentie par le sujet et éducation aux conduites dopantes, c’est à dire habitudes à
s’automédiquer).
 facteurs familiaux : conflits, deuil, séparations traumatiques, abandon, défaillance
du cadre éducatif, antécédents familiaux de troubles psychiatriques ou addictifs.
 rôle et influence des pairs : recherche d’identification à un groupe, initiation aux
consommations, tentative d’égaliser les chances de succès, pressions du milieu
(coéquipiers, entraîneur, sponsors…).
 facteurs sociaux : rupture scolaire, désinvestissement des autres activités,
l’exigence de performance (obligation de résultats, système des carrières avec peu
d’élus, exigence du cadre technoscientifique, fréquence, durée et intensité des
entraînements, manque de récupération entre les épreuves…).
3 - COMPLICATIONS
En dehors des complications connues liées à l’utilisation de chaque produit, les risques
pour la santé liés à la consommation de produits dopants sont peu connus du fait des
protocoles très spécifiques qui sont mis en place (certaines substances sont utilisées à
des doses extrathérapeutiques, certains protocoles font intervenir des
polyconsommations…), du manque de recul par rapport à l’usage de nouvelles molécules,
de la méconnaissance de l’incidence de ces usages chez le sportif, durant ou au décours
de sa carrière sportive.
Des cas de iatrogénie sont régulièrement rapportés par la littérature médicale
internationale, sans que la preuve soit faite que ces complications sont liées à tel ou tel
produit (mort subite, coma, infarctus du myocarde, insuffisance rénale aiguë,
lymphomes, cancers…). A titre indicatif, la longévité du footballeur américain était de
55 ans en 1993, alors que celle de l’Américain moyen était de 71,8 ans ; cet abaissement
de l’espérance de vie chez le footballeur a été rapproché de l’usage fréquent de
stéroïdes anabolisants dans cette discipline.
Outre les complications d’ordre somatique, des conséquences psychiques graves peuvent
être observées à plus ou moins long terme, tels les troubles du comportement (à type de
violences hétéro ou auto-agressives) les évolutions dépressives mais aussi les dérives
addictives.
Certaines substances disposent d’un potentiel addictogène propre (par exemple les
stupéfiants), alors que d’autres n’entraînent pas de pharmacodépendances, mais sont
pourtant utilisées dans un contexte addictif (leur usage devient répété, inflexible,
correspondant à un besoin ressenti comme impérieux). Le passage de l’usage à la
dépendance survient le plus souvent chez des sujets présentant des facteurs de
vulnérabilité psychologique (troubles somatiques ou psychiques pendant l’enfance,
évènements de vie traumatiques, dépressivité, traits de personnalité du type recherche
de sensation et de nouveauté, carences affectives précoces, adolescence difficile avec
fugue, vol, agressivité, rejet du corps sexué, faille narcissique…), ce d’autant plus que le
début des consommations a été précoce et que ces consommations entrent dans une
spirale cognitivo-comportementale où l’automédication devient une habitude du fait de
l’effet renforçateur d’une victoire obtenue sous produit.
Le repérage précoce de ces facteurs de risque permettra d’agir sur chacun d’eux (dans
la mesure du possible), afin d’en diminuer l’influence et de limiter la survenue de telles
complications.
Les facteurs de vulnérabilité psychologique sont les mieux connus actuellement et leur
recherche doit être systématique chez le sportif et répétée régulièrement, car ceux-ci
l’exposent non seulement aux conduites dopantes, mais également au développement
d’autres conduites addictives (addiction à l’exercice musculaire, troubles du
comportement alimentaire, toxicomanie…), pendant mais surtout après leur carrière
sportive.
Pour en savoir plus :




Revue actualité en psychiatrie - Spécial sport –(19) n°6, juin 2002
Lowenstein. W : Activités physiques et sportives dans les antécédents des
personnes prises en charge pour addiction - Paris - Annales de médecine interne 151,suppl. A, ppA60-A64 - Masson - 2000
Laure. P : Dopage et société - Paris - Ellipses - 2000
Siri.F : La fièvre du dopage. Du corps du sportif à l’âme du sport- Autrement –
collection mutations n°197 – Octobre 2000
PSYCHOSTIMULANTS ET
DROGUES DE SYNTHÈSE
Rédaction : A. Morel
I - DONNÉES DE CONSOMMATION
A - Données générales
On peut distinguer trois catégories de substances dénommées par les usagers :
« speed » (pour les stimulants du type amphétamines ou cocaïne),
« taz » (pour les empathogènes comme l’ecstasy),
et « trips » (pour les hallucinogènes tels le LSD).
B - Tendances et évolutions des consommations
Plusieurs ordres de faits sont observés :
l’apparition de nouvelles molécules (les drogues de synthèse),
l’émergence de nouveaux usages de substances déjà répandues (cocaïne,
amphétamines, LSD…),
une diminution relative de la consommation d’opiacés.
une augmentation forte de la consommation précoce de cannabis généralement
associée à de l’alcool et du tabac,
un développement d’usages de substances psychoactives en milieu festif (rave
parties, free parties, mais aussi mégadiscothèques, boîtes de nuit, soirées
privées, etc.).
C – Prévalences des consommations
Les chiffres de la consommation de substances psychoactives indiquent que les
psychostimulants et les hallucinogènes sont les substances illicites les plus utilisées
après les dérivés du cannabis, en particulier par les moins de 25 ans.
1) La cocaïne et le crack :
En 2000 (Baromètre santé), 1,4 % des français de 18 à 75 ans ont expérimenté la
cocaïne.
Chez les jeunes, l’expérimentation varie entre 1 et 3 % en fonction de l’âge et du sexe.
Les usagers de crack en métropole sont pour la plupart des personnes marginalisées
dont une partie alterne l’usage de crack et d’opiacés. Aux Antilles et en Guyane, cette
consommation est particulièrement développée depuis une quinzaine d’années.
2) Ecstasy et autres amphétamines
La consommation d’ecstasy est apparue en France au début des années 90 et se révèle
depuis en progression. En 2000, chez les jeunes participant à la journée d’appel, 5 % des
garçons et 2,2 % des filles de 18 ans déclaraient en avoir consommé au moins une fois.
Parmi les jeunes de 18 ans ayant participé à des fêtes techno, la fréquence de l’usage
augmente avec le nombre de participation à des évènements festifs. La consommation
d’amphétamines est plus ancienne, mais reste encore limitée.
3) LSD et Hallucinogènes
L’expérimentation actuelle de champignons, LSD et autres hallucinogènes est faible en
population générale, mais en progression au sein de la population adolescente (en 1993 :
0,9 % des filles, 2,6 % des garçons – en 1999 : 2,5 % filles, 5 % garçons). La
consommation de ces produits est principalement circonscrite à des contextes festifs.
Les usages de psychostimulants et de drogues de synthèse sont en augmentation
et concernent un ensemble de substances :
o les empathogènes ou « taz » (au premier plan desquels figure l’ecstasy),
o le « speed » (les amphétamines, la métamphétamine, la cocaïne et dérivés),
o les « trips » (avec le LSD, mais aussi les champignons hallucinogènes).
Les lieux festifs sont devenus un champ d’expérimentation très large de
substances chez les jeunes, à travers toute l’Europe.
Le cannabis est la substance la plus fréquemment consommée devant l’ecstasy,
les champignons hallucinogènes, les amphétamines et le LSD.
L’usage d’opiacés s’intègre à ces expérimentations et à ces recherches d’effets
complémentaires et contrôlés (ex : le rachacha pour atténuer « la descente »).
II - DONNÉES CLINIQUES
A - Les effets
1 - Les effets psychiques
- Les effets des psychostimulants consistent en une euphorie : disparition de la
sensation de fatigue et augmentation des facultés cognitives à doses faibles, euphorie
brutale, désinhibition, voire productions délirantes à doses massives ou dans certaines
associations.
- Les effets des drogues de synthèse provoquent principalement des modifications
sensorielles qui vont des cénesthésies jusqu’aux hallucinations, touchent le cours de la
pensée et les cognitions (attention, concentration, mémoire…).
- Des substances ont des effets intermédiaires entre la stimulation amphétaminique et
les modifications sensorielles des hallucinogènes (les « empathogènes »).
2 - Les effets somatiques
Les effets somatiques procèdent d'une augmentation de l'activité neurologique
centrale. D’où l'élévation de la température corporelle, l'accroissement de l'activité
neuromusculaire, la diminution de l'appétit et du sommeil, l'élévation du rythme
cardiaque et de la pression artérielle. Le syndrome de fièvre maligne décrit pour le
MDMA (ecstasy) est exceptionnel.
3 - Les effets neurobiologiques
Tous les psychostimulants entraînent une augmentation extra-cellulaire très
importante de dopamine et de noradrénaline.
Les « empathogènes» et hallucinogènes se caractérisent par une forte libération de
sérotonine associée ou non à une libération de dopamine.
Une neurotoxicité est probable pour bon nombre de ces substances. Elle porte
spécifiquement sur les neurones sérotoninergiques.
4 - Les retentissements sociaux
Le contexte d'usage et l’éventuelle désocialisation qui accompagne les
consommations sont des facteurs de risque d’engagement dans une conduite addictive.
Les effets de ces substances peuvent avoir des retentissements sur le comportement
social (excitation, agitation, sentiment de toute puissance, vécu de persécution,
dépression majeure, aboulie, conduites suicidaires…). Mais les effets recherchés par les
usagers visent souvent, au contraire, l'amélioration des relations sociales (empathie,
convivialité...).
B - Les complications spécifiques
1- Les troubles psychiques et les complications psychiatriques
Troubles cognitifs : troubles de la mémorisation, de la concentration et de
l’attention au décours de poly consommations répétées ou dans les suites de bad
trip.
Les perturbations de l’humeur et les états psychotiques :
Ce sont les complications les plus fréquentes après abus de cocaïne. Le plus souvent, il
s’agit d’états anxio-dépressifs de tous types (attaques de panique, “blues post
ecstasy”, dépressions bipolaires, états d’exaltation et passages à l’acte hétéro ou autoagressifs...), plus rarement d’épisodes délirants (avec un vécu de persécution, un délire
de mécanisme interprétatif voire des hallucinations). Le vécu est généralement celui de
modifications psychiques anormales et souvent angoissantes (« je psychote »).
Dès le début du XXe siècle, ont été décrites des «psychoses cocaïniques» ou des
«psychoses amphétaminiques» évoluant vers des interprétations persécutives et des
troubles du comportement. La psychose cocaïnique, par exemple, marquée notamment
par des cénesthésies de type « grouillements sous la peau », entraîne des
comportements de grattage compulsifs provoquant des lésions parfois graves que l’on
observe encore de nos jours, mais de façon exceptionnelle. Un terme générique de
pharmacopsychose a été proposé.
Nous retiendrons la notion de « bad trip » qui est plus large. Il s’agit d’une expérience
psychique pénible voire traumatique qui peut se manifester sous différentes formes :
attaque de panique, bouffée délirante, crise hallucinatoire, etc. Les cas de psychose
chronique constituée secondaire sont peu fréquents. Par contre l’assimilation de cette
expérience extrême peut être déterminante pour des personnes jeunes en cours
d’élaboration de leur identité. Tout bad trip doit donc être systématiquement
recherché et être pris en charge de façon adaptée, le plus précocement possible.
2- Les complications somatiques
Ce sont :
des altérations de l’état général : perte d’appétit, amaigrissement, baisse de la
libido (en cas d’intoxications chroniques).
des troubles cardio-vasculaires (palpitations, tachycardie, infarctus…) pouvant
provoquer des détresses aiguës ( intoxications par cocaïne ou amphétamines).
des troubles neurologiques (trismus, acouphènes, crises d’épilepsie, etc.).
Les polyconsommations et la déshydratation sont des facteurs de risque.
Les usages précoces doivent être une préoccupation prioritaire en matière de
prévention des risques.
Les problèmes aigus (psychiques ou somatiques) motivent souvent les premiers
contacts avec les services de soins.
Les complications sont principalement psycho-pathologiques (dépression, syndromes
dysphoniques, états anxieux, bouffées délirantes…). Elles restent trop longtemps
masquées et d’accès aux soins tardifs.
Les accidents de type bad trip constituent des traumatismes psychiques très
fréquents dans le parcours des usagers qui nécessitent une connaissance des
circonstances de leur déclenchement et de leurs modalités cliniques afin que des
conseils de prévention et des prises en charge adaptées soient proposés sur tout le
territoire français.
La prise de conscience de l’addiction vient souvent après. Les problèmes de
dépendance ne sont pas assimilables (en fréquence et en modalités) à ceux rencontrés
avec les opiacés, mais ils existent néanmoins.
La désocialisation, au sens large, doit s'intégrer dans la notion de risque, et donc
s’inscrire dans les objectifs de prévention et de soin.
III - PRÉVENTION, ACCÈS AUX SOINS ET PRISE EN CHARGE
A - Repérage et évaluation de l’usage
Le problème posé par ces substances est principalement l’usage nocif. Le diagnostic
d’usage nocif repose sur l’apparition des dommages liés à la consommation et doit
ouvrir à la possibilité d’une aide adaptée. Pour évaluer ce risque, il convient de tenir
compte :
- des modalités de consommation,
- de l’existence de facteurs de risque individuels et sociaux.
Un grand nombre de facteurs concourent au passage de l’usage simple à l’usage nocif.
Schématiquement, 5 indicateurs couvrent des critères tenant à l’individu, au contexte
d’utilisation et au comportement de consommation : la précocité de l’usage, les
comportements d’excès, les cumuls de consommations, le terrain psychologique de
vulnérabilité et la marginalisation concomitante à la répétition des consommations.
L’objectif des interventions précoces est de sensibiliser l’usager, de l’informer sur les
risques en fonction de son propre mode de consommation, lui fournir des outils et des
opportunités afin de modifier son comportement de consommation.
Le message à faire passer aux usagers est assez simple : « le mieux pour vous est de ne
pas consommer ces produits, mais si vous êtes amenés à le faire, des précautions sont
indispensables pour ne pas risquer de porter atteinte gravement à votre santé ».
Le premier niveau d’intervention est celui de l’information, le second niveau celui du
conseil, l’objectif commun de ces interventions précoces étant de délivrer des
connaissances claires, pratiques et crédibles.
C’est aussi d’instiller du doute et des interrogations parmi les usagers qui, souvent
influencés par leurs pairs et les médias, sont bardés de certitudes et se suffisent
d’informations souvent partielles et parfois fausses.
B – Aide, soins et prise en charge
1- Les actions en vue de modifier les comportements de consommation
Les principes de ces actions sont en partie les mêmes que ceux des interventions
précoces :
- aide à l’auto-évaluation de sa consommation personnelle,
- aide à la perception des risques encourus et des dommages déjà advenus,
- aide à la motivation au changement.
Les stratégies de motivation consistent à développer les motivations du patient au
changement. Elles s’appuient en général sur les entretiens de motivation (tels qu’ils ont
été décrits par Miller), permettant au sujet d’intégrer que les dommages sont liés à la
consommation de substances, que le changement est de sa responsabilité, qu’on peut lui
proposer un choix de stratégies thérapeutiques diversifiées auxquelles il puisse
adhérer.
2- Les actions en vue de réduire les problèmes médico-psychosociaux
préexistants
Plus les altérations médicales, psychologiques, psychiatriques ou sociales sont
importantes, plus une action spécifique sur chacun de ces aspects est indispensable, et
moins une action isolée sur les comportements de consommation a de chance d’être
efficace.
Les situations de souffrance psychologique et les difficultés sociales sont des
facteurs d’emballement des consommations et d’échec des tentatives d’arrêt. L’action
sur l’environnement familial et relationnel, amical et social est également capitale.
Ces actions n’ont de spécifique en matière de psychostimulants et drogues de synthèse
que leur adaptation aux populations concernées et au contexte qui peut leur être
propre.
-
-
-
-
3- Les actions visant les complications
Prévenir les différents risques connus : la conduite automobile, la transmission de
virus par le mode de consommation (voie intra-veineuse ou per-nasale), et toutes les
situations favorisant la survenue de dommages physiques, psychiques ou sociaux.
Soigner les complications, spécifiques ou non, comme la dépendance ou les troubles
psychopathologiques induits par l’usage des substances.
Pour effectuer cette prise en charge, il s’agit de mettre en place des stratégies
d’aide individuelles dont la première condition de possibilité est l’établissement d’une
alliance thérapeutique entre soignant et soigné.
Les problèmes de dépendance sont essentiellement d’ordre psychologique et social.
La place et les modalités du sevrage sont distincts et ne nécessitent pas les mêmes
dispositifs.
La prise en charge et les soins des épisodes psychiatriques (psychose aiguë ou
dépression) nécessitent souvent l’association d’un traitement adapté en fonction du
tableau clinique (antidépresseur, anxiolytique, antipsychotique) et d’un suivi
psychothérapique voire institutionnel, si possible en milieu spécialisé (CSST) ou
hospitalier préparé à l’accueil de ce type de patients.
Les stratégies d’aide et de prise en charge des usagers de psychostimulants et de
drogues de synthèse ne sont que l’adaptation aux populations, aux contextes et aux
complications spécifiques, des stratégies de prévention et de soins valides pour les
usages problématiques de toutes les substances psychoactives.
Les adaptations concernent les traitements médicaux et psychiatriques, et surtout les
modalités d’accueil et de suivi. L’alliance thérapeutique est, pour soigner ces usagers,
tout aussi indispensable que pour toute conduite addictive.
OPIACES
Rédaction : L. Karila, M. Reynaud
I - DIFFÉRENTS
-
PRODUITS PSYCHOACTIFS
Héroïne
Sulfate de Morphine (Skenan®, Moscontin®) ; Temgesic®
Substitution : Méthadone®, Subutex®
Médicaments antitussifs : contenant de la codéine ou de la codéthyline
Les effets de l’héroïne sont similaires aux effets de la morphine, la différence étant au
niveau de la durée d’action et de l’intensité de l’effet.
Les différentes voies d’administration sont : intraveineuse, per os ou « sniffée ».
II – DÉPENDANCE
1. Physiopathologie
 La dépendance se manifeste par un comportement compulsif de recherche de
drogue, afin d’obtenir les effets attendus.
 La notion de plaisir qui accompagne la prise de la drogue est prise en compte
dans les sevrages des toxicomanes aux opiacés.
 Le phénomène de dépendance est lié à la notion de plaisir et d’autosatisfaction.
 La première consommation du produit active le système de récompense et
entraîne une sensation de satisfaction et de plaisir.
 Le circuit d’auto motivation est ainsi déclenché et s’auto entretient.
2. Syndrome de sevrage
 12 heures après la dernière prise de produit par voie intraveineuse ou inhalée :
bâillements, larmoiement, rhinorrhées, mydriase, sueurs, angoisse
 A J1 : majoration des signes et apparition de contractions musculaires,
irritabilité, insomnie, anorexie, nausées, myalgies, crampes abdominales, frissons
 A J3 : symptômes somatiques (diarrhées, vomissements, déshydratation,
tachycardie, hypertension artérielle, angoisse majeure)
 A J8 : régression de la symptomatologie avec possible persistance d’une anxiété
avec insomnie et asthénie
III - DOMMAGES
1.






-
LIÉS AUX OPIACÉS
Somatiques
Infections (HIV, hépatites B, C, abcès, lymphangite…)
Crises convulsives
Hypertension artérielle
Endocardite, pneumopathies abcédées
Troubles gynéco-obstétricaux (aménorrhée, RCIU, MFIU….)
Overdose
Bradypnée voire apnée Dépression
respiratoire
Oedème pulmonaire
Hypotension artérielle
Bradycardie
Myosis
Somnolence
Coma
-
Traitement symptomatique
de la dépression respiratoire
et de l'hypotension :
 mesures de réanimation
 En cas de risque vital,
administration par voie
IV ou IM d'antagonistes
aux opiacés type naloxone
2. Psychiatriques
- Les patients dépendants aux opiacés présentent
- un risque de troubles affectifs 5 fois supérieur aux autres patients
- un risque pour les troubles anxieux 3 fois supérieur
- un risque de trouble de la personnalité 20 fois supérieur
- un risque pour une addiction à l'alcool 13 fois supérieur.
-
Les troubles de la personnalité :
- Antisociale
- Borderline
- Narcissique
-
Les troubles de l'humeur
pharmacodépendance.
-
Les troubles anxieux : les phobies
précédent, accompagnent ou suivent
distinguer ce qui relève de l'anxiété
symptomatologie résiduelle du sevrage,
-
Les états psychotiques et la schizophrénie : Il est nécessaire de préciser si les
symptômes psychotiques précèdent, compliquent ou accompagnent la toxicomanie.
sont
les
plus
fréquemment
associés
à
la
sociales ou les troubles paniques qui
le sevrage. Il faut apprendre à bien
au sens clinique et ce qui relève de la
qu'elle soit physique ou psychique.
Les opiacés peuvent, dans certains cas, réduire l'intensité des symptômes, améliorer les
affects dépressifs et aider à contrôler des hallucinations ou des symptômes délirants.
3. Sociales
- Précarité
- Chômage
- Délinquance : prostitution, vols, agressions et autres actes médico-légaux
IV
-
-
- PRINCIPES THÉRAPEUTIQUES
Prise en charge pluridisciplinaire
Evaluation psychopathologique et somatique
Evaluation de la dépendance
Evaluation sociale : poursuite(s) judiciaire(s) en rapport ou non avec le produit,
antérieures à la consommation, travail d’intérêt général déjà effectué, entourage
familial, enfants à charge, couverture sociale, emploi, formation professionnelle
Evaluation et modalités pratiques du sevrage :
 Sevrage ambulatoire : contrat de soins avec pharmacien, médecin traitant et
médecin spécialiste, le plus souvent en CSST (centre de soins spécialisés pour
toxicomanes), consultations rapprochées, remise directe des médicaments en
quantité limitée, tests urinaires toutes les semaines
 Sevrage hospitalier si échec en ambulatoire, risque de passage à l’acte, isolement
social, décompensation psychiatrique, complication somatique
 Traitement médicamenteux
 Réduction des symptômes somatiques du syndrome de sevrage
- Antalgiques (paracétamol, aspirine)
- Spasmolytique : Spasfon® 6/j
- Antinauséeux, antidiarrhéique (Motilium®, Primpéran®)
- Sédatifs (neuroleptiques ou anxiolytiques type Rivotril® ou
hydroxyzine, Atarax®)
 Traitement substitutif
- Méthadone®
- Subutex®

Psychothérapie de soutien, familiale, cognitive et comportementale

Suivi somatique et psychosocial
MODALITES DE PRESCRIPTION DE LA METHADONE
Voie per os, réservée aux adultes et adolescents volontaires
Les patients doivent accepter les modalités de la prise en charge : venir régulièrement au centre
de traitement, se soumettre à des analyses urinaires périodiques de contrôle
 Mise en place du traitement : 20 à 30 mg selon le niveau de dépendance. Doit être
administré au moins 10 heures après la dernière prise d'opiacés.
 Adaptation posologique : posologie augmentée progressivement jusqu'à 40 à 60 mg en 1 à
2 semaines en fonction de la réponse clinique pour prévenir les signes de sevrage ou un
possible surdosage
 Dose d'entretien : elle est obtenue par augmentation de 10 mg par semaine et se situe
habituellement entre 60 et 100 mg par jour. Des doses supérieures peuvent être
nécessaires. Les modifications de posologies sont alors déterminées après réévaluation
clinique et des prises en charge associées. Le traitement est administré en une prise
unique quotidienne
 Condition d'arrêt du traitement : l'arrêt du traitement doit se faire par diminution
progressive de la posologie par palier, au moins hebdomadaire, de 5 à 10 mg. Pendant cette
période de diminution progressive des doses, il est nécessaire d'être vigilant à toute
reprise de l'intoxication qui nécessiterait un retour à la posologie antérieure.
MODALITES DE PRESCRIPTION DU SUBUTEX
Voie sublinguale, réservée aux adultes et adolescents volontaires

Mise en place du traitement : la dose initiale est de 0.8 à 2 mg par jour en une prise.
Chez les toxicomanes aux opiacés non sevrés : lors de l'induction du traitement, la prise
de buprénorphine doit intervenir au moins quatre heures après la dernière prise de
stupéfiant ou lors de l'apparition de premiers signes de manque.
Chez les patients sous méthadone : réduire au préalable la dose de méthadone à un
maximum de 30 mg par jour (un syndrome de sevrage précipité par la buprénorphine peut
survenir).

Adaptation posologique jusqu'à une dose d'entretien : la posologie efficace est
habituellement de 8 mg mais elle peut aller jusqu’à un maximum de 16 mg par jour en une
prise. Les modifications de posologies sont ensuite déterminées après réévaluation de
l'état clinique et des mesures d'accompagnement associées. Une délivrance quotidienne de
la buprénorphine est recommandée, notamment pendant la période d'induction du
traitement. Des quantités de produit pour plusieurs jours de traitement pourront être
remises aux patients après stabilisation de leur état. Il est recommandé, cependant, de
limiter la délivrance du produit à 7 jours au maximum.

Réduction des doses et arrêt de traitement : après une période de stabilisation jugée
satisfaisante, le médecin pourra proposer aux patients de réduire progressivement leur
dose de buprénorphine, jusqu'à un arrêt total du traitement de substitution dans les cas
favorables. La mise à disposition des comprimés sublinguaux dosés respectivement à 0.4
mg, 2 mg et 8 mg permet une réduction progressive de la posologie. Durant la période
d'arrêt du traitement, une attention particulière sera portée aux risques de rechute.
CANNABIS
Rédaction : L. Karila, M. Reynaud
La majorité des botanistes considère qu’il n’existe qu’une espèce de cannabis appelée
cannabis sativa, décrite en 1753 par Von Linné (1707-1778), montrant de nombreuses
variantes chimiques et géographiques.
Mieux connue sous l’appellation « chanvre », elle est originaire des contreforts de
l’Himalaya et s’est répandue au gré des mouvements des peuples, d’où sa diffusion vers
le continent Indien puis vers l’Extrême Orient, le Moyen Orient et l’Europe.
Ses dénominations diffèrent selon le lieu de production et le mode de préparation
(herbe, bangh, haschisch, huile). Elle est à ce jour chez les 12-25 ans la substance
illicite la plus consommée. Les effets psychopharmacologiques du produit sont
essentiellement dus au 9-tétrahydrocannabinol (9-THC).
Les données de la littérature scientifique soulignent les conséquences somatiques,
psychiatriques, les effets cognitifs et comportementaux liés à son usage répété.
I - EPIDÉMIOLOGIE
1. Adolescence
L’expérimentation du cannabis est devenue un comportement majoritaire chez les
jeunes arrivant à l’âge adulte avec une augmentation très nette dès l’âge de 15 ans.
En 1999, 60 % des garçons et 43 % des filles déclarent avoir déjà expérimenté le
cannabis alors qu’en 1993, les chiffres étaient respectivement de 34 % et 17 %.
Le cannabis peut être expérimenté avant ou en même temps que d’autres substances
mais apparaît très rarement isolé du tabac et de l’alcool.
Les profils d’usage dépendent de l’âge et du sexe, notamment en ce qui concerne l’usage
répété (plus de 10 consommations déclarées au cours de l’année).
Enfin, à 19 ans, 50 % des garçons consommateurs ont une majorité d’amis fumant du
cannabis.
2. Adulte
Parmi les 18-34 ans, 40,5 % des sujets ont déjà expérimenté le cannabis avec une
majorité d’hommes. La proportion d’expérimentateurs décroît avec l’âge et a tendance à
concerner 3,3 % des sujets âgés de 55 à 75 ans. L’Observatoire Français des Drogues
et Toxicomanie, dans ses analyses, souligne un « effet génération » pour expliquer cette
constatation.
L’usage répété de cannabis représente 1,6 % des adultes de plus de 26 ans et est
surtout fréquent chez les célibataires de sexe masculin.
II – DÉPENDANCE
Différentes études épidémiologiques ont mis en évidence des prévalences de
dépendance au cannabis d’environ 5 % en population générale et de 10 % parmi la
population consommatrice de la substance, en particulier chez les 15-24 ans.
Parmi les critères diagnostiques de dépendance à une substance psychoactive, figure la
notion de syndrome de sevrage.
La littérature internationale rapporte l’existence d’une tolérance et d’un syndrome de
sevrage au cannabis.
Sa prévalence serait de 5 % avec des valeurs de 7.7 % chez l’homme et de 4.8 % chez la
femme.
Ce syndrome peut apparaître 10 heures après la dernière consommation et il y aurait un
pic à la 48ème heure.
MANIFESTATIONS CLINIQUES DU SYNDROME DE SEVRAGE AU CANNABIS

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
Agitation
Anxiété
Insomnie
Dysphorie
Irritabilité,
Anorexie
Tremblements des extrémités distales des membres supérieurs
Augmentation des réflexes
Modification de la fréquence cardiaque, de la tension artérielle
Sueurs
Diarrhée
Anomalies électroencéphalographiques mineures possibles
L’ensemble de ces symptômes s’amenderait en 3 semaines.
Sur le plan physiopathologique, la durée persistante de ce syndrome pourrait être en
partie expliquée par la persistance dans l’organisme du 9-THC, jusqu’à 3 semaines
suivant la dernière prise, liée à sa cinétique d’élimination et à son relargage tissulaire.
Une revue de la littérature faite par Smith en 2000 mettait en avant les difficultés
méthodologiques concernant les études sur le syndrome de sevrage cannabique et la
nécessité de travaux de recherche pour en affiner le diagnostic chez le consommateur
de cannabis.
III - EFFETS
COGNITIFS
1- Usage aigu de cannabis
Lors de la consommation de fortes doses de 9-THC (supérieures à 200 µg/kg),
l’ivresse cannabique associe un sentiment de bien être, une excitation, une dissociation
idéique, des erreurs d’appréciation temporo-spatiale, des perceptions sensorielles
accrues et des expériences hallucinatoires riches.
Les performances cognitives et comportementales sont altérées environ 15 minutes
après inhalation chez des sujets naïfs et plus tardivement chez les usagers réguliers
(variations interindividuelles cependant).
L’ensemble des capacités cognitives semble modifié et touche les capacités mnésiques,
l’apprentissage de séries de mots, les performances arithmétiques simples et les tâches
de rappel.
Les effets induits par la consommation de cannabis sont significatifs et dose
dépendants. Il existe des variations et des différences observées chez les usagers
selon la manière de fumer (durée, volume, nombre de bouffées).
L’altération de l’ensemble des performances peut persister jusqu’à 24 heures après
l’usage de cannabis.
2- Usage chronique de cannabis
Chez les usagers chroniques, le cannabis a un impact sur la mémoire à court terme, de
travail, les capacités attentionnelles et serait associé à des effets neuropsychologiques
résiduels (persévérations, trouble de l’apprentissage des mots).
Les performances comportementales dans les activités sociales, scolaires et récréatives
sont altérées par l’usage régulier et prolongé de cannabis. Cependant, certaines études
montrent que les élèves usagers intensifs de cannabis sont souvent en situation d’échec
avant même que l’initiation de la consommation ait eu lieu et ont des troubles divers
touchant la sphère psychique et/ou comportementale.
Le retentissement de l’usage autant aigu que chronique de cannabis sur les
performances psychomotrices doit être particulièrement pris en compte dans certaines
professions et d’une manière générale pour la conduite automobile.
Le syndrome amotivationnel pourrait être la traduction de l’ensemble de ces
altérations cognitives.
Il associe un déficit de l’activité professionnelle ou scolaire favorisant ou amplifiant la
désinsertion, la marginalisation de l’usager pouvant conduire à un état de dénutrition
et/ou d’incurie, des troubles du fonctionnement intellectuel, une indifférence affective
avec rétrécissement de la vie relationnelle. La consommation répétée permet à l’usager
de supporter sans trop de souffrance psychique les symptômes qu’elle aura contribué à
créer.
Enfin, la question de la persistance des altérations cognitives à l’arrêt de la
consommation est actuellement un sujet à controverse dans la littérature.
IV - DOMMAGES
PSYCHIATRIQUES LIÉS À L’USAGE DE CANNABIS
1- Psychose aiguë cannabique.
Son apparition est en général concomitante de l’intoxication mais elle peut apparaître
dans le mois qui suit l’arrêt de l’intoxication. Il s’agit d’un trouble d’évolution brève,
durant 8 jours à 3 mois dont le début est brutal. Il ne semble pas lié à des éléments de
personnalité prémorbide schizoïde ou schizotypique.
La symptomatologie clinique est proche de celle des bouffées délirantes aiguës, avec
une hétéroagressivité plus importante liée à la désinhibition psychomotrice, avec une
plus grande fréquence d’hallucinations non acoustico-verbales, avec une impression de
déjà-vu ou de dépersonnalisation.
L’épisode délirant est résolutif à l’arrêt de l’intoxication et sous chimiothérapie
neuroleptique adaptée (antipsychotique atypique +++ type Olanzapine, Risperidone,
Amisulpride). Les rechutes seraient plus fréquentes lors de nouvelles consommations.
2. Schizophrénie
Les différentes études cliniques réalisées chez les patients schizophrènes ont montré
qu’ils rapportaient un usage régulier de cannabis et remplissaient les critères
diagnostiques DSM-IV d’un trouble lié à l’usage de cannabis.
Les études épidémiologiques ont également montré une association entre l’usage de
cannabis et les troubles psychotiques en population générale.
De nombreux débats concernant le cannabis comme facteur causal de schizophrénie ont
agité la scène scientifique internationale.
Le cannabis pourrait, d’une part, précipiter l’entrée dans la maladie chez les sujets
vulnérables et d’autre part altérer l’évolution de la pathologie parmi ceux qui l’ont déjà
développéE.
3. Troubles de l’humeur
La prévalence des épisodes dépressifs majeurs chez les abuseurs de cannabis varie de 3
à 20 %, selon les études.
La majorité des études confirme le fait que la symptomatologie dépressive serait un
facteur de risque de début d’usage de substances psychoactives.
Que l’épisode dépressif soit primaire ou secondaire, il peut donc aggraver ou entretenir
l’abus de cannabis et faciliter le passage à l’acte suicidaire.
La prévalence de l’abus de cannabis chez les patients présentant un trouble bipolaire
varie de 13,4 % à 64 %. Cette catégorie de patients justifie sa consommation par le fait
qu’elle diminuerait les symptômes maniaques ou dépressifs.
4. Troubles anxieux
La prévalence des troubles anxieux chez les usagers de cannabis varie de 18 à 22 %.
En ce qui concerne les populations de patients présentant un trouble anxieux généralisé
ou un trouble panique avec ou sans agoraphobie, l’usage de cannabis serait à visée
anxiolytique.
La survenue d’une attaque de panique lors d’un premier usage favoriserait les récidives
d’attaques de panique dans cette population.
Les attaques de panique chez une population souffrant de troubles anxieux
favoriseraient l’arrêt spontané de la prise de cannabis.
5. Syndrome de dépersonnalisation
Ce syndrome évoque les attaques de panique actuelles avec sensations de
dépersonnalisation ou déréalisation secondaire aux prises isolées de cannabis.
Il semble corrélé au niveau de l’intoxication et l’intensité maximale du trouble apparaît
dans les 30 minutes suivant la prise puis régresse en 2 heures environ.
Le syndrome de dépersonnalisation pourrait durer de plusieurs mois à 1 an.
A cette angoisse chronique de dépersonnalisation, s’associeNT une absence d’énergie,
une insomnie, des sentiments d’étrangeté, de déjà vu, une asthénie, une humeur
dépressive, des perturbations cognitives pouvant faire évoquer une dépression atypique
et un mode d’entrée dans la schizophrénie.
V - DOMMAGES
SOMATIQUES LIÉS À L’USAGE DE CANNABIS
PULMONAIRES




Effets liés aux
différents composés de
la fumée du cannabis
Activité
bronchodilatatrice
immédiate et
transitoire
Bronchite chronique
Cancer
CARDIOVASCULAIRES





VISUEL



Augmentation de la
photosensibilité
Hyperhémie
conjonctivale
Mydriase inconstante
Augmentation du débit
cardiaque et cérébral
(10 minutes après
consommation)
Hypotension artérielle
Vasodilatation
périphérique
Bradycardie
Cas d’artériopathie
type maladie de
Buerger
CANCERS


ENDOCRINIENS


Diminution de la
libération de
prolactine, de LH et de
la testostérone
Peu de données chez
l’homme
Cancers des voies
aérodigestives
supérieures (langue,
larynx, amygdale..) chez
les fumeurs de cannabis
- tabac et chez les
fumeurs exclusifs de
cannabis
Cancers broncho
pulmonaires
AUTRES




Pas d’altérations du
système immunitaire
Sécheresse buccale
Réduction de la
motricité intestinale.
Augmentation de
l’appétit
VI - PRINCIPES
THÉRAPEUTIQUES
Les protocoles de soins dépendent des souhaits du patient adolescent ou adulte et de la
sévérité des problèmes liés au cannabis. Le protocole sera donc individualisé, allant de
simples conseils à des interventions thérapeutiques brèves faisant appel à une approche
cognitive et comportementale. Un soutien familial associé à une thérapie familiale peut
être utile chez l’adolescent.
Un accompagnement médicamenteux est possible en présence de signes de sevrage ou
en cas de comorbidités psychiatriques.
PREMIERE PARTIE : MODULES TRANSDISCIPLINAIRES
Module 3 – Maturation et vulnérabilité
Question 46
Sujets en situation de précarité facteurs de risque et évaluation.
Mesures de protection sociale.
Morbidité et comorbidité : diagnostic, complications et traitements.
Redaction : C. MASSOURBRE, V. KOVESS-MASFETY, A.S. GRANAT
Objectif pédagogique général

Reconnaître les problèmes de santé mentale chez les sujets en situation de
précarité.
Objectifs pédagogiques spécifiques


Savoir reconnaître et dépister la souffrance psychologique chez les sujets en
situation de précarité
Connaître les données épidémiologiques dans le domaine
1. LA PRECARITE : définitions
La précarité est un état de fragilité et d'instabilité sociale dont l'avenir et la durée ne
sont pas assurés et qui risque, s'il se prolonge, de faire glisser ceux qu’il affecte vers
l'exclusion.
Elle peut se définir aussi comme "l'absence d'une ou plusieurs des sécurités
permettant aux personnes et aux familles d'assumer leurs responsabilités élémentaires
et de jouir de leurs droits fondamentaux. L’insécurité qui en résulte conduit à la grande
pauvreté quand elle affecte plusieurs domaines de l'existence, qu'elle devient
persistante, qu'elle compromet les chances de ré-assumer ses responsabilités et de
reconquérir ses droits par soi-même dans un avenir prévisible". Chacune des insécurités
qui peut affecter les individus correspond à différents processus de fragilisation, de
précarisation (précarisation de l'emploi et du travail, érosion des solidarités familiales,
conséquences des carences de qualifications et de formations initiales, fragilisations
dues à la maladie).
1
Les sujets touchés de manière objective par la précarité ou qui l'ont été récemment
représentent probablement 12 à 15 millions de personnes, soit 20 à 25% de l'ensemble
de la population. La précarité regroupe donc les personnes sans abri, les RMIstes, les
immigrants non réguliers, les personnes à revenus très bas, c'est-à-dire toutes les
personnes qui manquent d'une ou plusieurs sécurités (emploi, logement, famille) et
toutes les personnes qui risquent de rentrer dans ces catégories, les ménages menacés
d'expulsion, les chômeurs en fin de droits, les personnes qui ont un emploi précaire.
L'exclusion est une réalité dynamique caractérisée par l'absence pendant une période
plus ou moins longue de la possibilité de bénéficier des droits attachés à la situation
sociale et à l'histoire de l'individu concerné. Au sens strictement légal du terme, seuls
les "sans-papiers" seraient de véritables "exclus". Cependant, plusieurs centaines de
milliers de personnes restent aujourd'hui "exclus" et ne bénéficient pas de la solidarité
nationale. L'exclusion peut être économique (chômage de très longue durée), sociale
(mère célibataire sans soutien familial ni social, personnes âgées isolées, jeunes
déscolarisés, etc...) ou même indirecte (immigrés ou handicapés qui ne peuvent profiter
des mêmes droits, participer aux mêmes activités que les autres). A l’extrême la
population sans abri anciennement appelée sans domicile fixe, est composée des sujets
qui dorment dehors dans une sorte de continuum avec ceux qui vivent dans n'importe
quel lieu précaire (centre d'hébergement, endroit inadapté pour dormir ou chez des
proches ou des amis de manière non permanente). On doit aussi signaler les personnes à
risque, notamment les ménages menacés d'expulsion de leur logement ou les personnes
qui logent dans les logements accessibles aux bas revenus et qui risquent de basculer
dans la catégorie des sans abri.
Le nombre d'exclus avancé est de 0,4 - 0,5% de la population française soit au
maximum 300 000 personnes résidant sur le territoire français. Parce qu'il n'existe
pas de dispositif de type RMI avant 25 ans, les jeunes représentent une part
importante de la population des exclus.
La grande pauvreté est définie par l'INSEE comme l'état d'un foyer dont le revenu
est inférieur ou égal à un tiers du revenu médian (en 1993, 325 Euros pour une
personne seule et 585 Euros pour un couple avec enfant). Les effets de la pauvreté ne
dépendent pas uniquement du revenu mais intègrent d'autres réalités (solidarité
familiale, ressources et traditions culturelles, etc...). En France, 11% des ménages ont
un niveau de vie inférieur à la demi-médiane des revenus de l'ensemble de la population.
16,3% des enfants de moins de 16 ans vivent dans un ménage pauvre. Depuis 10 ans, la
pauvreté relative a diminué bien qu'elle touche encore 2,2 millions de ménages. Dans
cette population, de nombreux facteurs de risque pour l'état de santé sont mis en
évidence (alimentation, comportements à risque, consommation accrue d'alcool et de
tabac, insalubrité du logement, difficultés d'accès aux soins, difficultés d'accès au
travail, traumatismes).
2
2. LES FACTEURS de risque
Les personnes issues de milieux défavorisés cumulent tous les facteurs de risque. Elles
ont vécu plus d'évènements fragilisants dans leur enfance (placement en institution,
divorce des parents, problèmes psychiatriques sévères dans la famille proche).
Elles vivent plus d'éléments négatifs et de difficultés persistantes que les autres et
ces évènements ont des impacts plus négatifs. L'absence de travail et le chômage
entraînent par eux-mêmes l'exposition à de nombreux facteurs de stress dont la
précarité matérielle et la baisse de l'estime de soi, ils ont été mis en relation avec la
survenue de problèmes de santé mentale.
Les mécanismes permettant d'atténuer les effets de ces stress sont moins présents :
le soutien social et le nombre de relations intimes positives seraient moins nombreux,
tandis que les mécanismes de défense utilisés seraient moins efficaces car fondés sur
la résignation et le déni plus que sur la maîtrise de la situation.
Enfin, l'accès aux soins est moins bon et l'absence d'un traitement adéquat augmente
la chronicité des problèmes et en conséquence la prévalence.
Les niveaux de détresse psychologique sont les plus élevés dans les classes sociales les
plus basses, mais les relations entre santé mentale et classe sociale ne sont pas
univoques pour tous les types de troubles . Les risques relatifs significatifs entre
pauvres et non-pauvres sont présents au maximum pour la schizophrénie (risque
multiplié par 80) et la dépression majeure (risque multiplié par 2). Les personnes des
classes les moins favorisées ont tendance à ne pas rapporter les troubles psychiques
mineurs (troubles anxio-dépressifs et symptômes de détresse psychique). Une
prévalence de la dépression est plus élevée chez les personnes dont le niveau
d'instruction est moins élevé, l'effet du revenu aussi est très important : les plus bas
revenus ayant un risque deux fois plus élevé pour ce trouble.
3 - INFLUENCE DE LA PRECARITE SUR LES DETERMINANTS DE LA SANTE
o
Les conditions de stress
Les personnes vivant dans un contexte économique difficile vivent davantage
d’évènements traumatisants, surtout ceux qui échappent à leur contrôle. Mais ce n’est
pas tant la différence dans le nombre d’évènements que le plus grand impact produit
qui semble être la source de différences dans les taux de santé mentale entre les
classes sociales. Les individus à bas revenus décrivent des conditions chroniques de
stress plus fréquentes qui sont la tension conjugale, les soucis financiers, la maladie
chronique et les tensions subies au travail. Ce sont ces conditions beaucoup plus que les
évènements dramatiques inéluctables telles la mort ou les accidents qui semblent faire
la différence entre les classes sociales.
3
o
Le soutien social
Il est difficile de savoir si le soutien social protège les gens exposés à des risques ou si
les gens vulnérables n’ont pas les ressources nécessaires pour mobiliser le soutien
social autour d’eux. Les contacts entre amis sont moins fréquents dans les milieux
défavorisés, l’absence relative du soutien des maris chez les femmes dans les milieux
défavorisés pourrait expliquer le taux plus élevé de dépression chez ces femmes ;
l’instabilité conjugale touche davantage les classes défavorisées. La violence conjugale
ne semble pas être le fait d’une classe sociale ou d’une autre.
La pauvreté ne conduit pas à la détérioration de la santé mentale si le tissu social
demeure relativement intact et si une solidarité peut se maintenir à l’intérieur des
réseaux.
o
La vulnérabilité psychologique
Il semble que l’estime de soi ou les ressources personnelles sont plus faibles en milieu
défavorisé, les sujets se sentiraient plus dépourvus en présence d’évènements pénibles.
La résignation et le déni sont souvent utilisés par les gens pauvres et peuvent
constituer un comportement adéquat quand l’individu n’a pas de prise sur son
environnement mais risque d’instaurer un cercle vicieux et laisser les évènements
prendre le dessus quand ils seraient en mesure d’être maîtrisés.
o
Le vécu durant l’enfance et l’adolescence
La relation avec les parents durant l’enfance et l’adolescence dans les milieux
défavorisés peut expliquer également le plus grand nombre de conflits psychiques dans
ce milieu. Les parents des classes pauvres s’occupent beaucoup moins de leurs enfants
que ceux des classes moyennes. Les pères hésitent également à se proposer comme
modèle d’identification dans les milieux défavorisés et orientent leur comportement en
fonction des instances de punition extérieure plutôt qu’en intériorisant les valeurs.
Les personnes qui ont vécu dans des conditions difficiles dans leur enfance (instabilité
familiale, maternage inadéquat, tant pour les soins physiques que pour les aspects
relationnels) ainsi que celles qui vivaient dans des familles dépendantes de l’aide sociale
et dans des habitations surpeuplées avaient plus de dépression que les autres une fois
parvenues à l’âge adulte. L’effet d’un maternage inadéquat semble plus marqué pour les
femmes. Une minorité d’enfants ayant vécu des situations difficiles ont présenté une
dépression à l’âge adulte, ceci peut être dû au fait que sur une longue période les
conditions de vie peuvent changer mais surtout qu’il existe des facteurs protecteurs
comme l’intelligence, la force de caractère, des qualités de sociabilité ou d’autres traits
positifs personnels ou familiaux. Les mécanismes d’action sont de toute façon
complexes.
4
4 - RÔLE DU CHÔMAGE
Les chômeurs présentent une plus mauvaise santé mentale (anxiété, dépression et
manque de motivation). Les soucis qui accentuent la baisse de moral sont les problèmes
financiers, l’ennui, la baisse de l’estime de soi et la dilution de l’espoir de retrouver du
travail. Les principaux effets sont la déstructuration du rythme de la vie quotidienne,
des périodes de sommeil plus longues, les contacts plus fréquents et une plus forte
probabilité de friction avec un partenaire conjugal et enfin le besoin de se reconstruire
une autre image à ses yeux. Plusieurs facteurs peuvent expliquer les effets négatifs
directs liés au chômage : l’insécurité liée à la diminution des revenus, la déstabilisation
du rythme de vie et des périodes de sommeil, la disparition d’une série d’activités de
tous genres reliées directement à l’emploi, la diminution des décisions à prendre à
cause de la baisse des revenus et finalement l’exposition à des activités dégradantes
pour l’image de soi comme celle d’avoir à rechercher un emploi. L’effet du chômage
serait plus constamment marqué chez les hommes que chez les femmes.
C’est à l’âge moyen de la vie que l’effet de la durée du chômage sur la santé mentale se
fait le plus sentir.
5 - DESCRIPTION DU VECU DES PERSONNES EN SITUATION DE PRECARITE
L’exclusion mais aussi le chômage et la grande précarité sont indissociables d’un
sentiment de honte qui pourra être parfois dénié, caché ou transformé en défi. La
honte fait le lit d’une souffrance psychique difficile à supporter et impossible à
partager avec quiconque dans la crainte de son mépris. Inavouable, cette honte ronge
celui qui se trouve projeté aux marges de la société et le confort dans des stratégies
d’isolement et de fuite. Cette honte s’accompagne souvent d’un sentiment d’injustice,
d’un vécu d’impuissance et de la rage de subir et de l’absence de perspectives de
changements qui forment un magma douloureux dans lequel les mouvements de révolte
alternent avec les mouvements d’accablement.
La honte «blanche» serait la plus pathogène, avec pâleur et absence de mimique
expressive et mutisme, pathologie de la disparition, l’exclu étant en fait un disparu de
la société. L’absence de demande y est associée.
L’exclusion n’est pas une maladie mais une situation pathogène. Les personnes en
situation de précarité et qui en souffrent sont désespérées et malheureuses mais ne
relèvent pas de la psychiatrie. Celles qui ont des problèmes psychiatriques relèvent
bien évidemment de la psychiatrie même s’il n’est pas toujours facile d’adapter des
soins à leur situation particulière. Enfin, il y a des personnes qui ont besoin de soins
psychologiques même si leurs troubles sont considérés comme liés à leur situation
d’exclusion.
5
6 - ETUDES EPIDEMIOLOGIQUES PORTANT SUR LA SANTE MENTALE DES
PERSONNES EN SITUATION DE PRECARITE
Enquête sur la santé mentale des RMIstes à Paris [31-32].
Les facteurs de risque sont plus fréquents chez les bénéficiaires du RMI que chez les
témoins. Ils concernent des difficultés actuelles dans la sphère sociale et affective
ainsi que des problèmes psychiatriques dans la famille d’origine : alcool, drogues,
personnalité antisociale et maladies mentales sévères et facteurs de risques dans
l’enfance, divorce, placement en institution et famille d’accueil.
Le pourcentage de personnes souffrant de psychose parmi les RMIstes est
pratiquement le même que celui de la population parisienne (de l’ordre de 1%). Les
RMIstes ont une prévalence de la dépression sévère très élevée. La dépression est plus
chronique parmi les RMIstes, les tentatives de suicide sont aussi plus fréquentes. Il
existe aussi une surmorbidité pour les troubles anxieux et les phobies simples.
Des troubles à type de somatisation sont beaucoup plus fréquents. On retrouve une
probabilité d’abus et de dépendance à l’alcool chez 10,3% des RMIstes (contre 4,8%
pour les témoins), une moindre différence existe chez les femmes.
o
L’utilisation du système de santé
A âge équivalent et en moyenne, les allocataires du RMI consultent autant les
généralistes que les témoins. Toutefois, les RMIstes sont plus nombreux parmi les
consultations fréquentes (6 ou plus dans l’année). Ils fréquentent moins les spécialistes
et ne voient que rarement le dentiste ainsi que les membres des autres professions
paramédicales. En revanche, ils sont hospitalisés aussi souvent que les autres témoins.
Ils déclarent beaucoup plus fréquemment une limitation d’activité, souvent depuis plus
d’un an en particulier dans l’inaptitude à travailler (16,2% contre 5,5%). Les troubles
mentaux sont nettement plus fréquents parmi les RMIstes en tant que cause d’un
handicap. De manière générale, les allocataires du RMI consultent moins pour les
troubles dépressifs alors qu’ils souffrent de formes plus sévères.
o
o Etude sur l’état de santé mentale des personnes sans-abri
Les études américaines et australiennes ont mis en évidence l’augmentation du nombre
de malades mentaux parmi les personnes sans-abri. On peut estimer une prévalence
pour la vie entière entre 28 et 37%, 3,3 à 5% de troubles cognitifs graves, 7 à 13 % de
troubles schizophréniques, 8,2 à 17,5% de troubles dépressifs majeurs et 5% de
troubles bipolaires (prévalence 4 à 5 fois supérieure à celle de la population générale).
Les troubles liés à la consommation de drogues et d’alcool sont fréquents (30 à 50%
des personnes interrogées) et souvent associés aux troubles mentaux (75% dans un
échantillon représentatif de la population sans-abri de Montréal).
6
Les tentatives de suicide constituent un facteur prédictif important de contact avec le
système de santé. La présence concomitante d’une maladie physique augmente le
nombre des contacts pour troubles psychiatriques.
Les sujets sans-abri souffrant de troubles délirants sont ceux qui sont le plus souvent
hospitalisés et qui reçoivent le plus de psychotropes. Ceux qui présentent des troubles
liés à l’utilisation de drogues et d’alcool ont très souvent recours au système de santé
et sont en contact avec des médecins généralistes ou des psychiatres ou hospitalisés à
peu près aussi fréquemment que les sans-abri schizophrènes. En revanche, les sujets
souffrant de troubles dépressifs sont ceux qui ont le moins de contacts.
Bibliographie
o
o
o
o
o
o
HCSP (Haut Comité de la santé publique). La progression de la précarité en
France et ses effets sur la santé. Ministère de l'Emploi et de la Solidarité, 1998;
285 P.
Kovess-Masfety V. Précarité et Santé Mentale, Ed. Doin, 2001.
Maisondieu J. Exclusion, psychiatrie et fraternité. Information psychiatrique 1998
; 4 : 333-9.
Kovess V, Gysens S, Chanoit PF. Une enquête de santé mentale : l'enquête de
santé des Franciliens. Ann Med Psycho (Paris) 1993 : 624-8.
Kovess V, Gysens S, Poinsard R, Chanoit PF. La psychiatrie face aux problèmes
sociaux : la prise en charge des RMIstes à Paris. Information Psychiatrique 1995 ; 3
: 273-85.
Kovess V, Mangin Lazarus C. La santé mentale des sans-abri à Paris : résultats
d'une enquête épidémiologique. Rev Fr Psychiatr Psychol Med 1997 ; 9 : 17-24.
7
PREMIERE PARTIE : MODULES TRANSDISCIPLINAIRES
Module 3
-
Maturation et vulnérabilité
Question 47 - BASES PSYCHOPATHOLOGIQUES
DE LA PSYCHOLOGIE MÉDICALE
Rédaction : M. Escande
-
Relecture : M. Marie Cardine
Objectifs :
· Connaître
les
fondements
psychologie médicale
psychopathologiques
de
la
I – DÉFINITIONS ET GÉNÉRALITÉS
1. La psychologie
Est une science dont le but est de décrire et d’expliquer sur
un mode vérifiable les conduites des êtres vivants. Elle vise
l’être vivant en tant qu’unité élémentaire, alors que la
sociologie a les mêmes buts mais visant les groupes sociaux.
Mais comme de nombreuses caractéristiques des individus
(conduites, comportements, traits etc.) sont déterminés par
les groupes sociaux et culturels, le cloisonnement entre les
deux est loin d’être étanche. Certains individualisent même la
Psychosociologie.
Les
conduites,
objet
d’étude
de
la
Psychologie, sont définies par la combinaison de pensées,
émotions et actes et la finalité de leur organisation. Elles
concernent en particulier deux domaines : les comportements
psychomoteurs et les fonctions psychologiques (perception,
apprentissage,
mémoire,
pensée,
langage,
motivations,
émotions).
La description et l’explication scientifiques des conduites
s’étayent sur un ensemble de techniques d’étude et de
théories.
2. La psychologie pathologique
Elle a pour objet l’étude des troubles mentaux, alors que la
psychiatrie s’intéresse surtout au sujet malade ou troublé. La
psychologie pathologique utilise ses connaissances du sujet
normal pour comprendre le fonctionnement du sujet malade.
3. La psychologie médicale
Science et pratique, elle a comme objet l’approche des aspects
psychologiques personnels et interpersonnels, en relation avec
la maladie.
Ces aspects psychologiques concernent de nombreux champs de la
médecine :
. les facteurs de causalité ou de prédisposition de la
maladie,
en
particulier
des
maladies
psychosomatiques
1
(asthme,ulcère etc.), de la pathologie dite « fonctionnelle »
(répercussions somatiques d’un dysfonctionnement psychique).
. les réactions et l’adaptation du malade à la maladie et
aux
thérapeutiques
(déni,
anxiété,
dépression
etc.),
déterminantes pour l’attitude du patient et l’évolution de la
maladie.
.
les
demandes
d’ordre
relationnel
et
affectif
concomitantes des symptômes médicaux, visant le médecin mais
aussi
l’environnement
du
patient
(famille,
milieu
professionnel etc.)
. les multiples aspects relationnels : la relation
médecin-malade, les relations du malade et du médecin avec la
famille,
du
médecin
et
du
malade
avec
la
société
(représentations sociales de la santé etc.)
. La pratique du médecin, notamment les aspects subjectifs
de celle-ci (façons d’examiner, informer, de prescrire,
soigner, d’accompagner) ; la personnalité du médecin est un
élément central de sa pratique.
. une approche médicale globale de l’individu malade
intégrant
les
composantes
biologiques,
psychologiques,
psychosociales et historiques, par opposition à une médecine
technique d’un organe.
. le pouvoir médical, excessivement sollicité par la
société pour résoudre des problèmes sortant de son champ de
pratique (ex : enfants surdoués, délinquance etc.)
La Psychologie Médicale s’appuie sur différentes méthodes
(ex : Psychanalyse, Psychobiologie, Neuro-biologie, Ethologie,
Génétique etc.), la ou les méthodes choisies devant être le
plus scientifique possible pour l’approche des données
psychologiques.
II - LE MALADE ET SA MALADIE
Les objectifs d’une telle approche sont multiples. Ils sont de
comprendre quand, pourquoi et comment une maladie prend sens
dans la vie et l’histoire d’un sujet, provoque une rupture ou
une discontinuité dans l’existence.
Ils sont aussi de comprendre en quoi la maladie altère les
idéaux de santé, non pas sociaux et collectifs, mais de
l’individu lui-même.
Ils sont de plus d’évaluer les effets psychiques de la
maladie, les réactions du patient à celle-ci, mais aussi aux
attitudes médicales et soignantes, voire aux réactions de
l’entourage familial.
Enfin, il est très important de saisir et comprendre pourquoi
et
comment
un
sujet
transforme
des
phénomènes
intrapsychiques. Les enjeux de la Psychologie Médicale sont aussi
d’intégrer le mode de pensée psycho-somatique.
1. Les caractéristiques de la maladie
2
La maladie est à l’origine d’une atteinte de l’intégrité du
sujet, d’une gêne à l’exercice normal de sa vie. La maladie
entraîne une rupture de l’équilibre antérieur, à laquelle le
patient doit s’adapter. Cette adaptation mobilise une quantité
de l’énergie psychique du patient. Ainsi, la maladie est
susceptible de déclencher chez l’individu un certain nombre de
réactions, variables selon sa personnalité, sa représentation
imaginaire et la représentation collective de la maladie.
Les réactions psychologiques à la maladie dépendent de
facteurs liés à la maladie elle-même. Les maladies chronique
soulèvent des problèmes différents de ceux posés par les
maladies aiguës. Les maladies graves mobilisent profondément
la psychologie individuelle par une brusque résurgence de
l’angoisse de mort. Certaines maladies induisent des handicaps
aux conséquences multiples.
Enfin, certaines affections
entraînent des réactions particulières qui
dépendent de la
culture : par exemple les représentations culturelles de
l’épilepsie.
Même si l’expérience de la maladie est avant tout négative et
source de souffrance, la maladie peut aussi être source de
bénéfices.
Les bénéfices primaires jouent un rôle dans le déclenchement
de la maladie ou de l’accident, soit comme cause à part
entière soit comme facteur déclenchant. Ainsi, la maladie
permet d’apporter une solution à une situation de tension
interne ou de souffrance narcissique peu supportable : la
maladie apaise et soulage.
Les bénéfices secondaires résultent des conséquences de la
maladie sans intervenir directement dans son apparition, même
s’ils peuvent favoriser sa pérennisation. Certains bénéfices
sont conscients et connus du malade (arrêt de travail pour une
maladie) alors que d’autres sont inconscients : se soustraire
à des relations frustrantes, éviter les obligations familiales
et sociales, fuir dans l’imaginaire et la pensée magique, être
reconnu comme malade par l’entourage, être materné… Lorsque
ces différents bénéfices sont plus importants dans l’économie
du malade que ceux qu’il trouve dans son fonctionnement de
sujet sain, le sujet peut avoir des difficultés à guérir de sa
maladie.
2. Le patient
Le patient réagit à sa maladie en fonction de ce qu’il est,
notamment de son âge, son histoire personnelle et sa
personnalité.
Différents
modèles
psychologiques
et
psychopathologiques peuvent s’appliquer dans ce contexte.
. Modèles de « défense du moi »
Ils sont issus des théories psychanalytiques. Ce modèle
postule que, pour lutter contre tout ce qui peut susciter le
développement
de
l’angoisse,
l’individu
mobilise
des
opérations inconscientes qu’on nomme « mécanismes de défense
du Moi ».
3
Les mécanismes de défense peuvent être regroupés en 4
domaines :
- défenses psychotiques : projection délirante, déni,
distorsion
- défenses immatures : projection, fantaisie schizoïde,
hypocondrie, acting-out
défenses
névrotiques :
refoulement,
déplacement,
formation réactionnelle, intellectualisation, isolation
- défenses matures : altruisme, humour, anticipation,
sublimation, comportement passif agressif, suppression et
dissociation.
Les défenses habituellement considérées comme les plus
pathologiques sont les défenses psychotiques et immatures.
. Modèles de « coping »
Ils sont issus des théories cognitivo-comportementales. Le
verbe « to cope » signifie en anglais « faire face ». D’après
ces modèles, le stress, que l’on peut définir comme une
« réaction adaptative à un stimulus », ne dépendrait pas
seulement de l’événement, ni de l’individu, mais d’une
transaction entre l’individu et l’environnement. Ainsi, une
réponse inadaptée survient lorsqu’une situation (par exemple
une maladie) est évaluée comme débordant les ressources et
pouvant mettre en danger le bien-être. Cette réponse est le
résultat d’un déséquilibre entre les exigences de la situation
provocatrice et les ressources de l’individu pour y faire
face.
Les stratégies d’adaptation au stress peuvent être de
différentes
natures :
résolution
du
problème,
notamment
recherche d’information., acceptation de la confrontation,
prise de distance ou minimisation des menaces, ré-évaluation
positive, auto-accusation, fuite-évitement, recherche d’un
soutien social, maîtrise de soi par exemple.
Globalement les stratégies actives sont souvent les plus
efficaces pour réduire la tension.
. La description des personnalités pathologiques a aussi
une pertinence dans le domaine de la psychologie médicale. Les
personnalités
pathologiques
induisent
de
véritables
difficultés thérapeutiques pour les médecins mal informés ou
peu sensibles à cet aspect de la psychopathologie.
3. Les types de réaction à la maladie
Toute maladie plonge le sujet dans une situation nouvelle et
déclenche de nombreuses modifications psychologiques. Le
médecin
doit
savoir
reconnaître
ces
modifications
comportementales et l’origine de ces processus psychologiques
nouveaux : la compréhension de leur sens est en effet souvent
indispensable au bon déroulement du traitement proposé.
Différents types de réaction peuvent être retrouvés.
. Réactions anxieuses
Elles sont fréquentes.
4
L’état de maladie représente pour l’individu une menace vitale
et une atteinte de l’intégrité du Moi. Elle est liée à la peur
de la mort, la souffrance, l’altération des liens affectifs
et/ou sociaux. Au cours de certaines maladies, l’angoisse est
expliquée par les mécanismes lésionnels et/ou biologiques.
L’anxiété associe des manifestations psychiques, somatiques et
comportementales. Elles sont décrites dans le chapitre
« troubles anxieux et troubles de l’adaptation ».
L’anxiété
témoigne
en
général
d’un
processus
normal
d’adaptation aux contraintes et aux conséquences de la
maladie. Lorsqu’elle est pathologique, l’anxiété nécessite
d’être traitée.
. Attitudes de régression et de dépendance
Il s’agit des réactions les plus banales. La régression
psychique est fonction de la gravité de la maladie et de la
structure de la personnalité du sujet. Cette régression peut
se traduire par une réduction des intérêts, un égocentrisme,
une dépendance vis à vis de l’entourage et des soignants, un
mode de pensée magique (croyance en la toute puissance du
médecin, du médicament).
La régression est un processus normal et nécessaire car il
permet au patient de s’adapter à la situation nouvelle de
maladie. Elle peut aussi être utile au processus thérapeutique
(observance du traitement par exemple). Alors que la maladie
favorise les processus de régression, la guérison doit
s’accompagner d’une reprise d’autonomie. C’est le cas pour
nombre de patients.
La régression peut être aussi pathologique si elle est trop
importante en intensité et en durée et empêche
la
participation active et énergique du patient au processus
thérapeutique. Dans ces circonstances, la tâche du médecin
consistera à tenter de limiter les tendances régressives, pour
qu’elles ne constituent pas un frein à la guérison. Ces
attitudes sont souvent retrouvées chez les personnalités
passives-dépendantes et histrioniques.
Enfin, la régression et la dépendance peuvent être absentes.
Dans ce cas, le médecin doit favoriser l’expression de ces
processus pour obtenir de bons résultats thérapeutiques.
. Attitudes de minimisation, négation et refus de la
maladie
Ces réactions sont courantes. Elles peuvent aller jusqu’à des
attitudes de négation et de refus de la maladie reposant sur
des mécanismes de dénégation ou de déni. Par exemple, tel
patient « refuse de s’écouter » et dénie partiellement la
réalité en méconnaissant la gravité de son état et en
rationalisant sa maladie qui « est due à un surmenage
passager ».
Ces attitudes peuvent s’accompagner parfois de comportements
d’hyperactivité
centrée
sur
la
maladie
(consultations
multiples).
. Réactions d’ordre narcissique
5
Le narcissisme définit le caractère de « tout inviolable,
impérissable, important, capable et digne d’être aimé » de
l’individu
(Balint).
La
maladie
menace
l’intégrité
de
l’individu
et
induit
des
réactions
variables
sur
son
narcissisme.
Certains patients se sente avant tout blessés et vivent une
expérience de « faille narcissique ». Certains la surmonteront
en
se
repliant
sur
eux-mêmes
et
en
accentuant
leur
égocentrisme, alors que d’autres développeront des thèmes
dépressifs associés à la crainte de ne plus être dignes d’être
aimés.
Certains patients au contraire voient leur narcissisme
renforcé par l’expérience de la maladie : l’intérêt porté à sa
propre personne malade devient la source de nombreuses
satisfactions. Certains comportements narcissiques pourront
être utiles au médecin, s’ils facilitent la participation du
patient à la thérapeutique. Ces réactions narcissiques sont
fréquentes chez les sujets dont la dimension de narcissisme
est une dimension dominante du fonctionnement psychique.
. Réactions dépressives
Elles sont fréquentes au cours des maladies chroniques et/ou
sévères. En effet, la maladie représente une atteinte de
l’image idéale de soi, c’est à dire du narcissisme du sujet.
Elle représente aussi une confrontation avec la mort. A ce
double titre, elle peut être à l’origine de réactions
dépressives, qui sont par ailleurs favorisées par certains
facteurs biologiques, lésionnels et thérapeutiques.
Les réactions dépressives peuvent être exprimées par le malade
(sentiment de dévalorisation, d’incomplétude, de fatalité avec
abandon de tout projet et de tout souhait) ou masquées par des
plaintes en particulier somatiques.
. Attitudes agressives et persécutives
L’agressivité n’est pas l’apanage des patients psychiatriques.
Elle est souvent le reflet de la perception d’une menace. Elle
peut s’exprimer de façons très variées : agressivité passive,
agressivité verbale voire agressivité physique.
L’agressivité peut aussi témoigner d’un sentiment d’injustice
et de persécution. Se considérant comme victimes d’une
agression,
certains
patients
pensent
plus
ou
moins
consciemment qu’on « on leur veut du mal ». Le mécanisme de
défense mis en jeu est un mécanisme projectif.
4. Le caractère pathologique de la réaction
Il n’y a pas de stratégie défensive idéale vis à vis de la
maladie. Le caractère pathologique de la réaction et la
nécessité d’une intervention thérapeutique seront en général
les suivants :
- la souffrance du patient et son inadaptation à la situation
- le caractère inhabituel de la réaction dans son intensité
- le caractère inhabituel de la réaction dans sa durée.
6
III – LA RELATION MÉDECIN-MALADE
La relation thérapeutique médecin-malade est déterminée par de
nombreux facteurs, individuel et socio-culturels. De même que
le malade réagit à sa maladie en fonction de sa personnalité
propre, le médecin réagit face à son malade par un certain
nombre d’attitudes conscientes et inconscientes qui dépendent
de sa personnalité et de son histoire, et qui sont
susceptibles
d’infléchir
le
cours
de
la
relation
thérapeutique.
1. Les particularités psychiques et psychosociales du médecin
. Le choix individuel de la profession
Il s’explicite par des motivations conscientes sous-tendues
par des mobiles plus inconscients.
Ainsi les désirs de voir, comprendre, savoir, toucher, pouvoir
sont
sous
tendus
par
le
couple
pulsionnel
voyeurexhibitionniste plus inconscient. Les désirs conscients de
soulager, se rendre utile, réparer, gagner de l’argent sont
sous tendus par l’attrait de la réparation des tendances
agressives et sadiques.
. Les attentes de la société
Elles peuvent influer sur le choix de la profession. Elles
concernent : le savoir technique, l’altruisme, l’universalité
du pouvoir, le désintéressement, la neutralité affective,
morale, juridique voire politique et religieuse. Ces attentes
réelles ou imaginaires peuvent confronter le médecin à des
conflits internes.
2. Les caractéristiques générales de la relation médecinmalade
. Les données classiques
Avec ses symptômes, un malade demande certainement au médecintechnicien de le guérir de sa maladie, mais il demande aussi
d’autres choses. L’Homme malade demande soutien, réassurance,
sécurité et affection ; il demande donc à son médecin une
véritable relation affective et une disponibilité, compatibles
avec l’exigence de neutralité qui incombe au médecin.
Le médecin réagit devant son malade non seulement comme un
technicien averti des maladies, mais aussi comme personne
ayant une histoire propre, plus ou moins sensible à la
souffrance de l’autre.
Ainsi la relation médecin-patient a les caractéristiques
suivantes :
- c’est une relation fondamentalement fondée sur l’inégalité
et l’asymétrie, puisque la demande du patient le rend passif
et dépendant et puisque sa souffrance le mobilise et le
diminue.
7
- c’est une relation d’attente et d’espérance mutuelle : le
malade attend la guérison ou au moins le soulagement, le
soignant la reconnaissance de son pouvoir réparateur
- c’est une relation où le lieu d’échange est avant tout le
corps mais où la parole a sa place
- c’est une relation de confiance non égalitaire, impliquant
la distance et l’aseptie.
. L’apport du modèle psychanalytique
La théorie psychanalytique a défini le concept de transfert.
Il
s’agit
des
réactions
affectives
conscientes
et
inconscientes qu’éprouve le patient à l’égard de son médecin.
En effet, dans le cadre de la relation médecin-malade des
désirs inconscients sont actualisés et un certain nombre de
désirs insatisfaits du patient vont se projeter sur la
personne du médecin en ce qu’il représente – inconsciemment –
un autre personnage. Le malade peut ainsi répéter des
situations conflictuelles qu’il a vécu dans son passé.
La théorie psychanalytique a aussi défini le concept de
contre-transfert alors que le malade est sujet au transfert,
le contre-transfert se définit comme les réactions affectives
conscientes et inconscientes qu’éprouve le médecin vis à vis
de son patient. Ce contre-transfert et très directement lié à
la personnalité et à l’histoire personnelle du médecin.
Le plus souvent, le contre-transfert est positif, permettant
une relation médecin-malade de qualité caractérisée par
l’empathie du médecin et une action thérapeutique efficace.
Une relation médecin-malade de qualité fait référence au fait
que le médecin s’identifie au patient et comprend sa situation
tout en étant capable de garder une certaine distance vis à
vis de lui, distance requise par l’objectivité nécessaire à la
prise de décisions thérapeutiques.
Un contre-transfert excessivement positif risque de conduire à
une identification massive au malade et/ou à une perte
d’objectivité dans les soins.
Ailleurs, un contre transfert négatif induisant l’agressivité
et des frustrations excessives du malade peut être à l’origine
d’échecs de la relation thérapeutique. Il en est de même pour
une absence de contre-transfert qui peut conduire à une
froideur excessive.
. L’apport des travaux de M. Balint
M. Balint, psychanalyste hongrois, a développé une modalité
originale d’approche de la relation médecin-malade.
Ces travaux sont issus de quelques constatations : 1. il
existe un certain nombre d’insuffisances de la médecine
traditionnelle, qui étudie plus les maladies que les malades.
2. Un tiers de l’activité professionnelle d’un médecin
généraliste ne relève que d’une action psychothérapeutique et
3. que la relation médecin-malade s’organise entre 2 pôles
extrêmes de domination et de soumission auxquels correspondent
le pouvoir du médecin et la fragilité du malade.
8
Pour Balint, le médecin est un remède en soi, même si son
action est médiatisée par un médicament. Ainsi, une meilleure
maîtrise de la relation inter-individuelle doit permettre au
médecin d’établir avec son patient un échange affectif qui
aura des vertus curatives. C’est l’objectif des « Groupes
Balint » consacrés à l’approche en groupe des diverses
problématiques relationnelles médecin-malade.
. Les données récentes
La relation médecin-patient est actuellement en pleine
mutation.
Mettant en avant les droits de l’individu, notre société
souhaite faire évoluer la relation médecin-patient d’un modèle
« paternaliste » vers un modèle d’ « autonomie ». Cette
évolution se traduit notamment dans les nouvelles obligations
liées à l’information et consentement éclairé du patient
concernant les soins et à la communication du dossier médical
au patient.
Ainsi, le médecin risque d’avoir une marge de manœuvre
relativement
faible
entre
ses
obligations
éthiques
et
déontologiques anciennes d’une part et ces nouvelles modalités
de fonctionnement d’autre part.
D’une façon un peu schématique, la situation pourrait être
ainsi résumée : le médecin devra trouver un juste milieu entre
deux pôles extrêmes.
Le premier pôle est une relation dite « paternaliste » trop
inégalitaire, respectant insuffisamment l’individu, trop peu
concerté et informé des traitements.
Le
second
rôle
correspond
à
une
relation
dite
d’
« autonomie ».
Dans
cette
relation,
le
médecin,
désinvestissant son rôle et son statut de médecin, se
déresponsabiliserait de toute décision pour le patient : le
patient, sensé être capable de prendre les meilleures
décisions pour lui-même (dans les domaines aussi difficiles
que sa maladie ou sa mort par exemple), serait quant à lui
renvoyé à des décisions imprenables, car le mettant dans une
position ingérable en termes psychologiques et risquant de
conduire au fait qu’il ne bénéficie pas des meilleurs
traitements pour lui-même.
En pratique, et pour respecter le patient sans se dédouaner de
son rôle, le médecin se devra d’expliquer sa maladie au
patient en adaptant son langage à celui du patient. La
communication du dossier médical devra se faire, autant que
possible, dans le respect de ces grands principes.
3. Quelques situations pratiques
Quelques exemples particulièrement fréquents sont illustrés
dans ce paragraphe
. Attitudes face à l’angoisse
L’attitude la plus adaptée est le plus souvent une attitude
souple d’écoute bienveillante, centrée sur les préoccupations
9
du malade, associée
une attitude de ré-assurance et
d’explication des symptômes.
Certains médecins, au tempérament « actif » et « volontaire »
préfèreront des attitudes plus directives, qui entretiennent
l’image mythique du « médecin-Sauveur ». Elles sont soustendues par une tentative d’identification directe du malade
au médecin : « Soyez fort comme moi ». Ce type d’attitude
donne des résultats inconstants, parfois négatifs.
. Attitudes face à l’agressivité :
Les réactions agressives du médecin face à l’agressivité du
patient sont fréquentes car certains médecins tolèrent mal les
revendications agressives de leurs patients. Ces réactions
agressives sont à éviter car elles entraînent souvent une
escalade dans l’agressivité et une rupture de la relation
thérapeutique.
L’attitude la plus adaptée consiste, dans la mesure du
possible à reconnaître et nommer l’émotion du patient, ne pas
refuser le principe du dialogue mais sans chercher à discuter
rationnellement.
. Attitudes face à l’hypochondrie
L’hypochondriaque confrontera le médecin à l’impuissance
thérapeutique. Si le médecin l’accepte, il évitera toute
surenchère de médicalisation qui pérenniserait les troubles
voire les aggraverait.
. Attitudes face à la séduction histrionique
Ces patients, suggestibles, influençables, dépendants se
moulent au corps médical avec une plasticité étonnante. Guérir
pourrait alors signifier pou eux une rupture de ce lien
affectif.
Ce
phénomène
favorise
l’engrenage
des
hospitalisations abusives, de la iatrogénie, des bénéfices
secondaires. Le médecin doit avoir pour objectif de prévenir
cet engrenage.
. Effet non spécifique : effet placebo
Le placebo désigne toute substance pharmacologique inerte,
susceptible de modifier l’état du malade, soit en l’améliorant
(effet placebo-positif), soit en déclenchant des effets
indésirables (effet placebo-négatif ou effet nocebo).
L’effet placebo dépend de nombreux facteurs : nature des
symptômes pour lesquels il est administré, présentation du
placebo et modalités de sa prise (nombre et couleur des
comprimés), personnalité du sujet, influence du prescripteur.
Les sujets placebo-répondeurs sont plutôt les sujets sociables
et extravertis, qui ont une « attente » par rapport aux effets
du produit. Le prescripteur, influence la réponse au placebo.
La relation positive au médecin favorise la réponse au placebo
et par extension au traitement actif.
. Observance et relation médecin-malade
Une réaction médecin-malade de qualité est un facteur qui
favorise l’observance du traitement médicamenteux au long
cours.
10
Conclusion
L’ensemble de ces enjeux, dont la complexité est perceptible
justifie pour le moins une formation psychologique du médecin,
qui devrait être acceptée et reconnue par tous.
Dans une société en pleine mutation pour ce qui est de la
relation
médecin-patient,
cette
formation
permettra
au
médecin :
. d’éviter l’utilisation inadaptée et parfois pathogène
des dimensions psychologiques
. de jouer son rôle apaisant et réorganisateur à travers
la qualité de la relation établie avec le patient et son
entourage.
11
Indications de lectures complémentaires :
-
PH. JEAMMET et al. " Psychologie médicale ", coll. ABrégés,
Masson, Paris, 2° éd. 1996
BALINT M. " Le Médecin, son malade et la maladie " Trad.
J.P. VAlabrega,7° éd. Petite coll. PAYOT, PARIS, 1996
GUYOTAT J (éd) et al. Psychothérapies Médicales, collection
Médecine et Psychothérapie, Masson, Paris, 1978.
12
PREMIERE PARTIE : MODULES TRANSDISCIPLINAIRES
Module 3
-
Maturation et vulnérabilité
Question 48 - LES GRANDS COURANTS DE LA PENSÉE PSYCHIATRIQUE
Rédaction : M. Escande
Relecture : J.F. Allilaire, D. Pringuey, L. Schmitt
Objectifs :
· Connaître les grands courants de la pensée psychiatrique
Il est difficile de donner un aperçu des grands courants de la
pensée psychiatrique en quelques pages, du fait d’une part des
nombreuses approches théoriques du fait psychiatrique, d’autre
part des influences socio-culturelles et historiques qui ont
pesé sur la conception du trouble mental tout au long des
civilisations. Bien souvent, l’approche clinique, théorique et
thérapeutique d’un trouble mental vise un ou plusieurs
constituants d’un trouble. Il n’existe pas de modèles
théoriques synthétiques et holistiques qui rendent compte de
toutes les dimensions d’une personne affectée d’un ou a
fortiori de plusieurs troubles psychiques. La pratique et de
fait la pensée psychiatrique privilégie souvent l’approche
d’une des composantes du trouble. En outre il existe souvent
un écart plus ou moins étendu entre une pratique et son
support explicatif, comme par exemple entre les thérapeutiques
biologiques (ex : chimiothérapie neuroleptique) et les données
théoriques de leur mécanisme d’action.
Schématiquement,
l’ensemble
des
pratiques
et
théories
psychiatriques s’intègrent dans deux grands courants, le
courant biologique et le courant psychologique. Mais d’autres
mouvements influencent aussi la pensée psychiatrique en
particulier la psychosociologie qui vise l’influence des
divers courants sociaux (histoire, philosophie, linguistique,
religion, etc.) sur le fait mental, tout en soulignant que le
trouble psychique a existé de tous les temps.
A ces considérations, il faut ajouter les influences d’écoles
(ex : les sociétés de Psychanalyse) ou de personnes (ex :
Lacan) aux mobiles divers mais déterminants sur les concepts
voire les pratiques.
I – HISTORIQUE DES COURANTS DE PENSÉE
1. L’antiquité
L’approche de la Médecine est indissociable de la magie et de
la religion. La maladie est souvent perçue comme un péché, une
souillure, une impureté.
1
En Egypte, le papyrus Edwin Smith (1500 avant J.C.) donne une
première description des rapports entre le cerveau et le
fonctionnement mental.
Dans la Grèce antique, les poèmes d’Homère relate la folie
comme une offense des Dieux. La pensée médicale naît avec
Empédocle en Sicile avec sa théorie des qualités des quatre
éléments (terre, eau, air, feu) dans ses rapports avec les
quatre humeurs nécessaires au bien être : sang, flegme, bile
jaune et bile noire. C’est le début de la théorie des
tempéraments d’Hippocrate qui réunit les maladies de l’âme et
du corps : toutes les maladies sont physiques. Hippocrate
effectue une classification des troubles mentaux comprenant la
manie,
la
mélancolie,
la
paranoïa
ou
détérioration,
l’épilepsie,
en
relation
avec
le
tempérament
sanguin,
colérique, flegmatique ou mélancolique.
Pour Pythagore (500 avant J.C.), le cerveau est le siège de
l’intelligence et de la folie. Platon (427-347) avant J.C.)
décrit une hiérarchisation du psychisme : l’âme supérieure
(courage, ambition) localisée dans le cœur, l’âme inférieure
nutritive dans le foie. Aristote (384-322 avant J.C.) décrit
une âme végétative et une âme intellective humaine dont la
volonté vise l’obtention du plaisir et l’élimination de la
douleur.
2. L’héritage grec
Il est d’abord romain, puis arabe et juif.
Arétée de Cappadoce fait des descriptions fines de troubles
mentaux, en particulier l’amorce d’une conception unitaire de
la mélancolie et la manie.
Au 2ème siècle Galien développe la théorie humorale de
Hippocrate, les bases de l’affectivité et du comportement
apparaissant de nature biochimique. Ainsi l’excès de sang
conduit au tempérament sanguin, de bile jaune au tempérament
cholérique, de bile noire au tempérament mélancolique etc.
Au 6ème siècle, Alexandre de Tralles développe la théorie de
Galien
et
effectue
une
amorce
des
théories
« localisationnistes » cérébrales.
L’héritage hippocratique de la Médecine antique aboutit aux
prémices d’une Psychiatrie fondée sur 4 grandes maladies : la
frénésie et la léthargie associées à des états toxiinfectieux, la manie et la mélancolie, « folies sans fièvre »
L’héritage arabe ne sera transmis qu’au XIème siècle avec sa
traduction en latin.
3. Le moyen âge
Les malades relèvent de la Médecine ou de la religion. Le
trouble
mental
qui
est
l’équivalent
de
la
possession
démoniaque et du péché conduit souvent à l’Inquisition et au
bûcher (milliers de femmes et enfants torturés ou brûlés sur
la place publique), avec l’autorisation du pape Innocent VIII
et le soutien de l’empereur Maximilien 1er.
2
Simultanément, apparaît le début de l’Assistance aux malades,
mais plus sur un mode charitable que médical. Les Frères de la
Charité organisent des maisons en Espagne et en France. Les
premières
institutions
pour
hospitalisation
des
fous
apparaissent en 1173 à Bagdad, à Montpellier (1178), plus tard
à Londres (le Bedlam) au 16ème siècle.
Au XVIème siècle Jean de Wier en Belgique défend la thèse
médicale des troubles psychiques et éloigne la théorie
satanique.
4. Les XVIIème et XVIIIème siècles
C’est l’époque du dualisme cartésien qui sépare le corps et
l’esprit : (« je pense donc je suis… »).
C’est surtout l’époque de la naissance des asiles, de la loi
sur les aliénés.
En 1656 est fondé l’Hôpital Général de Paris en vue d’enfermer
les malades mentaux, insensés, mendiants, prostituées et
correctionnaires, par lettre de cachet de l’autorité royale,
le plus souvent à la demande des familles. Ainsi on protège la
cité
des
malades,
tout
en
s’occupant
de
ceux-ci.
L’insuffisance des hôpitaux est complétée par les dépôts de
mendicité et les maisons de force.
Au XVIIIe siècle la vocation charitable des hôpitaux est
progressivement remplacée par une fonction de soins. Sous
l’impulsion de Necker, la circulaire de 1785 définit les
asiles comme lieux de soins.
La même année, un médecin écossais, Cullen utilise le terme de
névrose et propose une classification des troubles psychiques
d’essence neuro-fonctionnelle.
En 1800, après avoir enlevé les chaînes aux aliénés à Bicêtre,
Pinel écrit le « traité médico-philosophique sur l’aliénation
mentale ou la manie ». Ce traité diffusé en Europe marque la
naissance de la Psychiatrie.
5. Le XIXème siècle : la naissance de la Psychiatrie
Elle se développe en Allemagne en opposant les partisans des
causes
psychiques
(Heinroth)
et
des
causes
organiques
(Griesinger).
En France naissent les premières classifications des maladies
mentales avec Esquirol (les monomanies) et Chaslin (la folie
discordante).
Kraepelin en 1883 en Allemagne regroupe l’hébéphrénie (Ecker),
la catatonie (Kahlbaum) et le délire paranoïde dans le cadre
de
la
démence
précoce,
qui
deviendra
en
1911
les
« schizophrénies » de E. Bleuler.
Au début du XXème siècle c’est la floride époque descriptive
des aliénistes français : délire chronique interprétatif
(Serieux et Capgras), bouffée délirante aiguë (Magnan),
psychose hallucinatoire chronique (G. Ballet), folie maniacodépressive (J. Baillarger, J.P. Falret).
3
En 1913, la description de la paralysie générale par Bayle
(1822), est rattachée à la méningo-encéphalite syphilitique.
Elle alimente un fort courant organiciste et localisateur de
la Psychiatrie.
Entre
temps,
la
loi
de
1838
fixe
les
modalités
d’hospitalisation des malades en « placement volontaire » et
« placement d’office », loi qui durera jusqu’en 1990.
II – LES THÉORIES DE LA PSYCHIATRIE CONTEMPORAINE
Au XXème siècle au paradigme de l’aliénation mentale se
substitue un courant de classification des troubles psychiques
et
de
psychopathologie.
Simultanément
se
développe
la
Psychopathologie générale, la Psychanalyse, la Phénoménologie,
la
Psychiatrie
Biologique,
les
thérapies
cognitivocomportementales, les approches socio-culturalistes.
1. Le courant de Psychopathologie générale
K. Jaspers en Allemagne avec son traité de Psychopathologie
Générale sépare certains troubles psychiques réactionnels à un
événement, vécus en continuité avec l’histoire du sujet et les
processus pathologiques en rupture avec celle-ci.
Kretschmer en Allemagne établit des liens de continuité entre
un trouble psychique et un trouble de la personnalité, du
caractère
et
de
la
morphologie ;
il
individualise
la
personnalité sensitive et les paranoïas bénignes.
En France, l’organo-dynamisme de H. Ey suscite de nombreux
adeptes, influencé par la philosophie jacksonienne, visant à
séparer
et
hiérarchiser
les
troubles
négatifs
de
désorganisation et le caractère organisationnel d’autres
symptômes.
2. Le courant phénoménologique
Influencé par la philosophie de Husserl, ce courant vise à
passer de l’approche de troubles à l’approche du malade dans
son existence et son rapport au monde et à autrui. L’analyse
de la manière du malade d’être-dans-le-monde, dans son
« Dasein » a donné naissance à l’analyse existentielle de
Binswanger.
3. Le courant de la Psychanalyse
Dès 1895, avec son inventeur S. Freud, elle se situe à la fois
dans la continuité et la rupture avec les pratiques
psychothérapiques non codifiées de l’époque (ex : traitement
humaniste et moral de Ph. Pinel, l’hypnose de Charcot et
Bernheim au XIX siècle).
S.
Freud,
malgré
ses
premières
expériences
de
neurophysiologiste et de neuro-anatomosite, va se dégager des
« théories »
neuro-organicistes
et
atomistiques
ou
« fonctionnelles » des troubles psychiques. Influencé par
Darwin, il est rapidement convaincu que la passé éclaire le
4
psychisme
présent
et
ses
troubles.
En
outre
il
est
fondamentalement médecin et thérapeute. Pour la première fois
il parle en 1896 de « psycho-analyse ». Mais surtout il
commence à élaborer ses concepts théoriques des névroses,
rejetant
l’organicisme,
l’hérédité,
,
l’inné
et
les
évènements extérieurs, pour défendre une théorie de l’acquis
interne. Il conçoit rapidement l’anxiété et les symptômes
névrotiques comme des compromis psycho-défensifs vis-à-vis des
traumatismes
psychiques
réels
et/ou
fantasmatiques
qui
affectent la vie psychosexuelle infantile.
En 1915, il a élaboré à la fois une pratique psychothérapique
et
une
théorie
de
l’appareil
psychique,
centrées
sur
l’hypothèse
de
l’existence
de
processus
psychiques
inconscients reliés dynamiquement aux processus conscients,
les premiers dérangeant excessivement les seconds par l’échec
de leur refoulement. Grâce à la spécificité du cadre
psychanalytique qu’il invente, les données de sa pratique vont
conforter S. Freud sur le justesse de ses vues. La technique
de l’association libre, la régression psychique induite par le
dispositif, l’émergence du sens personnel et historique donné
à certains contenus psychiques, l’apparition du transfert,
vont bouleverser la conception des rapports existant entre les
patients d’une part, les psychiatres et psychologues d’autre
part.
Sous l’influence de S. Freud et de la psychanalyse, la
Psychiatrie devient moins classificatrice et descriptive, de
plus en plus convaincue que la relation thérapeutique a une
forte influence sur l’évolution des troubles.
La définition de 1923 de S. Freud reste encore pour beaucoup
une référence :
- procédé
d’investigation
des
processus
psychiques,
notamment du préconscient, non accessibles autrement,
- méthode de traitement des troubles névrotiques,
- conception du psychisme humain acquise par ce moyen.
Pour S. Freud l’objet de la psychanalyse est centré par la
sexualité infantile qui est restée hyperconflictuelle et a
résisté au refoulement.
Certes, la théorie psychanalytique de S. Freud reste en marge
de la Médecine et de la Psychiatrie. Néanmoins elle propose
une théorie de l’appareil psychique , utilisable par tous. Au
fil des ans, S. Freud l’a considérablement enrichie en
rajoutant la fonction fondatrice du narcissisme, la dualité
des pulsions de vie et de mort, la division de l’appareil
psychique en ça, Moi et Surmoi, l’importance de la relation
d’objet.
Les disciples et successeurs de S. Freud ouvrirent des champs
de pratique et de théorisation souvent très enrichissants.
La théorie psychanalytique a été appliquée à de multiples
champs de pratique de la Psychiatrie et même de la Médecine,
en vue de dynamiser et de mieux comprendre ces pratiques.
5
Parmi
les « applications » qui en ont le plus bénéficier,
citons :
- le psychodrame (en Psychiatrie de l’enfant et de
l’adolescent)
- la psychothérapie psychanalytique de groupe (D. Anzieu
etc…)
- la relaxation psychodynamique
- la Médecine psychosomatique
- la psychothérapie familiale
- les groupes Balint (pour la formation psychologique des
médecins)
- le
travail
d’aide,
d’élaboration
psychique
et
de
réflexion
théorique
des
soins
psychiatriques
institutionnels.
- les pratiques d’art-thérapie
- les articulations chimiothérapies-psychothérapies
Les progrès réels et souhaitables dans le domaine des neurosciences et de la neuropsychologie cognitive n’enlèveront
jamais à la Psychanalyse sa qualité fondamentale et spécifique
d’écoute
et
de
compréhension.
Néanmoins
l’expérience
psychanalytique n’est applicable qu’à celle ou celui qui s’y
laisse prendre. La Psychanalyse ne permet pas de s’appliquer.
Elle permet de réfléchir sur un mode analytique aux autres
pratiques.
4. Le courant comportementaliste
Il vise l’amélioration des comportements dysfonctionnels ou
mal adaptés par l’observation et la quantification des
troubles nés sous l’influence de l’apprentissage ou du
conditionnement. Il est donc basé sur les principes de la
théorie de l’apprentissage. Les premières applications à
l’homme du contre-conditionnement se situent en 1950 avec
Skinner aux USA, Wolpe en Afrique du Sud. Les premières
applications thérapeutiques ont visé la désensibilisation
systématique
de
l’anxiété
pathologique,
en
déclenchant
l’anxiété en situation thérapeutique et en l’éteignant par la
relaxation apprise. La méthode implique la hiérarchisation des
stimuli anxiogènes (situations, lieux, objets, animaux, etc…)
qui provoquent une anxiété croissante.
La thérapie comportementale est basée sur le désapprentissage
des
symptômes
et
comportements
pathologiques
et
l’apprentissage de la relaxation permettant d’aborder les
stimuli anxiogènes de façon à las maîtriser puis les
supprimer. Les indications sont les phobies, les obsessions,
les dysfonctionnements sexuels.
D’autres techniques se sont par la suite développées. Parmi
les plus importantes citons :
L’exposition graduée, fondée sur la désensibilisation
sans entraînement à la relaxation.
6
L’immersion (flooding), fondée sur le fait que la fuite
d’une
situation
angoissante
renforce
l’anxiété
par
conditionnement.
le modeling de participation consiste à apprendre un
nouveau comportement par imitation ou apprentissage d’un
modèle (le thérapeute).
l’affirmation de soi et le développement des compétences
sociales visent l’apprentissage de comprotements adaptés à
certains
buts
relationnels
et
sociaux
(cf.
phobies
sociales).Parmi les autres applications, citons les thérapies
aversives (abus d’alcool), les thérapies avec renforcement
positif par utilisation de récompenses.
Toutes ces thérapies ont démontré leur efficacité au fil des
ans sans réussir à constituer un corps théorique ou réflexif
car exclusivement centrées sur l’effet thérapeutique.
5. Le courant cognitiviste
Il dérive d’une sous-discipline de la Psychologie Clinique née
au début du XXe sciècle, la Psychologie cognitive, elle même
dérivée de la Psychologie expérimentale. Initialement la
Psychologie cognitiviste vise la connaissance des perceptions,
apprentissages,
processus
attentionnels,
mémorisations,
raisonnements qui permettent la prise de décision, la
résolution des problèmes, la programmation des pensées et des
actes, etc…
La thérapie cognitive est orientée vers les troubles
actuels.
Elle est appliquée aux traitements des TOC, du trouble
panique, surtout de la dépression. La thérapie est fondée sur
le fait que la dépression est le résultat de pensées négatives
de soi (sentiment d’insuffisance, d’être sans valeur), du
monde extérieur et du futur. Elle vise donc à développer des
schémas
de
pensée
positifs,
à
effacer
les
croyances
inadaptées.
Ces thérapies durent 20 à 30 semaines.
La psychologie cognitive
Elle
vise
l’analyse
des
processus
d’acquisition
et
d’utilisation des connaissances et des performances dans des
situations standardisées (temps de réaction, taux d’erreurs,
rapports verbaux, apprentissages, mémoire, résolution d’une
situation expérimentale etc…).
Des avancées sont nées du couplage de l’analyse cognitive et
des techniques d’imagerie cérébrale pour la construction de
théories explicatives en Psychiatrie. A ce jour, c’est
indiscutablement la schizophrénie qui a le plus bénéficié de
ce type de recherche, en particulier pour étayer la théorie
neuro-développementale.
Ces
approches
sont
d’autant
plus
prometteuses
que
la
Psychologie cognitive tend à intégrer de plus en plus la
dimension des émotions.
7
6. Le courant de Psychiatrie Biologique
Ce courant est né de l’efficacité relative de certains
traitements biologiques vis à vis de certains troubles
psychiques,
traitements
le
plus
souvent
découverts
fortuitement, bien avant en tous cas que les recherches
fondamentales. réussissent à expliquer une partie de leurs
effets thérapeutiques.
En 1938 Cerletti et Bini en Italie construisent un appareil
(sismothère) qui provoque des convulsions. C’est le début de
l’électro-convulsivothérapie qui va s’avérer efficace dans les
troubles de l’humeur (mélancolie, manie, états mixtes), les
accès évolutifs (délirant, catatonique) de la schizophrénie,
les bouffées délirantes aigues.
Mais le véritable point de départ du courant de Psychiatrie
Biologique coïncide avec l’avènement et l’application par
Delay et Deniker du premier neuroleptique : la chlorpromazine
(Largactil) en 1952. Ce médicament très efficace, vis à vis
des
divers
symptômes
maniaques,
psychotiques
aigus
et
chroniques,
va
changer
le
climat
des
institutions
psychiatriques et l’état d’esprit des psychiatres.
L’arsenal chimiothérapique s’enrichit en 1957 du premier
antidépresseur tricyclique, l’imipramine (Tofranil), en 1960
de la première benzodiazépine le chlodiazépoxide (Librium).
Dès lors, la recherche pharmacologique expérimentale va
essayer
de
comprendre
les
mécanismes
d’action
neurophysiologiques
et
neurochimiques
des
médicaments
psychotropes , mais aussi synthétiser de nouvelles molécules
de façon à améliorer le ratio efficacité/tolérance.
Le lithium avait été prescrit , lui aussi par hasard, dans le
traitement de la manie dès 1949 par Cade, mais avec une
mauvaise maîtrise clinique. Grâce à la possibilité du dosage
sanguin, il est ré-introduit en 1970 avec l’efficacité et le
contrôle clinico-biologique qu’on lui connaît.
Avec les progrès des connaissances neurochimiques naissent
vers 1960, les premières théories mono-aminergiques de la
maladie dépressive (insuffisance de neuro-transmission en
sérotonine
ou
en
noradrénaline),
puis
la
théorie
dopaminergique
de
la
schizophrénie
(hyperfonctionnement
dopaminergique mésolimbique, hypofrontalité).
Au cours des 25 dernières années, ont été créés des
antidépresseurs non tricycliques, inhibiteurs sélectifs de la
re-capture de la sérotonine (5 HT). comme la fluoxétine
(Prozac), des antipsychotiques qui agissent électivement sur
les récepteurs dopaminergiques D2 et 5 HT.
Le courant récent de recherche couplant les données de la
neuropsychologie
cognitive
et
développementale
et
des
techniques modernes d’imagerie cérébrale (Tomographie par
émission de positions ou PET) pourrait faire avancer la
connaissance
de
certains
facteurs
de
causalité
de
la
schizophrénie,
en
particulier
des
dimensions
neurodéveloppementales. Le développement de la Biologie moléculaire
8
de la Génétique des comportements pourrait permettre d’ici peu
de connaître les gênes impliqués dans la transmission de la
vulnérabilité génétique aux maladies dépressives unipolaires
et bipolaires, à la psychose schizophrénique.
7. Le courant d’inspiration socio-culturelle
Il s’est développé après la deuxième guerre mondiale à partir
du freudo-marxisme de l’éthnopsychiatrie, surtout de la
théorie des systèmes. Ainsi avec G. Bateson et P. Watzlawick à
Palo Alto, le courant anthropo-sociologique et systémique a
permis de mieux connaître les distorsions communicationnelles
existant dans les familles de schizophrènes (doubles liens,
injonctions paradoxales etc.). Ces études sont à l’origine des
thérapies familiales systémiques.
8. Le courant clinique critériologique
Il est dominé par les DSM américains qui établissent les
diagnostics psychiatriques à partir de la présence d’un
certain nombre de symptômes cliniques et comportementaux (axe
1) et de traits de caractère et de personnalité (axe 2). Ce
courant est incontournable depuis la publication en 1980 du
DSM III ; en particulier pour toute recherche en Psychiatrie
qui nécessite des critères communs à toutes les équipes.
9
PREMIÈRE PARTIE : MODULES TRANSDISCIPLINAIRES
Module 4 – Handicap – incapacité - dépendance
Question 52
Le handicap mental. Tutelle, curatelle, sauvegarde de justice
Rédaction : Jean Louis Senon, Nicolas Lafay
Tutelle, curatelle, sauvegarde de justice : principes d’application et principes
d’utilisation
Principes généraux de la protection de l’incapable majeur
Un des principes fondamentaux du Droit civil français est que toute personne âgée
de 18 ans révolus est apte à réaliser tous les actes de la vie civile. La capacité civile
du majeur concerne en particulier l’aptitude à l’administration et à la disposition de
ses biens personnels. La loi prévoit néanmoins que le majeur, « qu’une altération de
ses facultés personnelles met dans l’impossibilité de pourvoir seul à ses intérêts »,
soit protégé par la loi. Quand la loi autorise l’intervention d’un tiers, il s’agit donc
d’apporter aide et protection à un patient qui pourrait se nuire ou nuire à ses
intérêts du fait d’altérations transitoires ou définitives de ses capacités de
discernement.
Le cadre légal de la protection de l’incapable majeur est la loi du 3 janvier 1968, «
loi portant réforme du droit des incapables majeurs », qui prévoit un ensemble de
mesures modulables pour assurer sa protection sur le plan de la vie civile, de la plus
légère à la plus contraignante : sauvegarde de justice, curatelle et tutelle. Les
modalités d’application de cette loi figurent dans le Code civil au titre XI, dans les
articles 488 à 514 :
 L’article 488 du Code civil détermine que « la majorité est fixée à 18 ans ; à cet
âge on est capable de tous les actes de la vie civile. Est néanmoins protégé par la
loi, soit à l’occasion d’un acte particulier, soit de manière continue, le majeur
qu’une altération de ses facultés personnelles met dans l’impossibilité de
pourvoir seul à ses intérêts ; peut pareillement être protégé le majeur qui, « par
sa prodigalité, son intempérance ou son oisiveté, s’expose à tomber dans le
besoin ou compromet l’exécution de ses obligations familiales ».



L’article 489 du Code civil confirme que tout sujet de droit est présumé sain de
corps et d’esprit. C’est ainsi que « pour faire un acte valable, il faut être sain
d’esprit, mais c’est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver
l’existence d’un trouble mental au moment de l’acte ».
L’article 490 du Code civil confirme que les mesures de protection s’appliquent
aux troubles mentaux ou aux handicaps corporels ; il détermine que « lorsque les
facultés mentales sont altérées par une maladie, une infirmité ou un
affaiblissement de l’âge, il est pourvu aux intérêts de la personne par l’un des
régimes de protection prévus. Les mêmes régimes sont applicables à l’altération
des facultés corporelles si elle empêche l’expression de la volonté ». Ce même
article fait du médecin l’artisan des mesures de protection : « l’altération des
facultés mentales ou corporelles doit être médicalement établie ».
Ce même article 490 dissocie mesures de traitement, hospitalisation et
protection de l’incapable majeur : « les modalités du traitement médical,
notamment quant au choix entre hospitalisation et soins à domicile, sont
indépendantes du régime de protection ».
La sauvegarde de justice
1. Indications et procédure :
La sauvegarde de justice est la moins contraignante et la plus temporaire des
mesures de protection. Elle s’adresse à un majeur qui présente une altération des
facultés personnelles qu’elle soit due à un trouble mental ou à une pathologie
physique qui altère momentanément ses capacités civiles. Il s’agit donc d’une mesure
provisoire. Cette mesure est surtout indiquée en psychiatrie pour une pathologie
transitoire ou de courte durée : épisode maniaque, coma, état oniroïde, suspicion de
forme de début de démence.
Deux modalités de mise en place d’une sauvegarde de justice sont possibles :
 le médecin traitant fait une déclaration au procureur de la République dans un
certificat qui constate l’altération des capacités personnelles physiques ou
mentales du malade qui le rend incapable de pourvoir seul à ses intérêts
(certificat de sauvegarde de justice). S’il s’agit d’un médecin libéral, cette
déclaration doit être accompagnée d’un certificat d’un médecin spécialiste,
inscrit sur la liste du procureur de la République. Le certificat d’un médecin
hospitalier suffit.
 Le juge des tutelles peut prononcer une sauvegarde de justice s'il est saisi d’une
demande de tutelle ou de curatelle. La responsabilité du médecin traitant peut
être engagée s’il ne fait pas le nécessaire pour protéger un malade qui présente
une altération transitoire ou durable de ses capacités personnelles, en
particulier quand il a connaissance de manœuvres de proches pour s’approprier le
patrimoine de son patient. Il s’agit d’une mesure provisoire et la loi ne fait pas
obligation au médecin qui fait la déclaration de prévenir le patient ou sa famille.
2. Durée, cessation et recours
La sauvegarde de justice est prononcée pour une durée de deux mois,
éventuellement renouvelable quand le médecin en a établi la procédure. Elle peut
être prolongée de six mois.
Le nombre de renouvellements n’est pas limité. Si la mesure est prise par le juge
des tutelles elle se poursuit jusqu’à l’ouverture de la curatelle ou de la tutelle. Elle
prend fin d’elle même à l’expiration du délai de sa déclaration. Un recours n’est pas
envisageable de ce fait.
3. Conséquences
La sauvegarde de justice a des effets limités : le majeur est protégé par une
possibilité d’action en annulation ou en réduction pour excès, au nom du principe
selon lequel la personne protégée ne peut se léser. Du vivant du protégé, ces actions
peuvent être engagées par le patient, sa famille ou le juge des tutelles dans un délai
de cinq ans après un acte civil. Après le décès du protégé, ces mêmes actions
peuvent être diligentées par les héritiers. Les tribunaux saisis d’une demande en
annulation ou en réduction d’un acte civil ayant lésé le protégé décident en prenant
en compte les biens matériels en cause, et surtout la bonne foi de ceux qui ont
traité avec le protégé et qui peuvent l’avoir abusé.
Par contre, la sauvegarde de justice n’a pas de conséquences pour les droits civils ou
civiques du protégé.
Une mesure proche est celle de l’institution d’un mandataire spécial conformément à
l’article 491-5 du Code civil. Celui-ci est désigné par le juge des tutelles et peut
faire les actes de la vie civile d’administration nécessaires à une protection
d’urgence du malade. Comme la sauvegarde de justice, cette mesure peut être
appliquée d’urgence si l’état du malade justifie cette aide. L’avis sur la nécessité de
la nomination d’un mandataire spécial peut émaner de tout intéressé, comme par
exemple du service social de l’hôpital. Le médecin peut aussi être à l’origine de la
mesure. Le mandataire peut être un proche ou un professionnel.
La tutelle
1. Indications et procédure
La tutelle s’adresse à un majeur présentant une pathologie ou un handicap confirmés
et durable, ayant besoin d'être représenté de façon continue pour tous les actes de
la vie civile.
En psychiatrie elle s’applique donc par exemple aux pathologie déficitaires
durables : psychoses schizophréniques, démences, insuffisances intellectuelles
profondes…La demande émane du malade, du conjoint, de la famille, du curateur,
des proches, du procureur de la république ou du juge des tutelles lui-même . Cette
demande est destinée au juge des tutelles du tribunal d’instance dont relève le
domicile du patient. Le certificat médical constatant l’altération des facultés est
établi par un psychiatre figurant sur la liste spéciale du procureur de la république
du Tribunal de Grande Instance. Ce certificat médical constate l’altération des
facultés intellectuelles et physiques et démontre l’incidence de la maladie ou du
handicap sur les actes de la vie civile (certificat tutelle). L’instruction préalable fait
que l’intéressé est obligatoirement entendu. Une enquête sociale, l’avis du conseil
éventuel, la réunion du conseil de famille sont diligentés par le juge des tutelles.
Le tuteur peut être le conjoint, un enfant, ou tout autre personne physique ou
morale (associations) nommée par le juge des tutelles. Le tuteur administre
légalement le patrimoine du protégé sous le contrôle du juge des tutelles à qui il
rend compte.
2. Durée, cessation et recours :
Il s’agit d’une mesure durable qui persiste jusqu’à une mainlevée qui obéit à la même
procédure. La cessation obéit aux mêmes formalités que l’ouverture. Un certificat
médical d’un psychiatre appartenant à la liste du procureur de la république qui
constate la récupération des fonctions intellectuelles est transmis au juge des
tutelles. Celui-ci ouvre une procédure de mainlevée avec audition du protégé, du
tuteur, du conseil de famille, et éventuelle enquête sociale. Sur l’ensemble de ces
éléments le juge des tutelles peut lever la mesure contestée. Le recours se fait
auprès du juge des tutelles par le protégé ou toute personne habilitée à demander
l’ouverture de la tutelle. Il doit s’appuyer sur un certificat médical circonstancié
d’un spécialiste inscrit sur la liste spéciale du procureur de la République.
3. Conséquences
Le protégé perd sa capacité civile : il ne peut voter et n’est pas éligible. Le protégé
est totalement privé de ses capacités civiles, civiques et juridiques et doit être en
toutes circonstances de sa vie civile représenté par son tuteur. Les actes
postérieurs à l’ouverture de la tutelle sont nuls en droit, les actes passés peuvent
être annulés, en particulier si une sauvegarde de justice à été enregistrée
antérieurement. Tout testament, toute donation ne peuvent se faire qu’avec
l’accord du conseil de famille et ne concernent que le conjoint ou un descendant. Le
mariage nécessite la consultation du conseil de famille et/ou des parents.
D’après l’article 501 du Code civil, le juge peut énumérer certains actes que la
personne aura la possibilité de réaliser elle même soit seule, soit avec l’assistance
du tuteur.
Différents types de tutelles peuvent être diligentés par le juge :
 Dans la tutelle complète, le tuteur gère les biens à la place du protégé et fait
seul les actes conservatoires dans l'intérêt de celui-ci ; le tuteur de plein droit
est le conjoint sauf si le juge l’interdit. Le conseil de famille occupe une place
importante auprès du tuteur ; il est présidé par le juge des tutelles et comporte
4 à 6 membres nommés par celui-ci. Le subrogé-tuteur surveille la gestion du
tuteur.
 L’administration légale est une tutelle allégée et administrative sans conseil de
famille ni subrogé-tuteur. L’administrateur légal gère les biens. Le gérant de
tutelle reçoit les revenus et assure avec ceux-ci la vie matérielle du protégé.
 La tutelle d’état est une tutelle simplifiée où le tuteur assure sa mission sans
intervention de subrogé-tuteur ni du conseil de famille. La tutelle est confiée au
préfet qui délègue cette mission au directeur de l’action sanitaire et sociale. Les
délégués à la tutelle d’état sont nommés sur une liste établie par le procureur de
la république, après avis du préfet.
 Dans la tutelle aux prestations sociales, le tuteur reçoit les prestations sociales
du protégé et effectue les règlements des dépenses de première nécessité.
C’est une forme de tutelle qui s’adresse aux malades ayant un handicap modéré
et n’ayant comme seule ressource que des prestations sociales : RMI, Allocation
Adulte Handicapé, Allocation logement…
La curatelle
1. Indications et procédure
Une curatelle est une mesure de protection intermédiaire entre sauvegarde de
justice et tutelle.
Elle s’adresse à un malade présentant une pathologie ou un handicap et qui a besoin
d'être protégé de façon durable mais adaptée et souple. Elle s’adresse aux patients
présentant des pathologies chroniques déficitaires que l’on souhaite protéger de
décisions intempestives touchant leur patrimoine, tout en préservant au maximum
leur autonomie et leur vie sociale.
Elle peut être considérée comme une mesure de contrôle et de conseil d’aide à la
gestion, d’assistance, confiée par le juge des tutelles à un curateur.
La procédure est identique à celle décrite pour la tutelle : demande du malade, du
conjoint, de la famille, du curateur, du procureur de la république ou du juge
adressée au juge des tutelles avec un certificat médical constatant l’altération des
facultés mentales ou physiques établi par un psychiatre figurant sur la liste spéciale
du procureur de la République. Ce certificat précise que le protégé doit « être
conseillé ou contrôlé dans les actes de la vie civile »(certificat curatelle).
2. Durée, cessation et recours
Il s’agit d’une mesure durable ; la cessation obéit aux mêmes formalités que
l’ouverture. Le recours se fait après du juge des tutelles par le protégé ou toute
personne habilitée à solliciter l’ouverture de la curatelle.
3. Conséquences
Sur le plan civique, le protégé conserve le droit de vote mais ne peut être éligible.
Son mariage comme une donation ne peuvent être faits sans l’avis du curateur. Il
peut faire un testament s’il est sain d’esprit ; il lui appartient de l’établir par un
certificat d’un spécialiste inscrit sur la liste du procureur de la république. Le
protégé conserve une autonomie pour les actes conservatoires et d’administration
de son patrimoine mais il existe une possibilité d’action en nullité ou en réduction si
le trouble mental au moment de l’acte peut être prouvé.
Le protégé ou le curateur peuvent demander l’annulation d’un acte réalisé sans
l’accord du curateur. L’action en nullité est soumise à l’appréciation du tribunal.
Un autre type de curatelle est possible, la curatelle spéciale (article 512 du Code
civil) ou curatelle renforcée. Dans ce cas le curateur a les mêmes pouvoirs que le
tuteur : on parle de curatelle aggravée : il s’agit donc d’une protection intermédiaire
entre tutelle et curatelle qui, de fait, à l’avantage par rapport à la tutelle de
conserver le droit de vote au patient.
Certificat en vue de l’ouverture d’une SAUVEGARDE DE JUSTICE
Destinataire : M le Procureur de la République
Tribunal de Grande Instance du département
Je, soussigné, Docteur
(préciser la qualification éventuelle en psychiatrie)
certifie avoir examiné le (date)
Monsieur
né le à
domicilié à
Ce patient nécessite une protection dans les actes de la vie sociale. Il doit être
placé sous sauvegarde de justice.
Signature
Certificat en vue de l’ouverture d’une TUTELLE
Destinataire : M le Juge des Tutelles
Tribunal d’Instance
Je, soussigné, Docteur
(préciser la qualifiation éventuelle en psychiatrie)
certifie avoir examiné le (date)
Monsieur
né le à
domicilié à
et avoir constaté l’altération de ses facultés mentales (et/ou corporelles). :
(présenter éventuellement un descriptif des altérations constatées)
Ce patient nécessite d’être représenté d’une manière continue dans les actes de
la vie civile. Pour cette raison, l’ouverture d’une tutelle paraît justifiée.
Le malade peut être entendu par le juge des tutelles sans que cela porte préjudice à
sa santé.
(ou : ... ne peut être entendu ; ou : ... peut être entendu à l’hôpital).
Signature
Certificat en vue de l’ouverture d’une CURATELLE
Destinataire : M le Juge des Tutelles, Tribunal d’Instance
Je, soussigné, Docteur
certifie avoir examiné le (date)
Monsieur
né le à
domicilié à
et avoir constaté l’altération de ses facultés mentales (et/ou corporelles).
(Présenter éventuellement un descriptif des altérations constatées)
Ce patient nécessite d’être représenté d’une manière continue dans les actes de
la vie civile. Pour cette raison, l’ouverture d’une curatelle paraît justifiée.
Le malade peut être entendu par le juge des tutelles sans que cela porte préjudice à
sa santé.
(ou : ... ne peut être entendu ; ou : ... peut être entendu à l’hôpital).
Signature
POUR EN SAVOIR PLUS :
Albernhe T. : Psychiatrie et handicap, Masson, 1997
Cerruti F. R. : Médilex, Guide Juridique médical, Le Quotidien du Médecin, 1994
Godfryd M : Le droit et la santé mentale par les textes, Heures de France, 2000
Jonas C. : Législation hospitalière in Senon J. L., Sechter D., Richard D :
Thérapeutique psychiatrique, Hermann, 1995
Jonas C. : Mesures de protection in Senon J. L., Sechter D., Richard D :
Thérapeutique psychiatrique, Hermann, 1995
Senon J. L., Sechter D., Richard D. : Mémento de thérapeutique psychiatrique,
Hermann, 1996
Tribolet S., Desous G. : Droit et psychiatrie, Heures de France, 1995
Tyrode Y., Albernhe T. : Psychiatrie légale, Ellipses, 1995
PREMIERE PARTIE : MODULES TRANSDISCIPLINAIRES
Module 5 - Vieillissement
Question 63 - DÉPRESSION DU SUJET ÂGÉ
Rédaction : I. Jalenques
Objectifs :
· Diagnostiquer un état dépressif chez une personne âgée
· Argumenter l'attitude thérapeutique et planifier le suivi du
patient
ÉPIDÉMIOLOGIE
Les estimations de prévalence varient sensiblement selon les
études et en fonction des instruments d’évaluation et des
populations recrutées. En population générale, les taux sont de 1
à 4 % lors d’études basées sur les critères du DSM ou
d’instruments standardisés tels que le Diagnostic Interview
Schedule, mais atteignent 11 à 16 % lorsque les évaluations
reposent sur des instruments spécifiques des populations âgées.
De même, les taux de prévalence varient de 7 à 36 % parmi les
patients ambulatoires, pour atteindre 15 à 43 % des patients
hospitalisés et 42 à 51 % des patients en institution.
CONTEXTE
L’avancée
en
âge
implique
des
changements
biologiques,
psychologiques et sociaux qui se manifestent de manières très
hétérogènes
d’un
sujet
à
l’autre.
Les
modifications
du
fonctionnement cognitif liées au vieillissement, et quelques
pathologies organiques cérébrales (« dépression vasculaire »,
dépression et démences) jouent un rôle dans la survenue de
certaines dépressions tardives.
Le vieillissement corporel et ses perturbations (endocriniennes,
…) voire, plus encore, les polypathologies de certains sujets âgés
influencent non seulement la survenue des dépressions mais aussi
la démarche diagnostique et thérapeutique (Jalenques et al., 7, 8,
9, 10). Les facteurs iatrogènes doivent systématiquement être
recherchés.
Enfin, la position sociale qui se modifie et les échéances qui se
rapprochent, rendent nécessaire une adaptation des stratégies
interpersonnelles et intrasubjectives.
Principales classes médicamenteuses associées aux dépressions
iatrogènes
(d’après Dhondt et al. 2002, 4)
-
médicaments du système nerveux central
antagonistes calciques
médicaments du tractus respiratoire
médicaments gastro-intestinaux, métaboliques
β-bloquants non sélectifs
-
médicaments à tropisme neurologique
benzodiazépines
corticothérapie générale
β-bloquants
La démarche diagnostique doit intégrer une évaluation psychique
(humeur, cognition, vigilance, comportement, gestion des pulsions,
…), somatique et des facteurs précipitants possibles (médicaments,
environnement …) tout en gardant en permanence à l’esprit que le
poids respectif de ces divers facteurs est toujours susceptible
d’évolution à court ou long terme. Dans le cas contraire, le
clinicien se heurtera immanquablement aux limites des approches
standardisées.
L’examen psychiatrique met classiquement en évidence une rupture,
avec de nets bouleversements symptomatiques par rapport à l’état
antérieur du sujet. Des particularités cliniques sont à connaître.
La tristesse de l’humeur dépressive peut être remplacée par une
irritabilité,
une
hostilité
permanente
à
l’encontre
de
l’entourage, ou un émoussement affectif. L’anhédonie, au même
titre que les autres symptômes, n’apparaît pas comme une
exagération des signes physiologiques du vieillissement, mais
pénible, douloureuse, permanente. Le ralentissement psychomoteur
est d’autant mieux apprécié que l’on dispose de points de repère
antérieurs. L’évaluation des troubles du sommeil doit prendre en
considération le rythme nycthéméral et les changements de
l’architecture du sommeil chez l’âgé.
L’anxiété très fréquente et souvent patente, peut se traduire par
une agitation improductive, des réactions hystériformes, voire des
symptômes phobiques invalidants. Devant des troubles du caractère,
relevés
par
l’entourage,
et
d’apparition
récente,
une
symptomatologie dépressive doit systématiquement être recherchée.
La symptomatologie cognitive est abordée dans le second article de
ce cahier.
La dimension délirante, souvent observée, peut s’exprimer sous
forme d’idées persécutoires, de jalousie ou de préjudice.
Un certain nombre de sujets âgés éprouvent des difficultés à se
reconnaître dépressifs et s’en plaindre, d’autant plus qu’existe
une comorbidité physique à laquelle seront dans la plupart des cas
préférentiellement rattachées les manifestations somatiques de la
dépression. Les dépressions masquées existent indubitablement,
mais l’examen psychiatrique, sauf exception rarissime, retrouve
d’autres symptômes de dépression, derrière le premier rang de
signes somatiques. La symptomatologie hypochondriaque, fréquente,
est parfois délirante ; le syndrome de Cotard (conviction
délirante de transformation corporelle et de négation d’organe) en
est une forme extrême.
Si les comorbidités sont fréquentes chez les sujets âgés et en
particulier les pathologies de la cognition et cardio-vasculaires,
il est difficile de rattacher aux diverses pathologies somatiques
des
modalités
dépressives
spécifiques.
Des
affections
neurologiques
dégénératives
ou
vasculaires,
des
troubles
métaboliques et endocriniens, certaines néoplasies, des processus
infectieux, des déficiences nutritionnelles ont vu leurs rapports
2
aux dépressions particulièrement étudiés (Hermann, 6 ; Kaplan,
11) ; d’autres beaucoup moins (déficiences auditives, visuelles),
voire pas (lupus cutané). Les relations entre pathologies
somatiques et dépressions sont donc complexes, et le degré de
handicap représente dans une majorité de cas, un facteur
prépondérant.
Il en résulte que l’évaluation d’une symptomatologie dépressive
chez le sujet âgé débute par le recueil des antécédents,
l’observation générale, l’examen psychiatrique et somatique, pour
être complétée, presque toujours, par un bilan biologique général,
un bilan thyroïdien, un scanner cérébral, une radiographie
thoracique. Les E.E.G. (de sommeil notamment) sont plus rarement
réalisés. Les évaluations cognitives sont abordées dans le
troisième article de ce cahier.
Enfin, des instruments d’évaluation spécifiques des populations
âgées ont été développées :
le CES-D (Center of Epidemiologic Studies Depression Scale)
construit pour permettre l’évaluation d’un épisode dépressif
majeur chez l’âgé selon le DSM (5 in Strnad), la GDS de Yesavage
et Brinck (traduite en français par D. Lapp et J.D. Guelfi) (12),
autoquestionnaire de 30 items binaires, utilisé pour le dépistage
et l’évaluation de l’intensité des dépressions, dont une version à
4 items a été développée pour le dépistage en médecine générale
(Clément and al., 1). L’emploi des échelles, lorsqu’il permet
d’approfondir l’évaluation du sujet et fournit des points de
comparaison lors du suivi et du traitement des patients, peut
s’avérer utile.
EVOLUTION ET PRONOSTIC
Le pronostic des dépressions apparaît moins bon pour les sujets
âgés suivis en population générale et en soins primaires, par
comparaison avec ceux suivis en milieu psychiatrique hospitalier ;
mais si l’hypothèse d’une insuffisance de détection et de prise en
charge dans la première population, est bien souvent retenue,
celle de populations qui ne soient pas strictement comparables ne
peut être éliminée (Cole and al., 2, 3).
Nombre d’auteurs s’accordent à reconnaître que les dépressions et
les
affections
somatiques
influencent
leurs
évolutions
réciproques ; mais des études complémentaires apporteraient des
précisions indispensables à cette « donnée classique », tout comme
aux suivantes : une évolution chronique plus fréquente, un délai
plus long entre l’apparition des premiers signes dépressifs et
l’initiation d’un traitement antidépresseur, enfin un délai
d’action des antidépresseurs retardé chez les sujets âgés par
comparaison avec l’âge moyen de la vie (Jalenques et al., 7, 8, 9,
10).
3
1) Clément JP, Paulin S, Léger JM. Troubles de l’humeur. In : Léger
JM, Clément JP, Wertheimer J, eds. Psychiatrie du sujet âgé.
Paris : Flammarion, 1999 : 112-28.
2) Cole MG. Major depression in old age : outcome studies. In :
Shulman Kl, Tohen M, Kutcher S, eds. Mood disorders across the
life span. Wiley-Liss, 1996 : 361-76.
3) Cole MG, Bellavance F., Mansour A. Prognosis of depression in
elderly community and primary care populations : a systematic
review and meta-analysis. Am J Psychiatry 1999 : 156 (8) : 11829.
4) Dhondt ADF, Beekman ATF, Deeg DJH, Van Tilburg W Iatrogenic
depression in the elderly. Results from a community-based study
in the Netherlands. Soc Psychiatry Psychiatr Epidemiol 2002 ;
37 : 393-398.
5) Gallo JJ, Rabins PV, Lyketsos CG, Tien AY, Anthony JC.
Depression without sadness : Functional outcomes of nondysphoric
depression in later life. J Am Geriatr Soc 1997 ; 45 : 570-8.
6) Hermann N. Clinical features and pathogenesis of depression in
old age. In : Shulman, Tohen and Kutcher eds. Mood Disorders
Across the Life Span. Wiley-Liss, 1996 : 341-60.
7) Jalenques I, Albuisson E, Rancé JR, Coudert AJ. Les dix
dernières années ou la fin du parcours. Psychol Med. 1990 ; 22 ;
12 : 1177-1182.
8) Jalenques I, Coudert AJ. La maladie dépressive du sujet âgé :
Apports de l’épidémiologie. Psychogér 1990 ; 2 : n° 6.
9) Jalenques I, Coudert AJ. Dépressions du sujet âgé. Le Médecin du
Centre. 1er sept. 1993 ; n° 12.
10) Jalenques
I,
Coudert
AJ.
Dépressions,
pseudo-démences
er
dépressives, démences. Le Médecin du Centre. 1
oct. 1993 ; n°
14.
11) Kaplan HI, Sadock BJ. Evaluation médicale en psychiatrie. In :
Synopsis
de
Psychiatrie,
Entretien
clinique,
Examens,
Classification et Législation, traduction française coordonnée
par Patrice Louville. Masson, Williams et Wilkins, 1998 : 57-64.
12) Yesavage JA, Brink TL, Rose TL et al. Development and
validation of a geriatric depression screening scale : a
preliminary report. J Psychiatr Res 1983 ; 17 : 37-49.
4
PREMIÈRE PARTIE : MODULES TRANSDISCIPLINAIRES
Module 6 – Douleurs, soins palliatifs, accompagnement
Objectif 70 – DEUIL NORMAL ET PATHOLOGIQUE
Rédaction : Catherine EPELBAUM
Relecture : Jean-Pierre VISIER
Objectifs :
●
Connaître l’évolution du concept de mort chez l’enfant
●
Connaître les étapes du deuil normal chez l’adulte et chez
l’enfant
●
Connaître ce que représente la notion de «travail de
deuil »
●
Connaître le diagnostic différentiel et les principaux
symptômes d’un deuil pathologique chez l’adulte et chez
l’enfant
Introduction :
La mort est un événement situé dans le réel, c’est à dire
l’incontournable et nous renvoie à la finitude de notre
condition humaine.
Le décès d’une personne investie plonge les survivants dans une
période de deuil dont les enjeux et le déroulement dépendent de
la nature de la perte, mais aussi de l’âge du survivant.
Quand un enfant décède, les processus de deuil des parents et de
sa fratrie sont particuliers (perdre un adulte, voire un
ascendant reste un événement qui s’inscrit dans la logique du
vieillissement, pas la perte d’un enfant). Ils peuvent se situer
dans une certaine normalité ou basculer dans des vécus très
pathologiques,
à
diagnostiquer
et
à
traiter
dans
une
collaboration active entre pédiatre et pédopsychiatre.
Quand un adulte décède, l’enfant qui lui survit traverse,
particulièrement
quand
cet
adulte
est
son
parent,
des
turbulences particulières liée à l’intensité de la relation
qu’il avait avec lui.
L’évolution de la notion de mort chez l’enfant
La notion de mort évolue chez l'enfant selon son âge, avec de
grandes périodes dont les limites restent souples, en fonction
des événements de vie traversés par l’enfant.
Tout enfant confronté à la mort (mort d’un proche, d’un ami,
voire d’un animal) ou porteur d’une maladie engageant le
pronostic
vital,
peut
voir
s'accélérer
ce
développement
conceptuel (cf. Module 1, objectif 1, module 3, objectif 44 et
module 11, objectif 189)
2
L'âge
Le type de ressenti de
ce qu'est la mort
- La mort est une absence
temporaire, réversible.
- Est vivant, ce qui bouge, ce
qui
se
nourrit
(aspect
fonctionnel),
-Est
mort,
ce
qui
est
insensible, immobile, ce qui
ne respire pas.
- La mort est reconnue comme
un
phénomène
irréversible,
irrévocable, de chaque être
vivant.
L'enfant
aborde
les
phénomènes
de
décomposition
corporelle.
- Pour un enfant  à 5 ans
- Entre 5 et 8 ans
- A 8 ans
- Entre 10 et 11 ans
La question de la mort est souvent abordée par les parents quand
l’enfant les questionne sur la naissance des bébés. Ceux-ci
justifient souvent l’existence de la mort par la nécessité du
renouvellement
des
générations.
L’enfant
aborde
donc
généralement en parallèle la reproduction, la sexualité et la
mort.
Les réactions de l’enfant dépendent :
- de son âge chronologique (qui conditionne en
partie son appréhension de ce que représente la
notion de mort),
- de son développement psychomoteur,
- de la façon dont l'entourage va entourer l'enfant
peut aussi accélérer ou biaiser ce développement.
Un
certain
nombre
de
figures
aident
l’enfant
à
« apprivoiser »la notion de mort:
- le fantôme : c’est un être qui reste en quelque sorte
vivant et auquel l’enfant peut s’identifier (certains
personnages de film ou de bandes dessinées sont des
fantômes – enfants qui font des bêtises, se font gronder
etc.)
- le squelette : c’est un personnage qui a déjà passé le
cap de la décomposition corporelle et se présente donc
« propre », sans aspect « dégoûtant ».
Les étapes du deuil normal
A) Qu’est-ce qu’un deuil ?
Tout deuil représente un traumatisme psychique qui sidère les
défenses habituelles de ceux qui y sont confrontés. Il s’agit
d’une perte définitive qui entraîne un sentiment intense de
manque
(et
non
d’une
simple
séparation
qui
permet
de
retrouver « l’objet », en l’occurrence, la personne perdue).
Le « travail de deuil » représente un rééquilibrage progressif
qui permet à chacun de se détacher de l’objet perdu et de
réinvestir de nouveaux « objets » dans la vie présente.
2
3
Ce processus est lent (pas moins d’une année en général) et
représente un véritable travail psychique qui vise à sortir de
la contradiction douloureuse provoquée par le décès:
- manque de l’être aimé qu’on cherche à retrouver par la
pensée, notamment dans la tristesse ;
- nécessité pour vivre (et pas seulement « survivre ») de
retrouver des investissements éloignés de cet objet,
qu’on a alors l’impression d’abandonner et de perdre
vraiment définitivement, ce qui est dans un premier
temps très douloureux.
B) Déroulement du deuil :
On décrit classiquement trois étapes dans le deuil :
- L’installation : c’est le véritable choc, la sidération
(parfois le sujet ne peut plus penser) provoqué par ce
que la mort de l’être aimé a de traumatique. On retrouve
des éléments tels que :
* des perturbations physiques (troubles du sommeil,
de l’appétit, asthénie)
* des perturbations affectives (intense douleur
psychique)
* une hyperactivité désordonnée, ou au contraire une
régression dans le sommeil
* une dénégation de la perte (refus d’y croire)
* une récupération de la personne perdue (rêves,
rêveries diurnes, conversations centrées sur la
personne perdue etc.)
* une agressivité retournée sur l’entourage (en fait
destinée inconsciemment à la personne perdue qui
abandonne les survivants).
- Le vécu douloureux qui s’installe immédiatement après :
il s’agit d’un vécu dépressif réactionnel physiologique
avec vécu de culpabilité (sans auto-accusation grave,
comme dans les états mélancoliques), mais aussi parfois
d’agressivité vis-à-vis de l’être perdu (expression de
l’ambivalence des parents et de la fratrie qui ont
parfois accompagné l’enfant de longues années dans la
maladie)  il est incontournable et permet de peu à peu
«d’user le chagrin » disait F. Dolto.
On retrouve :* un besoin d’isolement
* des insomnies, une anorexie, une perte des
intérêts (jeux, travail, loisir, relations
amicales et amoureuses etc. ;)
* une culpabilité, avec honte de survivre
* une identification au mort
- Retour à la vie: Freud écrit à son propos : « le Moi
après avoir achevé son travail de deuil se retrouve
libre et sans inhibition », c’est à dire que les parents
et la fratrie peuvent investir à nouveau d’autres
« objets » que l’enfant perdu et se souvenir de lui sans
« sombrer » dans la tristesse ou la dépression. Cette
étape fait également référence à l’acceptation de sa
propre mort.
Il est habituel de dire que plus la relation à l’être perdu est
compliquée, plus le deuil est compliqué, puisqu’un conflit
intra-psychique plus ou moins intense existe alors chez les
survivants.
3
4
Dans certains cas, les « survivants » sont davantage encore en
difficulté, car ils se sentent particulièrement coupables
d’avoir survécu à l’être cher, en raison de leur implication
directe dans la mort de cet être (accident de voiture dans
lequel le survivant conduisait ; maladie génétique dans laquelle
le survivant est porteur sain etc.).
Enfin, la multiplication des deuils en peu de temps complique
énormément leur résolution.
C) Les appuis sociaux :
Le deuil est habituellement visible socialement (on « porte le
deuil » par exemple par la couleur de ses vêtements) par
l’accomplissement d’un certain nombre de rites, différents selon
les cultures, rites qui sont là pour aider les endeuillés à
parcourir les étapes de leur deuil en leur fournissant des
sortes de repères temporels et symboliques (rituels funéraires
qui concrétisent la disparition et formalisent un au revoir ;
périodes définies de « réclusion », puis de sortie ; allégement
progressif, selon un calendrier défini, des contraintes liées au
deuil etc.).
Cependant, dans nos cultures occidentales, les rites sont de
moins en moins forts et repérables, surtout dans les villes (on
ne pratique que peu les « veillées mortuaires » ; on décède de
plus ne plus souvent à l’hôpital ; on ne repère plus la maison
du mort puisqu’on ne la décore plus de tentures noires à
l’extérieur etc.).
Ainsi le deuil « se privatise » et devient donc une expérience
plus intime, moins codifiée socialement, donc plus difficile car
laissant chacun seul face à sa souffrance et à l’avenir.
Cas particulier : IMG ou mort néonatale, rituel funéraire à
l’hôpital (cf. module 2 objectif 19)
D) Particularités du deuil d’un enfant :
Le deuil d’un enfant malade est souvent difficile car :
- Il a représenté, par sa maladie, une blessure pour ses
parents et un être avec lequel la rivalité était très
intense
pour
sa
fratrie,
rivalité
consciente
et
inconsciente (cf. Module 1, objectif 1).
- Les parents peuvent se sentir dépossédés de leur enfant
par les traitements que la maladie à entraînés, et ont
l’impression « de ne pas en avoir fait assez ».
- Sa mort est vécue comme particulièrement injuste et non
conforme aux règles habituelles de l’espèce (les plus
âgés « partent les premiers »), ce qui provoque souvent
un « syndrome du survivant ».
E) Particularités du deuil chez l’enfant :
L’enfant réagit en fonction de son âge et de son niveau de
développement.
Les éléments anxieux sont prévalants (cauchemars, peurs,
ruminations concernant la mort) , mais ce qui est le plus
frappant c’est sans doute l’intermittence de l’expression de la
souffrance psychique de l’enfant.
4
5
Celui-ci peut être extrêmement triste, sidéré, refusant de
jouer, s’isolant complètement un jour, et ouvert, participant
aux activités ludiques qu’on lui propose le lendemain. Parfois
ces changements émotionnels s’effectuent dans la même journée,
ce qui déroute certains adultes qui pensent que l’enfant n’est
pas malheureux ou a déjà oublié la personne décédée (ce qui est
faux). Cette intermittence est en fait très riche puisqu’elle
signifie que l’enfant « reprend le dessus » par moments et elle
est donc à soutenir.
A noter que :
- quand un enfant perd un de ses parents, certains éléments
compliquent le deuil :
 la période de développement (par exemple l’adolescence ou la
période œdipienne compliquent la perte du parent du même
sexe : l’enfant peut croire que ses projections agressives
ont été la cause de la mort de son parent)
 la trop grande dépendance par rapport au parent mort
(relation symbiotique)
 la non-fiabilité du parent avant sa mort, voire sa violence
et son agressivité par rapport à l’enfant (situation
conflictuelle).
- quand un enfant perd un frère ou une sœur, certains éléments
compliquent
le
deuil :
culpabilité
liée
aux
projections
agressives normales de la rivalité fraternelle, encore plus
forte en cas de maladie de l’enfant décédé etc.
Les principaux symptômes d’un deuil pathologique
Le deuil peut être normal (non pathologique) mais prolongé : il
s’agit alors d’un deuil qui peut évoluer vers une certaine
chronicité,
avec une
culpabilité accentuée, la vie des
survivants s’organisant autour d’une véritable « statue » du
défunt,
sans qu’on
puisse parler de deuil pathologique
(diagnostic différentiel), car il n’existe pas ici de symptômes
psychiatriques (il s’agit seulement d’une « non-cicatrisation du
deuil » qui en reste à la deuxième étape). Ce type de deuil est
particulièrement fréquent dans la fratrie d’enfant décédé, comme
si l’enfant survivant tentait, en s’identifiant à l’enfant mort,
de récupérer l’attention parentale.
Le deuil est dit pathologique s’il apparaît des symptômes
psychiatriques chez les survivants qui ne présentaient pas,
avant le décès, de pathologie psychiatrique.
Les symptômes renvoient à différents tableaux psychiatriques qui
peuvent advenir chez les adultes ou les enfants, avec les
particularités propres à chaque âge :
- Dépression
- Trouble de la vie instinctuelle (anorexie, boulimie
etc.)
- Troubles psychosomatiques
- Eléments psychotiques, avec délire plus ou moins
organisé autour de l’enfant perdu
- Episodes maniaques ou mixtes
5
6
-
Episodes hystériques conversifs visant à alléger la
souffrance de la perte (cécité fonctionnelle, pour ne
pas « voir »)
Eléments psychopathiques, conduites addictives, etc.
L’évolution peut être très diverse (cicatrisation, aggravation,
chronicisation) et dépend à la fois de la réaction de
l’entourage (conjoint ; parents pour l’enfant) et de l’aide
apportée (à la fois psychothérapique et médicamenteuse).
Ainsi, après le décès d’un enfant, le médecin somaticien doit
prendre en compte et analyser le vécu des parents pour repérer
très tôt les situations propices à l’installation d’un deuil
prolongé, voire d’un deuil pathologique. Il est habituel de
reconvoquer les familles ou de leur proposer un rendez-vous dès
le décès de l’enfant pour suivre l’évolution, et leur permettre
de ne pas se sentir abandonnés. Le médecin généraliste référent
peut aussi effectuer ce travail extrêmement important qui permet
peu à peu aux parents de se reconstruire.
Il est à noter que la fratrie ne doit pas être négligée dans
cette évaluation, car elle est particulièrement en danger.
Il faut pouvoir proposer aux parents un soutien pour elle dans
les cas difficiles.
Le travail auprès d’enfants atteints de maladies somatiques
engageant le pronostic vital est particulièrement éprouvant pour
les équipes médicales. Un travail de « Balint » (groupes de
médecins somaticiens animé par un psychanalyste) peut les aider
à mieux analyser leurs propres émotions pour rester à l’écoute,
et capables de soutenir l’enfant et sa famille.
Conclusion
Lorsqu’un décès à lieu, il faut être attentif au déroulement du
travail de deuil :
- chez les adultes
- chez les enfants.
Ces derniers sont encore plus dépendants des réactions de
l’entourage.
Ils doivent être informés du déroulement des faits, en trouvant
des mots adaptés à leur âge, au risque de rester « en attente »,
inhibés psychiquement (chute scolaire, éléments dépressifs
etc. ;) : il ne faut surtout pas croire qu’ils sont insensibles
ou aveugles, ou doivent être « protégés » de ce qui se passe par
une
absence
totale
d’informations.
Celle-ci
entraîne
généralement des difficultés au niveau du droit que l’enfant se
donne de « savoir » (puisqu’on le prive d’une partie de son
histoire), avec, bien souvent, des troubles des apprentissages,
voire une inhibition psychique plus globale.
Par ailleurs, le fait de pouvoir aller « visiter le mort »
(cimetière etc.) reste important, beaucoup d’enfants ne pouvant
s’organiser une représentation sécurisante du mort s’ils ne
savent pas où est son corps.
Les adultes doivent rester fiables et disponibles pour eux à ce
moment, ce qui est difficile quand ils partagent le chagrin lié
à la perte.
6
7
Dans le cas du deuil d’un enfant de la fratrie, les adultes
doivent resituer la place de chacun, pour que l’enfant survivant
puisse garder la sienne et ne pas s’identifier à l’enfant
disparu, en pensant ainsi garder l’amour de ses parents.
La collaboration entre pédiatre, médecin généraliste et équipe
de pédopsychiatrie est donc particulièrement importante. La
formation des personnels soignants également pour repérer les
dysfonctionnements interactionnels qui peuvent s’installer à
l’occasion d’un deuil.
Bibliographie
-
EPELBAUM, C. – L’enfant atteint de maladie mortelle. Les
Cahiers de l’Enfance et de l’Adolescence, N° spécial 2001, 2729.
- FREUD, S. Deuil et Mélancolie. Folio, 1999.
- RAIMBAULT, G. L’enfant et la Mort. Toulouse, Privat, 1975.
7
1
PREMIÈRE PARTIE : MODULES TRANSDISCIPLINAIRES
Module 10 – Cancérologie – Oncohématologie
Question 142
Prise en charge et accompagnement d’un malade cancéreux à tous les stades de sa
maladie. Problèmes psychologiques.
"LES SYNDROMES DEPRESSIFS EN CANCEROLOGIE.
SIGNIFICATION ET PRISE EN CHARGE"
Rédaction : Emmanuelle CORRUBLE, Patrick HARDY
I. INTRODUCTION

Les progrès thérapeutiques en cancérologie ont permis d'améliorer l'efficacité des
traitements, d'en diminuer la pénibilité et d'améliorer le pronostic des affections
cancéreuses. Elles deviennent de plus en plus des pathologies au long cours. Malgré les
progrès thérapeutiques constants, la représentation sociale du cancer demeure
associée à la mort, à la douleur, à l'impuissance et à l'incertitude quant à l'avenir.

Les épisodes dépressifs survenant chez les patients atteints de pathologies malignes
comportent des points communs avec toutes les autres dépressions. Nous insisterons
dans ce texte sur les éléments les plus spécifiques des syndromes dépressifs en
cancérologie.
II. REPERES EPIDEMIOLOGIQUES
La prévalence des épisodes dépressifs chez les patients atteints d'une affection
cancéreuse est importante, notablement plus élevée qu'en population générale.
Ainsi, 20% des patients ayant reçu un diagnostic de cancer au cours des 12 mois
précédents souffrent d'un trouble dépressif.
III. ELEMENTS ETIOPATHOGENIQUES
Plusieurs types de relations ont été évoqués.
2



Chez certains patients, ces deux pathologies peuvent survenir de façon indépendante
l'une de l'autre. Ce cas de figure est relativement rare.
De nombreux travaux ont montré que la dépression ou la dépressivité seraient en
cause dans la survenue de certains cancers. Cet aspect ne sera pas traité dans ce
document.
Certains cancers peuvent être la cause de syndromes dépressifs. Il s'agit du type de
relations le plus commun. Les mécanismes en cause peuvent être de trois types :
- biologiques et/ou lésionnels ;
- iatrogéniques, qui devront être systématiquement évoqués ;
- psychologiques : la dépression survient alors en réaction à la maladie physique et
aux deuils qu'elle impose : deuil de sa santé physique, de son rôle social, de la
possibilité de voir évoluer sa famille, deuil de sa prise en charge médicale intensive
lorsque l'état clinique s'améliore.
Ces mécanismes ne sont pas exclusifs les uns des autres, et, pour la majorité des
patients, plusieurs mécanismes parmi les précédents sont intriqués.
IV. LES ENJEUX DES EPISODES DEPRESSIFS
La première réaction de certains médecins, soignants ou parfois psychiatres, devant un
état dépressif associé à un cancer est parfois de penser "c'est normal avec ce qui lui
arrive", "on serait déprimé à moins". Cette première réaction pourrait rapidement
conduire à considérer que l'état dépressif n'est pas du domaine pathologique et ne
nécessite pas de traitement spécifique.
Ce serait ignorer les conséquences des épisodes dépressifs, aujourd'hui bien connues :
- la souffrance et le dysfonctionnement du patient et dans une moindre mesure de
l'entourage ;
- le risque suicidaire ;
- la péjoration du pronostic de l'affection néoplasique et l'augmentation de la
mortalité, notamment via la mauvaise observance des traitements médicaux ou même
les refus de soins.
Des travaux récents ont par ailleurs montré que les patients atteints d'épisodes
dépressifs ne se voyaient pas proposer les mêmes traitements médicaux que les autres
patients, comme si les médecins renonçaient à certains moyens thérapeutiques chez les
patients déprimés, oubliant par là même que la dépression est, non pas une fatalité, mais
une pathologie qui se soigne et se guérit dans la plupart des cas, à condition de s'en
donner les moyens.
V. QUELS CANCERS ET DANS QUELS CONTEXTES ?
3
V.1. Quels cancers ?
Tous les cancers peuvent être associés à des dépressions, les dépressions n'étant pas
l'apanage des tumeurs malignes neurologiques centrales.
Certains cancers sont toutefois souvent en cause : tumeurs du pancréas, de la sphère
ORL ou de la sphère génitale, par exemple.
V.2. Dans quels contextes ?
Les épisodes dépressifs peuvent survenir à toutes les étapes du diagnostic, du
traitement et de l'évolution du patient. Une dépression peut ainsi apparaître :
1. Chez un patient porteur d'un cancer encore méconnu, le plus souvent profond (cancer
du pancréas par exemple)
2. A l'annonce du diagnostic :
Le diagnostic de cancer est déjà une cause importante de stress. Même si les progrès
thérapeutiques modifient l'image des cancers dans l'esprit de chacun, l'évocation du
diagnostic de cancer renvoie toujours le patient à la possibilité, concrète et à court
terme, de sa propre mort. Une réaction de sidération anxieuse suit fréquemment
l'annonce du diagnostic et des éventualités thérapeutiques, et s'accompagne souvent
d'un sentiment de perte de contrôle du corps et de la vie et d'une crainte du
handicap physique. Cette réaction peut laisser la place à un authentique épisode
dépressif.
Ainsi, les premiers mois qui suivent le diagnostic constituent une période de
prévalence élevée de la dépression chez les patients cancéreux.
3. A l'arrêt du traitement :
Il n'est pas rare d'observer des troubles dépressifs au décours de l'arrêt des
traitements, et ce même si ces derniers ont été à l'origine d'un succès thérapeutique
et si l'état somatique des patients s'est amélioré. Du fait des progrès
thérapeutiques, ces cas sont de plus en plus fréquents.
Des arguments psychologiques tels que le deuil du statut de malade ont pu être
évoqués. La diminution des doses de corticoïdes et l'épuisement physique et
psychologique induit par les traitements peuvent aussi jouer un rôle dans la survenue
de ces épisodes.
4. Lors d'une récidive :
Il s'agit d'une étape physique et psychologique délicate. Elle peut favoriser
l'émergence d'un épisode dépressif.
5. Comme complication d'un traitement :
Les effets indésirables des traitements chimiothérapiques ou radiothérapiques,
comme l'asthénie, l'alopécie peuvent favoriser l'émergence d'épisodes dépressifs,
par des effets physiques (dimension d'épuisement) et psychologiques (modifications
de l'image du corps notamment).
4
Certains médicaments utilisés dans les traitements des cancers peuvent aussi avoir
des effets iatrogèniques dépressogènes spécifiques. On citera par exemple les
traitements par corticoïdes, interféron alpha, interleukine, vincristine, vinblastine, ou
dacarbazine. Si l'on envisage la possibilité d'un facteur iatrogénique, il faudra, autant
que possible et en concertation avec les médecins, tenter de les contrôler.
6. Dans un contexte de handicap physique et de restriction des activités et/ou des
relations sociales :
Dans de nombreux cas, la maladie et ses traitements induisent un handicap physique
et une restriction des activités et relations sociales. Ceci peut expliquer en partie la
survenue d'états dépressifs.
7. Dans un contexte de la douleur chronique et de la fin de vie :
Les épisodes dépressifs sont fréquents dans ce contexte. Ils ont été abordés dans le
module "douleur - soins palliatifs - mort". Le renoncement aux traitements curatifs,
et le désinvestissement de la part des équipes soignantes sont souvent des facteurs
favorisants des épisodes dépressifs chez les patients cancéreux.
VI. PROBLEMES POSES PAR LE DIAGNOSTIC ET LE PRONOSTIC DES EPISODES
DEPRESSIFS
Aujourd'hui, les épisodes dépressifs sont insuffisamment diagnostiqués et traités chez
les patients atteints d'affections cancéreuses. Une étude récente montre que dans des
services d'oncologie médicale, moins de 50% des patients déprimés sont identifiés
comme ayant une souffrance psychologique et adressés à un psychiatre.
VI.1. La formation insuffisante des somaticiens :
Les soignants somaticiens craignent, parfois d'induire une souffrance psychologique en
abordant la question de la souffrance psychologique, ils estiment parfois ne pas avoir les
compétences suffisantes pour aborder ce type de questions et peuvent craindre de se
démarquer de l'équipe de soins en abordant ce type de questions. Dans bien des cas, il
s'agit là de réactions défensives face à l'angoisse que peut générer chez le soignant, la
souffrance psychologique de son patient. En effet, la souffrance psychologique du
patient peut renvoyer le soignant à sa propre angoisse de mort et à son impuissance
thérapeutique.
On retiendra que la souffrance psychologique du patient nécessite d'être exprimée,
entendue et prise en compte et que chaque soignant devrait être capable de s'interroger
sur les réactions psychologiques que suscite chez lui la souffrance de son patient.
Ce travail relève de la compétence de tout médecin et de tout soignant.
VI.2. Eléments sémiologiques :
5


La dépression comporte des symptômes psychiques, cognitifs et somatiques. Les
signes somatiques de la dépression sont difficiles à évaluer chez les patients atteints
d'affections somatiques, car leur attribution à l'épisode dépressif ou au cancer peut
poser problème. Les pathologies cancéreuses induisent ainsi souvent une asthénie,
une anorexie, des plaintes douloureuses. Les symptômes somatiques sont donc moins
contributifs pour faire un diagnostic de dépression chez les patients cancéreux que
chez les autres patients.
Pour établir un diagnostic d'épisode dépressif, les symptômes dépressifs les plus
discriminants chez les patients présentant une pathologie cancéreuse sont les
suivants : humeur dépressive, perte d'espoir, pessimisme, sentiments d'inutilité,
d'incapacité ou de culpabilité inappropriée, sentiment de ne pouvoir être aidé,
sentiment que la maladie est une punition, ralentissement psychomoteur ou agitation,
diminution des intérêts ou du plaisir dans la plupart des activités, idées récurrentes
de mort ou de suicide, troubles du sommeil, troubles de la mémoire, de l'attention et
de la concentration, indécision. Ces symptômes prédominantes souvent le matin.
VI.3. Les limites entre normal et pathologique et les différents types de troubles
dépressifs :
 Une tristesse, des fluctuations de l'humeur, un découragement sont des sentiments
qui ne sont pas toujours pathologiques et qui sont parfois adaptés au cours de
certaines étapes de la maladie cancéreuse. Ils ne sont pas nécessairement synonymes
d'épisode dépressif. Toutefois, s'ils sont intenses, s'ils s'installent dans le temps,
s'ils sont associés à d'autres symptômes, ils doivent faire évoquer la possibilité d'un
épisode dépressif.
 Les systèmes critériologiques se sont efforcés de définir des seuils de la pathologie.
- Un épisode dépressif caractérisé ou "majeur" se définit par la présence, pendant une
période d'au moins deux semaines, d'un nombre suffisant de symptômes dépressifs,
d'une souffrance du sujet et d'un dysfonctionnement associés, ainsi qu'un
changement par rapport à l'état antérieur. Cette définition a été évoquée en détail
dans le cours consacré aux épisodes dépressifs. Dans le cas particulier où l'on
considère que cet épisode dépressif est une conséquence physiologique directe du
cancer, on retient la catégorie diagnostique "épisode dépressif dû à une affection
médicale générale".
- Certains patients présentent des tableaux symptomatiques incomplets, n'atteignant
pas le seuil des épisodes dépressifs caractérisés, et qui surviennent en réaction à un
facteur de stress survenu dans les trois mois précédents. Ce facteur de stress peut
être la révélation du diagnostic de cancer, l'annonce d'un traitement mutilant ou
l'annonce d'une rechute par exemple. Pour ces patients, les classifications
internationales proposent le diagnostic de "trouble de l 'adaptation avec humeur
dépressive".
6
Ce sont ces derniers types de troubles qui posent avec le plus d'acuité la question des
limites entre normal et pathologique.
VI.4. Qu'en est-il du risque suicidaire chez les patients cancéreux ? quelles
relations entre suicide et dépression ?
 Le risque suicidaire est plus élevé chez les patients cancéreux que dans la population
générale : chez eux, le risque suicidaire est en effet multiplié par 1,5 à 2,0, voire
même par 15 dans la première année qui suit le diagnostic. Les cancers les plus
souvent impliqués sont les cancers ORL, du poumon, gastro-intestinaux et du sein.
Le suicide survient dans les suites immédiates du diagnostic (18%), en période de
rémission (42%), ou en phase terminale (30%).
Les moyens utilisés sont plus violents qu'en population générale (défenestration,
pendaison). Comme en population générale, le sexe masculin est un facteur de risque
et 2 pics d'âge sont retrouvés (adultes jeunes et sujets âgés).
Le suicide survient dans 85% des cas dans un contexte de trouble psychiatrique : il
s'agit d'une dépression dans 80% des cas, mais on estime aussi que 20% des
cancéreux qui se suicident présentent une confusion mentale ou un syndrome mental
organique.
 Le risque suicidaire est inhérent aux épisodes dépressifs. L'évaluation du risque
suicidaire est un point essentiel qui conditionnera en partie la démarche
thérapeutique. Elle repose, non sur un paramètre unique entièrement fiable à lui seul,
mais sur un faisceau d'arguments. Chez les patients cancéreux déprimés, les facteurs
de risque de suicide les plus spécifiques sont : la symptomatologie douloureuse, les
problèmes majeurs d'image du corps, les complications sévères des traitements
somatiques (comme par exemple les neuropathies secondaires aux chimiothérapies),
les conceptions très négatives des possibilités de soins.
VII. CERTAINS PATIENTS CANCEREUX ONT-ILS PLUS DE RISQUES QUE
D'AUTRES DE DEVELOPPER UNE DEPRESSION ?
Chez les patients cancéreux, on peut retrouver des facteurs de vulnérabilité dépressive
propres à chaque individu et des facteurs qui sont plus spécifiquement associés au
cancer. Ce sont ces derniers qui retiendront notre attention.
Il semble que ce soit le mode d'adaptation psychologique à la maladie (modes de
"coping") qui permette le mieux de prédire la survenue d'un épisode dépressif chez un
patient cancéreux:
- Les patients qui sont capables de trouver une explication à leur maladie ont, en règle
générale, une meilleure adaptation à leur maladie. Les questions qu'ils se posent sont
7
-
-
souvent (" Pourquoi moi ?", " Pourquoi maintenant ?", " Qu'ai-je donc fait pour mériter
cela ?"). Les patients infèrent souvent que leur cancer est le résultat de leur fragilité
personnelle, de leur incapacité à faire face à une situation ou à exprimer leur anxiété
dans certaines situations. Parfois, ils attribuent à autrui la responsabilité de leur
maladie.
Les patients font mieux face à leur maladie s'ils pensent qu'ils peuvent contribuer à
leur guérison. Ainsi, en règle générale, les patients qui sont actifs dans des
organisations ou des groupes de patients, qui utilisent des techniques comme la
relaxation, les régimes, le yoga ont un meilleur pronostic que les autres, à moins que
leur façon de se battre contre leur maladie ne devienne une obsession autour de
laquelle toute leur vie s'organise.
De même, les patients font mieux face à leur maladie s'ils ont pu en parler à leur
entourage proche, plutôt que s'ils gardent cette information " secrète".
La perception par le patient du soutien des soignants est un autre élément important. Un
suivi de qualité, associé à une information adaptée et à un bon niveau d'écoute, peuvent
permettre de prévenir la survenue de certains épisodes dépressifs.
Certains soignants éprouvent parfois des difficultés à communiquer avec les patients
cancéreux. Cela les renvoie en effet à leur propre angoisse de mort et à leurs échecs
thérapeutiques. Cela les conduit, consciemment ou le plus souvent inconsciemment, à
éviter les contacts avec les patients, à moins que ceux-ci ne soient absolument
nécessaires. Il s'agit d'un facteur de risque de développer un épisode dépressif pour le
patient.
Les éléments précédents doivent être systématiquement recherchés avec un patient
cancéreux et doivent faire partie intégrante du travail thérapeutique.
VIII. TRAITEMENTS CURATIFS DES EPISODES DEPRESSIFS
VIII.1. Le contexte thérapeutique :

Interaction nécessaire entre les soignants :
Le traitement de l'épisode dépressif doit reposer sur une bonne articulation entre
soignants, psychiatres, psychologues, somaticiens. Cette articulation a pour objectif
d'échanger des informations, de permettre aux soignants d'exprimer et de gérer
8
leurs propres difficultés, de permettre au patient de recevoir une information aussi
pertinente que possible à propos de sa maladie et de son pronostic, et d'élaborer une
stratégie thérapeutique commune.

Indications de l'hospitalisation :
L'hospitalisation doit être proposée (voire, dans de rares cas, imposée) dans les cas
suivants : en cas de dépression mélancolique sévère ; lorsque le risque suicidaire est
important ; lorsqu'il existe des caractéristiques psychotiques ; lorsqu'une
surveillance particulière est justifiée lors de l'instauration du traitement ; lorsqu'il
existe un isolement social ou un environnement matériel ou affectif défavorable ;
lorsque la dépression est résistante au traitement ; enfin, lorsqu'on observe une
aggravation du tableau clinique malgré une thérapeutique a priori bien conduite.

Traiter la dépression et la maladie somatique associée :
Il s'agit d'un point essentiel. Le seul traitement du cancer ne permettra pas, en règle
générale, de guérir la dépression, et vice-versa.
VIII.2. Le traitement antidépresseur :
Il constitue une des premières étapes du traitement de la dépression du patient
cancéreux.

-
-
-
Le choix de l' antidépresseur :
Il repose sur plusieurs points articulés autour du rapport bénéfices/risques.
Le premier point est la nécessité d'un antidépresseur efficace. Les études montrent
que les antidépresseurs sont moins efficaces chez les patients présentant des
maladies somatiques que chez les autres. Les causes de ce phénomène sont
probablement multiples (Popkin et al., 1985). On citera une efficacité intrinsèque
inférieure, une tolérance parfois médiocre induisant une faible compliance et un sousdosage du traitement, et enfin des interactions pharmacocinétiques.
Le deuxième point est la prise en compte des propriétés associées, comme par
exemple l'efficacité sur la symptomatologie douloureuse ou la symptomatologie
anxieuse.
Le troisième point est la nécessité d 'un antidépresseur bien toléré compte tenu du
terrain somatique.
La prise en compte des interactions pharmacocinétiques est essentielle, notamment
chez le sujet polymédiqué, chez le sujet présentant une insuffisance hépatique ou
rénale, chez le sujet recevant des traitements se liant aux protéïnes plasmatiques
(AVK) ou inhibant les systèmes du cytochrome P450.
9
-
-
La prise en compte des interactions pharmacodynamiques est tout aussi importante.
On citera par exemple les propriétés anticholinergiques, les propriétés alpha 1
bloquantes, l'effet quinidine-like des antidépresseurs imipraminiques.
Il est aussi utile de considérer les effets indésirables spécifiques de la molécule. On
évitera par exemple les antidépresseurs susceptibles d'induire des nausées chez les
patients cancéreux traités par chimiothérapie émétisante.

Le choix de la dose d'antidépresseurs :
Les doses efficaces standard sont établies chez des patients ne présentant pas de
maladies somatiques. Les patients " somatiques" sont particulièrement sensibles aux
effets indésirables et sont sujets aux interactions pharmacocinétiques et
pharmacodynamiques. On débutera le traitement avec des doses relativement faibles
et on augmentera les doses plus lentement.

La durée du traitement antidépresseur :
Il existe très peu de données sur ce sujet puisque les études disponibles ont une
durée comprise en règle générale entre 4 et 8 semaines. Compte tenu du risque de
rechute et de récurrence qui existe chez ces patients, la durée actuellement
recommandée est d'au moins 6 mois après la rémission complète.
VIII.3. Les interventions thérapeutiques associées aux antidépresseurs :
Elles ont un rôle essentiel dans le traitement du patient déprimé présentant une
affection cancéreuse. Elles comportent l'éducation du patient sur la dépression, les
antidépresseurs et leurs relations avec la maladie somatique, l'information des soignants
somaticiens afin d'obtenir leur collaboration, les interventions auprès de la famille, et
les psychothérapies, notamment de soutien, ou à médiation corporelle.
La psychothérapie de soutien devrait pouvoir être proposée à tous les patients. Elle
permet aux patients de parler de leurs problèmes et d'exprimer leurs sentiments sans
avoir peur d'être jugés. Ces patients ont parfois un point de vue pessimiste quant à
l'évolution de leur maladie et ont l'impression que la poursuite des traitements est
inutile. En particulier dans les phases précoces de la maladie cancéreuse, les patients et
leurs familles ont besoin d'être informés, encouragés, et compris psychologiquement.
Ultérieurement, ils peuvent nécessiter une aide pour accepter et s'adapter au handicap
physique ou au diagnostic de maladie terminale.
Lorsqu'il existe des facteurs qui risquent de pérenniser la symptomatologie dépressive,
il convient de proposer des approches psychothérapiques plus spécifiques et formalisées.
10
L'indication d'une psychothérapie est établie à partir de plusieurs éléments qui seront
systématiquement évalués : la réaction du patient à sa maladie, l'effet de la maladie sur
la capacité du patient à assumer son rôle professionnel et familial, et comment la maladie
interfère avec l'image qu'il a de lui-même et de son corps, son niveau de motivation et
ses capacités d'élaboration psychique. Pour ces patients, des approches de type thérapie
cognitivo-comportementale ou psychothérapie d'inspiration psychodynamique ou
relaxation ou psychothérapie de groupe pourront être adjointes au traitement
médicamenteux.
IX. UNE PREVENTION DES EPISODES DEPRESSIFS CHEZ LES PATIENTS
ATTEINTS DE CANCERS EST-ELLE POSSIBLE ?
Les études disponibles n'ont pas permis de démontrer avec certitude l'efficacité des
interventions psychologiques dans la prévention des épisodes dépressifs chez le patient
cancéreux en général. Toutefois, les psychothérapies de soutien ou cognitivocomportementales ont leur intérêt chez certains patients dans cette indication.
De même, certains éléments sont importants pour la qualité de vie du patient au cours de
sa maladie : qualité de la relation avec son médecin, information à propos du diagnostic et
du traitement, conseils pratiques sur la façon de faire face à la maladie et aux
complications du traitement, opportunité pour le patient de parler de ses problèmes et
de ses sentiments, participation à des groupes psycho-éducationnels.
X. CONCLUSION




Bien que facteurs de péjoration du pronostic du cancer, de souffrance, de
dysfonctionnement, de suicide, les épisodes dépressifs demeurent insuffisamment
diagnostiqués et traités chez les patients atteints de cancers.
Il est donc fondamental de former les professionnels et d'informer les patients et
leur entourage.
La prise en charge doit être concertée entre médecins, soignants, psychiatres et
psychologues.
Les traitements les plus efficaces des syndromes dépressifs en cancérologie
associent traitement médicamenteux antidépresseur et soutien psychothérapique
voire psychothérapie plus formalisée selon les cas.
11
Pour en savoir plus :
Eschwège F. Dépression et cancer : le point de vue du cancérologue.
L'Encéphale 1994 ; XX : 657-660.
Gay C. Dépression et cancer : aspects thérapeutiques.
L'Encéphale 1998 ; Numéro Hors série 2 : 72-80.
Marx G, Gauvain-Picard A, Saltel P. Anxiété, dépression, cancers : aspects cliniques.
L'Encéphale 1998 ; Numéro Hors série 2 : 66-71.
Nezelof S, Vandel P. Cancers et dépressions : aspects épidémiologiques.
L'Encéphale 1998 ; Numéro Hors série 2 : 59-65.
Razavi D. La dépression au cours de la maladie cancéreuse.
L'Encéphale 1994 ; XX : 647-655.
12
RESUME
1. Les troubles dépressifs sont fréquents chez les patients atteints d'une affection
cancéreuse (ils s'observent chez 20% des patients ayant reçu un diagnostic de cancer
au cours des 12 mois précédents).
2. Habituellement secondaires au cancer, ces troubles peuvent être liés à différents
facteurs : facteurs biologiques et/ou lésionnels ; facteurs iatrogéniques ; facteurs
psychologiques, enfin.
3. Eux-mêmes source de souffrance, de handicap et de risque létal (suicide), les
troubles dépressifs péjorent souvent le pronostic cancéreux (mauvaise adhésion aux
soins, résignation médicale).
4. Ces troubles dépressifs peuvent apparaître à toutes les phases de l'évolution du
cancer : chez un patient porteur d'un cancer encore méconnu ; à l'annonce du
diagnostic (+++) ; après l'arrêt du traitement ; lors d'une récidive ; au cours du
traitement (comme complication) ; en cours d'évolution, comme conséquence d'un
handicap ou d'une douleur chronique ; en fin de vie.
5. Les troubles dépressifs demeurent encore insuffisamment diagnostiqués et traités.
Plusieurs éléments contribuent à cet état de fait : la formation encore insuffisante
des praticiens ; l'intrication symptomatique symptômes liés au cancer et symptômes
dépressifs (dans ce contexte, les symptômes émotionnels et cognitifs sont les plus
spécifiques de la dépression) ; la difficulté à distinguer parfois entre humeur normale
et pathologique (la dépression pouvant être diagnostiquée comme "épisode dépressif"
ou comme "trouble de l'adaptation avec humeur dépressive").
6. Le suicide est relativement fréquent chez les cancéreux (risque multiplié par 15 dans
la première année qui suit le diagnostic) : il survient dans 85% des cas dans un
contexte de trouble psychiatrique (70% des cancéreux suicidés sont déprimés, 20%
présentent une confusion mentale ou un syndrome mental organique).
7. Les patients cancéreux partagent les mêmes facteurs de vulnérabilité dépressive que
les autres individus. Certains facteurs leur sont toutefois plus spécifiques :
insuffisante capacité d'adaptation psychologique à la maladie ("coping"), perception
par le patient d'un bon support de la part des soignants, notamment.
13
8. Un diagnostic de dépression nécessite un traitement spécifique (le traitement
anticancéreux ne peut suffire à lui seul). Les patients cancéreux étant souvent
polymédicamentés, le traitement pharmacologique devra particulièrement prendre en
compte la tolérance ainsi que les effets pharmacocinétiques et pharmacodynamiques
des antidépresseurs. Les interventions éducationnelles et psychothérapiques jouent
également un rôle essentiel dans la prévention et le traitement des troubles
dépressifs.
PREMIERE PARTIE : MODULES TRANSDISCIPLINAIRES
Module 11 - Synthèse clinique et thérapeutique
Question 168
EFFET PLACEBO ET MÉDICAMENTS PLACEBO
Rédaction : M.-F. Poirier
Objectif pédagogique général


Définir l’effet placebo
Connaître les mécanismes psychologiques expliquant l’effet placebo
L’effet placebo est un effet indiscutable. Il varie au cours du temps. Le mot placebo vient
de la première personne du singulier du futur du verbe placere, je plairai. Il a été décrit
au 18ème siècle comme une « méthode commode de traitement ». Pierre Pichot a défini en
1961 l’effet placebo de la manière suivante : « l’effet placebo est, lors de l’administration
d’une drogue active, la différence entre la modification constatée et celle imputable à
l’action pharmacologique de la drogue ».
Le placebo se définit comme une substance inerte qui est délivrée dans un contexte
thérapeutique. L’effet placebo souligne que le contexte d’utilisation d’un médicament est
déterminant.
Dans les essais d’antidépresseurs, par exemple, les patients sous placebo présentent des
effets indésirables alors qu’ils reçoivent une substance inerte. Il existe aussi une
proportion importante de patients qui voient leur état d’humeur s’améliorer sous placebo.
L’effet propre du placebo est différent de l’absence de traitement. L’une des explications
de l’effet placebo est le conditionnement. Les expériences antérieures satisfaisantes avec
un médicament et les antécédents du patient déterminent sa réponse au placebo. Les
attentes du patient et sa foi envers le médecin interviennent dans l’amplitude et la nature
de l’effet placebo. Cette observation est particulièrement nette en ce qui concerne les
traitements de l’anxiété et de la douleur.
Les facteurs influençant la réponse placebo sont :
- le type de maladie
- les attentes du patient et du médecin
- la qualité de la relation médecin-patient
- la personnalité du patient (il n’existe cependant pas de personnalité placebo-répondeur
typique).
L’objet placebo est également déterminant. La présentation, la couleur et le goût du
médicament le déterminent. Les industriels s’attachent également à choisir des noms
évocateurs. Le prix (médicament cher donc efficace) détermine aussi le placebo.
L’effet placebo existe en psychiatrie et également en médecine. Les taux de réponse au
placebo vont de 46 à 73 % pour les maux de tête, de 20 à 58 % pour la migraine, de 3 à 60
% pour l’hypertension, de 14 à 84 % pour les rhumatismes. Il est observé dans tous les
essais thérapeutiques de psychotropes y compris dans les schizophrénies, les états
maniaques. Dans les dépressions l’effet placebo peut être rapporté chez près de 50 % des
sujets.
PREMIÈRE PARTIE : MODULES TRANSDISCIPLINAIRES
Module 11 - Synthèse clinique et thérapeutique
De la plainte du patient à la décision médicale – urgences
Question 177
Prescription et surveillance des psychotropes
Rédaction : E Haffen, P Vandel, F Thibaut, D Sechter.
Objectifs pédagogiques







Connaître les indications et les principales contre-indications des
psychotropes
Connaître les différentes situations de prescription : service d’urgence,
pratique de ville, hospitalier, spécialiste…
Savoir prescrire rationnellement et à bon escient en respectant les
indications, en utilisant de manière pertinente les différents produits, en
connaissant les risques et effets secondaires inhérents à chacun de ces
produits
Etre au courant des RMO les concernant
Connaître les limites d’efficacité des médicaments et proposer soit
conjointement, soit en alternative d’autre modalités de prise en charge.
Savoir expliquer le traitement et ses buts
Savoir aider le patient à être compliant
En 1957, Delay et Deniker ont proposé la classification des psychotropes en
fonction de leurs propriétés pharmacologiques et cliniques qui fait toujours
référence près d’un demi-siècle plus tard (cf. tableau 1). Nous considérerons les
substances destinées à un usage thérapeutique à l’exclusion de toutes autres
substances psycho-actives, en particulier celles utilisées dans un but
toxicomaniaque.
Les antidépresseurs
Dans les années 1950, la découverte de deux substances totalement différentes,
l’iproniazide (Marsilid®), premier inhibiteur des monoamines oxydases (IMAO),
et l’imipramine (Tofranil®), va rapidement révolutionner l’approche thérapeutique
des dépressions. Si les antidépresseurs imipraminiques restent un traitement de
choix des épisodes dépressifs les plus sévères, les IMAO de première
génération n’ont plus qu’un intérêt anecdotique en raison de leur action non
sélective associée à de multiples effets indésirables parfois létaux.
Pharmacodynamie
Les antidépresseurs partagent une spécificité d’action sur les neuromédiateurs
centraux : sérotonine, noradrénaline, dopamine. Les mécanismes d’action restent
mal connus, mettant en jeu d’autres systèmes de médiation, la régulation des
récepteurs neuronaux, des seconds messagers, la sécrétion de facteurs
neurotrophiques. La classification pharmaco-clinique des antidépresseurs
distingue : les IMAO sélectifs (IMAO A), les imipraminiques, les inhibiteurs de
la recapture de la sérotonine (IRS), les inhibiteurs de la recapture de la
sérotonine et de la noradrénaline (IRSNA), les antidépresseurs spécifiques de la
sérotonine et noradrénaline (NaSSA), et les atypiques (cf. tableau 2).
Pharmacocinétique et métabolisme
L’administration des antidépresseurs s’effectue per os, la voie parentérale
n’apportant pas de bénéfice pharmacocinétique en dehors des soins de nursing et
de l’effet placebo surajoutés. La biodisponibité est variable selon les produits,
de 30 à 80%. Les antidépresseurs sont métabolisés au niveau hépatique.
L’élimination s’effectue par voie biliaire et urinaire. Les interactions
médicamenteuses sont nombreuses en particulier au niveau métabolique. Les
médicaments inhibiteurs des cytochromes P450 (CYP2D6, 3A3/4, 2C19) qui
participent à l’élimination des antidépresseurs peuvent provoquer l’augmentation
des taux sériques avec majoration des effets indésirables (imipraminiques).
Inversement certains antidépresseurs (fluvoxamine, Floxyfral®, paroxétine,
Déroxat®, fluoxétine, Prozac®) inhibiteurs des mêmes cytochromes P450 peuvent
perturber le métabolisme de médicaments co-prescrits, psychotropes et non
psychotropes.
Indications
2
Les antidépresseurs sont indiqués dans le traitement des épisodes dépressifs
majeurs, c’est-à-dire caractérisés, d’intensité modérée à sévère. Ils sont
également indiqués dans la prévention des rechutes dépressives : nécessité de
traiter un épisode pendant au moins 6 mois à partir de la résolution
symptomatique ; dans la prévention des récidives : (AMM : sertraline, Zoloft®) :
traitement antidépresseur pendant 3 à 5 ans chez les sujets qui ont présenté au
moins trois épisodes dépressifs en 3 ans, voire à vie lors de récidives fréquentes
et invalidantes. L’association chimiothérapie antidépressive et psychothérapie a
fait la preuve de son efficacité. Les dépressions chroniques et résistantes
nécessitent des stratégies thérapeutiques complexes associant chimiothérapies
et psychothérapies structurées, voire l’utilisation de l’électroconvulsivothérapie.
L’intrication de troubles de la personnalité rend plus aléatoire l’efficacité du
traitement antidépresseur.
Les antidépresseurs sont utilisés dans d’autres troubles psychiatriques en
particulier les troubles anxieux :
•
•
•
•
Troubles obsessionnels compulsifs (antidépresseurs sérotoninergiques) :
clomipramine (Anafranil®), fluoxétine (Prozac®), fluvoxamine (Floxyfral®),
paroxétine (Déroxat®), sertraline (Zoloft®, AMM à partir de 6 ans).
Anxiété généralisée : paroxétine (Déroxat®), venlafaxine (Effexor®).
Troubles paniques avec ou sans agoraphobie : imipraminiques, fluvoxamine
(Floxyfral®), paroxétine (Déroxat®), citalopram (Séropram®, Séroplex®).
Phobies sociales : imipraminiques, paroxétine (Déroxat®).
Ils sont également prescrits dans le traitement de certains troubles du sommeil
(insomnies, énurésie et narcolepsie (imipraminiques)), les douleurs chroniques
(imipraminiques, IRS, IRSNA), les douleurs au décours des maladies
cancéreuses, les douleurs post-zostériennes, les migraines (antidépresseurs
sérotoninergiques) et névralgies.
Principes de prescription, choix d’un traitement antidépresseur
Le choix d’un traitement antidépresseur s’articule autour de la connaissance de
l’activité thérapeutique et des effets indésirables de la molécule, des
antécédents du patient, de la sémiologie de l’épisode dépressif, des contreindications et précautions d’emploi, du rapport bénéfice/risque.
Un traitement antidépresseur est efficace dans le traitement de 60 à 70% des
épisodes dépressifs majeurs. Les imipraminiques sont préférés dans les épisodes
dépressifs majeurs avec caractéristiques mélancoliques. Les IRS sont utilisés
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dans le traitement des épisodes dépressifs en ambulatoire, notamment en raison
de leur meilleure tolérance et sécurité d’emploi. Les antidépresseurs sédatifs
sont utilisés dans les dépressions anxieuses, et inversement pour les
antidépresseurs stimulants (dépressions avec ralentissement psychomoteur,
asthénie, hypersomnie). Chez les sujets présentant des antécédents dépressifs,
le choix porte sur le traitement antidépresseur efficace et bien toléré lors de
l’épisode précédent.
Il est indispensable d’informer le patient sur les effets attendus du traitement
qui sont retardés par rapport à l’initiation du traitement (délai d’action de 15 à
21 jours), des effets indésirables possibles, de la nécessité de poursuivre le
traitement pendant une durée suffisante qui dépasse la résolution
symptomatique. L’ensemble de ces précautions favorise l’observance
thérapeutique.
L’initiation du traitement antidépresseur s’effectue à dose progressivement
croissante en fonction de la clinique et de la tolérance jusqu’à une posologie
efficace. La répartition sur le nycthémère n’est ni indispensable (demi-vie
d’élimination des antidépresseurs > 12 heures, sauf exception : milnacipran,
venlafaxine, tianeptine, IMAO A qui requièrent 2 à 3 prises par jour), ni
souhaitable pour des raisons d’observance thérapeutique. Le facteur principal
d’échec à un traitement antidépresseur est la prescription à des posologies
insuffisantes. En ambulatoire, il est nécessaire de revoir régulièrement le
patient (une fois par semaine les 3 premières semaines) afin d’évaluer la
tolérance, l’évolution de la symptomatologie, la nécessité d’ajustement
posologique ou des coprescriptions (anxiolytiques, hypnotiques). Un traitement
sédatif peut être associé à un antidépresseur (benzodiazépines, neuroleptiques
sédatifs à faibles doses : lévomépromazine, Nozinan®, cyamémazine, Tercian®).
Les anxiolytiques benzodiazépiniques ne protègent pas de la levée de l’inhibition
qui apparaît dans les 48 à 72 heures après introduction de l’antidépresseur. Les
antidépresseurs de nouvelle génération ont un index thérapeutique plus élevé que
les imipraminiques, ils seront préférés en ambulatoire, notamment chez les
sujets à risque (impulsivité, antécédents de passage à l’acte suicidaire). Ils sont
également mieux tolérés que les imipraminiques, surtout lors de prescription au
long cours, ce qui favorise l’observance thérapeutique.
L’inefficacité d’un traitement antidépresseur n’est envisagée qu’après
vérification du diagnostic (recherche de co-morbidités), de l’observance, de la
posologie et de la durée de prescription (au moins 4 semaines). L’alternative à
une réponse insuffisante, à la persistance (ou à l’aggravation) de la
symptomatologie consiste à changer de classe d'antidépresseur, avoir recours à
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un antidépresseur imipraminique à posologie efficace (indispensable avant
d’évoquer une dépression résistante), voire à l’électroconvulsivothérapie. La
persistance de symptômes résiduels augmente significativement le risque de
rechute et de récidive.
Surveillance, effets indésirables et contre-indications
La surveillance du traitement porte sur l’efficacité, la tolérance et l’observance
thérapeutique. La durée du traitement à dose efficace est de 6 mois minimum à
partir de la guérison symptomatique de l’épisode. L’arrêt s’effectue par paliers
successifs sur plusieurs semaines afin d’éviter un syndrome de sevrage
(discontinuation). Lors de traitement au long cours sur plusieurs années, l’arrêt
sera très progressif sur plusieurs mois.
Les dosages plasmatiques des antidépresseurs sont réalisés en routine pour
l’adaptation posologique des antidépresseurs imipraminiques. Ils se pratiquent
pour vérifier l’ajustement des doses en fonction du métabolisme hépatique, des
interactions éventuelles lors d’associations médicamenteuses, l’observance, pour
surveiller les patients à risque d’effets indésirables (fortes posologies,
insuffisance hépatique, rénale, sujets âgés). En urgence, le dosage plasmatique
permet de rechercher un surdosage notamment lors d’une intoxication
médicamenteuse volontaire (toxicité si taux > 450 µg/L).
Les contre-indications absolues aux antidépresseurs tricycliques sont : le
glaucome à angle fermé, l’hypertrophie prostatique, les coronaropathies, les
troubles du rythme, l’infarctus du myocarde récent, l’insuffisance cardiaque
décompensée, la grossesse, l’association aux IMAO. L’épilepsie, l’insuffisance
hépatique et rénale sont des contre-indications relatives.
Les contre-indications absolues aux IRS se limitent aux IMAO non sélectifs. Les
contre-indications relatives sont relativement restreintes : anticoagulants
coumariniques, IMAO sélectifs, β-bloquants, lithium et carbamazépine
(adaptation des doses).
Les contre-indications absolues aux IMAO A sont les IMAO non sélectifs, les
triptans, la péthidine, le dextrométhorphane, les états délirants, les accès
maniaques, les enfants de moins de 15 ans. Les contre-indications relatives
associent les morphiniques, sympathomimétiques, IRS, grossesse et allaitement.
Les effets indésirables des antidépresseurs sont répertoriés tableau 3.
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Le syndrome sérotoninergique survient essentiellement après association
d’antidépresseurs
pro-sérotoninergiques
(IMAO
A,
imipraminiques
sérotoninergiques, IRS), de lithium à des pro-sérotoninergiques ou lors d’une
intoxication aiguë à un pro-sérotoninergique. Les signes cliniques associent une
confusion mentale, une hypomanie avec agitation, des myoclonies, des
tremblements, une hypo ou hypertension artérielle, une tachycardie, une
diarrhée, des sueurs, frissons, une hyperthermie, et dans de rares cas un coma
avec hyper-reflexie. Le traitement curatif consiste à suspendre les traitements
en cause et à prescrire une benzodiazépine, à mettre en place des mesures de
réanimation dans les formes sévères. La prévention consiste à éviter les
associations à risque, espacer le remplacement d’un IMAO A par un IRS et
inversement.
Les neuroleptiques et antipsychotiques
La chlorpromazine a été utilisée pour la première fois en 1952 par Henri Laborit
comme « stabilisateur végétatif ». En 1957, Delay et Deniker définissent les
critères de la classification pharmaco-clinique des neuroleptiques : action
psycholeptique sans effet hypnotique ; action inhibitrice de l’excitation,
l’agitation, l’agressivité ; action réductrice des états maniaques, des psychoses
aiguës et chroniques, effets neurologiques et neurovégétatifs importants ;
action principalement sous-corticale. Les neuroleptiques de nouvelle génération
ou antipsychotiques n’entrent plus dans cette classification du fait de la
réduction significative des effets neurologiques (absence d’effet cataleptique).
Pharmacodynamie
Les neuroleptiques sont des médicaments ayant essentiellement des effets sur
le système dopaminergique (surtout une action antagoniste des récepteurs de
type D2). Ce dernier joue un rôle dans la régulation de la vie émotionnelle et le
contrôle de la motivation, dans la modulation de la perception ainsi que dans
l'organisation des comportements adaptatifs. Ces domaines sont perturbés dans
la psychose.
Le système dopaminergique joue aussi un rôle dans le contrôle de la motricité et
dans l'inhibition de la sécrétion de prolactine, à l'origine des effets secondaires
de certains neuroleptiques. A côté des effets sur les récepteurs de type D2,
chaque neuroleptique possède un profil d'action spécifique sur d'autres types de
récepteurs par exemple sérotoninergiques (qui pourrait contribuer à améliorer
les symptômes négatifs et d'autres troubles cognitifs associés à la
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schizophrénie) ou encore cholinergiques, histaminergiques et alpha1
adrénergiques, à l'origine des effets secondaires.
Dans les années 1990, une nouvelle génération de neuroleptiques alliant une
bonne efficacité sur les symptômes psychotiques à une meilleure tolérance
neurologique a été développée. On les appelle neuroleptiques de seconde
génération ou encore atypiques car, aux doses habituellement préconisées, ils
n'obéissent plus à l'ensemble des critères décrits par Delay et Deniker
(amisulpiride ou Solian , aripiprazole ou Abilify, clozapine ou Leponex,
olanzapine ou Zyprexa , rispéridone ou Risperdal ).
Pharmacocinétique et métabolisme
L’administration des neuroleptiques s’effectue par voie orale ou intramusculaire,
dans les situations d’urgence ou pour les formes à action prolongée. La
résorption digestive est variable, les produits sont très lipophiles et subissent
un catabolisme hépatique avec un effet de premier passage important. La plupart
des neuroleptiques sont métabolisés au niveau hépatique par le cytochrome P
450, à ce niveau existent des interactions médicamenteuses possibles. Les
métabolites sont nombreux, certains majorent les effets de la molécule mère
(phénothiazines). Ils sont éliminés par voie urinaire et biliaire. Les
neuroleptiques d’action prolongée sont libérés lentement par hydrolyse et
agissent pendant plusieurs semaines. Le penfluridol (Semap®) est le seul
neuroleptique d’action prolongée administré par voie orale.
Indications
Depuis leur introduction, la principale indication des neuroleptiques demeure les
troubles psychotiques de l'adulte. Outre les états psychotiques aigus, les
psychoses chroniques représentent l'essentiel des prescriptions. Les
neuroleptiques ont considérablement amélioré le pronostic évolutif des
schizophrénies, d'autant plus que le traitement est instauré précocement. Les
autres indications concernent les troubles bipolaires, les troubles
comportementaux associés à la démence, le trouble obsessionnel compulsif
résistant aux thérapeutiques habituelles.
Certains neuroleptiques peuvent être utilisés pour traiter les troubles
comportementaux sévères associés aux psychoses de l'enfant. Certains
neuroleptiques (cyamémazine ou Tercian , lévomépromazine ou Nozinan )
peuvent être utilisés à titre anxiolytique sur de courtes durées, en cas
d'inefficacité des thérapeutiques habituelles. Le tiapride peut être employé lors
du sevrage alcoolique, du syndrome de Gilles de la Tourette ou dans certains
syndromes douloureux ou choréiques.
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Les formes injectables de neuroleptiques ont l'indication dans les traitements
de courte durée des états d'agitation et d'agressivité au cours des psychoses.
Les recommandations les plus récentes préconisent de débuter le traitement le
plus précocement possible après établissement du diagnostic de schizophrénie.
Le choix du neuroleptique repose sur les effets thérapeutiques et indésirables
des neuroleptiques précédemment pris par le patient, sur les préférences du
patient, sur les comorbidités somatiques associées contre-indiquant certains
neuroleptiques et enfin, sur le risque d'interactions avec d'autres traitements
prescrits.
L'usage des neuroleptiques de seconde génération, du fait de leur meilleure
tolérance neurologique, est recommandé, en première intention, dans le
traitement de la phase aiguë de la schizophrénie, sauf chez les patients ayant
été traités antérieurement avec succès par un neuroleptique de première
génération ou préférant ce dernier. Le choix d'un neuroleptique de seconde
génération, par rapport à un autre, est guidé par son profil d'effets secondaires
(Tableau 6).
Les neuroleptiques de première et de seconde génération sont efficaces dans le
traitement des symptômes positifs de la schizophrénie (délire, hallucinations)
(effets antipsychotiques ou incisifs). Ils exercent également, pour la plupart
d'entre eux, des effets sédatifs en cas d'agitation. Leur efficacité dans le
traitement des symptômes négatifs ou déficitaires (émoussement affectif,
retrait social…) (effet désinhibiteur et/ ou antidéficitaire) et dans celui des
troubles cognitifs demande a être confirmée.
Les neuroleptiques à action prolongée sont réservés aux patients non observants
ou à ceux qui préfèrent cette voie d'administration dans le cadre de pathologies
chroniques (schizophrénie). Leur usage doit toujours être précédé par la
prescription du même neuroleptique par voie orale.
L'usage de la clozapine (neuroleptique de seconde génération) est réservé, en
France, à la schizophrénie sévère et résistante, évoluant depuis au moins 2 ans,
sous réserve d'une surveillance hématologique stricte.
La précocité de la mise en route du traitement, l'absence de symptômes
négatifs, un âge de début plus tardif, le sexe féminin sont des facteurs
prédictifs d'une réponse favorable au traitement. Les posologies seront
progressivement croissantes. Les doses quotidiennes prescrites lors des phases
aiguës de psychose seront de 10 à 30 mg/j pour l'aripiprazole, 10-20 mg/j pour
l'olanzapine, 2-8 mg/j pour la rispéridone, 200-800 mg/j pour l'amisulpride, de 5
à 20 mg/j pour l'halopéridol. Il n'y a pas lieu d'associer deux neuroleptiques à
visée
antipsychotique,
ni
d'administrer
d'emblée
un
correcteur
anticholinergique.
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Des recommandations spécifiques ont été établies pour les premiers épisodes
psychotiques. Les doses de neuroleptiques sont plus faibles (la fourchette
maximale est réduite de moitié environ).
Le traitement de la phase de stabilisation, au décours de l'épisode aigu, repose
sur la poursuite du même traitement pendant au moins un an.
En ce qui concerne le traitement d'entretien, si le patient a présenté de
multiples épisodes ou deux épisodes en moins de 5 ans, l'utilisation d'un
neuroleptique au long cours est préconisée.
Dans le trouble bipolaire, les neuroleptiques sont principalement utilisés dans le
traitement aigu de la manie, dans les épisodes thymiques avec caractéristiques
psychotiques et chez les bipolaires résistants aux thymorégulateurs. Les
neuroleptiques de seconde génération seront privilégiés, du fait de leur
meilleure tolérance neurologique. Ils peuvent être associés à des
thymorégulateurs et éventuellement à des benzodiazépines
Surveillance, effets indésirables et contre-indications
Le dosage plasmatique n’est pas réalisé en routine, son intérêt est limité
(observance, prescription chez l’enfant, résistance aux traitements, surdosage,
interactions médicamenteuses).
La surveillance d’un traitement neuroleptique est clinique, biologique. Les effets
secondaires sont nombreux.
En début de traitement, il est recommandé de surveiller la fréquence cardiaque,
la tension artérielle et la température. Le bilan sanguin initial comprendra : NFS,
ionogramme, bilan rénal, hépatique et un test de grossesse au besoin. Un ECG
doit être réalisé s'il existe des facteurs de risque cardiaque. Une surveillance
du poids, de la glycémie, du bilan lipidique sont nécessaires, surtout en cas de
prescription de la clozapine ou de l'olanzapine. Une surveillance clinique de la
tolérance neurologique est également nécessaire. Sous réserve d'une utilisation
à doses modérées, les effets indésirables neurologiques (dyskinésies aiguës,
syndrome parkinsonien, akathisie, et enfin dyskinésies tardives) sont peu
fréquents avec les neuroleptiques de seconde génération. La clozapine peut
favoriser la survenue de crises comitiales.
Par contre, les effets métaboliques deviennent une préoccupation importante
avec certains neuroleptiques de seconde génération (prise de poids parfois
importante, diabète de type 2, hyperlipidémie, surtout observés avec
l'olanzapine et la clozapine). Une hyperprolactinémie, des effets secondaires
sexuels, une sécrétion inappropriée d'hormone antidiurétique peuvent survenir.
Des effets secondaires anticholinergiques centraux (confusion) ou périphériques
(sécheresse buccale, mydriase, rétention aiguë d'urine, constipation avec parfois
occlusion intestinale aiguë) sont surtout observés avec les neuroleptiques
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sédatifs de type cyamémazine Tercian ou lévomépromazine Nozinan ou encore,
pour les neuroleptiques de seconde génération, avec la clozapine ou l'olanzapine.
Des effets indésirables cardiaques (hypotension orthostatique, allongement de
l'espace QT, à l'origine de syncopes, voire de mort subite par fibrillation
ventriculaire) sont observés préférentiellement avec le sultopride ou Barnetil 
et avec la plupart des neuroleptiques de seconde génération, en dehors de
l'aripiprazole. Le risque d'agranulocytose est surtout observé avec la clozapine.
Les autres effets secondaires peuvent être hépatiques (cytolyse ou rétention),
réactions cutanées, cataracte ou rétinite pigmentaire ; chez la femme enceinte
ou allaitant, la clozapine doit être évitée.
Le syndrome malin est un accident rare (incidence : 0.5%) mais grave, avec mise
en jeu du pronostic vital (20% de décès sans traitement). Il associe une
hyperthermie sévère avec pâleur, collapsus, sueurs profuses, rigidité
extrapyramidale, hypotension, tachycardie, coma. Les examens biologiques
montrent une élévation des CPK, LDH, ASAT et ALAT, une hyperleucocytose. Le
traitement, non codifié, passe par des mesures de réanimation. De ce fait, toute
hyperthermie non expliquée impose l’arrêt immédiat d’un traitement
neuroleptique. Ce risque existe avec tous les neuroleptiques.
Il n’existe pas de contre-indications absolues aux neuroleptiques en dehors du
phéochromocytome (benzamides), du glaucome à angle fermé (neuroleptiques
anticholinergiques), du risque de rétention aiguë d’urine (neuroleptiques
anticholinergiques), d’une hypersensibilité, d’un coma toxique, d’un antécédent
d’agranulocytose toxique (phénothiazines, clozapine), d’une porphyrie
(phénothiazines), d’un allongement de l’espace QT (sultopride, pimozide), d’une
bradycardie < 65/minute et d’une hypokaliémie (sultopride). Les antécédents de
syndrome malin doivent rendre très prudent.
Les contre-indications relatives sont nombreuses : épilepsie, insuffisance
cardiaque, arythmies, angor, hypotension orthostatique, maladie de parkinson,
insuffisance hépatique et rénale, insuffisance respiratoire, grossesse et
allaitement, diabète, sevrage à l’alcool, aux barbituriques et aux
benzodiazépines.
Les anxiolytiques
Les anxiolytiques sont des substances qui appartiennent à des classes chimiques
distinctes, dont la propriété pharmacologique essentielle est d’agir sur le
système GABAergique. Les anxiolytiques sont représentés par les
10
benzodiazépines, les carbamates, les antihistaminiques,
l’étifoxine et le captodiame (cf. tableau 7).
les
azapirones,
Pharmacodynamie
L’agonisme GABAergique concerne non seulement les benzodiazépines mais
également des apparentés tels que les carbamates, des hypnotiques non
benzodiazépiniques (zolpidem, zopiclone) et des anesthésiques généraux. Toutes
ces substances présentent des propriétés similaires associant : une action
anxiolytique, sédative, myorelaxante, anticonvulsivante, amnésiante et
accessoirement orexigène. De ces propriétés pharmaco-cliniques découlent les
indications et les précautions d’emploi.
Pharmacocinétique et métabolisme
Les anxiolytiques offrent une bonne biodisponibilité, le métabolisme est
hépatique et l’élimination s’effectue par voie urinaire. L’absorption est quasitotale, seule la vitesse de résorption est variable : selon la formulation
galénique : plus rapide avec les solutions buvables que les comprimés ou gélules,
selon la voie d’administration : plus rapide par voie veineuse (intraveineuse lente,
perfusion) que par voie sublinguale ou orale. L’administration par voie
intramusculaire ne présente pas d’avantages en terme de rapidité d’action et la
biodisponibilité est mauvaise et irrégulière avec une accumulation dans les tissus
puis une redistribution retardée dans le sang circulant. Elle est réservée aux
situations où l’observance est compromise, lors d’un risque de surconsommation,
ou pour obtenir un effet surajouté (effet placebo plus important lors d’une
administration par voie injectable que per os). L’utilisation de la voie
intraveineuse se limite aux situations d’urgences et requière une surveillance
médicale stricte en raison des risques de détresse respiratoire. L’utilisation de
la voie rectale est tombée en désuétude et se limite au traitement des
convulsions de l’enfant (diazépam, Valium®). Les métabolites intermédiaires sont
actifs et certains métabolites terminaux tels que l’oxazépam (Séresta®) sont
commercialisés. Leur utilisation est intéressante chez les insuffisants
hépatiques. La distinction entre benzodiazépines à demi-vie courte,
intermédiaire ou longue a peu d’intérêt en pratique clinique en raison des
métabolites actifs. Les benzodiazépines à demi-vie courte (triazolam, Halcion®)
sont peu à peu retirées du marché en raison d’effets amnésiants prononcés. A la
différence des barbituriques, les benzodiazépines ne sont pas inducteurs
enzymatiques et les interactions pharmacocinétiques sont exceptionnelles.
Indications
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Les anxiolytiques sont indiqués dans les troubles anxieux : anxiété généralisée et
attaques de panique, trouble panique (associés aux antidépresseurs), anxiété
phobique (associés aux antidépresseurs), troubles obsessionnels compulsifs
(associés aux antidépresseurs), troubles de l’adaptation, sevrage alcoolique (en
particulier Valium® et oxazépam, Séresta®, les autres psychotropes ne sont
pratiquement plus utilisés, notamment le méprobamate, les barbituriques, les
neuroleptiques, dont l’efficacité est variable et la tolérance moindre), syndrome
douloureux chronique (clonazépam, Rivotril®), syndromes extrapyramidaux
iatrogènes, dystonies musculaires, état de mal épileptique, convulsions fébriles
de l’enfant, prémédication opératoire, anesthésie générale.
Principes de prescription
Les anxiolytiques constituent une vaste classe thérapeutique dont le spectre
d’activité est souvent similaire. Les effets recherchés lors de la prescription de
benzodiazépines sont l’anxiolyse, l’induction du sommeil et/ou l’effet
myorelaxant. Elles sont efficaces rapidement dès la première prise, sur une
courte période. Il est indispensable de poser correctement l’indication, en raison
notamment d’une surconsommation fréquente. Leur utilisation dans l’anxiété
situationnelle mineure est un non sens, elles n’ont pas d’action préventive et leur
effet est symptomatique et transitoire.
La prescription initiale s‘effectue à la posologie la plus faible possible,
progressivement croissante, adaptée au patient (en fonction de l’âge, des
pathologies somatiques notamment hépatiques et rénales, du poids) et pendant
une durée limitée. A posologie habituelle, la répartition est fractionnée sur le
nycthémère en deux ou trois prises. Les benzodiazépines doivent être proscrites
pendant le premier trimestre de grossesse, au cours de l’allaitement maternel
ainsi que chez l’enfant en raison du risque surajouté de conduites addictives
ultérieures.
A la différence des benzodiazépines, la buspirone a une activité retardée et
inconstante après une semaine de traitement. Elle n’entraîne pas de dépendance,
ni troubles mnésiques et la sédation est modérée. Les carbamates sont très
efficaces mais provoquent une sédation marquée avec une toxicité importante
lors d’ingestion massive, un effet inducteur enzymatique et induisent un risque
de dépendance. Les antihistaminiques tels que l’hydroxyzine (Atarax®) ont
l’avantage de ne pas provoquer de dépendance, mais leur efficacité est moins
constante. Les β-bloquants, en particulier le propranolol (Avlocardyl®), sont
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indiqués dans les manifestations fonctionnelles cardiovasculaires lors de
situations émotionnelles transitoires mais n’ont pas d’effet anxiolytique propre.
Surveillance, effets indésirables et contre-indications
Il n’existe que de rares contre-indications absolues à l’utilisation des
benzodiazépines : l’hypersensibilité, la myasthénie, l’insuffisance respiratoire
sévère, les apnées du sommeil et l’encéphalopathie hépatique.
La vigilance sera accrue chez les sujets insuffisants hépatiques et rénaux,
toxicomanes (contre-indications : flunitrazépam, Rohypnol®, clorazépate
dipotassique, Tranxène®, dans sa présentation la plus dosée), pendant les 2ème et
3ème trimestre de la grossesse : risque d’hypotonie (syndrome du « bébé mou » ou
floppy infant syndrom qui se manifeste par des troubles de la conscience, une
hypotonie, des troubles respiratoires, des troubles de la succion et une
hypothermie), un risque de détresse respiratoire à la naissance ou de syndrome
de sevrage chez le nouveau-né (état de mal épileptique).
Les anxiolytiques sont généralement bien tolérés, les effets indésirables sont
rares, les interactions médicamenteuses limitées. Les effets secondaires les
plus fréquents sont la somnolence diurne (qui pose le problème de l’utilisation de
machine dont la conduite automobile), les troubles mnésiques (généralement
moins importants que ceux générés par l’anxiété). L’effet sédatif est renforcé
par la co-prescription d’autres psychotropes.
La prescription doit être systématiquement réévaluée. Elle ne doit pas être
isolée et doit s’accompagner d’une prise en charge psychothérapique. L’effet du
traitement s’évalue sur deux semaines. En l’absence de résolution
symptomatique, il est nécessaire de réviser le diagnostic (rechercher une
dépression masquée…). La surveillance des taux plasmatiques n’a aucun intérêt en
dehors de la recherche d’une intoxication aiguë. Les benzodiazépines peuvent
être associées aux antidépresseurs dans le traitement des épisodes dépressifs
caractérisés ou de troubles anxieux spécifiques, mais devront être rapidement
arrêtées sauf cas exceptionnel. L’association ne doit être en aucun cas
systématique. Les risques majeurs en cas de traitement prolongé sont
l’accoutumance, la dépendance physique et psychique, l’usage toxicomaniaque.
L’arrêt doit s’effectuer progressivement, par paliers successifs, afin d’éviter un
effet rebond de l’anxiété, voire dans de très rares cas, un état de mal
épileptique. Le syndrome de sevrage aux benzodiazépines, variable dans son
intensité, s’inscrit dans le cadre général des manifestations liées à l’arrêt
13
d’hypno-sédatifs : barbituriques, carbamates et alcool. Le score de Tyrer (1983)
permet d’apprécier le risque de dépendance (cf. tableau 8).
Les anxiolytiques sont fréquemment utilisés lors de passage à l’acte suicidaire. Si
le risque létal est faible, ils ne doivent pas masquer une prise concomitante de
substances plus toxiques tels que les antidépresseurs imipraminiques. Les
carbamates et l’hydroxyzine peuvent être toxiques à forte dose (troubles
cardio-vasculaires corrélés à la méprobamatémie). L’hospitalisation est
indispensable, tant pour évaluer les conséquences physiques que pour rechercher
les causes et proposer des solutions à la résolution de la crise suicidaire
(recommandations de l’ANAES).
Les hypnotiques
Les hypnotiques (cf. tableau 7) représentent une classe pharmacologique proche
des anxiolytiques, dont les propriétés sédatives sont privilégiées. Il s’agit
essentiellement de benzodiazépines ou d’apparentés, sachant que les
barbituriques ne doivent plus être utilisés dans les troubles du sommeil.
Accessoirement certaines substances dont l’effet hypnotique est secondaire,
sont prescrites dans cette indication, en particulier les neuroleptiques sédatifs
(Nozinan®, Tercian®, Théralène®), et les antihistaminiques (Atarax®, Donormyl®).
Indications
Les indications des hypnotiques doivent se limiter aux insomnies occasionnelles.
La durée de prescription doit être la plus réduite possible et ne devrait pas
dépasser 4 semaines, sauf exception. L’association d’hypnotiques n’a pas d’intérêt
sur le plan thérapeutique. Le choix est fonction du type d’insomnie :
d’endormissement, par réveils multiples, par réveil précoce (il s’agit dans ce cas
d’un symptôme avant tout dépressif qu’il faut alors considérer comme tel dans la
démarche diagnostique et thérapeutique). Les benzodiazépines à demi-vie courte
ou intermédiaire, zopiclone (Imovane®) et zolpidem (Stilnox®) sont
préférentiellement utilisées dans le traitement des insomnies d’endormissement
et du sujet âgé.
Surveillance, effets indésirables et contre-indications
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Les effets indésirables ainsi que les contre-indications sont ceux des classes
pharmacologiques correspondantes. Zopiclone et zolpidem à la différence des
benzodiazépines respectent l’architecture du sommeil. Les insomnies rebonds
sont principalement décrites avec les hypnotiques à demi-vie courte et prescrits
à de fortes posologies. Zopiclone et zolpidem peuvent induire une anxiété de
sevrage analogue à l’insomnie rebond en particulier chez les sujets anxieux. Les
conduites de dépendance à l’égard des hypnotiques ne sont pas négligeables
notamment en ce qui concerne les benzodiazépines à demi-vie courte et
intermédiaire. En raison des potentialités toxicomaniaques du flunitrazépam
(Rohypnol®), la prescription est limitée à 14 jours avec dispensation fractionnée
pour 7 jours. Les effets secondaires au long cours d’hypnotiques non
benzodiazépiniques ne doivent pas être négligés. En particulier l’utilisation de
neuroleptiques à visée hypnotiques (alimémazine, Théralène®) expose au risque
d’effets neurologiques tardifs (dyskinésies tardives).
Les thymorégulateurs
Les régulateurs de l’humeur constituent une classe pharmacologique restreinte
représentée par les sels de lithium d'une part (Téralithe®, Neurolithium®), et les
anticonvulsivants ou apparentés d'autre part que sont la carbamazépine
(Tégrétol®), l’acide valproïque (Dépakine®), le valproate (Dépakote®) ou le
valpromide (Dépamide®). Ces trois dernières substances ont des potentialités
équivalentes dans les indications psychiatriques. Le valproate a l’indication
(AMM) pour le traitement des épisodes maniaques de la maladie maniacodépressive en cas de contre-indication ou d’intolérance au lithium. Le valpromide
est proposé dans la prévention des rechutes chez les sujets souffrant d’un
trouble bipolaire de type I et présentant une contre-indication au lithium.
L’acide valproïque (Dépakine®), à la différence de la pratique dans les pays anglosaxons, n’a pas d’AMM en France pour le traitement des troubles bipolaires.
Pharmacodynamie
Les thymorégulateurs agissent directement sur les neuromédiateurs tels que la
sérotonine, ont un effet stabilisateur de membrane et modifient les activités
enzymatiques protéine-G dépendantes.
Pharmacocinétique et métabolisme
15
Ils s’administrent par voie orale et sont métabolisés au niveau hépatique, à
l’exception des sels de lithium (ion métallique directement éliminé par voie
rénale). Il existe de nombreuses interactions médicamenteuses, notamment avec
la carbamazépine, qu’il sera nécessaire de considérer notamment lors de
pathologiques somatiques intercurrentes.
Indications
En dehors des troubles bipolaires de l’humeur, les thymorégulateurs sont
proposés dans les troubles du caractère et du comportement et comme adjuvant
des thérapeutiques antidépressives dans les dépressions résistantes. Les
thymorégulateurs anti-épileptiques seraient plus efficaces que les sels de
lithium lors d’une évolutivité importante du trouble de l’humeur avec un âge de
début précoce, des cycles rapides, un état mixte ou manie dysphorique, lors de
co-morbidités somatiques ou psychiatriques, lors d’antécédents familiaux de
troubles bipolaires, enfin lors de résistance, inobservance ou intolérance au
lithium.
Principes de prescription
L’instauration d’un traitement
thérapeutique qui comprend :
thymorégulateur
nécessite
un
bilan
pré-
-La recherche de contre-indications,
-Un examen clinique complet, notamment neurologique, avec mesure de la masse
corporelle (permettant l’ajustement initial de la posologie),
-Des examens paracliniques à la recherche d’une pathologie cardio-vasculaire,
hépatique, rénale ou thyroïdienne : ECG, bilan hépatique (avant administration
d’un thymorégulateur antiépileptique), bilan rénal (avant administration de sels
de lithium : créatininémie, clairance de la créatinine, protéinurie, glycosurie,
HLM), TSH (avant administration de sels de lithium), ionogramme sanguin (avant
administration de sels de lithium : recherche d’une déplétion sodée ou
potassique), NFS plaquettes,
-Un test de grossesse chez les femmes en âge de procréer.
L’initiation du traitement s’effectue de façon progressive sous surveillance
clinique et biologique, avec un contrôle régulier des concentrations plasmatiques
jusqu’à l’équilibre. Une information claire et précise du patient est nécessaire
sur les effets du traitement tant bénéfiques qu’indésirables et sur la nécessité
de maintenir la même posologie au long cours.
Surveillance, effets indésirables et contre-indications
16
La surveillance au long cours s’articule autour de la surveillance de l’action
préventive et de la tolérance au traitement. L’information donnée au patient est
un facteur clé de l’observance thérapeutique, qui peut-être facilitée par le
recours aux formes à libération prolongée et la prescription en une seule prise
quotidienne.
L’évaluation porte sur l’efficacité et la survenue d’effets indésirables, le
contrôle des concentrations plasmatiques et des examens paracliniques.
En ce qui concerne les sels de lithium :
-Lithiémie tous les 2 à 3 mois et lors d’une suspicion de surdosage, zone
thérapeutique : 0.5-0.8 mEq/L 12 heures après la dernière prise si forme à
libération immédiate, 0.8-1.2 mEq/L 12 heures après la prise si forme à
libération prolongée,
-Contrôle annuel de la TSH,
-Contrôle annuel de la clairance de la créatinine.
Carbamazépine :
-Carbamazépinémie : tous les 2 à 3 mois, zone thérapeutique : 6-10 µg/mL,
-Contrôle NFS plaquettes et TP régulier, avec arrêt immédiat du traitement si
leucopénie < 3000 ou neutropénie < 1500,
-Contrôle régulier transaminases, bilirubine, γGT, avec arrêt immédiat du
traitement si altération importante des paramètres biologiques.
Valproate :
-Valpromidémie : tous les 2 à 3 mois, zone thérapeutique : 60-100 µg/mL
-Contrôle régulier NFS plaquettes et TP, avec arrêt immédiat ou diminution du
traitement si thrombopénie,
-Contrôle régulier transaminases, bilirubine, γGT, avec arrêt immédiat du
traitement si altération importante des paramètres biologiques.
L’intoxication aux sels de lithium est facilitée par les associations
médicamenteuses
(AINS,
diurétiques,
cyclines,
5-nitro-imidazolés),
l’insuffisance rénale, la déshydratation, un régime désodé, une pathologie
infectieuse. Elle se manifeste par : asthénie, tremblements (lithiémie > 1.2
mEq/L), troubles de la concentration, myoclonies, somnolence, apathie, faiblesse
musculaire, dysarthrie, ataxie, nystagmus, vertiges, troubles de la vision,
17
nausées, diarrhée, confusion mentale (lithiémie > 1.6 mEq/L), hypotonie
musculaire, perturbations de l’EEG, oligo-anurie, perturbations de l’ECG,
hypotension, coma hyperréflexique, décès possible par collapsus cardiovasculaire (lithiémie > 2 mEq/L).
L’intoxication par la carbamazépine associe des signes neuro-musculaires
(troubles de la conscience, convulsions, vertiges, ataxie, mydriase, nystagmus,
hyper- puis hypo-réflexie), cardiovasculaires (tachycardie, hypotension,
perturbations de l’ECG, état de choc) et respiratoires. L’intoxication par le
valproate associe coma calme, myosis, hypotonie musculaire, hyporéflexie.
Les effets indésirables des thymorégulateurs antiépileptiques associent des
effets digestifs (hépatopathies, troubles du transit), cardiovasculaires
(hypotension, tachycardie), hématologiques (thrombopénie, leucopénie, voire rare
tricytopénie), cutanés (alopécie, dermite, épidermite toxique), syndrome
confusionnel, prise de poids.
Le lithium a la particularité d’induire des effets collatéraux immédiats et
retardés après l’initiation du traitement. Les effets immédiats sont caractérisés
par des effets digestifs (sécheresse buccale, sensation de soif, nausées,
diarrhée), neurologiques (tremblements fins, sensation de vertiges, somnolence),
cardiovasculaires (troubles de la repolarisation), rénaux (syndrome polyuropolydipsique réversible), hématologiques (hyperleucocytose à polynucléaires
neutrophiles fréquente et réversible). Les effets retardés sont endocriniens
(hypothyroïdie ou plus rarement hyperthyroïdie), cardiovasculaires (troubles du
rythme et de la conduction, myocardiopathie), rénaux (syndrome polyuropolydipsique, insuffisance rénale), cutanés (acné, rash, prurit, aggravation d’une
dermatose chronique), psychiques (troubles cognitifs, ralentissement), prise de
poids.
Les contre-indications absolues au lithium associent : insuffisance rénale même
modérée (clairance de la créatinine < 85 mL/minute), déplétion hydro-sodée,
régime hypo- ou désodé, coronaropathie sévère, insuffisance cardiaque instable,
allaitement, grossesse (1er trimestre, en sachant que si un traitement
thymorégulateur est indispensable pendant cette période, il faudra utiliser la
carbamazépine) .
Les contre-indications à l’acide valproïque sont : les antécédents d’hépatite
médicamenteuse, hépatite aiguë ou
chronique, hypersensibilité, porphyrie
hépatique, association à la méfloquine (risque de convulsions).
18
Les contre-indications à la carbamazépine sont : bloc auriculo-ventriculaire,
allaitement, antécédent d’hypoplasie médullaire, porphyrie aiguë intermittente,
hypersensibilité, IMAO non sélectifs, insuffisance hépatique.
La consommation de boissons alcoolisées est formellement déconseillée chez les
patients traités par des anticonvulsivants.
Les psychostimulants
La classe des médicaments psychostimulants, après la mise en évidence des
propriétés toxicomanogènes des amphétamines et leur retrait progressif, se
limite aujourd’hui au méthylphénidate (Ritaline®), à l’adrafinil (Olmifon®) et à son
métabolite actif le modafinil (Modiodal®). Il existe accessoirement de
nombreuses substances commercialisées comme anti-asthéniques.
Pharmacodynamie et pharmacocinétique
Le méthylphénidate est un dérivé amphétaminique qui augmente la concentration
de monoamines cérébrales (dopamine et noradrénaline) dans la fente synaptique.
La résorption digestive est complète mais la biodisponibilité de 30% en raison
d’un effet de premier passage hépatique important. L’adrafinil et le modafinil
sont des psychostimulants non amphétaminiques dit « eugrégoriques » qui ont un
effet
alpha-1
adrénergique
au
niveau
cérébral.
Les
interactions
médicamenteuses sont nombreuses en raison d’un effet inducteur enzymatique.
Indications
Le méthylphénidate est indiqué dans les troubles de l’attention de l’enfant avec
hyperactivité au-delà de 6 ans et dans le traitement de la narcolepsie en cas
d’échec du modafinil. Le modafinil est indiqué dans le traitement de la
narcolepsie (efficacité sur les accès de sommeil diurne mais pas sur la cataplexie
qui doit être traitée par un imipraminique) et de l’hypersomnie idiopathique.
L’adrafinil, moins stimulant, est indiqué dans les troubles de la vigilance et de
l’attention du sujet âgé.
Principes de prescription
La prescription initiale de méthylphénidate est réservée aux médecins
hospitaliers : psychiatres, pédiatres, neurologues et médecins de centre
d’exploration du sommeil et nécessite une confirmation diagnostique par une
19
équipe pluridisciplinaire. Le renouvellement est possible par tout médecin. La
posologie initiale est de 5 mg matin et midi avec augmentation progressive par
paliers de 5 à 10 mg par semaine. La prise le soir n’est pas recommandée en
raison de l’insomnie induite. La posologie maximale est de 60 mg jour. En raison
du retentissement staturo-pondéral, la prise peut-être arrêtée le week-end.
La prescription d’adrafinil est possible par tout médecin. Par contre, pour le
modafinil, l’initiation de la prescription est limitée aux psychiatres et
neurologues hospitaliers. Il s’agit d’un médicament onéreux dont la dispensation
est spécifique (ordonnance de médicament d’exception).
Surveillance, effets indésirables et contre-indications
La surveillance est centrée sur l’évaluation clinique, la recherche d’un surdosage
et d’une mauvaise tolérance qui peut faire interrompre le traitement. Les effets
indésirables sont nombreux notamment en ce qui concerne le méthylphénidate.
Ils sont essentiellement neurologiques et psychiques. La surveillance tensionnelle
est recommandée (risque d’hypertension artérielle). Les contraceptifs oraux
sont déconseillés avec le modafinil (inactivation). Les IMAO, anesthésiques
volatils et les agents vasopresseurs sont contre-indiqués avec le
méthylphénidate.
Pour en savoir plus
Thérapeutique psychiatrique. Senon JL, Sechter D, Richard D, Editeurs.
Hermann, 1995.
Essential psychopharmacology. Stahl S, Editor. Second edition. Cambridge
University Press, 2000.
Essentials of clinical psychopharmacology. Schatzberg AF, Nemeroff CB,
Editors. American psychiatric Publishing INC, 2001.
Stratégies thérapeutiques à long terme dans les psychoses schizophréniques.
(Conférence de consensus - 13 - 14 janvier 1994), ANAES.
Prescription des hypnotiques et anxiolytiques. Recommandations et Références
Médicales 1995 - Tome 2.
20
Prescription des neuroleptiques. Recommandations et Références Médicales
1995 - Tome 2.
Suivi des psychotiques. Recommandations et Références Médicales 1995 - Tome
2.
Médicaments antidépresseurs (Décembre 1996). Supplément au n° 42 du
Concours Médical du 14/12/96 - Recommandations et Références Médicales
1996
Prise en charge d'un épisode dépressif isolé de l'adulte en ambulatoire (Mai
2002), ANAES.
Pharmacologie et mode d'action des neuroleptiques (Part I). Modalités
d'utilisation des neuroleptiques (Part II). N Franck et F Thibaut. A paraître
dans l'Encyclopédie Médico-Chirurgicale Psychiatrie en 2005.
21
Tableau 1
Substances psychotropes
Effets dépresseurs
Action sur
la vigilance
Action sur
l'anxiété
Régulation
Action sur
l'humeur et
autres
fonctions
Action sur
l’humeur
Effets stimulants
Action sur la
vigilance
Action sur
l'humeur
anxiolytiques
benzodiazépines
antihistaminiques
carbamates
azapirones
etifoxine
captodiame
nooanaleptiques
hypnotiques
benzodiazépines
cyclopyrrolones
imidazopyridines
antihistaminiques
autres
22
TABLEAU 3
Spécialités
DCI
Effets anticholinergiques
sécheresse buccale, constipation, troubles de
l'accommodation, mydriase, dysurie, élévation de la
pression intra-oculaire
Effets cardiovasculaires
hypotension artérielle tachycardie
troubles du rythme et de la
conduction
Tricycliques (imipraminiques)
Pertofran®
Tofranil®
Anafranil ®
Prothiaden®
Ludiomil ®
Défanyl®
Quitaxon®
Laroxyl® Elavil®
Surmontil ®
désipramine
imipramine
clomipramine
dosulépine
maprotiline
amoxapine
doxépine
amitriptyline
trimipramine
IMAO A
Moclamine®
Humoryl®
moclobémide
toloxatone
+/+
-k
-
-
-
IRS
Prozac®
Zoloft®
Séropram®, Séroplex®
Déroxat® Divarius®
Floxyfral®
fluoxétine
sertraline
citalopram
paroxétine
fluvoxamine
+/+
+/+
+/+
++ / +
+/+
+/+
++ / ++
+/+
+/+
+/+
+/+
+/+
+/+
-
IRSNA
Effexor®
Ixel®
venlafaxine
milnacipran
++ / +
++ / +
-k
-k
+/+
+/+
-
NaSSA
Norset®
mirtazapine
++ / +
+/+
-
-
Atypiques
Vivalan®
Stablon®
Athymil
viloxazine
tianeptinej
miansérine
+/+
+/+
-
++ / ++
+/+
+/+
+/+
+ / ++
-
+++ /
+++ /
+++ /
+++ /
+++ /
+++ /
+++ /
+++ /
+++ /
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+++ / ++
+++ / ++
+++ / ++
+++ / ++
+++ / ++
+++ / ++
+++ / ++
+++ / ++
+++ / ++
+++ /
+++ /
+++ /
+++ /
+++ /
+++ /
+++ /
+++ /
+++ /
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+ / +++
+ / +++
+ / +++
+ / +++
+ / +++
+ / +++
+ / +++
+ / +++
+ / +++
+ / + : fréquence ( + : rare, +++ : fréquent) / sévérité (+ : bénin, +++ : grave, nécessitant arrêt du traitement et/ou mesure thérapeutique adaptée)
Tous les antidépresseurs exposent au risque suicidaire par levée de l'inhibition, de réactivation délirante chez les patients psychotiques,
ainsi qu'à l'inversion de l'humeur (notamment les imipraminiques)
k : plutôt élévation de la pression artérielle (posologise élévées)
TABLEAU 3 ( Suite )
Spécialités
DCI
Effets centraux
insomnie et somnolence,
anxiété
asthénie
confusion
mentale
troubles
mnésiques
dysarthrie
convulsions
agitation
troubles
extraParesthésies céphalées
pyramidaux
vertiges
hyperprolactinémie
Tricycliques (imipraminiques)
Pertofran®
Tofranil®
Anafranil®
Prothiaden®
Ludiomil®
Défanyl®
Quitaxon®
Laroxyl® Elavil®
Surmontil®
désipramine
imipramine
clomipramine
dosulépine
maprotiline
amoxapine
doxépine
amitriptyline
trimipramine
+++ / +
+++ / +
+/+
+/+
-
+/+
+/+
++ / +
++ / +
++ / +
+++ / +
+++ / +
+ / +++a
+ / +++a
+ / +++a
+ / +++a
+ / +++a
+ / +++a
+ / +++a
+ / +++a
+ / +++a
+/+
+/+
+/+
+/+
++ / +
++ / +
++ / +
++ / +
++ / +
+/+
+/+
+/+
+/+
+/+
+/+
+/+
+/+
+/+
+ / +++
+ / +++
+ / +++
+ / +++
+ / +++
+ / +++
+ / +++
+ / +++
+ / +++
++ / ++
++ / ++
+ / ++
+ / ++
+ / ++
+ / ++
+ / ++
+ / ++
+ / ++
++ / +b
++ / +b
++ / +b
++ / +b
++ / +b
++ / +b
++ / +b
++ / +b
++ / +b
+/+
+/+
+/+
+/+
+/+
+/+
+/+
+/+
+/+
-
-
+/+
+/+
+/+
+/+
+/+
+/+
+/+
+/+
+/+
IMAO A
Moclamine®
Humoryl®
moclobémide
toloxatone
+/+
+/+
-
+ / ++
-
-
-
-
-
-
-
+/+
+/+
+/+
+/+
+
-
IRS
Prozac®
Zoloft®
Séropram®, Séroplex®
Déroxat® Divarius®
Floxyfral®
fluoxétine
sertraline
citalopram
paroxétine
fluvoxamine
+++ / +
++ / +
+/+
+/+
+/+
+/+
+/+
+/+
++ / +
+++/ +
-
+/+
+/+
+/+
+/+
-
+ / +++
+ / +++h
+ / +++
+ / +++
+/+
+/+
+/+
+/+
+/+
+/+
+/+
+/+
+/+
+/+
+/+
+/+
++ / ++
++ / ++
++ / ++
++ / ++
+/+
+/+
+/+
+/+
+/+
+/+
-
IRSNA
Effexor®
Ixel®
venlafaxine
milnacipran
++ / +
++ / +
+/+
-
-
-
-
+ / +++
-
+/+
+/+
+/+
+/+
+/+
-
+/+
+/+
++ / +
++ / +
-
NaSSA
Norset®
mirtazapine
-
++ / +
-
+/+
-
+ / +++
-
+/+
-
++ / +
+/+
-
Atypiques
Vivalan®
Stablon®
Athymil
viloxazine
tianeptinej
miansérine
+++ / +
+/+
-
+/+
+/+
++ / +
-
+/+
-
++ / +++
+ / +++
+/+
-
+/+
-
-
+/+
-
+/+
+/+
-
+ / + : fréquence ( + : rare, +++ : fréquent) / sévérité (+ : bénin, +++ : grave, nécessitant arrêt du traitement et/ou mesure thérapeutique adaptée)
Tous les antidépresseurs exposent au risque suicidaire par levée de l'inhibition, de réactivation délirante chez les patients psychotiques,
ainsi qu'à l'inversion de l'humeur (notamment les imipraminiques)
a : sujets âgés
b : dose dépendant
h : lors d'associations médicamenteuses
TABLEAU 3 ( Suite )
Spécialités
DCI
Effets digestifs
bouffée de
chaleur
nausées
vomissements
diarrhée
hépatopathies
prise de
poids
anorexie
Effets hématologiques
leucopénie,
troubles
agranulocytose,
sexuels
thrombopénie,
éosinophilie
Effets respiratoires
dyspnée
Tricycliques (imipraminiques)
Pertofran®
Tofranil®
Anafranil®
Prothiaden®
Ludiomil®
Défanyl®
Quitaxon®
Laroxyl® Elavil®
Surmontil®
désipramine
imipramine
clomipramine
dosulépine
maprotiline
amoxapine
doxépine
amitriptyline
trimipramine
+/+
+/+
+/+
+/+
+/+
+/+
+/+
+/+
+/+
-
-
-
+ / +++
+ / +++
+ / +++
+ / +++
+ / +++
+ / +++
+ / +++
+ / +++
+ / +++
+/+
+ /+
++ / +
++ / +
+++ / +
+++ / +
+++ / +
-
+ / ++
+ / ++
+ / ++
+ / ++
+ / ++
+ / ++
+ / ++
+ / ++
+ / ++
+ / +++
+ / +++
+ / +++
+ / +++
+ / +++
+ / +++
+ / +++
+ / +++
+ / +++
-
IMAO A
Moclamine®
Humoryl®
moclobémide
toloxatone
-
+/+
+/+
-
-
+ / +++
-
-
-
-
-
IRS
Prozac®
Zoloft®
Séropram®, Séroplex®
Déroxat® Divarius®
Floxyfral®
fluoxétine
sertraline
citalopram
paroxétine
fluvoxamine
-
+ / +g
+ / +g
++ / +g
++ / +g
+++ / +g
+/+
+/+
+/+
+/+
+/+
+ / ++
+ / ++
+ / ++
+ / +++
+ / ++
+/+
+/+
+/ +
+/+
+/+
+/+
+/+
++ / ++
++ / ++
++ / ++
++ / ++
++ / ++
+ / +++e
+ / +++e
+ / +++e
+ / +++e
+ / +++e
-
IRSNA
Effexor®
Ixel®
venlafaxine
milnacipran
+/+
++ / +
++ / +
+/+
+/+
+/+
+/+
-
+ / ++
+ / ++
-
+/+
-
+/+
-
+ / +++
-
-
NaSSA
Norset®
mirtazapine
+/+
-
-
-
+ / ++
+++ / +
-
-
+ / +++a
-
Atypiques
Vivalan®
Stablon®
Athymil
viloxazine
tianeptinej
miansérine
-
+ / +i
+/+
-
+/+
+/+
-
+/+
+/+
-
+ / ++
+ / ++
+ / ++
++ / +
+/+
-
-
++ / +++a
+/+
-
+++
+++
+++
+++
+++
/ +g
/ +g
/ +g
/ +g
/ +g
+ / + : fréquence ( + : rare, +++ : fréquent) / sévérité (+ : bénin, +++ : grave, nécessitant arrêt du traitement et/ou mesure thérapeutique adaptée)
Tous les antidépresseurs exposent au risque suicidaire par levée de l'inhibition, de réactivation délirante chez les patients psychotiques,
ainsi qu'à l'inversion de l'humeur (notamment les imipraminiques)
a : sujets âgés
e : hémorragie par trouble de l'adhésion plaquettaire
g : début de traitement
TABLEAU 3 ( Suite )
Spécialités
DCI
Effets cutanés
réactions
allergiques
choc anaphylactique
Chute des
cheveux
hypersudation
Tricycliques (imipraminiques)
Pertofran®
Tofranil®
Anafranil®
Prothiaden®
Ludiomil®
Défanyl®
Quitaxon®
Laroxyl® Elavil®
Surmontil®
désipramine
imipramine
clomipramine
dosulépine
maprotiline
amoxapine
doxépine
amitriptyline
trimipramine
+ / +++
+ / +++
+ / +++
+ / +++
+ / +++
+ / +++
+ / +++
+ / +++
+ / +++
+ / +++c
+ / +++c
+ / +++c
+ / +++c
+ / +++c
+ / +++c
+ / +++c
+ / +++c
+ / +++c
+/+
+/+
+/+
+/+
+/+
+/+
+/+
+/+
+/+
-
IMAO A
Moclamine®
Humoryl®
moclobémide
toloxatone
-
-
-
IRS
Prozac®
Zoloft®
Séropram®, Séroplex®
Déroxat® Divarius®
Floxyfral®
fluoxétine
sertraline
citalopram
paroxétine
fluvoxamine
+ / +++f
+ / +++
+ / +++
+ / +++
-
+/ +++
+/ +++
+ / +++
-
IRSNA
Effexor®
Ixel®
venlafaxine
milnacipran
+ / ++
+ / ++
NaSSA
Norset®
mirtazapine
Atypiques
Vivalan®
Stablon®
Athymil
viloxazine
tianeptinej
miansérine
Autres
hyponatrémi hypoglycémi
myalgies
e
e
Avitaminose B
+/
+/
+/
+/
+/
+/
+/
+/
+/
+++d
+++d
+++d
+++d
+++d
+++d
+++d
+++d
+++d
-
-
-
-
-
-
-
-
+/+
-
+/+
+/+
+/+
+/+
+/+
-
+ / +++
+ / +++a
+ / +++a
+ / +++
+ / +++
+ / +++
-
+/+
-
-
++ / +
++ / +
-
+ / +++
-
-
-
+ / ++
-
-
-
-
-
-
-
+ / ++
+ / ++
-
-
-
-
-
-
+/+
-
+ / + : fréquence ( + : rare, +++ : fréquent) / sévérité (+ : bénin, +++ : grave, nécessitant arrêt du traitement et/ou mesure thérapeutique adaptée)
Tous les antidépresseurs exposent au risque suicidaire par levée de l'inhibition, de réactivation délirante chez les patients psychotiques,
ainsi qu'à l'inversion de l'humeur (notamment les imipraminiques)
a : sujets âgés
c : réaction au sulfites dans certaines formes injectables
d : au long cours
f : érythème, rash, toux persistante, vascularite, arthralgies
Tableau 7
ANXIOLYTIQUES
SPECIALITES
D.C.I.
Benzodiazépines
Posologie (mg/j)
3-12
Anxyrex ® Gé
bromazépam
Bromazépam GNR ®
bromazépam
Equitam ®
lorazépam
Lexomil ®
bromazépam
Lysanxia ®
prazépam
Nordaz ®
nordazépam
Novazam ® Gé
diazépam
Séresta ®
oxazépam
Témesta ®
lorazépam
Tranxène ®
clorazépate dipotassique
Urbanyl ®
clobazam
Valium Roche ®
diazépam
Vératran ®
clotiazépam
Victan ®
loflazépate d’éthyle
Xanax ®
alprazolam
3-12
2-5
3-12
20-40
7.5-15
5-20
30-60
2-5
5-100
10-60
5-20
10-30
1-3
0.5-4
Buspirone
Buspar ®
15-60
buspirone
Hydroxyzine
Atarax ®
50-100
hydroxyzine
Méprobamate
Equanil ®
600-1600
méprobamate
Autres
Covatine ®
captodiame
Stresam ®
étifoxine
150
150
HYPNOTIQUES
SPECIALITES
D.C.I.
Benzodiazépines
Posologie (mg/j)
27
0.125
Halcion ®
triazolam
Havlane ®
loprazolam
Mogadon ®
nitrazépam
Noctamide ®
lormétazépam
Normison ®
témazépam
Nuctalon ®
estazolam
Rohypnol ®
flunitrazépam
0.5-1
2.5-10
0.5-2
10-20
1-2
0.5-2
Zolpidem
Ivadal ®, Stilnox ®
10-20
zolpidem
Zopiclone
Imovane ®
7.5
zopiclone
Tableau 2
Spécialités
DCI
Polarité
Propriétés
stimulante
sédative
noradrénergiques
adrénergiques
anticholinergiques
sérotoninergiques
Tricycliques
Pertofran®
Tofranil®
Anafranil®
Prothiaden®
Ludiomil®
Défanyl®
Quitaxon®
Elavil®
Laroxyl®
Surmontil®
désipramine
imipramine
clomipramine
dosulépine
maprotiline
amoxapine
doxépine
amitriptyline
amitriptyline
trimipramine
+++
++
++
+
+/+
+
-
+/+
+
+
++
++
+++
+++
+++
+
++
++
+
+
+/+
++
++
+
++
++
++
+
+
+
+
++
++
+
+/+
+
+
+
-
IMAO A
Moclamine®
Humoryl®
moclobémide
toloxatone
++
+
-
+/+/-
-
+
+
IRS
Prozac®
Zoloft®
Séropram®, Séroplex®
Déroxat®
Floxyfral®
fluoxétine
sertraline
citalopram
paroxétine
fluvoxamine
++
+
+
-
+/+
+/+/+/+/+/-
+
-
+
+
+
+
+
IRSNA
Effexor®
Ixel®
venlafaxine
milnacipran
+
+
+/+/-
+
+
+/+/-
+
+
28
NaSSA
Norset®
mirtazapine
-
++
+
+/-
+
Atypiques
Vivalan®
Stablon®
Athymil
viloxazine
tianeptine
miansérine
++
+/-
+/++
+/+/+
+/+/-
+/-
Tableau 4
PRINCIPALES INDICATIONS DES NEUROLEPTIQUES CHEZ L'ADULTE
DCI
Phénothiazines
chlorpromazine
cyamémazine*
fluphénazine
lévomépromazine*
pipotiazine
propériciazine
thiopropérazine
thioridazine*
Butyrophénones
dropéridol
halopéridol
pipampérone
Etats d'agitation,
d'excitation,
d'agressivité
Etats
psychotiques
aigus
Etats
psychotiques
chroniques
Fourchette
posologique per os
chez l'adulte (mg/j)
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
25-300 (jusqu'à 600)
50-300 (jusqu'à 600)
25-300 (jusqu'à 800)
25-200 (jusqu'à 400)
5-20 (jusqu'à 30)
30-100 (jusqu'à 200)
5-40
100-400
voie injectable
X
X
15-120
0-20
20-120
voie injectable
voie injectable
X
X
X
X
X
X
50-800 (jusqu'à
1200)
200-1000
400-800
200-300
X
X
X
150-450 (jusqu'à
600)
75-200 (jusqu'à 600)
X
5-20
X
X
20-200 (jusqu'à 400)
20-100 (jusqu'à 200)
voie injectable
voie injectable
voie injectable
Benzamides
amisulpride
sulpiride
sultopride
tiapride
Diazépines et oxazépines
clozapine**
loxapine
X
olanzapine
Thioxanthènes
flupentixol
zuclopenthixol
X
X
X
X
Autres
29
pimozide
rispéridone
X
X
X
1-10 (jusqu'à 16)
4-8
* Ces neuroleptiques sont employés dans le traitement symptomatique de l'anxiété, en cas
d'inefficacité des thérapeutiques habituelles.
** La clozapine est réservée au traitement des schizophrénies chroniques sévère (évoluant depuis au
moins deux ans) en cas de résistance ou d'intolérance aux neuroleptiques classiques.
Sa posologie initiale est de 12,5 mg par jour. Une surveillance hématologique est indispensable.
*** Précautions d'emploi a respecter (risque d'allongement espace QT)
Tableau 5
FORMES "RETARD" (solutions injectables IM)
Dosages
unitaires
(mg/ampoule
ou flacon)
Posologie
DCI
SPECIALITES
Phénothiazines
fluphénazine décanoate
Modécate®
25/125
25-150 mg/3-4 semaines
Trilifan® retard
Piportil® L4
100
25/100
50-300 mg/2-4 semaines
25-200 mg/2-4 semaines
50
50-300 mg/4 semaines
20/100
20-300 mg/2-3 semaines
200
200-400 mg/2-4 semaines
perphénazine énanthate
pipotiazine plamitate
Butyrophénones
halopéridol décanoate
Haldol® Decanoas
Thioxanthènes
flupentixol décanoate
Fluanxol® LP
zuclopenthixol décanoate Clopixol
action prolongée
®
30
Tableau 8. Score de Tyrer (1983)
Facteurs
Posologie moyenne élevée
Traitement poursuivi plus de 3 mois
Antécédents de dépendance
Demi-vie de la molécule courte
Augmentation des doses
Scores
2
2
2
1
2
Score total : pas de risque (0), risque faible (1-3), risque fort (4-6), dépendance presque
certaine (7-9).
31
32
Tableau 6. Fréquence relative des principaux effets indésirables des neuroleptiques
(Franck et Thibaut, 2005)
Amisulpride
Aripiprazole
Chlorpromazine
Clozapine
Halopéridol
Olanzapine
Quétiapine
Rispéridone
Sertindole
Ziprasidone
Dyskinésies
aiguës
Syndrome
parkinsonie
n
Akathisi
e
Dyskinésies
tardives
Epilepsie
Prise
de poids
Dyslipidémies
Hyperglycémie
0
0
+
0
+++
0
0
+
0
0
0
0
+
0
+++
0
0
+
0
0
0
++
+
0
++
0
0
++
+
+
0
0
+
0
+++
0
0
0
0
0
+
+
+
+++
+
+
0
+
+
+
++
0
+
+++
+
+++
++
+
+
0
0
0
++
+++
0
+++
+
0
0
0
0
0
+
+++
0
+++
++
0
0
0
Hy
PREMIÈRE PARTIE : MODULES TRANSDISCIPLINAIRES
Module 11 – Synthèse Clinique et Thérapeutique
Question 183
Accueil d’un sujet victime de violences sexuelles
Rédaction : N. Giraudeau, M. Langlois et F. Thibaut
Objectifs pédagogiques généraux
§ Savoir reconnaître un état de choc psychologique et mettre en place très
précocement les modalités d’intervention thérapeutique adaptées
§ Savoir évaluer, chez un sujet, les conséquences d'un psychotraumatisme ou
d'un facteur de stress psychosocial, les traiter et les prévenir quand cela est
possible
Objectifs pédagogiques spécifiques
§ Savoir diagnostiquer un état de stress aigu, dans les suites d'une agression
ou d'un accident grave
§ Savoir en cas de stress aigu apporter une assistance psychologique immédiate
en en connaissant les principes directeurs
§ Savoir diagnostiquer un état de stress post-traumatique et orienter le
patient dans les filières de soins adéquates
Accueil d'un sujet victime de violences sexuelles – Prise en charge immédiate
Introduction
Tout médecin (quel que soit sa spécialité ou son mode d’exercice) doit savoir reconnaître
ce type de violences et être capable d’accueillir et d'orienter les victimes. Il est essentiel
de ne pas agir seul mais de travailler en partenariat avec les services sociaux, l’école, la
justice, la police et également avec les associations.
Actuellement, la prise en charge des victimes de violences sexuelles répond à des critères
admis par tous. Des pôles de référence régionaux chargés de l'accueil et de la prise en
charge des victimes de violences sexuelles existent à peu près partout en France et
fonctionnent sur le même mode. Il ne faut pas hésiter à se mettre en contact avec eux
pour y adresser la victime ou y obtenir des conseils.
1. Les définitions
En droit, les crimes et délits d’agression sexuelle correspondent au viol (tout acte de
pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par
violence, menace, contrainte ou surprise est un viol), à l’agression sexuelle (toute atteinte
sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise), à l'exhibition sexuelle
(s'imposer à la vue d’autrui dans un lieu accessible aux regards du public) et au
harcèlement sexuel (le fait de harceler autrui en usant d’ordres de menaces ou de
contraintes, dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle, par une personne
abusant de l’autorité que lui confèrent ses fonctions). En matière de législation, l’inceste
n’est reconnu par le droit qu’en terme de circonstance aggravante. On fait une différence
entre atteinte et agression sexuelle. Les atteintes sexuelles concernent spécifiquement
les enfants et les adolescents. Les faits sont commis sans violence, contrainte, menace ni
surprise par un majeur sur un mineur. Au sein des infractions sexuelles, seul le viol est
considéré comme un crime et jugé par la cour d’assises. Les autres infractions sont des
délits jugés par le tribunal correctionnel (tribunal de grande instance). Le terme d’abus
sexuels qui est d’origine anglo-saxonne, n’a pas toujours le même sens dans la littérature
internationale.
2. Les données épidémiologiques
Dans l’Enquête sur les Violences Envers les Femmes en France (ENVEFF) de 2000, 11 %
des femmes déclaraient avoir subi au moins une agression sexuelle dans leur vie. Les
violences sexuelles sont la première cause de maltraitance chez l’enfant. Les enfants
jeunes (3-6 ans) sont particulièrement touchés. La plupart des études s'accordent pour
constater que 80 % des victimes sont de sexe féminin (tous âges confondus). En France,
en 1998, 40 % des crimes sexuels et 50 % des délits sexuels concernaient des mineurs1.
D'autre part, 80 % des victimes entretiennent avec leurs agresseurs des relations
familiales proches.
3. Le cadre juridique
a.
Signalement et secret professionnel
Lorsque la victime est un mineur ou une personne vulnérable, le médecin est autorisé à
signaler2 les faits au procureur de la république sans que puisse lui être reprochée une
violation du secret professionnel dont il est alors délié. Le médecin n’est tenu de signaler
que des faits constatés. Il rapportera aussi fidèlement que possible les paroles de la
victime en les notant entre guillemets. Le médecin ne peut présenter des agressions
comme fait avéré sur la seule foi des déclarations d’un parent ou d’un accompagnant.
L’accord de la victime est nécessaire au signalement pour toute victime de plus de 18 ans
mais il est souvent difficile, voire impossible de recueillir un tel consentement chez des
personnes âgées ou handicapées mentales. En conclusion, la crainte d’une poursuite pour
violation du secret médical ou dénonciation calomnieuse ne doit pas arrêter le médecin qui
souhaite faire un signalement.
1
2
CFV Collectif Féministe contre le viol. Etude statistique sur les appels reçus. 1998.
Un modèle de signalement a été établi par la chancellerie, le ministère de la santé, en collaboration avec le
conseil national de l'ordre. Il est téléchargeable sur le site de l'ordre : www.conseil-national.medecin.fr
b.
L'examen peut se faire avec ou sans réquisition
La réquisition est un acte par lequel une autorité judiciaire (procureur de la république ou
juge d'instruction) fait procéder à un acte médico-légal qui ne peut être différé. Tout
médecin, sauf s'il est le médecin traitant de la personne à examiner, peut être requis, quel
que soit son mode d'exercice ou sa spécialité. Le respect du secret professionnel doit
être préservé mais il faut pouvoir expliquer aux autorités la nécessité d'orienter la
victime vers une structure spécialisée pour une prise en charge plus adaptée et optimale
d'emblée.
Mais l'examen peut aussi être réalisé sans réquisition. Il y a alors plusieurs cas :
- Les faits sont récents (< 3 jours) et la victime ne veut ou n'ose pas porter plainte. Il
faut réaliser l'examen et les prélèvements comme en cas de réquisition pour conserver les
preuves qui sont "fugaces". Cette prise en charge encourage la victime à porter plainte. Le
médecin, avec l'accord de la victime, peut lui-même procéder au signalement judiciaire.
- Les faits sont plus anciens et la demande est médicale (bilan de l'état de santé sur le
plan somatique) ou d’ordre psychologique.
- La demande est parfois plus confuse (demande de certificat ou de prélèvement vaginal
pour porter plainte ultérieurement).
4. L'accueil en urgence de victimes d'agression et
l’examen médico-légal initial
L'accueil doit avoir lieu dans un endroit calme avec une relative intimité, sans attente. Cet
aspect est capital pour les enfants et les adolescents. La victime doit pouvoir se laver et
se vêtir au sortir de l'examen.
Aucun examen ne doit être pratiqué sans l'accord préalable de la victime. Le premier
examen médical a des conséquences judiciaires, médicales et psychologiques. Sa qualité
est essentielle pour la suite des événements. Il est préférable de ne pas pratiquer cet
examen dans un cabinet médical privé.
a. L'évaluation globale de la situation
L'anamnèse des faits comporte les conditions et le lieu de l’agression, l’identification du
ou des agresseurs, leur nombre, les modalités précises de l’agression.
Il faut rechercher les antécédents médicaux, psychiatriques et gynécologiques de la
victime ainsi que la notion de virginité et la date des dernières règles.
Une première évaluation psychologique est réalisée et les plaintes de la victime sont
prises en compte et écoutées avec empathie.
b. L'examen clinique
Il doit toujours être réalisé avec des gants. Les prélèvements sont effectués avec des
gants. Un examen normal ne permet pas d'éliminer une agression sexuelle.
- Les examens communs à la femme, l'homme et l'enfant
Noter la date et l’heure de l'examen ainsi que le délai écoulé depuis l'agression. L’examen
général comprend la taille et le poids de la victime, l’examen de la cavité buccale et
l'examen cutanéo-muqueux avec la recherche de traces de violence. L’examen de l'anus
est indispensable et systématique.
- L'examen de la femme
L'examen gynécologique se fait après l'examen général. Il doit être expliqué et réalisé
par une personne compétente. Les prélèvements sont effectués dans le même temps.
- L'examen de l'homme et du garçon comporte l'examen des organes génitaux
externes.
- L'examen de la petite fille
Si l'intérêt de l'enfant exige un examen clinique et le recueil de sperme pour soustraire
l'enfant à un environnement dangereux, la question de l'anesthésie se pose; si par contre,
l'intérêt de l'enfant n'exige pas un examen approfondi, celui-ci ne doit pas être fait, car
il serait une agression supplémentaire.
c. Les prélèvements à réaliser et la prévention en cas d'agression récente
- La recherche de spermatozoïdes et les prélèvements en vue d'analyses génétiques
- La recherche et la prévention d'une éventuelle grossesse
- la recherche et la prévention des Maladies Sexuellement Transmissible (MST)
bactériennes (Chlamydia Trachomatis, gonocoque et syphilis) et virales.
Pour le Virus de l'Immuno Déficience Humaine (VIH), il faut adresser le patient en
urgence au médecin référent des accidents d'exposition localement.
Lorsque l'agression date de moins de 8 jours, une injection de vaccin contre l'hépatite B
est recommandée de façon systématique. Pour l'hépatite C, il n'y a pas de traitement
préventif.
- Prévention du tétanos
- Recherche de toxiques
5. L'aide psychologique
violences sexuelles
immédiate
aux
victimes
de
a. Le vécu de l'agression
Le traumatisme a des effets à court, moyen et long terme. Selon le fonctionnement
psychique de chacun, son âge, son sexe et ses antécédents (psychiatriques et/ou
traumatiques), le vécu de l'agression sera très différent. A court terme, un état de
stress intense va durer quelques heures (parfois quelques jours) et va se manifester par
un état de sidération anxieuse (mécanisme de défense archaïque de camouflage dans le
milieu naturel) ou, au contraire, d’agitation inadaptée (équivalent d’un réflexe de fuite
avorté). La verbalisation est souvent difficile voire impossible. Au niveau du comportement
on peut observer un repli sur soi avec un désarroi émotionnel, des pleurs et de l’angoisse
allant parfois jusqu’à des tremblements ou des vomissements.
La culpabilité3 est omniprésente. L'impression de souillure n'est pas toujours évoquée
spontanément mais parfois dans un second temps. Le sentiment de honte4 est également
parfois retrouvé.
b. La prise en charge immédiate
Elle vise principalement à rassurer la personne sur la normalité de ce qu'elle ressent. Il
s'agit d'être attentif et empathique sans pour autant dramatiser l'agression. Pour le
praticien, c'est aussi un temps d'évaluation des risques d'apparition de troubles
secondaires et la possibilité d'instaurer un climat de confiance qui permettra, si cela
s'avère nécessaire, une orientation vers un spécialiste. Il est important d’évaluer la
qualité de l’entourage et le risque de passage à l’acte suicidaire. Une hospitalisation ou un
hébergement social d’urgence peuvent au besoin être proposés.
c. Ce qu'il ne faut pas dire aux victimes
Tout ce qui peut induire un sentiment de culpabilité est à éviter :
“ Vous n’aviez jamais pensé que vous pouviez vous faire violer ? ”, “ Comment étiez-vous
habillé(e)? ”, “ Que faisiez vous là à cette heure là ? ”, “ Pensez-vous avoir laissé entendre
que vous étiez d'accord ? ”, “ Ce qu’il faut c’est vous déculpabiliser ”, “ Ce n’est pas si
grave que ça ”, “ Maintenant il va falloir essayer d’oublier ”, “ Vous êtes sûr que vous ne
pouviez pas vous défendre ? ” …
Se souvenir également que lors d'une agression la menace et la peur entraînent un état de
sidération. Un oubli total ou partiel des faits est très fréquent. Il ne faut pas souligner
trop ouvertement ces incohérences lors de la description des faits. C'est le rôle de
l'enquête judiciaire. En règle générale, il ne faut perdre de vue que, face à une victime,
toute insinuation même légère sur la véracité de ses dires peut être interprétée comme
une nouvelle agression.
d. Quand faut il faire appel à un psychiatre ?
D’emblée :
- Lorsque la personne présente des antécédents sur le plan psychiatrique ou des éléments
de fragilité sur le plan psychologique.
- Lors d’un état de détresse manifeste avec prostration intense, agitation, agressivité
anormale.
- Lors de symptômes de déréalisation ou de dépersonnalisation (la victime a le sentiment
d’avoir été spectateur de sa propre agression).
- Lors d’un risque de passage à l’acte suicidaire.
Dans un second temps :
- Lorsque les symptômes présentés par la victime ont des répercussions sur sa vie
quotidienne : par exemple l’incapacité à sortir de chez soi ou à reprendre une vie sociale
normale.
- Lorsque les fonctions vitales (sommeil, appétit …) et le rythme de vie sont perturbés de
façon persistante.
- Lorsqu'il existe des symptômes de dépression (avec ou sans idées suicidaires) ou d’état
de stress post-traumatique (voir chapitre e).
3
Culpabilité : sentiment d’être en faute, d’avoir suscité une telle réaction chez l’autre ou d’avoir transgressé une
règle.
4
Honte : sentiment d’humiliation, de dégradation de soi.
e. Risques évolutifs des agressions sexuelles insuffisamment prises en charge
- L’état de stress aigu5
Dans les heures, les jours ou les semaines (de 2 jours à 4 semaines) qui suivent une
agression on peut observer un état de sidération avec une impression de détachement qui
peut aller parfois jusqu'à un tableau de dépersonnalisation. L’événement traumatique est
alors totalement envahissant et peut désorganiser la pensée. L’anxiété est majeure et
peut se manifester sous diverses formes.
- L’état de stress post-traumatique (PTSD pour les anglo-saxons)
Il s’agit d’un trouble anxieux spécifique qui survient après “ un événement stressant
patent qui entraînerait des signes évidents de détresse chez la plupart des individus ”. Cet
état apparaît chez la victime après une phase de latence (quelques semaines à quelques
mois). Un événement intercurrent (rupture, bouleversement familial ou professionnel,
nouvelle exposition à un traumatisme) peut favoriser son installation.
Il faut savoir que les symptômes du PTSD sont variés et complexes et qu’il n’existe pas de
syndrome post-abus sexuel spécifique.
Le PTSD est caractérisé par le syndrome de répétition traumatique dont la durée est
supérieure à un mois. Les symptômes sont les suivants :
- Des cauchemars où le sujet revit l’agression dont il a été victime.
- Des ruminations diurnes durant lesquelles la victime pense à l’agression de façon
obsédante, au point d’être dans l’incapacité de mémoriser ou de se concentrer sur un
travail.
- Des réactions de sursaut qui traduisent un état d’hypervigilance où tout élément de
l’environnement est vécu comme potentiellement dangereux ou anxiogène. Des conduites
d’évitement peuvent alors s’installer et aller jusqu’à empêcher le patient de sortir de chez
lui.
- La personne présente souvent un émoussement affectif et un désintérêt de plus en plus
marqué pour les activités et le monde extérieur. Toute initiative devient alors pénible et
le sujet a tendance à se replier sur lui-même.
Ces troubles peuvent devenir chroniques dans plus d’un tiers des cas.
- Le cas particulier des abus sexuels qui se déroulent sur une longue période
Ils sont majoritairement le fait de violences sexuelles intra-familiales, soit dans le cas de
violences conjugales ou lors d'abus sexuels sur les enfants. Le facteur familial est à
prendre en considération avec toute l'ambivalence des sentiments que cette situation
peut générer. La victime se trouve alors, de fait, coupée de tout étayage familial. Dans
ces situations, la question de la réparation, est beaucoup plus compliquée du fait de
l’implication affective des victimes vis-à-vis de leur agresseur.
f. La prise en charge psychothérapeutique des victimes
Une prise en charge globale de la victime est impérative pour permettre un véritable
travail de réparation du traumatisme subi. Le thérapeute ne peut pas faire l'impasse de
l'importance symbolique et réelle de la réparation judiciaire. Les associations d'aide aux
victimes peuvent dans ce cas faire le lien avec l'institution judiciaire. Il est donc
5
DSM IV (Diagnostic and statistical manual of mental disorders) de l'American Psychiatric Association.
Chapitre des "Troubles anxieux". Etat de stress aigu et état de stress post-traumatique.
nécessaire de se référer à la loi, cadre de référence, sans néanmoins jamais imposer un
dépôt de plainte comme préalable au travail thérapeutique.
Les approches thérapeutiques recommandées par la conférence de consensus de novembre
20036 sont les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) et les thérapies
psychodynamiques qui vont permettre au sujet une ré appropriation progressive de son
corps et de sa vie psychique sans chercher à modifier en profondeur le fonctionnement
psychique. La plupart des victimes n'avaient pas avant l'agression le projet de rencontrer
un psychothérapeute. Il ne s'agit pas d'une demande motivée par un désir personnel mais
d'un besoin de soutien et d'accompagnement.
g. La place des traitements psychotropes et de l'hospitalisation
L’aide que peuvent apporter les médicaments psychotropes ne doit pas être négligée car
l’absence de prescription par le médecin ouvre souvent la porte de l’automédication. A
court terme on peut proposer un anxiolytique type benzodiazépine sur une courte période
du fait de leur incidence sur la mémoire et du risque important d’accoutumance. Pour les
troubles du sommeil, les hypnotiques doivent être prescrits avec parcimonie selon les
recommandations en cours. On privilégiera l’utilisation de la zopiclone et du zolpidem.
Plusieurs Inhibiteurs de Recapture de la Serotonine (IRS) ont reçu l’Autorisation de Mise
sur le Marché (AMM) pour le traitement du PTSD. Il faut cependant adapter la posologie
et savoir que le délai d’action est plus long que pour une dépression.
Les indications d’hospitalisation dans les jours qui suivent un viol sont les suivantes :
Risque de passage à l’acte suicidaire, état de détresse psychologique majeur, contexte
d’isolement familial ou relationnel suite à la découverte des faits (hospitalisation ou
hébergement social d’urgence) ou blessures physiques. Elle est quasi systématique lorsque
la victime est un enfant.
Conclusion
La grande majorité des victimes de violences sexuelles sont de sexe féminin. La moitié des
crimes et des délits sexuels concerne des mineurs. Les victimes ont, le plus souvent, un
lien familial avec leur agresseur. Il est important de suspecter ce type de violences face à
certains symptômes parfois peu spécifiques chez l'enfant et l'adolescent. En cas
d'agression récente les victimes seront accueillies sans délai. La prise en charge doit se
faire avec empathie à la fois sur le plan médical (examen clinique, prélèvements) et
psychologique. Un état de stress aigu peut être observé et à plus long terme la victime
peut présenter un état de stress post-traumatique. Certains symptômes posttraumatiques immédiats ou différés peuvent nécessiter une prise en charge psychiatrique.
Pour permettre une véritable réparation du traumatisme subi, la victime doit être
abordée de façon globale et la question de la réparation judiciaire est essentielle.
Cependant on ne doit pas imposer un dépôt de plainte comme préalable à une prise en
charge médicale ou psychologique.
Bibliographie
6
Conséquences des maltraitances sexuelles. Les reconnaître, les soigner, les prévenir. 7° conférence de
consensus de la Fédération Française de Psychiatrie. ANAES. 6 et 7 novembre 2003.
Conséquences des maltraitances sexuelles. Les reconnaître, les soigner, les
prévenir. 7° conférence de consensus de la Fédération Française de Psychiatrie.
ANAES. 6 et 7 novembre 2003.
- Le praticien face aux violences sexuelles. Document réalisé en 2000 et validé
par le Conseil National de l'Ordre des Médecins, la Chancellerie, le Ministère de
l'intérieur et le Ministère de la défense. Consultable sur le site psydocfr.broca.inserm.fr
-
- Le signalement des sévices et la nouvelle rédaction de l'article 226-14 du code pénal. Bulletin de
l’ordre des médecins. Mars 2004.
- Stress et troubles psychiques post-traumatiques. Monographie. La revue du praticien 2003, 53.
- C. Damiani. L'aide psychologique immédiate aux victimes d'abus sexuels. Le journal des
psychologues. Février 2003.
- Soutoul J.H., Chevrant Breton O. L'agression sexuelle de l'adulte et de l'enfant. Ed Ellipses.
Paris. 1994.
- Audet J., Katz J.-F. Précis de victimologie générale. Dunod.
Sur Internet
- www.allo119.gouv.fr
- www.anaes.fr
- www.psydoc-fr.broca.inserm.fr
- www.conseil-national.medecin.fr (modèle de signalement)
Téléphones
Pour les enfants : Allo Enfance Maltraitée 119
Pour les jeunes : Fil Santé Jeunes 0800 235 236
Pour les femmes : SOS viols 0800 05 95 95 et SOS violences conjugales 01 40 33 80 60
PREMIÈRE PARTIE : MODULES TRANSDISCIPLINAIRES
Module 11 – Synthèse clinique et thérapeutique
Question 184
AGITATION ET DELIRES AIGUS
AGITATION
Rédaction : P. Lebain S. Dollfus
BOUFFEE DELIRANTE AIGUE
Rédaction : F.Thibaut, S.Dollfus
Objectif pédagogique général


Savoir faire face à une urgence psychiatrique
Savoir adopter et conserver une attitude médicale pertinente face à un sujet agité
Objectifs pédagogiques spécifiques
AGITATION
 Savoir mener un entretien et un examen avec un sujet agité
 Connaître les étiologies toxiques et organiques des états d’agitation et savoir les
hiérarchiser selon leur prévalence et importance
 Connaître les mesures thérapeutiques symptomatiques à mettre en œuvre (orientation,
médicaments, mesures administratives)
DELIRES AIGUS
 Savoir porter le diagnostic de bouffée délirante aiguë et d’état délirant aigu secondaire
(psychogène, toxique)
 Savoir rechercher une cause organique ou toxique avant d’affirmer qu’il s’agit d’une
origine psychiatrique
 Connaître les modalités évolutives de la bouffée délirante
 Connaître, pour les mettre en œuvre, les mesures thérapeutiques adéquates, à court
terme concernant la bouffée délirante aiguë
1
CONDUITE A TENIR DEVANT UN ETAT D'AGITATION
L’agitation est un trouble non spécifique pouvant venir ponctuer le cours de toute
maladie mentale ou alors pouvant être symptomatique d’un grand nombre d’affections
organiques. Elle se définit par un excès d'activité ou de mouvements qui peuvent se
traduire par des manifestations agressives plus ou moins importantes et constitue une
urgence.
La prise en charge d’une agitation dépend du diagnostic.
Le malaise qu’un état d’agitation provoque chez l’entourage et le médecin est aggravé
par le sentiment d’urgence qui impose une action rapide. Les attitudes maladroites du
milieu tiennent au vécu de peur induit par cette symptomatologie. Or l’agité perçoit
souvent le sentiment de peur qu’il inspire. Cette absence totale de rupture de la
réalité est un facteur d’entretien sinon d’aggravation du tableau d’agitation. Il s’agit,
afin de ne pas entrer dans le cercle infernal de l’agitation par la prise de mesures
coercitives, de saisir la structure psychopathologique dont l’agitation n’est que
l’expression psychomotrice.
La préoccupation thérapeutique vise :
 à faire céder l'agitation le plus rapidement possible,
 à rechercher une éventuelle étiologie organique sous-jacente,
 à adapter le plus vite possible la conduite thérapeutique selon l'étiologie.
I. LES GRANDS TYPES CLINIQUES D'AGITATION EN PSYCHIATRIE
I.1. L’agitation dans le cadre des états maniaques
L'agitation est presque de règle. Un tableau typique est réalisé par la manie franche
aiguë : il y a apparition brutale d’un état d’excitation psychique évoluant de manière
variable, associé à un état d’agitation psychomotrice. A l’examen, on retient une
euphorie, des idées mégalomaniaques, un ludisme, une labilité de l’humeur, une fuite
des idées.
Souvent c’est l’entourage qui signalera une phase prodromique d’irritabilité,
d'agressivité, avec quelquefois survenue d'incidences médico-légales.
Cliniquement, le maniaque agité crie, hurle, injurie, menace et brise ce qui est à sa
portée. En fait toute cette turbulence est d’une stérilité entière. Le contact est
marqué d’une hypersyntonie, à l’origine de superficialité. L’angoisse associée est très
importante, du fait de l’exaltation thymique et de la difficulté d’établir un contact.
2
I.2. L’agitation dans le cadre des états mélancoliques
Généralement, les états mélancoliques se caractérisent par un ralentissement
psychomoteur, mais néanmoins, certaines formes peuvent s’accompagner d’agitation
anxieuse (mélancolie délirante, anxieuse) où le risque de passage à l'acte suicidaire est
majeur.
I.3.
L’agitation dans le cadre des psychoses délirantes aiguës (bouffées
délirantes) ou chroniques (schizophrénies et délires chroniques)
Les troubles du comportement sont en général liés aux idées délirantes surtout dans
le cadre des bouffées délirantes aigues ou des délires chroniques non
schizophréniques.
Dans le cadre des schizophrénies, ce qui caractérise l'agitation c'est son caractère
discordant et son imprévisibilité. Le sujet est apparemment en retrait par rapport à
l’ambiance, il a des activités stéréotypées, itératives, bizarres ; il peut avoir des
activités très diverses en particulier de destruction (déchirer ses vêtements, ou la
literie) ; sur ce fond de discordance et de stéréotypies itératives et gestuelles se
produisent de brusques impulsions motrices généralisées et de soudaines
manifestations affectives ou émotionnelles discordantes. L’agitation catatonique dure
un moment puis cesse, le sujet pouvant se figer totalement dans une posture ou
redevenir apragmatique, passif.
I.4. Etats d’agitation associés aux troubles du caractère ou de la personnalité
Les crises surviennent surtout chez l’hystérique, souvent déclenchées par un
évènement stressant ; leur expression est théâtrale et sensible à la suggestion.
L’agitation chez le psychopathe caractériel est un drame bref mais fréquent dans la
pratique psychiatrique d’urgence. L’aspect le plus habituel sera celui de la colère ou du
désespoir apparu en réaction à un évènement récent. La colère est réactionnelle aux
frustrations imposées par le milieu, sans possibilité d’élaboration, avec une difficulté
pour le sujet à contrôler son impulsivité. C’est en raison de ce phénomène de
projection que le caractériel agité peut être dangereux et réaliser des actes médicolégaux.
I.5. Etats d’agitation lors des accès aigus d’angoisse
Les états névrotico-réactionnels conduisent le plus souvent à des tableaux anxieux où
l’agitation, si elle existe, est au second plan par rapport à l’angoisse. Ici, la prise en charge
et l’évolution sont voisines.
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I.6. L’agitation dans le cadre d’un état confusionnel
L’épisode confuso-onirique alcoolique aigü ou subaigü en réalise l’étiologie majeure chez
l’Homme. Chez le sujet âgé, il s'agit le plus souvent d'une confusion d'origine
médicamenteuse (surdosage ou au contraire sevrage brutal).
 début : brutal, avec facteurs déclenchants (classiquement : sevrage
médicamenteux ou alcoolique, affections intercurrentes, traumatisme, désordre
hydro-électrolytique). Le début a souvent lieu à l’approche de la nuit dans un
contexte d’anxiété extrême avec malaise physique (trémulation en particulier),
insomnie rapide entraînant une sorte d’état somnambulique avec conduite
incohérente.
 période d’état : onirisme franc, agi, avec hallucinations visuelles et auditives,
terrifiant le sujet et auquel il adhère et est à l’origine d’une agitation très
importante. Ici, l’agitation qui va dépendre des zoopsies terrifiantes et l’ambiance
générale est interprétée par le sujet comme une menace extérieure ; cherchant à
se défendre contre ces menaces généralisées, le sujet sera en proie à un
sentiment d’agression, lui-même à l’origine du comportement agressif.
Ici, il existe donc un vécu intense terrifiant et une réalité menaçante.
Parallèlement, on pourra rechercher les signes classiques d’imprégnation alcoolique
chronique et les signes particuliers de l’état aigü (tremblement extrême, sueurs
profuses, fébrilité...).
I.7. Etats d’agitation d’origine toxique autre que l’alcoolisme
C’est le cas des agitations liées aux expériences psychodysleptiques, ou
contemporaines d’un sevrage aux morphiniques. Les confusions toxiques peuvent être
induites par de fortes doses de cocaïne, éther, solvants organiques, hallucinogènes,
amphétamines, barbituriques.
Le syndrome de sevrage apparaît à l’arrêt brutal de la drogue et peut entraîner une
agitation.
Schématiquement, lors d’une toxicomanie à la morphine, les premières manifestations
cliniques apparaissent 8 à 16 h après la dernière prise et comprennent des
larmoiements, des bâillements, des sueurs, une rhinorrhée. Plus tard, une insomnie
s’installe ; puis le malade se plaint de dysesthésies, de douleurs aux jambes, au dos, au
ventre, de secousses musculaires, d’horripilation. L’agitation commence 36 à 48 h
après l’arrêt. En plus, il existe des nausées, des vomissements, de la diarrhée, une
polypnée et quelquefois, de la fièvre. Les éléments cliniques de suspicion sont la
maigreur, les traces d’injection, un myosis ou une mydriase.
Le syndrome de sevrage aux barbituriques s’installe 2 à 3 jours après l’arrêt. Il se
caractérise par des crises convulsives, et ultérieurement des hallucinations, un délire
et une agitation qui miment un delirium tremens.
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I.8. L’agitation dans le cadre d’un état démentiel
Dans la démence sénile banale : les malades sont désorientés du fait du déficit
mnésique ; l’activité psychomotrice est très souvent stéréotypée (rangement,
reproduction, gestes automatisés, habillage, déshabillage...). La difficulté à se repérer
entraîne un sentiment anxiogène d’insécurité, à l’origine d’un sentiment d’hostilité à
l’ambiance, verbalisée dans les idées de préjudice. Un fait futile peut dans la vie
quotidienne exacerber le vécu angoissant, et déclencher le comportement d’agitation.
Ils chercheront à fuir au hasard, dévêtus et hagards. Ces états de turbulence (plutôt
qu'accès d’agitation francs) et de sub-agitation nécessitent quelquefois des mesures
de contention souvent nuisibles car anxiogènes. L’agitation anxieuse s’accompagne
fréquemment d’un vécu dépressif avec refus d’alimentation et de boisson. D’où très
rapidement intrication des signes psychiques et physiques.
II. ETIOLOGIES MEDICO-CHIRURGICALES
En fait, les agitations d’origine psychiatrique sont envisagées une fois que l’on a
éliminé de façon certaine une cause organique.
II.1. Médicaments
L'agitation peut être provoquée par l'isoniazide, les psychotropes, les corticoïdes ; les
confusions d’origine médicamenteuse sont fréquentes avec les psychotropes
(antidépresseurs, benzodiazépines, lithium, antiparkinsoniens, L-Dopa).
II.2. Autres intoxications
CO, plomb, atropiniques, amphétamines
II.3. Causes métaboliques et endocriniennes
 hypoglycémie : la prise de médicaments hypoglycémiants retient l’attention en
faveur du diagnostic ; signes cliniques : sueurs, confusion, hypertonie généralisée
(avec signe de Babinski bilatéral), des convulsions sont parfois signalées ;
l’agitation est un signe de la gravité de l’hypoglycémie (---> 1 mg IM ou IV de
glucagon) ;
 acidocétose diabétique ;
 urémie ;
 grandes déshydratations (coma hyperosmolaire) ;
 perturbation de la natrémie, de la calcémie ;
 hypocapnie, hypercapnie (insuffisance respiratoire) ;
 hyperthyroïdie ;
 syndrome de Cushing ;
 hyperparathyroïdie.
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II.4. Causes neuroméningées
 hémorragies méningées ;
 méningite : l’irritation méningée se manifeste éventuellement par une agitation ;
en fait, une crise d’agitation brutale et inexpliquée, chez une personne normale
est justiciable d’une ponction lombaire surtout si une fièvre s’y associe ; on
s’assure auparavant qu’il n’y a pas d’oedème cérébral en faisant le traditionnel
fond d’oeil (ou un scanner cérébral) ;
 crises épileptiques temporales ;
 encéphalites ;
 tumeurs cérébrales (frontales) ;
 hypertension intra-cranienne ;
 hématome sous dural (aigu ou chronique) peut occasionner une symptomatologie
trompeuse qui peut être à l’origine d’une agitation. Ils surviennent après un
traumatisme, au cours d’un traitement anticoagulant, chez une personne âgée ou
un éthylique. Après un traumatisme crânien causal, apparaissent des céphalées,
une somnolence, une confusion, une irritabilité ; les convulsions sont rares et les
signes de localisation tardifs (hémiparésie homo ou controlatérale, mydriase
homolatérale). Un scanner cérébral détecte la collection sanguine ;
 épilepsie : les états d’agitation ou de fureur épileptique se caractérisent, outre
la symptomatologie électroencéphalographique, par leur survenue soudaine, leur
inconscience, la profondeur de la régression et l’amnésie lacunaire.
II.5. Cas particulier des manifestations de l’alcoolisme
 éthylisme aigu : ivresses agitées ---> des manifestations neurologiques sont
présentes lorsque l’alcoolémie atteint ou dépasse 1.5 g/l ; lorsqu’il existe une note
confusionnelle, celle-ci peut-être associée à une agitation motrice, une agressivité
ou des phénomènes hallucinatoires ;
 la crise excito-motrice est un accès paroxystique de fureur ; les bouffées
confuso-délirantes et confuso-oniriques sont des aspects fréquents des ivresses
compliquées ;
 le delirium tremens ou accès confuso-onirique aigu alcoolique. Le diagnostic est
souvent porté à la phase de prédelirium qui relève d’un traitement rapide en
milieu hospitalier. Une recrudescence des tremblements et des troubles du
sommeil annonce l’état confuso-onirique avec agitation anxieuse.
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III. PRISE EN CHARGE
La prise en charge d’une agitation dépend du diagnostic ; les principes du traitement
visent en urgence à assurer une sédation immédiate, ensuite le traitement dépendra
de l'étiologie.
L'observation attentive et l'écoute du patient permettront d'apprécier dans
l'urgence le type d'agitation, l'humeur, l'affectivité, le degré de lucidité, d'attention,
l'existence d'un délire. Cette première approche rapide permet de définir des
critères de gravité, de dangerosité éventuelle et d'orienter le diagnostic. Dès que
possible un examen somatique et un bilan biologique systématique seront pratiqués.
L'interrogatoire de l'entourage, lorsque celui-ci est possible recherchera la notion de
prise d'alcool ou d'autres toxiques, la consommation de médicaments et les
antécédents personnels et familiaux.
III.1. Attitude face à une agitation
La plupart des états d’agitation sont sensibles au contexte et à la relation même
transitoirement. Dans tous les cas, on cherchera à établir une relation avec le
patient : dialogue, dédramatisation de la situation : il s'agit enfin de procéder au
calme à un examen soigneux afin d’éliminer une cause organique.
On est parfois amené à exclure les personnes susceptibles d’amplifier l’agitation du
patient (famille). La contention physique est parfois nécessaire ; un traitement
médicamenteux est alors prescrit d’emblée (voie IM), afin de calmer l’agitation et de
poursuivre l’examen somatique.
L’examen psychiatrique (rapide) précisera l’état de vigilance et de l’humeur,
l’existence éventuelle d’un syndrome confuso-onirique ou délirant (il est toujours
préférable d’avoir une notion des antécédents somatiques et psychiatriques avant
d’administrer un traitement médicamenteux).
Mesures non-médicamenteuses
 assurer un nombre suffisant d’aides afin d’éviter une agression supplémentaire
et/ou dangereuse ;
 appel aux forces de l’ordre si notion d’armes ;
 prévoir rapidement une place à l’hôpital, si le contexte suggère une
hospitalisation à moyen terme ;
 prévoir éventuellement une hospitalisation à la demande d’un tiers ou
hospitalisation d’office.
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III.2. Traitements médicamenteux de l’agitation
III.2.1. Neuroleptiques sédatifs
On peut utiliser (par voie orale de préférence ou en injection si le patient refuse le
traitement) des produits tels que la loxapine (Loxapac® : 50 à 300 mg/IM en 2 à 3
prises), la cyamémazine (Tercian® : 100 à 300 mg/j) ou l’acétate de zuclopenthixol
semi-retard (clopixol semi-prolongé : 50 ou 100 mg (50 à 150 mg en une prise tous les
2 à 3 jours sans dépasser 6 jours). Cependant, le risque tensionnel (plus fréquent pour
le dernier produit cité) imposera une surveillance de la TA, voire la prise en position
allongée, jambes surélevées (si nécessaire). La survenue d’effets neurologiques
indésirables (dystonie aiguë) imposera leur correction par un antiparkinsonien
anticholinergique.
III.2.2. Tranquillisants
Les benzodiazépines n’ont en général qu’un effet sédatif modéré et tardif. Ils ne sont
donc pas utilisés au premier chef en urgence dans les états d’agitation. Par contre, ils
sont utilisés en première intention lorsque l’agitation est liée à l’anxiété (hystérie,
attaques de panique), en l’absence de signes psychotiques. Les benzodiazépines sont
indiquées essentiellement dans les agitations liées à une crise d’angoisse aiguë, ou au
sevrage alcoolique et/ou aux benzodiazépines. Il faut être prudent dans la prescription
de tranquillisants dans les agitations de cause toxique, alcoolique en particulier
(potentialisation de l’effet du toxique).
Les composés de délai d’action courte seront préférés : pour la plupart des
benzodiazépines, la résorption par voie intra-musculaire est plus lente que per os.
III.3. La décision d’hospitalisation
En milieu spécialisé, ne se justifie qu’en cas d’agitation sévère non-réductible par le
traitement immédiat et/ou coexistence d'un trouble susceptible de justifier
l’hospitalisation (trouble psychotique, agitation d’origine toxique, agitation
symptomatique d’une pathologie organique). Une hospitalisation sous contrainte peut
être nécessaire.
Une hospitalisation brève peut être nécessaire dans les services d’urgence (agitation
isolée résolutive, agitation situationnelle, ou névrotique).
III.4. Aspects spécifiques
III.4.1. Agitation d’origine toxique et organique
Chercher la cause surtout quand il existe une confusion.
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III.4.1.1. Ivresse agitée
Les sédatifs risquent de potentialiser les effets de l’alcool ; les neuroleptiques
(risque d’hypotension) seront évités. Les tranquillisants (benzodiazépines) seront
préférés ; la prise en charge est centrée sur l’isolement et la surveillance
(hydratation) du patient.
III.4.1.1.2. Ivresse pathologique (confuso-onirique)
Ici, il y a risque de dangerosité : les neuroleptiques seront utilisés (tiapride,
Tiapridal®) avec bilan hospitalier de 2 à 3 jours.
III.4.1.1.3. Delirium tremens
Ici, l’hospitalisation s’impose : hydratation importante (4 à 6 litres par jour),
vitaminothérapie (B1,B6, 1g IM) ; une benzodiazépine tel que diazépam (Valium®)ou
oxazépam (Seresta®) pourra traiter l’agitation. On évitera les phénothiazines trop
sédatives, par contre, l’halopéridol (Haldol®) permet de traiter l’onirisme.
III.4.1.1.4. Autres agitations d’origine toxique
Dans les expériences psychodysleptiques, ou après sevrage aux morphiniques.
L’hospitalisation s’impose : le traitement repose sur les neuroleptiques.
III.4.2. Etats d’agitation d’origine névrotique ou réactionnel
L’agitation est souvent au deuxième plan, par rapport à l’angoisse. La prise en charge
fait appel aux benzodiazépines.
III.4.3. Etats d’agitation dans le cadre des troubles psychotiques ou thymiques
Ils nécessitent le plus souvent une hospitalisation en milieu spécialisé, sur le mode de
l’HDT ou l’HO. Un neuroleptique d’urgence, sédatif (Tercian® ou Loxapac®) sera
prescrit et relayé dès que possible par le traitement spécifique.
III.4.4. Etats d’agitation d’origine épileptique
Ceux-ci peuvent être l’expression d’une activité automatique critique, souvent
symptomatique d’une crise temporale ---> contrôle par le traitement anti-épileptique.
Les cas d’agitation violente des épileptiques sont observés durant la période
confusionnelle post-critique. Si un traitement sédatif est nécessaire, le diazépam IM
sera prescrit.
III.4.5. Agitation chez le vieillard
Souvent, c’est la conséquence d’une étiologie organique : on préférera des
tranquillisants ou des neuroleptiques sédatifs (zuclopenthixol, Clopixol®, Tiapridal®).
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III.4.6. Agitation chez l’enfant
Les neuroleptiques comme le Largactil® (2-5 mg/kg), le Neuleptil® (2 mg/kg) sont
utiles.
III.4.7. Agitation chez la femme enceinte
Equanil® IM ou Largactil®, dépourvus d’effets tératogènes.
III.4.8. Agitation chez un sujet impulsif
On utilisera un neuroleptique sédatif. L’utilisation des benzodiazépines (par leur effet
désinhibiteur) peut en effet dans certains cas aggraver l’agitation (effet paradoxal).
BOUFFEE DELIRANTE
Il s'agit d'une psychose délirante aiguë caractérisée par l'apparition brutale d'un
délire non systématisé dont les thèmes et les mécanismes sont riches et polymorphes.
Ce délire est vécu de façon intense, avec parfois des incidences médico-légales ou des
troubles du comportement majeurs.
Le concept de bouffée délirante, hérité de MAGNAN (1866), conserve, en France,
une place privilégiée désignant un état psychotique aigu, bien différencié des autres
psychoses aiguës que sont les accès maniaques et les états confusionnels. Dans les
autres pays, on l'apparente plus volontiers à une forme de schizophrénie aiguë.
Si certaines de ces bouffées délirantes restent uniques ou récidivent sur un mode
aigu et entièrement résolutif, d'autres marquent l'entrée dans une schizophrénie ou
un trouble bipolaire.
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I. Diagnostic
La bouffée délirante survient surtout chez l'adolescent ou l'adulte jeune et peut
être favorisée par la prise de toxique ou par un stress.
Le diagnostic peut être évoqué devant l'association d'une agitation psychomotrice ou
plus rarement d'une sidération, d'une anxiété importante et d'un état délirant.
Le début, en général brutal (coup de tonnerre dans un ciel serein), a pu être précédé
de prodromes non spécifiques (troubles du sommeil, anxiété, bizarreries du
comportement).
Les idées délirantes sont polymorphes, tant en ce qui concerne les thèmes, qui sont
multiples et variables ( les plus fréquents sont d'ordre mystique, sexuel, messianique,
mégalomaniaque ou persécutif) qu'en ce qui concerne les mécanismes : les
hallucinations psychosensorielles (organes des sens) sont riches et multiples
(acoustico-verbales, visuelles, cénesthésiques (génitales), olfactives (gaz) parfois), les
hallucinations psychiques sont très fréquentes (voix intérieures (sans spatialité)), les
intuitions et les interprétations sont présentes. L'automatisme mental est toujours
présent, il s'agit d'une mécanisation et d'une perte d'intimité de la pensée : les idées,
les intentions, les actes sont devinés, répétés, commentés ou imposés.
Le délire est non systématisé, il se distingue en général du délire paranoïde de la
schizophrénie par la richesse et le polymorphisme des thèmes et des mécanismes et
par l'absence de dissociation.
La dépersonnalisation est souvent importante, s'exprimant en termes de
dédoublement, de transformation, de dissolution affectant le corps autant que
l'esprit.
Le délire engage l'affectivité du sujet. Il est vécu de façon intense. La
participation thymique est fréquente ; l'humeur très variable subit les fluctuations
du délire, passant ainsi d’une tristesse à l'exaltation, parfois en quelques minutes.
L'angoisse est souvent importante en réaction au délire. C'est dans ce contexte que
des actes médico-légaux peuvent survenir.
La conscience n'est pas réellement altérée, à la différence des confusions, mais
l'attention est dispersée. Les troubles du sommeil sont fréquents.
L'examen somatique, indispensable, sera pratiqué dès que possible ainsi que le bilan
biologique. Ils sont en règle normaux en dehors d'une déshydratation modérée,
parfois retrouvée si l'agitation est importante. Ils permettent d'éliminer une
étiologie organique éventuelle. L’éventualité d’une telle étiologie (bien que rare)
justifie des examens complémentaires (scanner, EEG, TSH, dosage de vitamine
B12, recherche de toxiques dans les urines).
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Dans la plupart des cas on ne retrouve pas d'étiologie. Toutefois, l'interrogatoire
doit rechercher les antécédents personnels et familiaux, psychiatriques et
somatiques du sujet, ainsi que la prise de toxiques (amphétamines, cocaïne, cannabis,
LSD ou autres psychodysleptiques) ou encore la consommation de médicaments (en
particulier antidépresseurs, corticoïdes, antituberculeux tel que Rimifon,
antipaludéens tel que Lariam et antiparkinsonien tel que Artane).
Les bouffées délirantes aiguës peuvent être engendrées par une consommation de
toxiques, on parle alors de pharmacopsychoses, les amphétamines peuvent ainsi
induire des psychoses délirantes aiguës interprétatives, les hallucinogènes (LSD,
phencyclidine), l'ecstasy peuvent induire des états psychotiques aigus hallucinatoires,
qui peuvent évoluer pour leur propre compte pendant quelques semaines après l'arrêt
de l'intoxication.
Les psychoses puerpérales, certaines psychoses post-opératoires, s'expriment
parfois sur le mode d'un délire aigu.
Certaines pathologies organiques (encéphalite aiguë, thyroidite de Hashimoto, tumeur
cérébrale) ou exceptionnellement un traumatisme crânien ou une carence en vitamine
B12 peuvent occasionner des épisodes délirants aigus. Ces causes organiques doivent
être systématiquement recherchées lorsque le tableau clinique est atypique et que le
traitement neuroleptique est peu efficace.
II. Evolution
L'évolution est favorable dans la majorité des cas et ce, d'autant plus que le
traitement neuroleptique est instauré rapidement. La bouffée délirante évolue sous
forme d'accès, la guérison peut être brusque, ou le plus souvent progressive, en
quelques semaines. Sa guérison est écourtée par le traitement neuroleptique. La
critique de son délire par le sujet est un indice d'amélioration de la bouffée délirante.
Dans un tiers des cas environ, la bouffée délirante reste un accident unique dans la
vie d'un sujet.
Dans un bon tiers des cas, une évolution intermittente peut être observée, soit sous
la forme de récidives d'accès délirants de même type, soit de la survenue
secondaire d'épisodes maniaques. La bouffée délirante a alors représenté l'épisode
inaugural d'un trouble bipolaire, ce qui est d'autant plus fréquent que le sujet est
adolescent.
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Le risque essentiel, sur le plan du pronostic, est celui de l'évolution vers une
schizophrénie, dans un peu moins d'un tiers des cas. Celle-ci peut s'installer au
décours d'un premier épisode ou après plusieurs récidives. Sont considérés comme
étant de pronostic défavorable dans l'évolution d'une bouffée délirante : la notion de
personnalité prémorbide (schizotypique ou schizoïde), un délire peu riche sans
polymorphisme des thèmes et des mécanismes, une évolution subaiguë, une mauvaise
réponse ou une réponse incomplète au traitement neuroleptique, une critique
incomplète de l'épisode délirant, l'existence d'un syndrome dissociatif, des
antécédents familiaux de schizophrénie. Cependant aucun élément sémiologique ne
permet d'établir le pronostic de la bouffée délirante de façon certaine et ce n'est
qu'après plusieurs mois qu'une évolution vers une schizophrénie doit être redoutée.
III. Diagnostics différentiels
L'accès maniaque est facile à évoquer dans les formes typiques où l'on retrouve une
exaltation euphorique de l'humeur, une fuite des idées. Le diagnostic est plus difficile
à évoquer lorsque l'euphorie est peu marquée et que les éléments délirants sont
intenses, ce qui est parfois observé dans les manies débutant à l'adolescence.
L'accès dépressif mélancolique est facilement évoqué lorsque la thymie est triste,
avec une douleur morale intense, et une inhibition psychomotrice. Le diagnostic peut
être plus difficile chez l'adolescent dans les formes délirantes de mélancolie.
La confusion mentale est facilement éliminée devant l'absence de désorientation
temporo-spatiale.
IV. Traitement
Il s'agit d'une urgence psychiatrique qui nécessite une hospitalisation. Le recours à
une hospitalisation à la demande d'un tiers est souvent nécessaire.
Le traitement neuroleptique s'impose pour obtenir rapidement une sédation et pour
améliorer le pronostic évolutif de l'accès. Au début la voie intra-musculaire peut être
nécessaire. Les neuroleptiques dits atypiques seront préférés en première intention
compte-tenu de leur meilleure tolérance neurologique (risque moindre de dyskinésies
aiguës et de symptomatologie extrapyramidale) (par exemple : amisulpride ou Solian
400 à 800 mg/j, rispéridone ou Risperdal 4 à 8 mg/j, olanzapine ou Zyprexa 5 à 20
mg/j, ce dernier pouvant être prescrit par voie IM). La posologie sera rapidement
progressive.
L'association d'une benzodiazépine pourra être préconisée afin de potentialiser la
sédation.
L'association d'une phénothiazine sédative (cyamémazine ou Tercian 50 à 200 mg/j
par exemple) pourra également être utilisée pour obtenir une action rapide sur
l’agitation et/ou les troubles du sommeil.
Le traitement tiendra compte de la découverte d'une étiologie médicale et de la
correction d'éventuels désordres hydro-électrolytiques.
13
Le traitement neuroleptique sera surveillé et adapté quotidiennement à l'état du
patient. Les effets secondaires doivent être recherchés et corrigés (en particulier
les effets neurologiques ou l'hypotension orthostatique). Le traitement sera
poursuivi au moins 1 an après l'amélioration des troubles, afin de limiter le risque de
récidive ou d'évolution vers une schizophrénie. Les doses pourront être réduites de
moitié environ, dès le troisième mois et la monothérapie neuroleptique sera préférée.
En cas de mauvaise observance du traitement, le recours éventuel à un traitement
neuroleptique retard pourra être envisagé (ex Haldol decanoas ou Risperdal
Consta).
Une psychothérapie de soutien sera associée.
14
PREMIERE PARTIE : MODULES TRANSDISCIPLINAIRES
Module 3
-
Maturation et vulnérabilité
Question 44 - RISQUE SUICIDAIRE DE L’ADULTE :
IDENTIFICATION ET PRISE EN CHARGE
Rédaction : J.P. Kahn
-
Relecture : J.L. Terra
Objectifs généraux :
· Savoir détecter les situations à risque suicidaire chez l'adulte
· Argumenter les principes de la prévention et de la prise en
charge
Objectifs spécifiques :
· Connaître les principales données épidémiologiques concernant le
suicide en France
· Connaître les différents facteurs de risque associés à un risque
suicidaire
· Savoir évaluer et prendre en charge une personne en situation de
crise suicidaire
PRESENTATION ET CONSIDERATIONS INTRODUCTIVES
Pendant longtemps, le corps social et les médecins avec lui, ont
abordé le suicide sous un angle moral et philosophique,
considérant que cet acte devait être assimilé à un péché et
condamné, car contraire à la volonté divine, soit considéré, au
contraire, comme l'ultime expression de la liberté individuelle.
Actuellement dépénalisé, le suicide est plutôt abordé sur le plan
phénoménologique, cherchant à en comprendre et à en expliquer les
multiples
déterminants.
Les
recherches
tendent
à
intégrer
actuellement différents facteurs de risque et précipitants de
nature biologique, psychologique et sociale.
La France est actuellement l'un des pays industrialisés les plus
touchés par le suicide et d'après les données de l'OMS de 1999
portant sur 97 pays, la France se situe entre le 11ème et le 20ème
rang des pays ayant la plus forte mortalité suicidaire, avec près
de 12000 décès par suicide par an. Le suicide représente ainsi la
première cause de mortalité chez les adultes jeunes, avant les
accidents de la route et, pour l'ensemble de la population, le
suicide est la troisième cause d'années de vie perdues, après les
maladies coronariennes et le cancer.
Ces données inquiétantes ont conduit la France, à partir de 1998,
à l'instar de nombreux autres pays, à instaurer un Programme
National pour la Prévention du Suicide, aboutissant à la mise en
place de diverses mesures et programmes d'action pour la période
2000-2005. C'est ainsi que la prévention du suicide est l'une des
dix priorités de santé publique définies par la Conférence
1
Nationale de Santé ; par ailleurs, la crise suicidaire, sa
reconnaissance et sa prise en charge ont fait l'objet d'une
conférence
de
consensus
et
de
recommandations,
en
2001,
disponibles sur le site de l'ANAES (www.anaes.fr). Enfin, un
programme de formation à l'intervention et de sensibilisation des
intervenants des champs sanitaire, éducatif, social et associatif
est également piloté, à l'échelon des régions, par l'Agence
Nationale d'Accréditation et d'Evaluation en Santé (ANAES).
La prévention et la prise en charge des risques et conduites
suicidaires nécessitent d'énoncer quelques vérités simples et de
se débarrasser de certaines idées fausses, mais fort répandues :
1 : le suicide n'est ni un acte de courage ni un acte de
lâcheté ; ce n'est pas non plus un choix librement consenti, mais
une mauvaise solution pour un sujet ne pouvant trouver d'autre
issue à une souffrance devenue insupportable ;
2 : il est faux de croire que les personnes qui parlent de
suicide ne passent pas à l'acte : huit personnes sur dix en
parlent avant leur suicide ou tentative de suicide ;
3 : parler ouvertement de suicide à quelqu'un ne lui donne
pas envie de le faire ; au contraire ceci permet à la personne
d'exprimer ses difficultés, sa souffrance, des idées dont elle a
souvent honte et de se sentir entendue, comprise et momentanément
soulagée ;
I : DEFINITIONS DES CONDUITES SUICIDAIRES
Il convient de les reconnaître et de les identifier, pour les
prendre en charge, ainsi que la souffrance qui les accompagne et
éviter un passage à l'acte aux conséquences fatales.
1 : le suicide est une mort volontaire. Dürkheim (1897) l'a
défini comme "la fin de la vie, résultant directement ou
indirectement d'un acte positif ou négatif de la victime ellemême, qui sait qu'elle va se tuer". On parle de mortalité
suicidaire et de sujets suicidés.
2 : la tentative de suicide (TS) est plus difficile à
définir, tant est variable l'intentionnalité suicidaire d'un sujet
à l'autre ; Ce terme recouvre tout acte par lequel un individu met
consciemment sa vie en jeu, soit de manière objective, soit de
manière symbolique et n'aboutissant pas à la mort. Il ne s'agit
donc pas d'un simple suicide raté. On parle de sujets suicidants
et de morbidité suicidaire.
3 : les idées de suicide correspondent à l'élaboration
mentale consciente d'un désir de mort, qu'il soit actif ou passif
; ces idées sont parfois exprimées sous la forme de menaces
suicidaires. On parle de sujets suicidaires.
2
Les conduites suicidaires comprennent les suicides, mais aussi les
tentatives de suicide, certaines conduites à risque s'apparentant
à des "équivalents suicidaires" et les idées de suicide, pouvant
survenir -ou non- au cours d'une crise suicidaire.
4 : la crise suicidaire est une crise psychique dont le
risque majeur est le suicide. Il s'agit d'un moment dans la vie
d'une personne, où celle-ci se sent dans une impasse et est
confrontée à des idées suicidaires de plus en plus envahissantes ;
le suicide apparaît alors de plus en plus à cette personne comme
le seul moyen, face à sa souffrance et pour trouver une issue à
cet état de crise.
5 : les "équivalents suicidaires"
sont des conduites à
risque qui témoignent d'un désir inconscient de jeu avec la mort.
Ces conduites, tout comme certaines lésions ou mutilations autoinfligées non suicidaires, ne doivent pas être abusivement
considérées comme des tentatives de suicide.
II : EPIDEMIOLOGIE DU SUICIDE
Le suicide donne lieu, dans la plupart des pays, à la publication
des statistiques officielles. Les méthodes de recueil sont en
réalité très variables et on estime de manière générale que ces
statistiques sous-estiment d'environ 20% le nombre des suicides.
En France, elles résultent d'une part des certificats médicaux de
décès et d'autre part, des conclusions formulées par les médecins
légistes après l'examen des morts suspectes ou violentes.
1 : L'autopsie psychologique est une méthode, née aux EtatsUnis dans les années 1960, dont le but initial était d'élucider
les origines des décès pour lesquelles un suicide était suspecté,
sans pouvoir être clairement affirmé comme un acte mortel autoinfligé et intentionnel. Elle repose sur une enquête à posteriori,
conduite sur la base de l'interrogatoire des proches, l'analyse
des sources médicales, le recueil d'informations
concernant les
antécédents familiaux et
personnels, la psychologie de la
personne décédée, son style de vie, ses relations et les
événements ayant précédé la mort. Ces données sont confrontées aux
données objectives relatives au passage à l'acte pour conclure –
ou non – à l'existence d'un suicide. L'autopsie psychologique
s'est rapidement révélée une méthode intéressante pour documenter
l'existence de troubles psychiatriques ou somatiques et la nature
des soins dont les personnes avaient bénéficié.
2 : indices épidémiologiques du suicide
Trois principaux indices sont utilisés :
¨
L'incidence du suicide : elle correspond au nombre de suicides
répertoriés chaque année. Elle varie en France de 11000 à 12000
3
par an (1997), en rappelant que ce chiffre est sans doute sousestimé de 20%.
¨
Le taux de suicide, ou mortalité suicidaire qui s'exprime en
nombre annuel de suicides pour 100 000 habitants : il est, en
France, de 20 à 24 pour 100 000 globalement, ce qui fait de la
France un pays à forte mortalité suicidaire d'après l'OMS
(1999).
¨
Le taux de mortalité prématurée, attribuable au suicide : il est
de 9 à 10%, le suicide étant la 3ème cause de mortalité
prématurée en France, après les maladies coronariennes et les
cancers. Le suicide représente ainsi 10% des années de vie
perdues avant 65 ans, soit autant que les accidents de la
circulation ou les maladies cardio-vasculaires.
3 : données descriptives
¨
le suicide est trois fois plus fréquent chez l'homme que chez la
femme. La mortalité suicidaire était en France, en 1995 de
31,5/100 000 chez les hommes et de 10,7/100 000 chez les femmes.
Cette surmortalité masculine est observée dans tous les pays
disposant de statistiques sur le suicide, à l'exception de la
Chine.
¨
Le suicide augmente fortement avec l'âge, surtout chez l'homme
et surtout après 75 ans.
ð
ð
ð
ð
6% des suicides surviennent entre 15 et 24 ans,
66% entre 25 et 64 ans
28% chez les personnes âgées de 65 ans et plus
Chez les adultes jeunes (25-34 ans) le suicide est la première
cause de mortalité
ð Chez les adolescents, il représente la 2ème cause de mortalité
(16%), après les accidents de la circulation (38%).
ð Le suicide est plus rare chez les sujets jeunes et peut être
considéré comme exceptionnel chez l'enfant pré-pubère. (0,2/100
000 chez les 5-14 ans, chiffres 1994). Mais la notion de mort,
chez l'enfant, ne peut être assimilée aux représentations qu'en
ont couramment les adultes, une représentation construite de la
mort, dans sa dimension d'irréversibilité, n'étant acquise qu'à
partir de 8 ans.
¨
La mortalité par suicide varie selon le temps et le contexte
géographique : La mortalité par suicide a montré une certaine
stabilité jusqu'en 1975, suivie d'une forte augmentation
d'indice (près de 40%) de 1975 à 1985, puis d'une légère
diminution jusqu'en 1990, pour fluctuer entre 12000 et 11000
décès par an depuis. L'augmentation du suicide chez les jeunes a
largement contribué à l'augmentation globale de l'incidence du
suicide en France. Les données internationales concernant le
suicide sont proches de celles décrites en France, mais il
existe aussi des différences : en Angleterre par exemple, on a
4
observé une réduction notable de l'incidence du suicide au cours
des années 1960-1970. En France, il existe également des
disparités régionales sensibles.
4 : les moyens utilisés
¨
les modes de suicide les plus utilisés sont la pendaison (37%),
les armes à feu (25%), l'intoxication par médicaments (14%) ;
viennent ensuite la submersion-noyade et la précipitation d'un
lieu élevé. Il faut signaler que la consommation d'alcool
accompagne fréquemment les suicides par arme à feu.
¨
Conséquences pour la prévention : l'utilisation de ces moyens
semble liée à leur disponibilité et à la réglementation les
concernant, en particulier pour les armes à feu. C'est pourquoi,
en termes de prévention, le contrôle de l'accès aux moyens de
suicide et la diminution de leur potentiel létal représentent
des aspects importants.
¨
Les "cibles" principales de la prévention du suicide, mais aussi
les plus difficiles à atteindre, sont les hommes et les
personnes âgées.
III : EPIDEMIOLOGIE DES TENTATIVES DE SUICIDE
1 : problèmes méthodologiques
¨
Le recensement de la prévalence des tentatives de suicide (TS)
est difficile car, contrairement aux suicides, il n'y a pas
d'enquête systématique sur les TS Les enquêtes en population
générale sont évidemment difficiles à mettre en place.
¨
Par ailleurs, malgré les recommandations de l'ANAES (2001),
toutes les TS ne sont pas hospitalisées ou vues par un médecin.
On estime que 30 % des personnes ayant commis une TS sont
actuellement maintenues à domicile.
2 : données descriptives
¨
Les TS sont estimées en France à 160 000 par an
¨
Le sex ratio des TS est l'inverse de celui du suicide : les
femmes réalisent deux fois plus de TS que les hommes
¨
Effets de l'âge : les TS sont les plus fréquentes entre 15 et 35
ans et diminuent ensuite. Selon une enquête de l'INSERM
effectuée en 1999, au moins 5,2 % des filles et 7,7 % des
garçons âgés de 11 à 19 ans auraient fait au moins une fois une
tentative de suicide.
5
¨
Des études conduites en population générale aux Etats-Unis
permettent d'estimer la prévalence sur la vie entière des TS à
4,6 % chez les 15-54 ans (étude NCS, Kessler, 1999).
3 : moyens utilisés
¨
90
%
des
TS
résultent
d'intoxications
médicamenteuses
volontaires. Les phlébotomies sont également fréquentes.
4 : pronostic
¨
on note 40 % de récidives, dont la moitié dans l'année suivant
la tentative de suicide.
¨
Il y a 1 % de mortalité par suicide dans l'année qui suit la TS
(contre 0,02 % dans la population générale, soit 50 fois plus
!).
¨
Il y a plus de 10 % de décès par suicide, au cours de la vie,
après une première tentative de suicide. Un antécédent de TS est
ainsi l'un des plus importants facteurs de risque de suicide.
IV : EPIDEMIOLOGIE DES IDEES SUICIDAIRES
¨
La prévalence des idées suicidaires a fait l'objet de plusieurs
enquêtes récentes, permettant de situer le rapport des idées de
suicide/TS autour de 4.
¨
En population générale, en France, lors d'un sondage réalisé par
la SOFRES en janvier 2000, au domicile de 1000 personnes âgées
de 18 ans et plus, représentatives de la population française,
13 % d'entre elles ont répondu par l'affirmative à la question :
"vous-même, avez-vous déjà envisagé sérieusement de vous
suicider ?"
¨
Chez les jeunes en France, 23 % des garçons et 41 % des filles
de 15 à 19 ans ont rapporté avoir eu des idées suicidaires, soit
un taux 4 fois supérieur à celui des TS (Choquet et Ledoux,
1994).
¨
La chronicité des idées suicidaires est un facteur de risque de
passage à l'acte : celui-ci est de 40 % si les idées sont
fréquentes, 15 % si les idées de suicide sont occasionnelles, 1
% en l'absence d'idées suicidaires.
¨
Le risque de passage à l'acte est augmenté quant il y a
élaboration d'un plan suicidaire, c'est pourquoi la prévention
du geste suicidaire passe par le repérage et l'évaluation des
idées suicidaires.
V : FACTEURS DE RISQUE ET POPULATIONS A RISQUE
6
On appelle "facteur de risque" un facteur qui a été mis en
relation
statistique avec la survenue d'un suicide, au niveau
d'une population donnée. Il ne s'agit donc en aucun cas, d'un
facteur individuel. Les facteurs de risque suicidaire sont en
interaction les uns avec les autres et l'importance de leur effet
va dépendre de la présence ou de l'absence d'autres facteurs.
Dans une perspective pragmatique et préventive Rihmer (1996) a
proposé de les classer en trois catégories :
1 : les facteurs de risque primaires
Les facteurs primaires ont une valeur d'alerte importante, au
niveau individuel, ils sont en forte inter action les uns avec les
autres
et
peuvent
être
influencés
fortement
par
les
thérapeutiques. Ce sont :
- les troubles psychiatriques,
- les antécédents familiaux et personnel de suicide et tentatives
de suicide,
- la communication à autrui d'une intention suicidaire
- l'existence d'une impulsivité, facilitant le risque de passage à
l'acte.
2 : les facteurs de risque secondaires
Les facteurs secondaires sont observables dans la population
générale. Leur valeur prédictive est faible en l'absence de
facteurs primaires. Ils ne sont que faiblement modifiables par les
thérapeutiques. Ce sont :
-
les pertes parentales précoces
l'isolement social : séparation, divorce, veuvage…
le chômage ou l'existence d'importants facteurs financiers
les "événements de vie" négatifs sévères.
3 : les facteurs de risque tertiaires
Les facteurs de risque tertiaires n'ont pas de valeur prédictive
en l'absence de facteurs primaires et secondaires et ne peuvent
être modifiés, ce sont :
- l'appartenance au sexe masculin
- l'âge, en particulier l'adolescence et la sénescence
- certaines périodes de vulnérabilité (phase prémenstruelle chez
la femme, période estivale…).
4 : les facteurs de vulnérabilité
On appelle "facteur de vulnérabilité" des éléments majorant les
facteurs de risque précédemment décrits et pouvant contribuer,
dans certaines circonstances, à favoriser un passage à l'acte
7
suicidaire sous l'influence de facteurs précipitants. Il s'agit
d'événements de la biographie passée, survenus souvent au cours de
pertes parentales précoces, de carences affectives, de violence,
de maltraitance ou de sévices…
5 : les facteurs précipitants
On appelle facteurs précipitants des circonstances précédent de
peu le passage à l'acte ou déterminants dans la crise suicidaire :
des événements de vie négatifs, tels une séparation, une maladie,
un échec, etc. Il s'agit parfois d'événements anodins pour
l'intervenant mais qui revêtent une importance affective d'autant
plus grande pour la personne qu'ils réactualisent, à un moment
donné, des problématiques liées au passé du sujet, sous-tendues
par les facteurs de vulnérabilité précédemment décrits.
6 : les facteurs de protection
S'il existe de nombreux facteurs de risque suicidaire, il faut
mentionner l'existence de facteurs de protection. Il s'agit
essentiellement de facteurs psycho-sociaux tels un soutien
familial et social de bonne qualité, le fait d'avoir des enfants,
des relations amicales diversifiées, etc. Bien que ceux-ci soient
insuffisamment documentés actuellement, on peut citer également
"la résilience", c'est à dire la capacité d'un individu à faire
face à l'adversité.
7 : au total
La mortalité par suicide concerne surtout l'homme mûr et âgé,
alors que la morbidité suicidaire concerne surtout la femme jeune.
Le risque de décès par suicide augmente avec l'âge, alors que le
risque de décès diminue.
VI : RECONNAITRE ET EVALUER UNE CRISE SUICIDAIRE
La notion de "crise suicidaire" offre une méthode pragmatique pour
évaluer et prendre en charge une personne à haut potentiel
suicidaire.
1 : définition de la crise suicidaire
La crise suicidaire peut être définie comme un moment de crise
psychique, au cours de la vie du sujet, où celui-ci va épuiser
progressivement ses ressources adaptatives, psychologiques et
comportementales et envisager , progressivement, par le biais de
distorsions cognitives, le suicide comme seule possibilité de
réponse aux difficultés qu'il rencontre et éprouve.
2 : signes d'orientation et de diagnostic
8
¨
la crise suicidaire se traduit par des signes de rupture par
rapport au comportement habituel de la personne, dont le
regroupement
doit
alerter
l'entourage
et
provoquer
une
assistance professionnelle.
¨
Il peut s'agir de signes manifestes, tels :
Ø la
manifestation
explicite
d'idées
et
d'intentions
suicidaires par le discours ("je veux mourir", "je n'en peux
plus", "je voudrais partir…", etc.) ou sous forme de textes,
de dessins, chez les enfants en particulier.
Ø l'expression de la crise psychique dans les attitudes, le
comportement, les relations interpersonnelles : la personne a
un visage triste, douloureux ou inexpressif ; elle peut
paraître étrangement absente ; on peut noter un changement de
comportement avec l'entourage, un désintérêt ou l'abandon des
centres d'intérêt habituels, des décisions irréfléchies,
parfois illogiques ou peu compréhensibles, ; une consommation
et un recours inhabituel ou excessifs aux médicaments, à
l'alcool, aux drogues ; un repli sur soi, une anxiété, une
irritabilité, un désinvestissement inhabituels.
Ø des distorsions cognitives : elles traduisent le fait que la
personne ne perçoit et n'analyse plus de façon réaliste et
objective les événements extérieurs ou ses propres capacités
à faire face : elle présente une image altérée et dévalorisée
d'elle-même, se sent impuissante à surmonter ses émotions et
à affronter les événements de sa vie. Ce sentiment peut
confiner au désespoir, à une vision cynique et désabusée
d'elle-même et d'autrui, une réduction du sens des valeurs,
un sentiment de constriction psychique.
Ø des "comportement de départ" à forte valeur d'orientation
doivent être activement recherchés et attirer l'attention :
la recherche soudaine d'une arme à feu, le don d'effets
personnels investis d'une valeur affective, la rédaction de
lettres aux proches ou d'un testament, en sont des exemples.
¨
Les signes d'alerte peuvent varier selon l'âge :
Ø chez l'enfant, la crise psychique sera peu verbalisée et
s'exprimera plutôt sous la forme de dessins traduisant des
préoccupations pour la mort, par la survenue de plaintes
somatiques, des blessures à répétition, une hyperactivité,
des troubles du sommeil, une tendance à l'isolement; des
troubles des apprentissages ; une réduction des activités
ludiques et une tendance à devenir le "souffre-douleur"
d'autrui… Des bouleversements familiaux (décès, maladie,
séparation…) la maltraitance ou les carences affectives sont
des facteurs de vulnérabilité qui doivent être recherchés.
9
Ø chez
l'adolescent,
l'expression
répétitive
d'une
intentionnalité
suicidaire
est
un
motif
suffisant
d'intervention. Cependant, il faut également être attentif à
un fléchissement inattendu des résultats scolaires, la
survenue des conduites déviantes, de prise inconsidérée de
risques ou de conduites addictives ; des fugues et des
conduites violentes contre soi ou autrui … Les ruptures
sentimentales, les échecs scolaires ou autres, les conflits
d'autorité, la solitude affective sont des facteurs de
vulnérabilité.
Ø chez l'adulte, la crise psychique peut se manifester par des
arrêts de travail à répétition, des consultations médicales
itératives pour douleurs ou fatigue, des conflits avec la
hiérarchie ou le conjoint, un sentiment d'incapacité,
d'inefficience ou d'inutilité dans le travail et les
relations sociales, etc. Les conflits professionnels ou
conjugaux, les maladies graves, la toxicomanie, les blessures
narcissiques,
l'émigration…
sont
des
facteurs
de
vulnérabilité.
Ø chez la personne âgée : les idées suicidaires sont rarement
exprimées de façon explicite mais plutôt allusivement :
"laissez moi partir", "à quoi bon, je dérange tout le monde"…
La crise psychique doit être recherchée devant une perte
progressive d'intérêt pour les personnes et les activités
investies ; un refus de soin, des conduites anorexiques… Chez
le sujet âgé, la dépression, les maladies physiques -en
particulier celles qui génèrent handicap et douleurs-, les
changements d'environnements et le départ en institution
(hôpital, maison de retraite…), le décès du conjoint sont des
facteurs de vulnérabilité.
3 : Evaluation de la crise suicidaire
Une manière commode dévaluer les modalités et l'urgence des
interventions, préconisées par l'ANAES, consiste à décomposer et
analyser la menace suicidaire en trois composantes : les facteurs
de risque, l'urgence de la menace, la dangerosité du scénario
suicidaire. Cette méthode simple s'avère opérante pour les
professionnels de santé, mais aussi pour tous les intervenants de
"première ligne" susceptibles d'être confrontés à une menace
suicidaire : enseignants, travailleurs sociaux, personnels des
différentes administrations, bénévoles… Chacune de ces trois
dimensions : risque, urgence, dangerosité est évaluée séparément
selon trois degrés d'intensité : faible, moyen ou élevé.
¨
Les facteurs de risque suicidaire : RISQUE. En dehors des
facteurs de risque déjà mentionnés (âge, sexe, isolement social,
communication d'une intention suicidaire) il s'agit de la
10
présence actuelle ou dans
troubles psychiatriques :
les
antécédents
d'un
ou
plusieurs
Ø antécédents familiaux et personnels de suicide : la moitié
des suicides (30 à 60 %) sont précédés d'une ou plusieurs TS.
Finalement, 10 % des suicidants parviennent à se suicider et,
chez eux, le risque relatif de suicide est multiplié part 40
par rapport à la population générale. On admet que,
globalement, le taux de suicide chez les suicidants augmente
de 1 % chaque année, au cours des dix premières années, la
première année étant celle à plus fort risque.
Ø
les maladies psychiatriques sévères, en particulier les
troubles de l'humeur, l'alcoolisme, les schizophrénies. Le
fait de présenter un trouble psychiatrique constitue un
important facteur de risque suicidaire, et ce d'autant plus
que la pathologie a nécessité une hospitalisation. Les études
fondées sur un suivi prospectif montrent que 10 à 15 % des
patients décèdent par suicide. Par ailleurs, 4 % des suicides
surviennent chez des patients hospitalisés en psychiatrie
(c'est à dire durant l'hospitalisation, lors d'une permission
ou
dans
les
48
h
suivant
leur
sortie
d'hôpital).
Comparativement à des sujets contrôles issus de la population
générale, le risque de suicide est de 6 à 22 fois supérieur
chez les sujets souffrant d'un trouble mental avéré.
Ø les études "par autopsie psychologique" réalisées aux Etats
Unis et en Europe du Nord (Angleterre, Suède, Finlande)
montrent l'existence d'un trouble psychiatrique chez plus de
90 % des suicidés. Les diagnostics les plus fréquemment
portés sont ceux de dépression (50 %), alcoolisme (30 %),
trouble de la personnalité (35 %), schizophrénie (6 %).
Ø la
comorbidité
psychiatrique
est
importante
chez
les
suicidés. Les troubles de la personnalité et les abus de
substances sont rarement les diagnostics principaux ou
exclusifs mais s'associent fréquemment à celui de dépression.
Ø Si l'existence d'un trouble psychiatrique est un facteur de
risque primordial, il n'est pas nécessairement un facteur
suffisant.
C'est
dans
ces
cas
que
les
facteurs
de
vulnérabilité et précipitants (événements de vie, inter
relations avec l'environnement familial …) jouent un rôle
déterminant dans le passage à l'acte suicidaire. Dans la
semaine qui précède, on retrouve souvent de nombreux conflits
interpersonnels, de l'hostilité ou de la violence, et chez
les
adolescents
des
conflits
disciplinaires
ou
des
circonstances
s'accompagnant
de
forts
sentiments
de
déception, de rancœur, d'humiliation ou d'injustice.
Ø La présence actuelle d'un ou de facteur(s) de risque, leur
sommation permettent d'évaluer le degré d'intensité des
facteurs de risque
11
¨
L'urgence de la menace suicidaire : URGENCE
Ø deux éléments doivent être pris en compte : l'existence d'un
scénario suicidaire et l'absence pour le sujet d'une
alternative autre que le suicide.
Ø l'urgence doit être évaluée comme "faible" en l'absence d'un
scénario construit, "moyenne" si un scénario existe, mais que
sa date de réalisation est éloignée ou imprécise, "élevée"
s'il existe une planification précise ou une date arrêtée
pour les jours suivants.
¨
La dangerosité létale du moyen suicidaire : DANGEROSITE
Ø doivent être évaluées la dangerosité mortelle du moyen
considéré et son accessibilité : la personne peut-elle
facilement disposer -lors de l'évaluation- du moyen qu'elle
se propose d'utiliser ? Si l'accès au moyen est facile et/ou
immédiat, la dangerosité doit être évaluée comme "élevée",
l'intervention doit alors être immédiate et viser, en
priorité, à empêcher l'accès à ce moyen.
VII : PRENDRE EN CHARGE LA PERSONNE EN CRISE SUICIDAIRE
1 : aborder et interroger un sujet en crise suicidaire
¨
La rencontre doit pouvoir se dérouler en toute confidentialité,
en face à face, dans un endroit calme et favorisant l'expression
des affects. Il faut organiser le contexte de l'entretien au
préalable, chaque fois que cela est possible.
¨
L'entretien doit être conduit de façon à la fois directive et
empathique, laissant à la personne le temps de s'exprimer. Il
n'est pas inutile de laisser le sujet pleurer ou exprimer son
désespoir, son désarroi, ses frustrations ou sa colère. Les
sujets en crise psychique sont souvent en proie à une souffrance
intense et ne peuvent réfléchir ou s'exprimer de façon posée.
L'entretien doit en premier lieu permettre de soutenir le sujet,
établir une relation de confiance, mettre à jour sa souffrance
et l'assurer qu'on le comprend.
¨
Si l'on suspecte une personne d'être en crise suicidaire, il
faut l'interroger simplement et après un temps introductif,
aborder directement le sujet d'éventuelles idées suicidaires.
¨
Le questionnement de l'intervenant doit se faire dans un style
sobre, simple et direct, évitant les jugements de valeur et les
périphrases, telles que "il me semble que…", "vous avez l'air
de…".
12
¨
On peut procéder de façon interrogative : "avez-vous des idées
de suicide, envie de mourir ?"; on peut également utiliser le
mode affirmatif : ("vous êtes en colère n'est ce pas?") et
reformuler en résumant, à certains moments, la situation telle
qu'on l'analyse, en insistant toujours sur l'affectivité, les
sentiments de la personne : "si je comprends bien ce que vous me
dites, vous êtes très en colère parce que…").
2 : identifier
protection
l'existence
de
facteurs
précipitants
et
de
¨
L'identification et l'évaluation de facteurs de vulnérabilité et
de facteurs précipitants sont importants pour montrer à la
personne que l'on comprend sa souffrance, pour évaluer si elle a
envisagé des alternatives possibles et comment elle y réagit,
pour juger des ressources psychologiques dont elle peut encore
disposer.
¨
L'entretien doit permettre d'identifier d'éventuelles sources de
soutien dans l'entourage et apprécier comment la personne en
crise les perçoit. On peut recenser les intervenants déjà
impliqués ou possibles, relever leurs coordonnées et proposer de
les contacter et de les informer.
¨
La capacité de coopération de la personne est importante
évaluer pour juger de l'urgence d'une intervention.
à
3 : distinguer entre crise psycho-sociale et crise en rapport
avec un trouble mental
La situation n'est évidemment pas la même si la menace suicidaire
est en relation avec une pathologie psychiatrique manifeste, ou si
elle est sous-tendue par une crise psycho-sociale. La prise en
charge d'un trouble psychiatrique est évidemment prioritaire qunad
elle existe et justifie alors souvent une hospitalisation. En
revanche, dans certains cas, l'exploration du contexte de vie du
sujet permet d'identifier la nature psycho-sociale de la crise et
d'analyser les circonstances qui conduisent la personne à vouloir
mourir. Cette distinction permet de juger des capacités de la
personne à relativiser sa situation et de la possibilité, pour
l'intervenant, de réduire la tension psychique. Elle permet
d'orienter la prise en charge et les interventions proposées.
4 : proposer une orientation et intervenir
¨
Un traitement médicamenteux symptomatique peut être proposé en
cas de souffrance majeure persistante, d'agitation irrépressible
et pour permettre la poursuite d'une prise en charge adéquate.
Dans l'immédiat, un traitement anxiolytique et/ou sédatif peut
13
être prescrit. Un traitement de fond ne doit être entrepris
qu'en hospitalisation, si elle est nécessaire).
¨
L'hospitalisation s'impose si l'urgence est élevée, si le
suicide est planifié, les moyens mortels disponibles, si le
sujet est "froid" et coupé de ses émotions, ou impulsif, s'il
refuse toute coopération ou présente d'importants troubles du
jugement. Une hospitalisation sans consentement (Hospitalisation
à la Demande d'un Tiers : HDT) peut être nécessaire, en
l'absence de coopération du sujet, on doit cependant toujours
expliquer à la personne les raisons conduisant à cette décision
et son caractère temporaire. L'hospitalisation, qu'elle soit
réalisée en accord avec la personne ou sous contrainte, a pour
but de protéger la vie du sujet, de mettre temporairement à
distance les situations ayant précipité l'état actuel de crise
suicidaire , d'établir une relation de confia de qualité
suffisante et réévaluer plus finement ultérieurement, l'état
psychiatrique et/ou le contexte d'existence de la personne.
L'ANAES recommande l'hospitalisation systématique pendant 48
heures au moins de tout adolescent suicidant. Un patient
suicidaire
présentant
des
signes
d'intoxication
(alcool,
psychotropes… ) doit être maintenu au service des urgences
jusqu'à la disparition des signes d'intoxication et une nouvelle
évaluation clinique.
¨
Surveillance d'un patient hospitalisé : les suicides en milieu
hospitalier représentent 5 % des suicides ; l'hospitalisation
d'un patient suicidant n'est donc pas à elle seule, une mesure
suffisante pour éviter un passage à l'acte et il est
indispensable d'évaluer la potentialité suicidaire également
chez les patients hospitalisés. Deux profils cliniques distincts
sont retrouvés dans les études :
Ø en hôpital général, il s'agit de personnes âgées de la
soixantaine, atteints de maladies chroniques et de cancers,
Ø en service de psychiatrie, il s'agit en général de sujets
jeunes, schizophrènes ou dépressifs. Le suicide survient
alors en début de séjour ou avant une sortie non désirée ou
redoutée par le patient.
Certaines précautions peuvent être prises consistant à limiter
l'accès à des moyens mortels, en particulier la défenestration et
la pendaison : ouverture limitée des fenêtres, suppression des
moyens d'appui résistant au poids du sujet et permettant une
pendaison
:
crochets,
tringles
à
rideaux,
poignées…
La
vérification des effets personnels de la personne, en sa présence
et après avoir recherché son accord, permet également de
neutraliser certains moyens : couteaux, ceinture, médicaments,
etc. Si la situation l'exige, le patient devra être installé dans
une chambre proche du local de soins et une surveillance
rapprochée devra être prescrite. A l'hôpital, les périodes de
changement (début ou fin d'hospitalisation, transfert dans une
14
autre chambre ou unité, absence du médecin référent habituel…)
sont des périodes où le risque est le plus élevé.
¨
Prise en charge ambulatoire : si l'évaluation de la menace
suicidaire est moyenne ou faible, une prise en charge
ambulatoire peut être proposée, à condition de s'assurer d'un
soutien rapproché : coopération du sujet, entourage proche et
disponible, nouvel entretien programmé et accepté avec la
personne.
¨
Prise en charge psychologique et suivi. Que le patient soit
hospitalisé ou non, le but principal de la prise en charge d'un
sujet en crise suicidaire consiste à définir et mettre en place
des alternatives valables au projet suicidaire. L'évaluation du
ou des facteurs précipitants, l'analyse de la manière dont la
personne perçoit la crise actuelle, le soutien dont elle
dispose, ses capacités personnelles à mobiliser ses propres
ressources adaptatives vont aider à construire ces alternatives.
C'est pourquoi, l'entretien doit également permettre de repérer
les éléments positifs de sa vie et de sa personnalité, même si
elle n'est pas toujours capable de les percevoir êlle même.
5 : Suivi et évaluation
Le suivi doit être réfléchi et organisé pas à pas, dès le début de
la prise en charge et assurer la permanence et la continuité de la
prise en charge. En fonction des besoins de la personne et avec sa
collaboration,
des
ressources
adéquates
et
effectivement
accessibles seront recherchées et sollicitées dans l'entourage du
sujet ou au niveau institutionnel. Il faut planifier pas à pas des
démarches simples : téléphoner à un proche, au médecin traitant
habituel, faire intervenir l'assistante sociale ou aider à la
réalisation de telle ou telle démarche.
L'intervenant doit s'assurer personnellement
jalons aient effectivement été mis en place.
que
ces
relais
et
Une réévaluation de la situation après quelques jours est toujours
souhaitable : elle permet à la personne de sa fixer des échéances
pragmatiques et atteignables. On considère que, même chez une
personne sans facteur de risque primaire, une vigilance de
l'entourage est nécessaire dans les douze mois suivant une crise
suicidaire ou une tentative de suicide.
VIII : PREVENTION DU SUICIDE
1 : l'impossible prédiction du suicide
L'identification de plus en plus précise et étendue de facteurs de
risque suicidaire ne permet cependant pas de pouvoir prédire un
suicide. Si les différents facteurs de risque ont une utilité en
pratique clinique, leur connaissance permet d'envisager deux
15
catégories d'actions préventives : l'une vise à mieux traiter
certains
facteurs
de
risque
curables,
tels
les
troubles
psychiatriques, en particulier les dépressions, l'autre consiste à
identifier des populations à haut risque suicidaire, de manière à
leur appliquer des mesures préventives. La rareté statistique du
suicide fait que, dans ces populations à risque, la "prédiction"
du suicide s'accompagne d'un nombre très élevé de faux positifs.
Il faut donc limiter cette prévention à des mesures peu
contraignantes, tant sur le plan individuel que sur le plan
économique, si l'on ne veut pas voir leur coût et leurs
inconvénients excéder les bénéfices qu'on peut en attendre.
2 : la nécessaire prévention médicale
Quatre types d'interventions médicales peuvent cependant permettre
de prévenir utilement le suicide :
¨
¨
¨
¨
le repérage et l'intervention lors de situations de crise
suicidaire
la prise en charge des suicidants
l'amélioration du diagnostic et du traitement des troubles
mentaux, en particulier des dépressions
la prévention du suicide auprès des sujets à hauts risques que
sont les malades hospitalisés en psychiatrie.
Les deux premières : repérage et intervention lors de situations
de crise suicidaire et la prise en charge des suicidants ont fait
l'objet, en France de conférences de consensus, soutenues par
l'ANAES (cf. bibliographie).
BIBLIOGRAPHIE
Pour en savoir plus :
1. Agence Nationale d'Accréditation et d'Evaluation en Santé
(ANAES) : Prise en charge hospitalière des adolescents après une
tentative de suicide. Recommandations pour la pratique. Novembre
1998. Texte long disponible sur demande à l'ANAES et par
internet (www.anaes.fr)
2. Agence Nationale d'Accréditation et d'Evaluation en Santé
(ANAES) : La crise suicidaire : reconnaître et prendre en
charge. Octobre 2000. Texte long et recommandations disponibles
sur demande à l'ANAES et par internet (www.anaes.fr)
3. HARDY P., La prévention du suicide. Rôle des praticiens
différentes structures de soins. DOIN Editeurs, Paris 1997
16
et
4. WALTER M., KERMARREC I., Idées ou conduites suicidaires :
orientation diagnostique et conduite à tenir en situation
d'urgence, Revue du Praticien, 1999, 49 : 1685-1690
17
PREMIÈRE PARTIE : MODULES TRANSDISCIPLINAIRES
Module 11 - Synthèse clinique et thérapeutique
De la plainte du patient à la décision médicale – urgences
Question 191
Crise d’angoisse aiguë et attaque de panique
Rédaction : A Pelissolo, G Loas.
Objectifs pédagogiques
- Diagnostiquer une crise d’angoisse aiguë et une attaque de panique.
- Identifier les situations d’urgence et planifier leur prise en charge.
Introduction
La crise d’angoisse aiguë, dénommée attaque de panique dans les
classifications actuelles, se rencontre fréquemment en psychiatrie, en médecine
d’urgence et en médecine générale. Elle peut survenir dans de nombreux
syndromes différents, sans réelle spécificité, comme dans les dépressions,
certaines psychoses, des états d’intoxication, et surtout dans différents
troubles anxieux et phobiques. Elle peut également survenir de manière isolée et
ponctuelle, sans conséquence ni répétition. Mais les attaques de panique peuvent
également constituer le signe central d’une pathologie sévère et chronique,
dénommé trouble panique, qui est abordé dans le chapitre des troubles anxieux
(module 3, question 41). L’objectif de l’examen d’un patient présentant, ou ayant
présenté, une crise d’angoisse est donc de poser le diagnostic d’attaque de
panique mais surtout de tenter d’en déterminer le contexte et dans certains cas
la cause, afin de décider du traitement à court et long terme le plus adapté.
Sémiologie
Les attaques de panique correspondent à la survenue brutale d’une
sensation de peur intense qui s’accompagne de symptômes psychiques, physiques
et comportementaux (tableau 1). Le diagnostic repose avant tout sur le
caractère paroxystique de ces manifestations, avec une intensité maximale
atteinte en quelques secondes ou quelques minutes, et surtout sur l’impression de
perte de contrôle totale que ressentent les patients qui y sont confrontés.
Symptômes psychiques
Les principaux symptômes psychiques sont la peur, l’angoisse, voire
une réelle terreur ou panique. Ils peuvent s’accompagner, dans les formes
sévères, d’une impression violente de dépersonnalisation (« je ne sais plus
qui je suis, mon corps se transforme ») ou de déréalisation (l’environnement
se modifie, dans ses formes ou ses couleurs par exemple). L’esprit est
assiégé par des pensées catastrophiques : peur de s’évanouir, d’étouffer,
d’avoir un accident cardiaque, et surtout de perdre le contrôle de soi
(« devenir fou ») ou de mourir. La concentration sur une tache devient
impossible, et la mémoire peut être fortement perturbée.
Symptômes physiques et comportementaux
Les signes physiques sont très polymorphes, les plus fréquents
concernant la respiration (polypnée, dyspnée, sensation d’étouffement ou de
blocage respiratoire) et le rythme cardiaque (palpitations, tachycardie), à
côté de symptômes généraux : étourdissement, vertiges, sensation de
dérobement des jambes, sueurs, bouffées de chaleur ou frissons,
tremblements, secousses musculaires, douleurs ou gênes thoraciques ou
abdominales, nausées, vomissement, diarrhée, impériosité mictionnelle,
paresthésies. Certains signes peuvent être objectivés par l’examen clinique,
comme une élévation de la tension artérielle systolo-diastolique, ainsi qu’une
discrète augmentation de la température corporelle. Les signes physiques
augmentent l’angoisse du patient, craignant un infarctus ou un autre
accident fatal, ce qui ne fait que les augmenter en retour.
L’hyperventilation est souvent à l’origine de nombreux autres symptômes
(paresthésies, crispation, vertiges).
Le comportement du patient peut être aussi très variable : agitation
désordonnée, fuite immédiate d’un lieu considéré comme dangereux, ou au
contraire inhibition plus ou moins marquée, jusqu’à la sidération totale. A la
différence des crises conversives d’agitation hystérique, les crises
d’angoisse s’accompagnent peu de manifestations spectaculaires et
théâtrales, les sujets anxieux ayant le plus souvent tendance à dissimuler
autant que possible leur gêne aux yeux des autres.
Évolution de la crise
L’évolution de chaque crise d’angoisse dépend de son étiologie et du
contexte dans lequel elle survient. Le plus souvent, l’intensité des symptômes
augmente très rapidement au départ, atteint un maximum puis un plateau qui
peut durer quelques minutes ou plus, puis le calme revient progressivement avec
persistance pendant un certain temps d’une grande fatigue ou d’une grande
émotivité (larmes, instabilité émotionnelle). La durée totale des crise peut varier
de quelques minutes à une heure, voire un peu plus, avec une moyenne autour de
20 à 30 minutes.
Formes particulières
Certaines attaques de panique ne comportent qu’un ou que quelques signes
physiques isolés, comme des palpitations, des douleurs abdominales ou des
vertiges. Leur diagnostic est alors difficile, et les patients consultent souvent de
nombreux spécialistes avant que l’origine anxieuse ne soit évoquée, alors que ces
crises peuvent être très gênantes et se répéter souvent.
Les crises dites de « spasmophilie » (ou de « tétanie »), terme utilisé
uniquement en France, correspondent le plus souvent à des attaques de panique
marquées
par
des
manifestations
respiratoires
(hyperventilation),
neuromusculaires (paresthésies, hypertonie) et comportementales. Elles ne
correspondent en rien à un syndrome biologique spécifique, et ne doivent pas
être traitées par magnésium, calcium ou vitamine D puisqu’il ne s’agit pas de
réelles crises de tétanie, comme celles qui peuvent survenir chez des patients
dénutris ou carencés.
Diagnostic étiologique
Les attaques de panique peuvent être de quatre types :
1/ complètement spontanées (sans facteur déclenchant et donc imprévisible),
2/ secondaires à des peurs préalables ou à un état psychologique particulier
(anxiété phobique ou humeur dépressive par exemple),
3/ déclenchées par des événements traumatisants intenses, et
4/ favorisées par une prise de toxiques ou par une maladie organique. Les crises
spontanées, quand elles se répètent, peuvent correspondre au trouble panique et
se compliquer d’agoraphobie. La plupart des crises secondaires surviennent chez
des patients phobiques lors de la confrontation avec l’objet ou la situation
redoutée (être enfermé pour un claustrophobe, devoir faire face à un public
pour un phobique social, etc.).
De nombreuses substances sont susceptibles d’induire des attaques
de panique, et leur recherche doit être systématique en cas de contexte
évocateur : alcool, cannabis, cocaïne, hallucinogènes (LSD), amphétamines
(ecstasy), solvants volatils, théophylline, phencyclidine, produits
anticholinergiques,
dérivés
nitrés,
préparations
thyroïdiennes,
corticostéroïdes, oxyde et dioxyde de carbone. Des crises peuvent être
également induites par le sevrage de certaines substances : alcool,
opiacés, caféine, benzodiazépines, certains anti-hypertenseurs.
Certaines pathologies somatiques aiguës peuvent comporter des
symptômes anxieux, parfois au premier plan, ou mimer les symptômes
habituels de l’anxiété :
• cardio-vasculaires : angor, infarctus, poussée d’insuffisance cardiaque,
hypertension artérielle, troubles du rythme ;
• pulmonaires : asthme, embolie pulmonaire ;
• neurologiques : épilepsie, notamment les crises temporales, crises
migraineuses, maladie de Menière, accidents ischémiques transitoires,
etc.
• endocriniennes : hypoglycémie, phéochromocytome, hyperthyroïdie,
syndrome de Cushing, hypoparathyroïdie, etc.
• autres : hémorragies internes, pancréatite, porphyrie, vertiges
labyrinthiques, réactions anaphylactiques, etc.
Physiopathologie
La physiopathologie des attaques de panique n’est pas univoque, et
différents facteurs biologiques et psychologiques peuvent se combiner. Au plan
psychologique, des réactions liées à des interprétations « catastrophistes » de
sensations internes (palpitations évoquant une crise cardiaque, vertiges évoquant
une attaque cérébrale, etc.) ou de conditions extérieures (lieu clos, impossibilité
de sortir, stress intense, etc.) contribuent à une perte de contrôle des émotions
et à un véritable état de panique. Il se met en place un véritable cercle vicieux
s’auto-renforçant car la peur aggrave les signes physiques qui eux-mêmes
amplifient l’angoisse.
On sait par ailleurs qu’il existe des agents inducteurs biologiques
permettant de déclencher des attaques de panique : le lactate de sodium, le
dioxyde de carbone (CO2), la cholécystokinine (et notamment le tétrapeptide
cholécystokinine 4 (CCK4) ainsi que des dérivés qui stimulent les systèmes
noradrénergiques ou sérotoninergiques. Par l’intermédiaire de l’action de ces
agents inducteurs, des hypothèses physiopathologiques sont formulées :
possibilité de l’existence d’une voie finale commune entre le CO2, le lactate, le
CCK4 à travers le noyau du tractus solitaire qui module les fonctions
cardiorespiratoires et existence probable de dysfonctionnements dans la
régulation de neurotransmetteurs tels que la noradrénaline, la sérotonine, le
GABA et la cholécystokinine.
Traitement
Conduite à tenir à court terme
L'examen somatique dans l'urgence est à adapter à la situation et aux
premiers signes d'orientation, pouvant se limiter à une auscultation et à une
prise de tension artérielle mais pouvant aller jusqu'à la réalisation d'examens
complémentaires en urgence : électro-cardiogramme, examens sanguins, et
recherche de toxiques au moindre doute.
Au plan psychopathologique, il est surtout important de recueillir le plus
d'informations possibles sur les antécédents du patient et les circonstances de
la crise, avec la contribution éventuelle de l'entourage. Une écoute attentive du
discours du patient est naturellement indispensable, même sur une période
courte, pour orienter le diagnostic étiologique.
Dans la plupart des cas, l'éloignement des facteurs anxiogènes extérieurs
et la présence rassurante d'un professionnel permettent très rapidement de
réduire l'intensité de la crise ou de la faire cesser. Si l'examen est en faveur de
l'existence d'une pathologie organique associée à l'angoisse, il faut le préciser
au patient et le prévenir des éventuels traitements et examens complémentaires
prescrits. Dans le cas contraire, il est important également de le signaler au
patient, sans conclure à l'absence de pathologie mais en pointant l'origine
psychologique de son état, permettant d'attribuer à l'anxiété les symptômes
physiques observés. Lui rappeler que la crise va naturellement céder et qu'en
aucun sa vie n'est en danger est souvent indispensable.
Des méthodes simples permettent également de réduire les symptômes
psychiques et physiques : défocaliser l'attention du patient des menaces
externes ou de sensations internes anxiogènes, orienter cette attention vers un
essai de détente d'une partie du corps comme les muscles du bras ou des
épaules, et surtout modifier le rythme respiratoire. Celui-ci doit être le plus lent
et le plus « superficiel » possible, bouche fermée et en s'aidant d'une
respiration abdominale plutôt que thoracique. Les respirations amples et
l'hyperventilation favorisent en effet l'hypocapnie responsable de nombre des
symptômes somatiques.
Ces mesures permettent dans la très grande majorité des cas d'obtenir
une interruption de la crise. Il faut ensuite expliquer au patient ce qu'il vient de
vivre, compléter éventuellement l'examen somatique, et approfondir l'évaluation
psychopathologique. En fonction de celle-ci, le patient sera orienté vers son
médecin traitant ou vers un spécialiste en fonction de l'étiologie (traitement
préventif dans un trouble panique par exemple).
La prescription médicamenteuse au cours de la crise d'angoisse elle-même
doit être limitée autant que possible. Le patient ne doit pas en effet conserver
en mémoire une issue uniquement « médicalisée » de sa crise, en évitant tous les
actes les plus symboliques et les plus techniques (perfusions, injections, etc.).
C'est ainsi qu'un meilleur contrôle du sujet sur son anxiété pourra être obtenu,
dans la perspective d'éventuelles récidives, évitant de le rendre dépendant des
structures de soin les plus lourdes.
Une administration médicamenteuse ne s'impose que lorsque la crise se
prolonge malgré les méthodes énoncées ci-dessus, par exemple au-delà d'une
demi-heure, ou que les symptômes sont très intenses (agitation psychomotrice
très importante par exemple). La voie orale est à privilégier, car elle assure la
meilleure biodisponibilité et rapidité d'action pour les produits anxiolytiques, et
elle permet de limiter le caractère technique de l'acte. Les traitements
disponibles dans le traitement aigu de l'anxiété sont essentiellement les
benzodiazépines, par exemple :
- diazépam (Valium®), un comprimé à 5 ou 10 mg;
- alprazolam (Xanax®), un comprimé à 0,25 ou 0,50 mg;
- lorazépam (Témesta®), un ou deux comprimés à 1 mg.
L'effet anxiolytique, s'accompagnant éventuellement d'un effet sédatif (en
fonction de la dose et de la sensibilité du sujet), est obtenu en 15 à 30 minutes
environ. La surveillance concerne essentiellement la vigilance et la fonction
respiratoire, surtout en cas de prise récente d'alcool ou d'autres toxiques,
opiacés notamment.
La voie intra-musculaire est à réserver aux cas exceptionnels où la voie
orale n'est pas accessible (agitation majeure, contracture de la mâchoire,
troubles de la déglutition), avec par exemple :
- diazépam (Valium®), une ampoule à 10 mg;
- clorazépate dipotassique (Tranxène®), une ampoule à 20 mg.
La voie intra-veineuse ne doit pas être utilisée dans les crises d'angoisse
aiguë.
Signes de gravité
En dehors des éventuels signes de gravité somatique qui peuvent être liés
à la co-existence d’une pathologie organique, et qui doivent alors être pris en
charge en urgence par une unité de réanimation par exemple, certains signes de
gravité psychiatrique (très rares) doivent être repérés :
- risque de raptus suicidaire
- risque d’hétéro-agréssivité
- sidération anxieuse
- répétition des crises
- pathologie associée : abus d’alcool ou de toxiques, troubles
graves de la personnalité, épisode dépressif majeur, épisode
délirant aigu, schizophrénie et autres psychoses chroniques.
Dans ce contexte une hospitalisation en milieu psychiatrique doit être
envisagée, soit en hospitalisation libre si le patient reconnaît la nécessité des
soins, est demandeur de soins et si son consentement est recevable ; soit en
milieu psychiatrique spécialisé selon la loi du 27 juin 1990 (hospitalisation à la
demande d'un tiers) si les troubles du patient rendent impossible son
consentement aux soins.
Conduite à tenir à moyen et long terme
En cas de diagnostic avéré de trouble psychiatrique, et notamment de
trouble anxieux chronique (trouble phobique, trouble panique, etc.), une prise en
charge spécifique au long cours doit être mise en place. Elle combine en général
un suivi psychiatrique régulier, une psychothérapie et en particulier une thérapie
comportementale et cognitive, et un traitement médicamenteux préventif, le
plus souvent un antidépresseur sérotoninergique (voir troubles anxieux : module
3, question 41).
Tableau I. Critères diagnostiques de l'attaque de panique selon la classification
DSM-IV (Diagnostic Statistical Manual, 4ème révision).
Période bien délimitée de crainte ou de malaise intense, durant laquelle au
moins 4 des symptômes suivants se sont développés de façon brutale et
ont atteint un pic d'intensité dans les 10 minutes :
1. Palpitations, sentiment de battement cardiaque ou accélération du
rythme cardiaque
2. transpiration
3. tremblements ou secousses musculaires
4. sensations de "souffle coupé" ou d'étouffement
5. sensation d'étranglement
6. douleur ou gêne thoracique
7. nausée ou gêne abdominale
8. étourdissement, sensations d'instabilité ou d'évanouissement
9. déréalisation (sentiment d'irréalité) ou dépersonnalisation (sentiment
d'être détaché de soi)
10. peur de perdre le contrôle ou de devenir fou
11. peur de mourir
12. paresthésies (sensations d'engourdissement ou de picotements)
13. bouffées de chaleur ou frissons
DEUXIÈME PARTIE : MALADIES ET GRANDS SYNDROMES
Question 266
NÉVROSE
Rédaction : J. Adès, JP Boulenger, E. Corruble, P. Hardy, M. Patris, C Piquet
Objectif pédagogique général






Connaître le sens et la signification du concept de névrose
Connaître l’approche contemporaine de la névrose au regard de la notion de troubles
anxieux
Connaître la notion de mécanisme de défense
Connaître les conséquences médico-économiques des névroses et des troubles
anxieux
Connaître les différentes entités nosographiques regroupées sous le terme de
névrose et leurs principales caractéristiques cliniques
Connaître les risques évolutifs des états névrotiques
Objectifs pédagogiques spécifiques
Psychopathologie
 Connaître les modèles théoriques des névroses et des troubles anxieux
Prise en charge
 Connaître les diverses stratégies thérapeutiques qui peuvent être proposées et
leurs indications
 Savoir prescrire les médications tranquillisantes en tenant compte à la fois des
références médicales érigées par la communauté médicale et des modalités
singulières relationnelles de la consultation médicale avec un sujet névrotique
 Connaître la place des Thérapies Cognitivo-Comportementales dans les différents
troubles anxieux
 Savoir pratiquer la psychothérapie de soutien et d’accompagnement auprès des
sujets névrotiques
Névroses
 Névrose obsessionnelle, névrose d’angoisse, névrose phobique et post-traumatique :
voir module angoisse
 Névrose hystérique : connaître les principaux accidents de conversion hystérique,
connaître les principaux traits de personnalité associés à la névrose hystérique,
connaître les principes du traitement de la névrose hystérique
A. Introduction sur la notion de névrose
L'emploi du terme "névrose", dont la signification précise n'a cessé de varier au cours
du temps, fait actuellement l'objet de controverses. La classification Nord-Américaine
du D.S.M. III, en 1980, marquait un tournant : - au mot "névrose", considéré comme
imprécis et peu susceptible de recueillir un consensus, se voyait préféré le terme de
"Trouble névrotique", proposant la description de constellations syndromiques
observables ne préjugeant en principe d'aucune étiopathogénie. Cette classification,
dont l'influence internationale est devenue considérable, opérait dans les découpages
nosographiques traditionnels des Névroses, largement hérités de la Psychanalyse
freudienne, un considérable bouleversement. La névrose d'angoisse, la névrose
phobique, la névrose obsessionnelle, la névrose hystérique, dont la cohésion conceptuelle
tenait aux approches psychodynamiques de la Psychanalyse, faisaient l’objet de
nouveaux découpages, dont la légitimité est sans cesse évaluée aujourd’hui par de
multiples travaux épidémiologiques, biologiques, thérapeutiques, d'inspiration largement
biologico-comportementale.
Les Troubles Névrotiques représentent un très vaste champ de la pathologie mentale,
dont les limites nosographiques et l'étiopathogénie, malgré l'accumulation de données
nombreuses, demeurent incertaines. Le mot "névrose" fut forgé en 1769 par le médecin
écossais W. CULLEN. Les "maladies nerveuses" avaient été auparavant regroupées par
WILLIS, puis par SYDENHAM, et reliées à l'idée d'un dysfonctionnement du système
nerveux. R. WHYTT, peu avant CULLEN, regroupait sous ce terme un ensemble de
troubles disparates, hystérie, hypocondrie et "troubles nerveux simples", symptômes
protéiformes attribués à une "faiblesse inhabituelle du système nerveux". Les Névroses
de CULLEN, maladies générales opposées aux maladies locales, regroupaient des
syndromes divers, allant de l'épilepsie à l'hystérie, dont le trait commun essentiel était
l'absence de lésion localisée et de fièvre. Le postulat étiologique de "l'absence de lésion
observable", étayé par les progrès des méthodes anatomo-cliniques, dominera jusqu'à la
fin du XIXème siècle l'histoire du concept de Névrose, histoire enrichie de
descriptions cliniques affinées concernant notamment l'hystérie (CHARCOT), la
neurasthénie (G. BEARD). Avant l'ère psychodynamique, le champ nosographique des
névroses se partageait entre trois entités protéiformes, la neurasthénie (qui regroupait
l'ensemble des troubles anxieux somatiques et psychiques), l'hystérie et l'hypocondrie.
Les phénomènes phobiques et obsessionnels, décrits au XIXème siècle dans leurs
formes graves par les aliénistes français (FALRET, LEGRAND DU SAULLE) ou
allemands (BENEDIKT, WESTPHAL qui décrivaient l'Agoraphobie en 1871) n'étaient
pas rattachés aux névroses.
Les travaux de P. JANET et ceux de FREUD et de ses élèves allaient, à partir des
postulats théoriques d'une psychopathologie dynamique, opérer dans la nébuleuse
hétérogène des névroses des descriptions successives et des choix synthétiques qui
fixeraient les termes et donneraient aux névroses leur statut. JANET postulera
l'existence d'un déficit fonctionnel de l'énergie neuro-psychique (la "tension
psychologique") dans les névroses, dont les symptômes revêtent un "caractère
automatique et inférieur".
Il différencie de l'asthénie modérée ou "nervosisme" la psychasthénie dans laquelle
sont incluses obsessions et phobies, et l'hystérie avec rétrécissement du champ de
conscience. Les névroses furent la pierre angulaire de l'édifice théorique de la
Psychanalyse freudienne. FREUD opposa les névroses actuelles (névrose d'angoisse et
neurasthénie), dont la cause devait être recherchée dans des "désordres de la vie
sexuelle actuelle" aux Psychonévroses de défense dont le conflit sous-jacent dépend de
l'histoire infantile du sujet. Au terme d'une oeuvre clinique et théorique d'une
exceptionnelle richesse, le concept de Névrose trouvait une unité fondée sur une
approche dynamique du fonctionnement mental : - La névrose, selon FREUD, est une
maladie globale de la personnalité impliquant tout à la fois la présence de symptômes,
parfois désignés du nom même du mécanisme de défense supposé les induire (la
"conversion") et d'une organisation pathologique du caractère (le "caractère
névrotique") liée au même type de conflit infantile. Toute définition du terme névrose,
jusqu'aux années récentes, et à quelque obédience qu'appartienne l'auteur, se reférait
à cette approche, dont LAPLANCHE et PONTALIS proposaient la plus concise des
formulations : "Affection psychogène où les symptômes sont l'expérience symbolique
d'un conflit psychique trouvant ses racines dans l'histoire infantile du sujet et
constituant des compromis entre le désir et la défense" (1967).
De la nosographie freudienne et post-freudienne, par ailleurs, la psychiatrie retiendra
pour longtemps les distinctions opérées entre névrose d'angoisse, névrose hystérique,
hystérie d'angoisse ou névrose phobique, et névrose obsessionnelle.
L'influence de la psychiatrie anglo-saxonne, et surtout Nord-Américaine, allait être
déterminante dans un cheminement qui allait aboutir, avec le D.S.M. III en 1980, à
l'éclatement nosographique des névroses et à une critique radicale du concept. Les
causes de cette évolution sont nombreuses et complexes. Les principales, qui ont joué,
de façon parallèle, sont le déclin d'influence de la Psychanalyse, le développement
croissant des thérapies comportementales puis cognitives, la multiplication de travaux
épidémiologiques, cliniques, psychométriques recourant à des méthodologies statistiques
et permettant des approches quantitatives, l'affinement enfin des traitements
chimiothérapiques interprétés comme "analyseurs nosographiques" de certains états
névrotiques. Le D.S.M. III, distinguant dans sa préface le "processus névrotique",
porteur des hypothèses étiopathogéniques, du "Trouble névrotique", description de
symptômes observables regroupés en syndromes, établissait en fait une différence
entre les théories, "relevant de la croyance", et les faits mentaux quantifiables et
repérables par l'ensemble des cliniciens. Le mot "névrose" était abandonné au profit de
celui de "Trouble névrotique", défini comme un - "comportement non activement opposé
aux normes sociales (bien que le fonctionnement puisse être gravement perturbé) - une
perturbation relativement constante ou récurrente en l'absence de traitement, ne se
limitant pas à une réaction transitoire à des facteurs de stress - l'absence d'étiologie
ou de facteur organique démontrable". La catégorie diagnostique des Névroses se
trouvait, en fait, purement et simplement supprimée. Les "Troubles névrotiques" euxmêmes, peu présents en tant que tels, étaient littéralement "atomisés", et répartis sur
l'Axe I de cette classification entre cinq catégories :
- Troubles anxieux (incluant le Trouble Panique, le Trouble Anxieux Généralisé,
l'Agoraphobie avec ou sans attaques de panique, les phobies sociales, les phobies
simples) - Troubles somatoformes - Troubles dissociatifs - Troubles psychosexuels.
L'unicité du concept de Névrose, sous-tendue par l'interrelation supposée de
symptômes et d'une structure de la personnalité, était battue en brèche par la
présence des Troubles de la Personnalité sur l'Axe II, sans qu'aucune relation de
principe ne soit établie entre symptômes névrotiques et caractère.
L'Hystérie perdait toute consistance, émiettée entre les troubles somatoformes pour
ses expressions somatiques, les Troubles dissociatifs pour ses expressions psychiques,
et la personnalité histrionique sur l'Axe II.
Le D.S.M. III, pour résumer ses positions et son influence, allait entraîner, en
supprimant la catégorie diagnostique des névroses, l'effacement d'un concept
fondamental de la psychiatrie jugé trop imprécis et trop mal délimité. Les conséquences
de cette position, à propos des névroses, seront vite considérables : la très large
diffusion internationale du D.S.M. III, favorisée par l'influence de la psychiatrie
américaine, allait imposer peu à peu l'idée d'une hétérogénéité du concept de névrose,
et consacrer son effacement. Les névroses, détachées des troubles de la personnalité,
privées du corpus théorique d'une étiopathogénie cantonnée dans le champ des
connaissances incertaines, perdaient l'identité que leur conférait l'histoire de la
psychiatrie.
Deux évolutions se dessinent à l'heure actuelle :

La classification Nord-Américaine du D.S.M. (D.S.M. III, D.S.M. III R, D.S.M. IV,
D.S.M. IV TR) tend à s'imposer au niveau international. Elle est, à propos des
névroses, très largement reprise par celle de l'O.M.S. (I.C.D.10, 1992). L'usage,
renforcé par la multiplication de travaux épidémiologiques, cliniques, génétiques,
pharmacologiques, thérapeutiques, consacre l'effacement du concept global de
"névrose". Il entérine la distinction opérée entre des regroupements syndromiques (Troubles anxieux et phobiques - Troubles obsessionnels-compulsifs - Troubles
somatoformes - Etats de stress post-traumatique) et les Troubles de la
personnalité. Il confirme et renforce l'individualisation d'ensembles syndromiques
tels le Trouble Panique, le Trouble anxieux généralisé, les phobies sociales, le
Trouble obsessionnel compulsif et leur appartenance à une vaste catégorie, celle des
Troubles anxieux. Il entérine également, malgré les critiques, le démembrement de
la névrose hystérique, dont les aspects somatiques (conversion - troubles
somatoformes), les expressions psychiques ("Troubles Dissociatifs"), les
expressions caractérielles enfin ne trouvent plus d'autre unité que celle des
possibilités aléatoires d'un regroupement de ces trois catégories diagnostiques si
leur présence simultanée l'autorise. - Le terme de "névrose" dans l'I.C.D.10, est
ainsi abandonné, comme il l'était dans les versions successives récentes du D.S.M.
(D.S.M. III, D.S.M. III R, D.S.M. IV, D.S.M. IV TR).
Le terme même de "Trouble névrotique", utilisé, n'est considéré comme porteur
d'aucune fonction classificatrice générale puisque le chapitre consacré aux
anciennes névroses s'intitule "Troubles névrotiques, liés à un facteur de stress et
somatoformes".

Des positions critiques, vis-à-vis du D.S.M. III et de sa conception des névroses se
développent très largement depuis plusieurs années et émanent d'horizons divers.
Beaucoup, parmi les psychiatres français notamment, récusent l'athéorisme affiché
de cette classification et lui reprochent d'écarter toute approche structurelle des
névroses au profit d'une référence implicite aux abords comportementaux.
L'atomisation de l'hystérie, la prééminence accordée au Trouble Panique dans le
classement des Troubles anxieux et phobiques, et plus encore l'effacement du
concept global de névrose sont vivement critiqués par le courant psychodynamique
d'inspiration psychanalytique. D'autres travaux critiques dénoncent, à propos des
névroses, les insuffisances de systèmes catégoriels trop rigides (D.S.M. III R,
D.S.M. IV, I.C.D.10) auxquels sont reprochés de ne pas prendre en compte le
polymorphisme clinique des états névrotiques, les associations fréquentes entre
états névrotiques et états dépressifs, l'évolution dans le temps des troubles
névrotiques. L'anglais P. TYRER, en 1989, proposait une synthèse des travaux
portant sur les déficiences des classifications principales des névroses : les
arguments critiques relevés portent sur la comorbidité élevée des troubles entre
eux, leur peu de stabilité dans le temps, notamment pour les troubles anxieux et
phobiques, le manque de spécificité des réponses aux traitements pour chacun des
troubles, l'absence de prise en compte enfin des associations cliniquement établies
entre certains troubles de la personnalité et certains troubles névrotiques. Ces
critiques conduisent actuellement certains auteurs à postuler l'existence d'un
"Syndrome Névrotique Général", qui marque un certain retour au concept structurel
de névrose. Le Syndrome Névrotique Général, décrit par P. TYRER (1989),
impliquerait la coexistence de symptômes anxieux et dépressifs, alternant au cours
du temps, et de traits de personnalité relevant de l'inhibition ou de la dépendance.
La nosographie des névroses est ainsi en perpétuelle évolution. Certains syndromes,
identifiés et décrits depuis longtemps par la psychiatrie classique, et fixés dans
leurs formes par la psychanalyse (les troubles obsessionnels-compulsifs, les troubles
phobiques) semblent suffisamment homogènes pour opposer une résistance aux
changements. D'autres, comme les troubles anxieux, les manifestations hystériques,
les états névrotiques anxio-dépressifs, cherchent encore leurs limites et leur
identité.
B. Névrose obsessionnelle
B.1. Le caractère obsessionnel – La personnalité obsessionnelle
Le caractère obsessionnel est davantage le propre de l'homme que celui de la femme.
Les traits obsessionnels contribuent à leur efficacité professionnelle et au maintien
d'un ordre social stable. Sens de la mesure, de la prudence, du raisonnable, du
consensuel, respect de la hiérarchie, de la loi, de la morale, souci de l'autre, du bien
général sont pour beaucoup des qualités reconnues. Ce qu'il gagne du côté de l'ordre et
de la stabilité, l'homme de caractère obsessionnel le perd cependant en imagination, en
créativité et en audace. Il laisse à l'hystérique le chapitre de la mode, de l'innovation et
du scandale. A la loi du cœur il préfère la loi tout court quitte à céder sur son désir.
Son altruisme se nourrit plus de bonne conscience que d'amour.
La personnalité obsessionnelle : A un degré de plus, elle se dégage de la banalité par
des traits plus exigeants pour soi mais aussi pour les autres.
- Souci de l'anticipation et de l'organisation : rien n'est laissé au hasard, tout est
prévu, planifié, calculé (exemple : choix de la pierre tombale, budgétisation de ses
propres obsèques) ;
- Amour de la précision, de l'exactitude, de la méticulosité (passion des mécanismes
d'horloge) ;
- Préoccupations anxieuses d'erreurs possibles, de faute, de préjudice commis par
distraction. Ceci pouvant engendrer des doutes et des ruminations, des scrupules.
- Evitement de l'imprévu, du hasard, de l'aventure, autant de failles dans un système
basé sur la maîtrise du temps et des choses.
- Souci de la propreté et l'hygiène, de l'asepsie, de la diététique.
- Le sens de l'économie, de l'épargne, mais aussi de la parcimonie ; hantise du gâchis,
de la perte, du superflu.
B.2 Les Troubles Obsessionnels-Compulsifs (TOC)
Chez l’enfant comme chez l’adulte, la prévalence du TOC est de 1 à 2 % avec une
moyenne d’âge d’apparition à 10 ans et une évolution le plus souvent chronique et
progressive. Il associe de façon variable deux types de symptômes spécifiques : les
obsessions et les compulsions.
Les obsessions sont des idées, des pensées, des impulsions ou des représentations
persistantes qui sont vécues comme intrusives et inappropriées et qui entraînent une
anxiété ou une souffrance importante. Les obsessions les plus communes sont des
pensées répétées de contamination, des doutes répétés, un besoin de placer les objets
dans un ordre particulier, des impulsions agressives ou inadaptées, des images sexuelles
ou horribles...
Les compulsions sont des comportements répétitifs ou des actes mentaux qui
s'imposent au sujet et que l’individu se sent obligé d’exécuter pour conjurer les
obsessions, diminuer le niveau d’anxiété ou dans l’espoir qu’elles puissent entraîner ou
prévenir une situation ou un événement redouté (Exemple : laver, compter, vérifier,
accumuler, rectifier…). Le diagnostic est porté lorsque les manifestations
symptomatiques sont à l’origine de sentiments marqués d’anxiété ou de détresse
émotionnelle, d’une perte de temps importante (plus d’une heure par jour), ou d’une
entrave au fonctionnement normal de l’individu (scolaire, social ou professionnel).
Chez l’enfant, le TOC peut être partie constituante du syndrome de Gilles de la
Tourette (caractérisé par des tics moteurs et vocaux parfois invalidants) ou d’une
trichotillomanie. Fréquemment, l’enfant, l’adolescent ou le jeune adulte présentant des
symptômes obsessionnels ou compulsifs, n’a pas conscience du caractère pathologique de
ces derniers, leur aggravation progressive au cours du temps n’amenant le patient à
consulter qu’après la trentaine du fait d’un handicap croissant ou à l’occasion d’une
dépression.
Chez l’adulte les troubles associent le plus souvent obsessions et compulsions, mais l’un
et l’autre de ces éléments peuvent aussi être présents isolément ; le patient reste
toujours conscient du caractère absurde ou excessif de ses symptômes et cette
autocritique le distingue des patients psychotiques chez lesquels ils peuvent également
être rencontrés. L’évolution est le plus souvent chronique, revêtant parfois des formes
très invalidantes. Certains TOC peuvent débuter à la suite d’un facteur de stress, d’une
grossesse ou dans les suites de troubles du comportement alimentaire chez la femme.
Contrairement à une opinion largement répandue, l’existence d’une personnalité
obsessionnelle n’est pas un élément nécessaire au développement du trouble, ce dernier
pouvant coexister avec d’autres types de personnalité pathologique.
C. Névrose phobique
La phobie se définit comme la crainte « absurde » d’un objet, d’un animal, d’un autre
humain, d’une situation dont la rencontre produit inéluctablement un état d’angoisse.
Comme dans l’obsession, le phobique critique son symptôme et reconnaît le caractère
infondé de sa crainte. Il sait que « les petites bêtes ne mangent pas les grosses » que
tous les trains ne déraillent pas, cela n’empêche qu’il soit terrorisé par les pigeons, qu’il
ne puisse monter dans un compartiment…
Contrairement à l’obsédé, le phobique peut éviter l’objet de son angoisse, projeté dans
l’espace extérieur. Il peut recourir à des moyens de rassurement plus ou moins
ritualisés : accompagnement par un tiers jouant le rôle d’objet contra phobique.
Les phobies les plus fréquente sont :
1) Les phobies de lieu :
- agoraphobie : phobie des vastes espaces découverts.
- claustrophobie : phobie des espaces restreints et clos.
- des hauteurs : vertiges.
- des moyens de transport.
2) Les phobies liées à la présence d’un tiers ou d’un « public » :
- peur de parler en public (à rapprocher du trac), de téléphoner.
- peur d’être pris d’envie d’uriner au cours d’une réunion.
- peur de rougir (éreutophobie), de bégayer.
3) Les phobies des petits animaux (certaines sont très banales) : araignées, souris,
reptiles et des gros animaux : chiens, chats, chevaux.
4) Les phobies des objets potentiellement dangereux (couteaux, aiguilles, armes à feu)
ou anodins (fourrures, huile, goudron) ou microscopiques (poussières, microbes, brin
de textile).
5) Les phobies d’impulsion (peur de commettre un acte grave) sont rattachées à la
névrose obsessionnelle.
La névrose phobique ressort d’un traitement
- psychothérapique :
- psychanalytique
- comportementaliste (déconditionnement)
- symptomatique anxiolytique de manière ponctuelle quand le phobique « ne peut faire
autrement » que d’affronter sa peur : nécessite de se déplacer, d’affronter un jury,
etc…
D. Névrose hystérique
Décrite depuis l’Antiquité et rapportée par Hippocrate aux avatars de l’utérus – d’où
son nom - : migrations intempestives dans le corps, sécheresse excessive… l’hystérie
reste historiquement liée à la sexualité féminine que les anciens réduisaient volontiers à
la fonction matricielle.
La connotation péjorative voire insultante du qualificatif d’hystérique tient à ses
évidentes résonances misogynes. Les « manifestations » hystériques ont de tout temps
défié l’ordre et le savoir, médicaux au premier chef mais pas seulement. Ces « maladies
de femme », ces « vapeurs », ces « crises », ces « symptômes sine materia » ont suscité
questionnement, hypothèses mais aussi ironie, condescendance et pire, rejet et
persécution.
Le médecin d’aujourd’hui se doit de connaître ou plus modestement reconnaître
l’hystérie non pas comme une pathologie en soi, une maladie parmi d’autres, mais comme
une limite à sa maîtrise du savoir et du pouvoir médical. Le symptôme hystérique de
conversion est en effet un non-sens pour ne pas dire un scandale au regard de la
démarche anatomo-physiopathologique, modèle scientifique dominant en médecine.
Vouloir le traiter comme une maladie conduit à des impasses thérapeutiques ; le rejeter
et le nier comme maladie factice ne vaut guère mieux.
L'hystérie pose en fait le problème de la formation psychologique des médecins et de la
dimension relationnelle en général de leur pratique. Qu'est-ce qu'une plainte, une
demande, une somatisation et quelle réponse peuvent-ils y apporter ?
A une époque qui célèbre le pragmatisme, la réponse thérapeutique standard,
immédiate, brève et économiquement correcte, l'hystérie – et peu importe le nom qu'on
lui donne – réclame autre chose, autre chose que des antalgiques, des antidépresseurs,
des examens complémentaires, des arrêts de travail, des invalidités… tous aussi vains
que coûteux, autre chose qui exige parfois l'abstinence thérapeutique, souvent du
temps, toujours la prise en compte du patient dans sa singularité.
La personnalité hystérique
L'humanité se prête mal aux psychotypologies ou classifications des caractères. Il n'y a
pas dans la nature des hystériques et des non hystériques. Chacun l'est plus ou moins et
nul n'est à l'abri d'une somatisation de type conversif. On entend donc par personnalité
hystérique quelques traits essentiellement relationnels, perceptibles dans la dynamique
du dialogue patient-médecin.
- L'hyperexpressivité : qualifiée aussi de théâtralisme, tendance à la dramatisation,
elle peut donner le sentiment que le sujet joue un personnage en forçant le trait
pour apitoyer, choquer, séduire, culpabiliser son public.
- Le besoin de susciter l'intérêt, dans le prolongement logique, fait que le sujet "ne
passe pas inaperçu". Dans un cabinet comme dans un groupe, une collectivité, il ne
manque pas de se faire remarquer, de chercher à avoir la vedette, d'être l'objet de
soins, d'attentions particulières.
- La quête et l'insatisfaction affective : l'hystérique a non seulement besoin d'être
aimé (qui ne l'a pas ?) ; il a besoin d'être aimé plus, mieux ou autrement. Il en
cherche les marques, les preuves, les assurances mais sa demande d'amour est un
tonneau sans fond : la position hystérique est celle d'un désir irrémédiablement
insatisfait de par sa structure même. Aucune réponse ne saurait le combler. Le pire
qu'on puisse lui dire est qu'il a tout pour être heureux et qu'il a tort de se plaindre
dès lors que le manque d'amour (ou de ce qui en tient lieu sous une forme déplacée)
est le cœur même de sa manière d'être vis-à-vis des autres.
Déçu par la réalité, l'hystérique privilégie sa vie imaginaire, idéalise ses sentiments ;
il confond sa vie avec un roman.
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L'autocommisération. Eternel insatisfait, l'hystérique pleure sur son sort et prend
les autres à témoin de son malheur. Ces témoins sont d'ailleurs des coupables en
puissance et plus ou moins implicitement accusés de carence, négligence,
indifférence, maladresse. L'hystérique en un mot se plaint de ce que les autres sont
insuffisants, impuissants, décevants, incompétents. Mais il convient ici d'y
reconnaître aussi une structure au sens où l'hystérique construit son monde,
distribue les rôles, écrit l'histoire de manière à s'entourer, rencontrer de manière
répétitive, des êtres décevants, insuffisants, impuissants, tôt ou tard démasqués
dans leurs carences.
L'identification à une victime, un martyr. L'hystérique tient volontiers le rôle de
victime. Le préjudice est affectif (pour le paranoïaque, il est réel).
Le symptôme hystérique de conversion
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Défini comme tel par S. Freud en 1894, le mécanisme de conversion correspond à la
fuite dans le corps d'un affect lié à une représentation insupportable. Il s'agit donc,
sous cet angle théorique, de mécanisme de défense contre l'angoisse.
Les symptômes de conversion empruntent classiquement les voies sensori-motrices
et sensorielles. Mais leurs formes cliniques varient considérablement dans le temps.
Rares sont aujourd'hui les paraplégies, les cécités, les aphonies hystériques.
La "somatisation", qu'il s'agisse d'une gêne ou d'une incapacité fonctionnelle
(torticolis spasmodique, crampe de l'écrivain), d'une douleur ou d'une anesthésie
(migraine, myalgie, arthralgie), d'un déficit sensoriel…, se présente de plus en plus
souvent comme une plainte sans troubles manifestes et visibles.
De ce fait, le symptôme de conversion pose parfois des problèmes diagnostiques
délicats : vraie ou fausse migraine ? vraie ou fausse dépression ?
Caractéristiques du symptôme de conversion
 absence de substratum organique : l'examen clinique et les investigations
complémentaires ne décèlent pas de lésions organiques sinon des lésions banales
(exemples classiques : becs de perroquet à la radiographie de la colonne cervicale,
"diverticules" coliques au lavement baryté…) ;
 fluctuation dans le temps : recrudescence dans certains contextes : consultation
médicale, visite de la famille. Atténuation voire disparition sous l'effet de certaines
suggestions ou de certains traitements placebos ;
 de manière inconstante : absence d'angoisse à propos du symptôme – jusqu'à "la belle
indifférence" – contrastant avec la dramatisation du symptôme : théâtralité : soupirs,
grimaces, boiterie grossière, revendication insistante d'examen et de soin ;
 présence de "bénéfices secondaires" (sans oublier qu'il en existe aussi dans les
maladies ordinaires)
- attentions particulières de l'entourage
- congés de maladie prolongés, indemnités versées par une assurance
- assistance permanente d'un proche parent
- évitement de certaines situations (notamment les relations sexuelles, impossibilité
de se rendre au chevet d'une mère démente) ;
 ne pas perdre de vue que certains symptômes de conversion sont manifestement
réactionnels à des événements (dont la valeur traumatique doit s'évaluer en fonction de
la subjectivité du patient et non de manière générale).
Mais les symptômes névrotiques hystériques ne se limitent pas au modèle de la
conversion au sens strict. On y retrouve :
- des symptômes sexuels : troubles de l'érection, éjaculation précoce, anorgasmie
chez l'homme ; frigidité, vaginisme chez la femme ;
- des troubles des conduites alimentaires et des addictions : anorexie, boulimie,
polyphagie, alcoolisme, dépendance médicamenteuse ;
- des conduites "à risque", d'échec, une tendance à répéter en les provoquant des
situations conflictuelles notamment en famille, au travail, dans un groupe de voyage,
etc ;
- des épisodes dépressifs névrotiques gardant les traits de la personnalité
hystérique :
. dramatisation
. culpabilisation de l'entourage
. fluctuations rapides
. sensibilité à la suggestion
. résistance aux thérapies biologiques même au-delà d'un bref effet placebo
. chantage au suicide.
Conduite à tenir devant un symptôme hystérique
Toute problématique névrotique suppose une approche psychothérapique.
Le traitement du symptôme en soi "comme une maladie", produit des effets iatrogènes :
escalade dans les examens, les traitements, les arrêts de travail sans véritable
bénéfice thérapeutique.
Les thérapies par suggestion, notamment l'hypnose médicale, et toute thérapie qui
s'appuie sur des pratiques dites parallèles (homéopathie, acupuncture) démontrent leur
efficacité dès lors que ceux qui les appliquent ont quelques talents psychothérapiques.
Deuxième partie : Maladies et grands syndromes
Question 278 - PSYCHOSES ET DELIRES CHRONIQUES
1. La Schizophrénie
Rédaction : Florence THIBAUT, Franck BAYLÉ
Objectifs généraux :
 Savoir diagnostiquer une psychose et un délire chronique
 Argumenter l'attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient
Objectifs spécifiques :
 Signes cliniques de la schizophrénie
 Connaître les signes du syndrome dissociatif
 Formes de début de la schizophrénie
 Modalités évolutives (risque suicidaire, pronostic social) de la schizophrénie
 Attitude diagnostique et thérapeutique face à un épisode délirant aigu
 Connaître les stratégies de soins des états schizophréniques (traitement
chimiothérapique, réseau de soin, sectorisation)
Le terme de "schizophrénie", introduit par Bleuler en 1911, désigne un ensemble,
probablement hétérogène, d'affections aboutissant à une désorganisation profonde
de la personnalité. Il succède à celui de "démence précoce", proposé par Kraepelin
à la fin du XIXe siècle.
La schizophrénie est une maladie propre à l'Homme, qui affecte les fonctions
supérieures du cerveau et qui est caractérisée par la présence d'une dissociation
mentale et d'affects émoussés ou inappropriés, d'hallucinations et de délire. Ces
symptômes se traduisent par un comportement bizarre ou inadapté du sujet
atteint.
La prévalence du trouble est d'environ 1% dans tous les pays.
Il s'agit d'une maladie qui affecte essentiellement l'adolescent et l'adulte jeune
(incidence maximale entre 15 et 35 ans). Pour les anglo-saxons, la psychose
hallucinatoire chronique et la paraphrénie sont considérées comme des
schizophrénies de début tardif. La bouffée délirante est considérée aux EtatsUnis comme un trouble schizophréniforme.
1
L'étiologie de la schizophrénie demeure mal connue, même si la majorité des
auteurs s'accorde actuellement à penser qu'il existe une composante génétique
bien établie, interagissant avec des facteurs environnementaux (modèle
polygénique et multifactoriel à seuil). Plusieurs gènes conféreraient une
prédisposition à la maladie, elle-même influencée par l'environnement (infection
virale in utéro, complications obstétricales à la naissance, traumatisme crânien dans
l'enfance, stress …). La conjonction des facteurs génétiques et environnementaux
conduirait lorsqu'un certain seul de vulnérabilité serait atteint, à l'apparition de la
maladie. Le rôle précipitant de la consommation de toxiques (cannabis surtout)
n'est quasiment plus discuté. De plus, la consommation de toxiques favorise les
rechutes délirantes.
Cependant, malgré le rôle établi des facteurs génétiques, seulement 10 % des
schizophrénies sont des formes familiales, c'est-à-dire que plusieurs autres
membres de la famille en sont atteints également.
Dans le cadre de ce modèle théorique, l'implication de divers systèmes de
neurotransmission a été soulignée (en particulier le système dopaminergique, cible
d'action privilégiée des neuroleptiques).
1. SIGNES
CLINIQUES
Le diagnostic est souvent difficile à établir au début de la maladie en raison de
l'extrême diversité des tableaux cliniques rencontrés. Pourtant, la rapidité avec
laquelle le traitement neuroleptique est débuté contribue considérablement à
améliorer le pronostic évolutif de cette maladie grave. Habituellement, on
considère que l'évolution du trouble doit être supérieure à six mois pour porter le
diagnostic de schizophrénie.
La sémiologie schizophrénique comporte :
1.1. Un syndrome dissociatif
Sa présence signe le diagnostic, il a donné son nom à la schizophrénie (skhizein :
couper, phren : cerveau, pensée).
2
Il s'agit d'un dysfonctionnement brutal ou progressif de la vie psychique qui donne
au comportement du sujet une tonalité étrange, bizarre et discordante.
(discordance : expression comportementale de la dissociation idéo-affective). La
dissociation peut être décrite comme un défaut d'intégration synthétique ou
comme un relâchement des processus associatifs entre idées, attitude et
affectivité. Ce syndrome confère à la pensée, aux émotions, ou au comportement du
sujet une dysharmonie voire une incohérence.
Ce processus de désorganisation de la personnalité est donc susceptible d'affecter
tous les secteurs de la vie psychique.
- sphère intellectuelle :
On constate une diminution très précoce des performances scolaires et/ou
professionnelles.
 troubles du cours de la pensée :
- un symptôme pathognomonique : les barrages (brève suspension du
discours, non motivée, dont le sujet est conscient (à la différence des absences)
mais à laquelle il est indifférent). Parfois, le discours ralentit simplement et le
volume sonore se réduit progressivement; il s'agit alors d'un fading.
- relâchement des associations d'idées (les propos ne sont pas organisés de
façon logique et cohérente), le discours est peu compréhensible, sans idée
directrice, les propos sont elliptiques, la pensée est dite diffluente.
 troubles du contenu de la pensée :
- appauvrissement des idées.
- altération
du
système
logique
(propos
hermétiques,
parfois
incompréhensibles, illogiques ; explications pseudo-logiques : rationalisme morbide ;
pensée abstraite, floue).
- altération des capacités d'abstraction (difficultés à expliquer des
proverbes, interprétation des propos au premier degré).
 troubles du langage :
- maniérisme (vocabulaire précieux, décalé, concret).
- invention de mots (néologismes).
- la syntaxe peut être altérée.
- usage de mots inappropriés au contexte (paralogisme).
3
Lorsque ces troubles sont importants, le langage peut perdre sa valeur de
communication, il s'agit alors d'une schizophasie.
Il peut également exister des phases de mutisme.
- sphère affective
 ambivalence (coexistence simultanée de sentiments contraires) se
traduisant par des attitudes et des propos bizarres ou incongrus
(agressivité
brutale
inexpliquée,
affects
inappropriés
aux
circonstances, réactions affectives paradoxales et imprévisibles).
 émoussement affectif, très fréquent, même en dehors des phases
aiguës. Certains auteurs en font un facteur de mauvais pronostic
lorsqu'il est présent. Il est peu amélioré par le traitement
neuroleptique (froideur du contact, indifférence, insensibilité aux
réactions d'autrui).
 perte de l'élan vital : desintérêt, inertie, perte de la motivation
(athymhormie).
 parfois négativisme (refus du contact).
- sphère motrice
Le comportement apparaît étrange, bizarre avec parfois des actes
dangereux hétéro ou auto-agressifs.
Il existe une réduction d'activité avec une perte d'initiative, de spontanéité
(apragmatisme). Le sujet éprouve des difficultés à organiser des tâches complexes.
 comportement discordant.
maniérisme gestuel (préciosité, attitudes empruntées).
sourires immotivés.
négativisme ou comportement d'opposition.
décharges motrices imprévisibles ou impulsions paradoxales (gestes
violents, cris …) : parakinésies.
stéréotypies motrices ou gestuelles ; on peut également observer des
gestes (ou mimiques) parasites ou en écho (mimant l'interlocuteur).
4
 troubles du tonus.
catalepsie (flexibilité cireuse avec maintien des attitudes).
catatonie (rare). Il s'agit d'une réduction globale de l'activité avec
mutisme et immobilité, conservation des attitudes imposées (ou au contraire
hypertonie) contrastant avec des décharges impulsives verbales ou motrices.
5
1.2. Un syndrome délirant paranoïde ou non systématisé.
Il est fréquent mais pas toujours manifeste. Le sujet peut être réticent à
exprimer son délire. L'observation du comportement est alors importante
(attitudes d'écoute par exemple).
Les manifestations délirantes n'ont pas de spécificité particulière en ce qui
concerne leurs thèmes et leurs mécanismes.
 Mécanismes
Les mécanismes hallucinatoires psycho-sensoriels sont souvent au premier plan du
tableau clinique :
- hallucinations auditives verbales surtout.
- hallucinations intra-psychiques (sensation de pensée étrangère introduite
dans l'esprit).
- hallucinations olfactives, cénesthésiques.
- les hallucinations visuelles sont plus rares.
Le syndrome d'automatisme mental (décrit par Clérembault) est particulièrement
fréquent. Il s'agit du fonctionnement automatique et dissident de la totalité ou
d'une partie de la pensée. Il associe :
- vol et devinement de la pensée
- commentaires de la pensée, des actes
- écho de la pensée
- pensées ou actes imposés (parfois à l'origine d'actes dangereux).
D'autres mécanismes délirants sont souvent présents : intuition, interprétation,
imagination.
Parfois, au début, il peut s'agir d'un simple sentiment d'étrangeté (monde
différent, factice), avec souvent un sentiment d'hostilité ambiante.
6
 Thèmes
Les thèmes délirants sont très polymorphes. On note la fréquence des thèmes
persécutifs, mystiques, érotomaniaques,
hypochondriaques, mégalomaniaques,
d'influence, de référence.
Des thèmes de transformation corporelle (dysmorphophobie) (le sujet peut passer
beaucoup de temps à se regarder dans le miroir : signe du miroir), des troubles de
l'identité du sujet lui-même (recherche d'identité) ou des troubles de l'identité
sexuelle (conduisant parfois à des tentatives de mutilation) sont fréquents et
fortement évocateurs du diagnostic.
Les thèmes sont vécus dans une angoisse intense, peu accessible à la réassurance,
et le sujet à parfois l'impression d'être dévitalisé ou morcelé (angoisse de
morcellement).
 Organisation du délire
L'absence d'organisation du délire (délire non structuré ou non systématisé) est
caractéristique de la schizophrénie. Ce délire flou et incohérent est qualifié de
paranoïde par opposition au délire paranoïaque qui, lui, est logique, cohérent et
structuré.
1.3. Le repli
Le terme de schizophrénie implique une rupture dans la vie psychique du sujet
(dissociation) mais également entre le sujet et le monde environnant. Il s'agit d'un
repli sur soi se manifestant par :
-
un retrait social actif [isolement social, apragmatisme conduisant parfois à
l'incurie (le sujet ne se lave plus, ne mange plus …)]
le sujet est lointain, distant, son regard est ailleurs.
une pensée secrète, illogique, non subordonnée au principe de réalité, il
s'agit d'une pensée magique, peu communicable.
1.4. Des troubles de l'humeur sont fréquemment associés (fréquence des
symptômes dépressifs lors des phases aiguës ou parfois au décours de celles-ci).
Les symptômes décrits peuvent également être regroupés d'une autre manière,
plus classiquement utilisée par les anglo-saxons.
On distingue ainsi des symptômes négatifs et positifs.
7
Les symptômes négatifs seraient au cœur du processus pathologique, selon certains
auteurs. Ils correspondent à une perte ou à une diminution de fonction. Il s'agit
essentiellement de l'émoussement affectif, du retrait social et de la perte de
l'élan vital.
Les symptômes positifs correspondent à un gain de fonction par rapport au
fonctionnement cérébral habituel. Ils comprennent le délire, les hallucinations et la
désorganisation de la pensée. Cependant, certains auteurs classent la
désorganisation de la pensée à part des symptômes positifs et négatifs.
2. FORMES
CLINIQUES
2.1. Les formes de début
Elles sont très diverses et parfois trompeuses.
2.1.1. le début peut être brutal.
Il s'agit principalement d'une expérience délirante, moins souvent d'un trouble de
l'humeur.
- bouffée délirante aiguë
Il s'agit de l'apparition d'un délire en quelques jours ou semaines, à l'origine
de troubles du comportement . La bouffée délirante, telle que décrite dans l'école
française, a une évolution le plus souvent favorable. Cependant, environ 30 % des
bouffées délirantes évoluent vers une schizophrénie. Des facteurs de mauvais
pronostic ont été décrits. Une évolution subaiguë, des troubles du comportement
préexistants (personnalité introvertie ou schizoïde, désinvestissement scolaire ou
professionnel, isolement social), un syndrome dissociatif, une mauvaise réponse au
traitement neuroleptique, une pauvreté du délire, l'absence de facteur déclenchant
sont des indices de mauvais pronostic mais seul le critère évolutif, après plusieurs
mois d'évolution, permettra de trancher.
8
- manie et dépression atypique
L'existence d'hallucinations, d'une bizarrerie, d'incohérences, d'un délire
non congruent à l'humeur, d'une froideur des affects avec détachement ou d'une
excitation sans réelle euphorie peuvent faire évoquer le diagnostic de
schizophrénie. Il faut toutefois noter que, chez l'adolescent et l'adulte jeune, la
manie ou la mélancolie peuvent s'accompagner d'un délire intense, parfois au
premier plan.
9
- trouble du comportement
Une tentative de suicide, une fugue, un voyage pathologique ou un acte médico-légal
(souvent dans un contexte délirant) peuvent être inauguraux.
2.1.2. Le début est le plus souvent progressif, insidieux et difficile à
distinguer des troubles du comportement qui peuvent être associés à l'adolescence.
On recherchera alors :
- un fléchissement scolaire inexpliqué, un engouement récent pour les
phénomènes paranormaux,
- un retrait social, une modification de l'affectivité, une froideur du contact
ou une indifférence,
- des troubles du comportement inhabituels et bizarres (négligence
corporelle, modification du comportement alimentaire ou sexuel, fugues,
marginalisation, inversion du rythme de vie (vie nocturne),
- l'apparition de conduites addictives (alcoolisme ou toxicomanie),
- l'apparition de symptômes pseudo-névrotiques : phobies atypiques :
éreuthophobie (peur de rougir en public) ou nosophobie (peur de maladies) ;
obsessions inhabituelles ( hypochondriaques ou abstraites, associées à des
rituels bizarres) ; agoraphobie sous-tendue par des idées délirantes de
référence ; des symptômes hystériques atypiques par la froideur du sujet,
- un sentiment de dépersonnalisation (dysmorphophobie, signe du miroir,
angoisse de morcellement avec peur de perte de l'intégrité corporelle, des
troubles de l'identité) ou, de façon moins importante, de déréalisation
(impression d'étrangeté et parfois d'hostilité du monde environnant).
2.1. Les formes cliniques symptomatiques
Elles sont nombreuses et confèrent une certaine hétérogénéité au tableau de
schizophrénie. L'évolution de la maladie et l'efficacité du traitement diffèrent
souvent entre les formes cliniques mais il peut exister des passages d'une forme
clinique à une autre.
Les formes cliniques les plus classiquement retrouvées sont :
10
2.1.1 Paranoïde (ou productive)
Plus fréquente, elle débute un peu plus tardivement que les formes hébéphrénique
ou catatonique. Le délire prédomine. La réponse au traitement neuroleptique est
généralement satisfaisante et l'appauvrissement de la vie psychique est moindre.
L'évolution se fait par poussées dites processuelles, entrecoupées de périodes de
rémission plus ou moins complètes du délire. Parfois, elle peut présenter une
évolution continue avec enkystement du délire.
2.1.2. Hébéphrénique (20 % des cas)
Elle débute en règle générale insidieusement au cours ou au décours de
l'adolescence. Une personnalité prémorbide schizoïde est parfois retrouvée. La
dissociation et l'autisme prédominent. Les perturbations du fonctionnement
intellectuel (troubles du contenu et du cours de la pensée, troubles du langage,
troubles de l'attention et de la concentration) ainsi que l'émoussement affectif
avec retrait social sont au premier plan. Le délire est pauvre ou parfois absent. Le
pronostic évolutif, malgré le traitement neuroleptique est souvent défavorable et
la désinsertion socio-professionnelle habituelle.
2.1.3. Catatonique
Elle n'a pratiquement plus qu'un intérêt historique. La désorganisation motrice
prédomine et se produit par un aspect statufié ou catatonie. Elle partage le même
devenir que la forme précédente à laquelle elle peut d'ailleurs être associée. Le
pronostic vital peut être engagé en raison du refus d'alimentation et des troubles
neurovégétatifs associés.
La stabilité, au cours du temps, des trois formes cliniques précédentes est
modeste, le plus souvent on parle alors de forme indifférenciée (sans prédominance
de l'une des trois formes précédentes).
2.1.4. Dysthymique (ou schizo-affective pour les anglo-saxons)
11
Les poussées processuelles associent :
- un syndrome délirant au premier plan non congruent à l'humeur.
- des troubles de l'humeur (manie, dépression, état mixte).
- une évolution périodique
Entre les poussées, le sujet présente des symptômes schizophréniques, en règle
générale mineurs. Elles sont caractérisées par leur sensibilité aux traitements
thymorégulateurs et leur pronostic plus favorable.
12
2.1.5. Pseudo-psychopathique (ou héboïdophrénique)
Cette forme se caractérise essentiellement par des troubles du comportement
(impulsivité, instabilité, conduites anti-sociales ou addictives et délinquance). Le
comportement est bizarre et inadapté. Il existe une froideur affective et une
impossibilité à s'adapter à une vie sociale normale. Des actes hétéro-agressifs,
parfois graves, peuvent en compliquer l'évolution .
2.1.6. Pseudo-névrotique
Au début des troubles, le diagnostic est souvent difficile en raison de
la ressemblance symptomatique avec un trouble névrotique. L'atypicité de
cette symptomatologie, la présence d'un syndrome dissociatif et parfois
d'idées délirantes permettent le diagnostic.
On distingue également les formes :
-
simple
Le tableau de schizophrénie est très peu marqué (pensée floue, peu de contacts,
bizarrerie), avec une absence de délire (parfois simple impression de devinement
de la pensée ou de transmission de pensée). Cependant, ces symptômes ont un
retentissement sur le fonctionnement socio-professionnel du sujet.
-
résiduelle
Terme issu de la terminologie américaine. Il s'agit d'une forme de schizophrénie
stabilisée dans laquelle persistent des symptômes négatifs mais où les symptômes
positifs sont absents ou très atténués.
13
3. DIAGNOSTICS
POSITIF ET DIFFÉRENTIEL
Diagnostic positif :
Le diagnostic positif repose sur l'anamnèse et l'examen clinique psychiatrique
(entretien avec le sujet et sa famille).
Un bilan psychométrique évaluant l'efficience intellectuelle (mesure du QI), une
évaluation neuro-psychologique du fonctionnement du cortex préfrontal pourront
également être réalisés. Des tests psychométriques de personnalité et projectifs
peuvent avoir une valeur d'orientation. On recherchera systématiquement des
antécédents familiaux psychiatriques. On évaluera l'adaptation prémorbide et le
retentissement scolaire et professionnel.
Chez un adolescent ou un adulte délirant ou encore présentant des troubles du
comportement bizarres ou des symptômes psychiatriques délirants ou encore
thymiques atypiques, la question d'une schizophrénie débutante se pose. On
éliminera une cause organique (neurologique ou toxique) en associant à la recherche
de toxiques et à l'examen clinique, un Scanner cérébral au moindre doute.
Diagnostic différentiel :
3.1. Devant un état délirant aigu non systématisé
On peut discuter les autres diagnostics suivants :
- bouffée délirante (voir forme à début aigu)
- trouble de l'humeur délirant ( manie ou dépression) ( voir forme à début
aigu)
- confusion mentale (dans laquelle il existe une désorientation temporospatiale et un trouble de la vigilance). Il faut alors éliminer une cause organique et
rechercher une prise de toxiques.
3.2. Devant un état délirant chronique
14
On éliminera :
- un délire d'interprétation où le délire
compréhensible et le syndrome dissociatif absent.
est
logique,
cohérent,
- une psychose hallucinatoire chronique ; l'âge de survenue est plus tardif et
la dissociation discrète voire absente. Rappelons que les anglo-saxons la
considèrent comme une schizophrénie de début tardif.
- la paraphrénie; le mécanisme délirant prévalent est imaginatif, la
dissociation discrète, l'âge de début tardif. Encore une fois, les anglo-saxons la
considèrent comme une schizophrénie de début tardif.
- un trouble bipolaire. Il n'y a pas de syndrome dissociatif, les idées
délirantes sont congruentes à l'humeur et les intervalles entre les accès
permettent le plus souvent un retour à l'état antérieur.
- une psychose infantile, parfois difficile à distinguer d'une schizophrénie de
début infantile survenant avant l'âge de 12 ans.
- certaines anomalies chromosomiques peuvent être associées à l'apparition
de symptômes schizophréniques (ex. syndrome de Di George). La dysmorphie
associée et le retard mental fréquent conduiront à demander une consultation
génétique.
3.2. Devant une catatonie
On éliminera une mélancolie (trouble thymique prévalent, délire congruent à
l'humeur) ou un syndrome malin des neuroleptiques (élévation thermique, troubles
neuro-végétatifs et dysrégulation tensionnelle, élévation des CPK).
15
4. EVOLUTION
ET PRONOSTIC
4.1. Modalités évolutives
Typiquement, la schizophrénie commence à la fin de l'adolescence. Elle débute
avant 23 ans dans 50% des cas. Cependant il existe des formes de schizophrénie
infantile (âge de début inférieur à 12 ans) dont la prévalence est de 1/10 000.
La maladie débute un peu plus tôt chez les hommes (de 3 à 5 ans) et l'évolution est
souvent plus sévère que chez les femmes. Elle débute également un peu plus tôt
dans les formes paranoïdes.
La stabilité des formes cliniques les plus habituellement décrites (paranoïde,
hébéphrénique et catatonique) est faible et le plus souvent la maladie évolue vers
un tableau dans lequel aucune des trois formes ne prédomine, qualifié
d'indifférencié.
Les formes paranoïdes ont plus souvent une évolution intermittente (par poussées).
La forme catatonique pure est très rarement observée depuis les traitements
neuroleptiques et l'amélioration de la prise en charge des patients.
Les traitements neuroleptiques ont considérablement amélioré les symptômes
positifs (délire, hallucinations) alors que leur efficacité sur la symptomatologie
négative (surtout l'émoussement affectif et le retrait social) est restée plus
modeste.
La schizophrénie dysthymique a été individualisée par son évolution intermittente
(poussées entrecoupées de rémissions partielles) et sa sensibilité aux traitements
thymorégulateurs en association avec les neuroleptiques.
La schizophrénie est une maladie grave, par les troubles du comportement qu'elle
implique [prévalence élevée des suicides (10% de décès par suicides), de la
toxicomanie (40 à 50% des patients consomment régulièrement du haschich) et des
comportements hétéro-agressifs] et, egalement par le handicap fonctionnel qu'elle
engendre. L'introduction des neuroleptiques, au cours des années 1960, a permis de
limiter la durée d'hospitalisation des patients, mais la prise en charge reste très
lourde. Elle nécessite un important suivi, à l'aide des structures du secteur
psychiatrique, et de nombreuses réhospitalisations. Le bénéfice thérapeutique à
long terme est encore insuffisant (seulement 20% à 30% des malades exercent une
activité professionnelle). Les sujets atteints de schizophrénie représentent
environ 30 % des patients hospitalisés en institution psychiatrique. La rapidité avec
lequel le traitement neuroleptique est instauré contribue à améliorer le pronostic
évolutif de cette maladie.
16
Il s'agit d'une maladie chronique dont les symptômes s'améliorent généralement
avec le traitement mais dont le risque de rechute reste élevé. La durée d'évolution
des symptômes est un élément du diagnostic puisqu'on considère que celle-ci doit
être supérieure à six mois pour poser le diagnostic de schizophrénie.
Les anglo-saxons ont défini une forme de schizophrénie appelée résiduelle. Elle fait
en général suite à un épisode aigu et constitue la modalité évolutive la plus
fréquente sous traitement.
L'évolution peut parfois se faire vers une rémission complète voire définitive des
symptômes (environ 20 % des cas). Cependant les auteurs qui considèrent qu'il
existe des guérisons incluent des schizophrénies simples ou des bouffées
délirantes aiguës [qualifiées aux USA de trouble schizophréniforme et dont on
connaît le pronostic évolutif (20 à 30 % de guérison].
L'évolution peut également être plus défavorable, avec dans environ 20 % des cas,
un tableau de schizophrénie déficitaire caractérisée par un émoussement affectif
au premier plan, un retrait social et une mauvaise réponse au traitement
neuroleptique.
4.2. Facteurs pronostiques
En ce qui concerne les indicateurs pronostiques, on peut dire que l'évolution est
d'autant plus favorable que le plus grand nombre des facteurs suivants sont
réunis:
- âge de début plus tardif (âge adulte)
- début rapide
- sexe (l'évolution serait plus favorable chez les femmes ou bien la tolérance
sociale serait meilleure)
- forme paranoïde (délire au premier plan)
- institution précoce du traitement neuroleptique
- bonne réponse au traitement neuroleptique
- bonne coopération du patient et de la famille
- bonne adaptation prémorbide
- présence de symptômes thymiques (schizophrénie dysthymique)
- absence d'antécédents familiaux de schizophrénie (discuté).
La sévérité de la maladie est évaluée à l'aide de la symptomatologie clinique (délire,
hallucinations, émoussement affectif et retrait social, importance des troubles
cognitifs), à l'aide du nombre de rechutes et de réhospitalisations et enfin à l'aide
de la qualité de l'insertion socio-professionnelle et familiale du sujet (des échelles
de mesure de qualité de vie sont utilisées à cette fin).
17
5. TRAITEMENT
Les neuroleptiques (encore appelés antipsychotiques) représentent l'élément
central du traitement. Ils ont considérablement modifié le pronostic évolutif de la
schizophrénie depuis leur apparition au début des années 50. Les neuroleptiques
sont en général efficaces en quatre à six semaines pour contrôler les symptômes
positifs de la schizophrénie. Ils permettent également de prévenir les rechutes.
Par contre, leur efficacité sur les symptômes négatifs est moins nette. Au
traitement pharmacologique sont associés une prise en charge psychothérapique et
des mesures de réinsertion sociale.
5.1. L'hospitalisation en milieu spécialisé
Elle est nécessaire pour réaliser l'évaluation initiale lors du premier épisode
psychotique et faciliter la mise en route du traitement et, ensuite, lors des phases
aiguës ou en cas de risque suicidaire. Au besoin, on aura recours à une
hospitalisation à la demande d'un tiers en cas de refus du patient.
Exceptionnellement, il sera fait appel à l'hospitalisation d'office (en cas de danger
pour autrui).
5.2. Le traitement pharmacologique
5.2.1. Les neuroleptiques (dispositif central du traitement).
Ils doivent être instaurés précocement pour améliorer le pronostic évolutif. Le
traitement neuroleptique est débuté préférentiellement en milieu hospitalier lors
des épisodes aigus afin de pouvoir surveiller quotidiennement l'état psychique et
somatique et de corriger ou prévenir les éventuels effets secondaires du
traitement. Celui-ci sera instauré à doses progressives per os ou IM (en fonction
de la coopération du sujet). La prescription impose une surveillance régulière des
constantes (pouls, T.A., température), de la tolérance (neurologique notamment,
cardiaque pour certains neuroleptiques (E.C.G)
et l'appréciation des effets
thérapeutiques.
Les produits correcteurs ne seront pas administrés à titre systématique mais
seulement en cas de survenue de symptômes extra-pyramidaux. Les autres effets
secondaires potentiels dépendent de la molécule prescrite. Le risque d'apparition
de dyskinésies tardives existe avec toutes les molécules au bout de plusieurs mois
ou années de traitement mais apparaît moindre avec les nouveaux neuroleptiques.
18
La préférence va à la monothérapie en matière de prescription neuroleptique.
Cependant, en cas d'agitation ou d'anxiété importante, un neuroleptique sédatif
(Nozinan R ou Tercian R) pourra être associé de manière ponctuelle.
Le choix entre un neuroleptique classique type halopéridol (Haldol R) ou un
neuroleptique atypique dit "de seconde génération" rispéridone (Risperdal R),
olanzapine (Zyprexa R) ou encore amisulpride (Solian R) dépendra du prescripteur et
surtout du patient (efficacité, tolérance, âge, forme clinique, traitement d'attaque
ou d'entretien, notion de réponse antérieure). La tolérance des neuroleptiques de
seconde génération est bien meilleure et ils seront souvent utilisés en première
intention dans le traitement des premiers épisodes schizophréniques.
La posologie dépend du choix de la molécule mais, dès que la phase aiguë sera
jugulée, elle sera ajustée à la dose minimale efficace afin d'en améliorer la
tolérance et donc l'observance. A titre indicatif dans les formes paranoïdes, on
pourra utiliser en phase aiguë 2 à 15 mg d'Haldol R, 4 à 6 mg de Risperdal R, 5 à 15
mg de Zyprexa R ou 600 à 1200 mg de Solian R. Dans les formes hébéphréniques ou
lorsque l'émoussement affectif prédomine, on pourra utiliser 50 à 200 mg de
Solian R ou 1 à 4 mg d'Orap R.
La prescription de clozapine (Leponex R) sera réservée aux schizophrénies sévères
(évolution supérieure à 2 ans) et résistantes (20 à 30 % des cas) à deux
traitements neuroleptiques bien conduits prescrits successivement. La résistance
sera jugée au bout de quatre à six semaines de traitement pour les symptômes
délirants et de deux à trois mois pour l'émoussement affectif.
La seule contre-indication absolue des neuroleptiques est l'existence d'une
hypersensibilité connue à ces molécules.
La durée du traitement sera prolongée, au moins deux ans au décours d'un premier
épisode psychotique, au moins cinq ans lorsqu'il y a déjà eu plusieurs épisodes. Sous
réserve de l'absence d'antécédents médico-légaux ou de rechutes fréquentes, une
interruption progressive du traitement pourra alors être discutée.
En cas de mauvaise observance, on pourra avoir recours aux neuroleptiques d'action
prolongée ou retard (à titre d'exemple Haldol décanoas R ou Piportil L4 R) injection
mensuelle IM, mais toujours après usage initial de la molécule mère.
19
D'autres traitements pharmacologiques peuvent parfois être associés :
5.2.2. Les antidépresseurs
Ils peuvent être prescrits lors des épisodes dépressifs, en association avec le
traitement neuroleptique, à des doses en règle inférieures à celles habituellement
utilisées dans le traitement des dépressions. Leur prescription doit être réservée
aux psychiatres.
5.2.3. Les thymorégulateurs
Ils sont efficaces dans la prévention des rechutes des schizophrénies
dysthymiques en association avec les neuroleptiques. Le lithium (TéralitheR) ou le
valproate de sodium (Dépakote R) peuvent être utilisés.
5.2.4. La sismothérapie
Elle peut être utilisée dans les formes catatoniques, parfois dans les formes à
forte participation thymique, ou exceptionnellement, dans les formes résistantes
ou encore en cas d'intolérance aux neuroleptiques.
5.3. Les psychothérapies
Une approche psycho-sociale bien conduite, en association avec le traitement
neuroleptique permettra d'améliorer significativement l'adaptation sociale, la
qualité de vie et de diminuer le risque de rechute.
Une psychothérapie de soutien sera systématiquement proposée et souvent
effectuée par le prescripteur ou la même équipe.
Les psychothérapies d'inspiration analytique n'ont pas fait la preuve de leur
efficacité dans cette indication.
Les thérapies cognitives et/ou comportementales peuvent être proposées. Elles
permettent une meilleure éducation à la maladie, une meilleure observance du
traitement et l'amélioration de la gestion des événements de vie stressants
("coping"). Des thérapies en groupe peuvent être préférées aux thérapies
individuelles.
Des thérapies familiales peuvent également être proposées (éducation des familles
à la maladie, gestion de l'expression émotionnelle familiale).
20
5.4. La réhabilitation psycho-sociale
Un reclassement professionnel ou l'obtention d'un statut de travail handicapé
peuvent être demandés auprès de la COTOREP. En cas de handicap plus sévère, un
travail en atelier protégé ou dans un centre d'aide par le travail (CAT) peuvent
être envisagés. Si le patient est incapable de travailler, il peut recevoir une
indemnité (allocation adulte handicapé, AAH) et être pris en charge par l'hôpital de
jour du secteur psychiatrique dont il dépend. Un travail en réseau entre les
différents intervenants (médecin généraliste, psychiatre, travailleurs sociaux…)
est le plus souvent nécessaire. Il peut également bénéficier d'un hébergement en
appartement thérapeutique. Une protection des biens peut être nécessaire
(sauvegarde de justice en période aiguë, souvent nécessité de tutelle aux
prestations, curatelle ou tutelle à plus long terme).
Les associations de familles de patients et de patients jouent un rôle important, en
particulier, dans l'éducation à la maladie et le soutien social.
Pour en savoir plus :
1. La schizophrénie. Recherches actuelles et perspectives. Daléry J., d'Amato T., 2e
édition, Masson, Paris, 1999, 285 p.
2. Approches contemporaines de la clinique des troubles schizophréniques. Hardy –
Baylé MC et al., Encyclopédie Médico-Chirurgicale 1996, 37-282-A20
3. Données biologiques de la schizophrénie. Bonnet-Brilhault F., Thibaut F., Petit M..
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 2001, 37-285-A17.
4. Génétique de la schizophrénie. Thibaut F., J. Libbey éditions, Paris, 2003, 146 p.
5. Conférence de consensus "Stratégies thérapeutiques à long terme dans les
psychoses schizophréniques". Paris, 1994.
6. Décider pour traiter (Traduction Française de Clinical Evidence). Thibaut F.,
Petit M., Gozlan G., Olié J.P., Rand éditions, Paris, 2001, pp. 493-504.
21
DEUXIEME PARTIE : MALADIES ET GRANDS SYNDROMES
Question 278 - PSYCHOSES ET DELIRES CHRONIQUES
2. Les délires chroniques non schizophréniques
Rédaction : G. Fouldrin,
R. Gourevitch, F. Baylé, F. Thibaut
Objectifs Généraux :
· Savoir diagnostiquer une psychose et un délire chronique
· Argumenter l'attitude thérapeutique et planifier le suivi du
patient
·
Objectifs Spécifiques :
· Connaître les principes de l'analyse sémiologique d'un délire
chronique
· Connaître les différentes formes de délire paranoïaque
· Connaître les principes du traitement des délires chroniques
La nosographie française distingue au sein de ces états
délirants trois entités pathologiques principales : les délires
paranoïaques, les psychoses hallucinatoires chroniques et les
paraphrénies. Cette classification a été proposée en se référant
aux travaux nosographiques, réalisés essentiellement au cours du
siècle dernier, par l'Ecole de Psychiatrie Française. Il n'est
cependant pas certain que chacun de ces troubles corresponde à une
entité pathologique distincte et de nombreux pays n'ont pas adopté
cette classification.
Il existe d’autres pathologies délirantes à
évolution
chronique telles que l’illusion des sosies de Capgras, le délire
de négation d’organes de Cotard, les délires à deux ou encore le
syndrome d’Ekbom. Ces pathologies, beaucoup plus rares, ne seront
pas traitées dans ce chapitre.
Ces trois états délirants ont en commun un âge de survenue
tardif (début en général après 35 ans), un mécanisme délirant
prépondérant caractérisant chacun d'eux (interprétation délirante
pour les délires paranoïaques, hallucinatoire pour la psychose
hallucinatoire
chronique,
imagination
délirante
pour
la
paraphrénie), une évolution chronique sans traitement contrastant
parfois avec un maintien prolongé de l'intégration sociale et une
absence de dissociation mentale.
1. Les délires paranoïaques
Le terme
personnalité
toujours en
trouble de la
de paranoïaque qualifie à la fois un trouble de la
et une pathologie délirante. Il convient donc de
préciser l'attribution en terme de délire ou de
personnalité.
1
Les délires paranoïaques sont des états délirants chroniques,
de mécanisme interprétatif et systématisé. La systématisation du
délire lui confère un caractère extrêmement cohérent qui, associé
à la conviction absolue et inébranlable du patient, peut entraîner
l'adhésion de tiers.
Ils se développent plus volontiers chez des patients
présentant
un
trouble
de
personnalité
prémorbide
de
type
paranoïaque dont les principaux traits sont représentés par
l'hypertrophie du moi, la fausseté du jugement, la méfiance, la
psychorigidité et l'orgueil.
Il est habituel d'identifier au sein des délires paranoïaques
les délires passionnels, les délires d'interprétation et les
délires de relation des sensitifs de Kretschmer.
1.1. Les délires passionnels
Les délires passionnels regroupent l'érotomanie, les délires de
jalousie et les délires de revendication. Ils ont été regroupés et
qualifiés de passionnels du fait de la nature des sentiments et
des thèmes qui les inspirent. Ces états ont en commun d'être des
états délirants chroniques débutant généralement brusquement par
une interprétation ou par une intuition délirante. Ils peuvent
secondairement s'enrichir de nombreuses interprétations délirantes
et comportent en général une forte participation affective pouvant
être à l'origine de passages à l'acte.
Les délires passionnels ont une construction dite "en secteur"
car ils ne s'étendent pas à l'ensemble de la vie psychique,
affective ou relationnelle du sujet et les idées délirantes
restent centrées sur l’objet et la thématique quasi unique du
délire.
- L'érotomanie ou l'illusion délirante d'être aimé :
La description clinique définitive de ce trouble a été réalisée
en 1921 par Clérambault.
Le délire érotomaniaque touche plus fréquemment des femmes et
l’objet de l’érotomanie tient souvent une position sociale élevée
et enviée (prêtres, médecins…). Ce trouble débute par un postulat
fondamental, formé par une intuition délirante, au cours duquel
l’objet de l’érotomanie déclarerait son amour.
L’évolution de l’érotomanie se fait en trois stades successifs :
espoir, dépit, rancune. Au cours de ces deux derniers stades, des
actes auto et surtout hétéroagressifs sont à craindre.
- Le délire de jalousie :
Le délire de jalousie touche essentiellement des hommes. Il
s’installe le plus souvent de façon insidieuse et va se nourrir et
se développer aux dépens d’évènements anodins qui feront l’objet
d’interprétations délirantes.
2
Il s’associe régulièrement à un alcoolisme chronique qui peut
dans certains cas favoriser la survenue d'un passage à l'acte.
- Les délires de revendication :
Ce type de délire passionnel regroupe :
- les « inventeurs méconnus » qui cherchent au travers
d’innombrables démarches à obtenir la reconnaissance que la
société leur refuse,
- les « quérulents processifs » qui multiplient les procédures
judiciaires,
les « idéalistes passionnés » qui cherchent à transmettre
leurs convictions.
1.2. Le délire d’interprétation de Sérieux et Capgras
Les délires d'interprétation se développent le plus souvent chez
des patients présentant une personnalité pathologique de type
paranoïaque. Ils peuvent survenir brutalement, faisant suite à un
facteur déclenchant, ou s'installer de façon insidieuse. Ce type
de délire peut se structurer et évoluer durant des années. Les
interprétations délirantes sont nombreuses et tous les évènements
rencontrés par le sujet seront rattachés au système délirant. Il
n’y a plus de hasard dans la vie du sujet. La structure de ce type
de délire est dite « en réseau » puisque tous les domaines
(affectif, relationnel et psychique) de la vie du sujet sont
envahis par les idées délirantes.
Les thématiques les plus régulièrement rencontrées sont celles
de persécution et de préjudice.
1.3. Le délire de relation des sensitifs de Kretschmer
Ce délire, décrit par Kretschmer en 1919, se développe chez des
sujets présentant une personnalité prémorbide de type sensitive.
On ne retrouve pas dans les personnalités qualifiées de sensitives
ou
sensibles
l’hyperestime
de
soi
ou
la
quérulence
qui
caractérisent les autres types de personnalités paranoïaques.
Elles présentent par contre orgueil, sens des valeurs et de la
morale, vulnérabilité et tendance à intérioriser douloureusement
les échecs relationnels et affectifs qu’elles rencontrent.
Sur ce type de personnalité, le délire émerge en général
progressivement dans les suites de déceptions. Il se construit sur
des interprétations délirantes et les thématiques les plus
fréquemment rencontrées sont celles de persécution, de préjudice,
de mépris ou d’atteinte des valeurs morales. Ce délire se
systématise peu et s’étend rarement au-delà du cercle relationnel
proche du sujet (collègues, famille, voisins). Il peut se
compliquer d’évolution dépressive.
1.4. Principes de traitement des délires paranoïaques
3
Il n’est pas aisé de traiter un patient atteint d’un délire
paranoïaque. Ces organisations délirantes font rarement l’objet de
remise en question par le sujet qui en souffre et il va falloir
savoir amener un patient, qui ne se considère pas comme malade
mais plus comme victime, à accepter des soins.
- Problème de l’hospitalisation :
L’hospitalisation de ces patients est en général assez rare, les
soins ambulatoires étant à privilégier au maximum, et en général
dans deux types de situations particulières :
¨ lors d’une exacerbation anxieuse ou d’une décompensation
dépressive.
¨ lorsque la dangerosité du patient est importante. Il est
toujours important d’évaluer chez ces patients le potentiel de
dangerosité (présence d’un persécuteur désigné, imminence d’un
passage à l’acte, impossibilité de différer l’acte auto ou hétéro
agressif et d’envisager des solutions alternatives). Dans ce cas,
l’hospitalisation
se
fait
plutôt
selon
le
mode
de
l’Hospitalisation d’Office puisque les troubles mentaux présentés
constituent un danger imminent pour la sûreté des personnes.
L’Hospitalisation Sur Demande d’un Tiers n’est pas recommandée
dans ce cas puisque le tiers pourra faire l’objet de toute
l’attention du patient et devenir le persécuteur désigné.
- Les traitements médicamenteux :
Les traitements pharmacologiques reposent essentiellement, comme
dans toutes les pathologies délirantes, sur l’utilisation des
neuroleptiques. A titre d'exemple :
¨ Les neuroleptiques sédatifs sont des traitements à court
terme indiqués en cas d’agitation ou de menace de passage à
l’acte. On utilise principalement la cyamémazine (Tercian® 50 à
200 mg par jour), la lévopromazine (Nozinan® 50 à 200 mg par jour)
ou encore la chlorpromazine (Largactil® 100 à 300 mg par jour)
¨ Le traitement de fond repose sur les neuroleptiques
incisifs dont l’action est inconstante sur ce type de délire. Il
faut par ailleurs savoir que la tolérance de ces médicaments par
ces patients est en général assez mauvaise et il est recommandé
d’employer les doses les plus faibles possibles afin de concilier
effets attendus et effets indésirables. A titre indicatif, on peut
utiliser des neuroleptiques classiques, tels que l’halopéridol
(Haldol 1 à 5 mg par jour), dont certains disposent de formes à
action
prolongée
garantes
d’une
meilleure
observance.
Les
molécules de nouvelle génération, appelées neuroleptiques à profil
atypique ou antipsychotiques, sont souvent employées en première
intention du fait de leur meilleure tolérance sur le plan
4
neurologique. Il s’agit de la rispéridone (Risperdal® 1 à 3 mg par
jour), de l’amisulpride (Solian® 100 à 400 mg par jour) ou encore
de l’olanzapine (Zyprexa® 2,5 à 5 mg par jour).
¨ Les antidépresseurs peuvent être indiqués en cas de
décompensation dépressive lorsque le délire a été réduit par le
traitement neuroleptique. Il faut les utiliser avec prudence car
il est toujours possible de favoriser la réactivation de la
construction délirante. Leur usage doit rester une décision du
psychiatre.
¨ Les benzodiazépines trouvent leur indication dans les
traitements d’appoint et de courte durée des troubles anxieux
associés.
Place des psychothérapies :
Face à un patient souffrant de délire paranoïaque, il est
conseillé au médecin de savoir garder des distances et de faire
preuve d’honnêteté dans les soins proposés afin d’établir un
climat de confiance, préalable indispensable à l’acceptation d’un
traitement.
Il faut éviter d'affronter le patient et d'avoir des attitudes
de rejet.
La place des psychothérapies chez ces patients est restreinte du
fait
de
leur
faible
capacité
de
remise
en
question
et
d'introspection.
L'indication du type de thérapie dépend de la nature du délire,
de l'existence de troubles de l'humeur associés, de la structure
de personnalité, des capacités de remise en question et ne peut
être prise que par un psychiatre.
2. La Psychose Hallucinatoire Chronique
La psychose hallucinatoire chronique a été individualisée par
Ballet en 1911. Il s’agit d’un délire chronique survenant le plus
souvent chez une femme (7 femmes pour 1 homme) âgée et vivant
seule, de mécanisme principal hallucinatoire, sans dissociation
mentale et d’évolution chronique.
Cette terminologie n’est utilisée qu’en France et on retrouve,
dans les classifications internationales, une partie de ces
pathologies sous le terme de schizophrénie d'apparition tardive.
5
2.1. Description clinique
Il est possible de retrouver un facteur déclenchant dans les
semaines précédant l’éclosion du délire ainsi que des prodromes à
type de troubles de l’humeur, de modifications comportementales ou
caractérielles. Le début peut être brutal ou progressif.
Dans sa phase d’état, la psychose hallucinatoire chronique est
caractérisée par un état délirant richement hallucinatoire. Les
hallucinations peuvent toucher les cinq sens. Les hallucinations
cénesthésiques (ondes, courant électrique, attouchements sexuels)
et olfactives seraient plus fréquentes que dans les autres
pathologies délirantes. Les thématiques les plus fréquemment
rencontrées sont à contenu de persécution, sexuelle, mystique ou
d’influence. Si les hallucinations représentent le mécanisme
délirant principal de cette pathologie, les autres mécanismes
notamment interprétatif et intuitif peuvent être retrouvés.
Le tableau clinique comporte également un automatisme mental
pouvant être idéo-verbal, idéo-moteur ou idéo-sensitif.
L’évolution est en général chronique marquée par des périodes de
rémission partielle ou totale du délire alternant avec des
périodes de recrudescence délirante. Il a été habituel de dire que
cette riche pathologie délirante s'accompagnait d'un maintien
longtemps préservé de l’intégration sociale. Il faut relativiser
cette affirmation. En effet, si ces patients ne connaissent pas
d’évolution aussi déficitaire que les schizophrènes, ils ont le
plus souvent une vie sociale ou affective très pauvre.
2.2. Principes de traitement des psychoses
chroniques
hallucinatoires
Il faut aménager et privilégier une relation thérapeutique basée
sur la confiance afin d'amener le patient à accepter les soins.
- Place de l'hospitalisation :
La place de l'hospitalisation est marginale dans le traitement
des psychoses hallucinatoires chroniques. Elle peut se faire à
l'occasion d'une exacerbation délirante, d'une décompensation
dépressive ou encore à l'occasion d'un bilan réalisé pour éliminer
une organicité. Il faut privilégier les hospitalisations en
service libre.
- Les traitements pharmacologiques :
Les psychoses hallucinatoires chroniques sont améliorées par la
prescription de neuroleptiques incisifs à faible posologie. Le
délire peut entièrement régresser ou persister sous une forme
atténuée, mieux tolérée par le malade. Il faudra, surtout si le
sujet
est
âgé,
privilégier
l'emploi
de
molécules
peu
anticholinergiques
,
réduire
au
minimum
la
posologie
et
6
fractionner
tolérance.
les
prises
dans
la
journée
afin
d'améliorer
la
Quelques exemples de traitements sont donnés à titre indicatif cidessous :
¨
relais
¨
¨
¨
halopéridol (Haldol 1 à 5 mg par jour) avec éventuellement
par la forme à action prolongée (Haldol Décanoasâ).
rispéridone (Risperdal® 1 à 3 mg par jour)
amisulpride (Solian® 100 à 400 mg par jour)
olanzapine (Zyprexa® 2,5 à 5 mg par jour).
- Place des psychothérapies :
¨ Les thérapies de soutien visent à encourager le patient à
gérer des conflits présents, à mieux connaître les facteurs
responsables d'aggravation délirante (arrêt du traitement, stress
important…) et à tolérer les symptômes délirants résiduels.
¨ Les thérapies cognitives ont pour but de permettre au
patient de mieux contrôler et comprendre son expression délirante.
¨
Les
thérapies
d'orientation
analytique
ne
trouvent
habituellement aucune indication dans ce type de pathologie.
3. Les paraphrénies
3.1. Description clinique
Les paraphrénies sont des délires rares dont le mécanisme
délirant prédominant est l'imagination délirante. Il s'agit de
délires sans dissociation mentale, d'évolution chronique et
survenant chez des sujets âgés.
Le début est le plus souvent progressif, marqué par l'apparition
de troubles du comportement, de bizarreries ou de troubles
affectifs.
Le délire, dont le mécanisme est imaginatif, prend l'aspect de
rêveries, de contes ou encore de fiction. Les thématiques
cosmiques et fantastiques seraient plus fréquentes. Ce système
délirant coexiste le plus souvent avec une pensée normale et les
fonctions intellectuelles du patient sont préservées.
Deux formes sémiologiques avaient été individualisées :
¨
la
exclusif.
paraphrénie
imaginative
de
mécanisme
¨ la paraphrénie fantastique qui associe au
délirant
principal
imaginatif
d'autres
mécanismes
hallucinatoire et parfois un automatisme mental.
7
imaginatif
mécanisme
notamment
3.2. Principes de traitement des paraphrénies
Les délires imaginatifs sont peu sensibles aux traitements
neuroleptiques. Les principes de traitement sont les mêmes que
ceux des psychoses hallucinatoires chroniques.
Les principaux diagnostics différentiels des délires chroniques à
envisager :
- Diagnostics différentiels psychiatriques :
¨ les délires chroniques du sujet âgé se différencient entre
eux essentiellement par le type de mécanisme délirant prédominant
(interprétatif, hallucinatoire ou imaginatif).
¨ La schizophrénie est une pathologie hallucinatoire avec
automatisme mental, d'évolution chronique, qui survient chez des
patients plus jeunes. Elle peut comporter des interprétations
délirantes mais le délire est alors flou, peu cohérent et non
systématisé. Les patients peuvent de plus présenter des troubles
affectant le comportement, le langage et l'affectivité rentrant
dans le cadre de la dissociation mentale.
¨ les bouffées délirantes aiguës sont principalement des
pathologies hallucinatoires avec automatisme mental survenant chez
des sujets jeunes dont l'évolution se fait le plus souvent vers la
guérison sans séquelle en quelques semaines.
¨ Les troubles thymiques peuvent comporter des éléments
délirants de mécanisme interprétatif. Le diagnostic sera posé sur
la présence initial d’un trouble thymique et sur le fait que la
thématique délirante sera congruente à la tonalité de l’humeur.
- Diagnostics différentiels organiques :
En présence d'hallucinations :
¨ On éliminera un syndrome confusionnel et ses principales
étiologies.
¨
Devant
la
présence
d’hallucinations
olfactives,
on
recherchera une épilepsie partielle temporale, ainsi qu’une tumeur
osseuse de la lame criblée de l’ethmoïde.
¨ Devant la présence d’hallucinations visuelles on cherchera
(en plus des causes de confusion mentale) une pathologie
neurodégénérative à type de démence à corps de Lewy (surtout en
cas
d’association
d’une
symptomatologie
extrapyramidale
en
l’absence
de
traitement
neuroleptique
et
de
signes
de
8
détérioration cognitive), une thyroïdite d’Hashimoto (très rare)
ou encore une tumeur cérébrale.
Lorsqu'il s'agit d'un délire interprétatif :
¨ Il faudra songer à chercher principalement, notamment chez
les sujets âgés, un début de pathologie neurodégénérative. Les
interprétations délirantes accompagnent fréquemment l'apparition
de troubles mnésiques ou de la compréhension.
¨ Les encéphalopathies alcooliques telles que le syndrome de
Korsakoff peuvent comporter quelques interprétations.
¨ Des tumeurs cérébrales, notamment de localisation frontale,
peuvent donner des tableaux cliniques de délire paranoïaque à
type d'érotomanie
POUR EN SAVOIR PLUS
Lanteri-Laura G et Tevissen R, EMC de Psychiatrie, Les psychoses
délirantes chroniques en dehors de la schizophrénie. 1997, 37-299
D10.
9
1
DEUXIEME PARTIE : MALADIES ET GRANDS SYNDROMES
Question 285
Trouble de l’humeur. Psychose maniaco-dépressive
Rédaction : G. Fouldrin, F.J. Baylé, R. Dardennes, F. Thibaut
Relecture : M-C. Hardy-Bayle
Objectifs pédagogiques généraux
 Savoir reconnaître et diagnostiquer un trouble de l’humeur, trouble dépressif
et trouble maniaque
 Connaître les diverses modalités d’évolution des troubles de l’humeur
 Connaître les modalités de traitement et de prise en charge de ces troubles
Objectifs pédagogiques spécifiques
Epidémiologie
 Connaître la fréquence des états dépressifs et du suicide chez les sujets
déprimés
 Connaître le pourcentage de réponse aux traitements, de récidive et de
chronicisation
 Connaître les principales données de l’épidémiologie analytique des états
dépressifs (sexe, âge)
 Connaître les aspects socioéconomiques et culturels de l’épidémiologie
analytique des états dépressifs
 Connaître la prévalence du trouble bipolaire de l’humeur
Diagnostic
 Connaître les différents modes d’expression clinique d’altération pathologique
de l’humeur (dépression majeure, hypomanie, accès maniaque, état mixte,
dysthymie)
 Connaître la sémiologie d’un état maniaque
 Connaître l’existence de plusieurs sous-types de trouble bipolaire de l’humeur
 Connaître la sémiologie d’un état dépressif majeur ou caractérisé
 Connaître les spécificités liées à l’âge, au sexe, à l’environnement
socioculturel
 Savoir distinguer le deuil de la dépression
 Connaître l’existence du syndrome de Cotard
 Savoir reconnaître les dépressions mélancoliques
2



Connaître l’existence de dépressions iatrogènes
Connaître l’existence des dépressions saisonnières et les dépressions
secondaires à des affections organiques
Connaître l’existence des dépressions récurrentes brèves et des dysthymies
Psychopathologie et physiopathologie
 Connaître les grandes lignes des hypothèses psychodynamiques de la
dépression
 Connaître les grandes lignes des hypothèses neurobiologiques de la
dépression
Prise en charge
 Connaître les situations nécessitant le recours à l’hospitalisation ou à l’avis
d’un spécialiste
 Connaître les objectifs et les méthodes de la psychothérapie de soutien du
patient déprimé ainsi que des autres psychothérapies
 Connaître les modalités du traitement pharmacologique de l’épisode dépressif
(posologie, durée, éléments de surveillance)
 Connaître la durée de traitement antidépresseur
 Connaître les spécificités du traitement pharmacologique selon l’âge, la
gravité de l’épisode
 Connaître les principes des traitements et leurs éléments de surveillance des
troubles bipolaires.
 Connaître les indications de la sismothérapie
Les Psychoses Maniaco-Dépressives ou Troubles Bipolaires de l’humeur
1. Notions historiques :
Les descriptions cliniques d’épisodes maniaques et mélancoliques existent
depuis l’antiquité.
Le lien fait entre ces deux syndromes et leur union au sein de l’entité clinique de
psychose maniaco-dépressive est régulièrement attribuée à Kraepelin. En réalité,
quelques années auparavant en 1854, Falret avait individualisé la « folie
circulaire » quand Baillarger parlait de « folie à double forme ». Il est
maintenant montré que depuis l’antiquité, le lien qui unissait ces syndromes était
connu.
3
Kraepelin sera l’un des défenseurs de la notion d’étiologie endogène des
psychoses. C’est en référence à cette conception étiologique qu’il persiste dans
la nosographie clinique la notion d’opposition entre dépression endogène qui
appartiendrait à ce groupe d’affection et dépression psychogène. Nous savons à
présent que cette approche dichotomique n’est pas valide. D’une part les patients
atteints d’un trouble maniaco-dépressif peuvent présenter des décompensations
dépressives « psychogènes » et d’autre part la notion de psychose endogène
sous-entend que l’individu, constitutionnellement prédisposé, ne pourrait
échapper à l’apparition de la maladie
C’est en partie pour ces raisons que la terminologie de Psychose ManiacoDépressive est fortement controversée ; les anglo-saxons préférant parler de
troubles bipolaires de l’humeur. Cette nouvelle dénomination a l’avantage
d’insister sur le fait que le trouble thymique constitue le problème essentiel de
cette pathologie et de la démarquer des psychoses chroniques notamment
schizophréniques dont l’évolution est totalement différente.
2. Les dépressions mélancoliques :
2.1. Description clinique :
Il est possible de retrouver des facteurs déclenchant favorisant
l’apparition d’un épisode de dépression mélancolique. L’accès mélancolique peut
survenir à tout âge et s’installe le plus souvent progressivement même si
quelques cas sont d’apparition brutale.
Dans sa phase d’état, le patient présente un tableau clinique de dépression
sévère dans lequel toutes les dimensions de la symptomatologie dépressive sont
exacerbées :
♦ Caractéristiques
mélancolique :
sémiologiques
de
l’humeur
dépressive
du
L’humeur est triste. Cette tristesse profonde envahit tout le champ de la
conscience et se traduit par une douleur morale intense. Le patient présente des
sentiments d’ennui, de dégoût, d’inutilité ou encore de désespoir.
Le patient peut présenter des idées délirantes que l’on qualifie de
congruentes à l’humeur, toute la thématique du délire étant en général
imprégnée par la tristesse. Il s’agit le plus souvent d’idées délirantes de ruine
d’indignité, d’incurabilité, de culpabilité (le patient s’accuse d’avoir commis des
4
fautes, des pêchés, des crimes…). Il est possible d’observer des idées
d’influence, de possession, de transformation corporelle et de damnation. Les
mécanismes délirants peuvent être intuitifs, interprétatifs, imaginatifs ou
hallucinatoires.
Il existe une forme particulière de mélancolie délirante appelée syndrome de
Cotard. Ce syndrome décrit par Jules Cotard en 1880 se traduit le plus souvent
par des idées de négation d’organes. Il s’agit en fait le plus souvent d’une
négation du fonctionnement des organes (arrêt du fonctionnement des intestins,
du cœur, de la respiration…) que d’une négation de l’existence des organes. Ce
syndrome regroupe également les idées délirantes d’immortalité et de grandeur
(ces dernières sont représentées par des impressions de grandeur de parties de
corps).
♦ Fonctionnement psychomoteur des mélancoliques :
Le ralentissement psychomoteur du mélancolique est très marqué. Le
patient peut rester assis, immobile dans une inertie totale durant des heures. La
lenteur du discours et idéique correspond à la bradyphémie et la pauvreté de la
mimique constitue l’hypomimie. L’inhibition peut être telle sur le plan
psychomoteur que le patient peut être totalement mutique et clinophile, voire
catatonique.
♦ Signes somatiques associés :
Leur présence est constante dans la dépression mélancolique.
Les troubles du sommeil sont marqués par une insomnie totale ou avec des
réveils précoces et sont en général rebelles au traitement hypnotique simple.
Les troubles digestifs sont représentés par la constipation et les refus
alimentaires. Il est d’ailleurs possible d’observer une perte de poids importante,
des signes de carence nutritionnelle parfois même de déshydratation.
♦ Evaluation du potentiel suicidaire :
Il faut considérer que la dépression mélancolique s’accompagne toujours
d’un potentiel suicidaire élevé et ne surtout pas se sentir rassuré par l’intensité
du ralentissement psychomoteur en pensant que le patient n’aura pas la force de
tenter de mettre fin à ses jours. Le désir de mort est constant et permanent et
est parfois considéré par le patient comme un châtiment ou une punition
nécessaire.
Les tentatives de suicide peuvent survenir à n’importe quel moment et parfois en
fin d’accès après une amélioration clinique franche.
5
2.2. Formes cliniques de dépression mélancoliques :
Ces formes ont été décrites en fonction de la prédominance de certains
groupes de symptômes (mélancolie délirante, stuporeuse, catatonique, anxieuse).
Il ne s’agit pas réellement de catégories distinctes de mélancolies.
2.3. Diagnostics différentiels :
Peu de diagnostics différentiels sont à envisager face à un épisode de
dépression mélancolique. Il faut principalement discuter les autres troubles
dépressifs, les psychoses et rechercher une pathologie organique :
La symptomatologie de la dépression mélancolique est en général
suffisamment intense pour ne pas être confondue avec un épisode dépressif non
mélancolique.
6
Les symptômes délirants, lorsqu'ils accompagnent un syndrome
mélancolique, peuvent parfois être au premier plan (notamment chez
l'adolescent) et faire évoquer à tort une bouffée délirante aiguë ou un début de
schizophrénie. L'analyse de la thématique délirante est alors essentielle. Dans le
cadre des dépressions mélancoliques, l'ensemble de la thématique est
congruente à l'humeur triste.
Comme pour tous les épisodes dépressifs, il convient de rechercher, surtout lors
d'un premier épisode, une pathologie organique ou un traitement responsables
d'un tableau de dépression secondaire (nous ne présentons ci-dessous que les
principales étiologies) :
- causes neurologiques : toutes les lésions cérébrales (ischémiques,
tumorales, lésions inflammatoires…), notamment celles de l'hémisphère droit,
peuvent donner des tableaux dépressifs. Les maladies neurodégénératives se
manifestent régulièrement en début d'évolution, et avant que leur diagnostic ne
soit établi, par des épisodes dépressifs.
- causes endocrinologiques : les principales pathologies responsables de
dépressions secondaires sont représentées par les dysfonctionnements
thyroïdiens (hyper et surtout hypothyroïdie) et surrénaliens.
- causes générales : un certain nombre d'affections générales telles que
les maladies de système, les pathologies carcinologiques (estomac, pancréas), la
tuberculose, et les hémopathies se traduisent parfois par des troubles
dépressifs.
- causes iatrogènes : de très nombreux médicaments et toxiques
provoquent des épisodes dépressifs. On retiendra notamment les corticoïdes,
l'interféron alpha…
2.4. Principes de prise
mélancoliques :
en
charge
thérapeutique
des
dépressions
La prise en charge d’un épisode dépressif mélancolique se fait en milieu
hospitalier en général dans un service de Psychiatrie. On peut recourir à un mode
d’hospitalisation sous contrainte si le patient refuse les soins. Il faut limiter au
maximum les risques de suicide en retirant au patient objets tranchants,
ceintures…
Le bilan réalisé visera à rechercher les répercussions somatiques de
l’épisode (notamment en cas de refus alimentaire prolongé), à éliminer un facteur
organique responsable d’une dépression secondaire ainsi qu’éventuellement à
7
éliminer une contre-indication à la réalisation de sismothérapie ou à la
prescription d’antidépresseurs tricycliques.
Nous ne présenterons que quelques principes et exemples de traitement
médicamenteux :
La clomipramine (Anafranil®) reste dans cette indication le traitement
médicamenteux de référence permettant d'obtenir le plus de rémissions
complètes. La voie d’administration peut être orale ou parentérale. Après avoir
éliminé les contre-indications classiques à la prescription des antidépresseurs
tricycliques (glaucome à angle fermé, adénome de la prostate et troubles de la
conduction cardiaques…), il est recommandé d’augmenter la posologie
progressivement par paliers de 25 mg tous les jours jusqu’à l’obtention d’une
posologie de 100 à 150 mg par jour. Il faut souligner que parmi les « nouveaux »
antidépresseurs seule la venlafaxine (Effexor®) a obtenu en France une
Autorisation de Mise sur le Marché dans cette indication.
Lorsque le patient présente un tableau clinique de mélancolie délirante, il est
recommandé d'associer à l'antidépresseur une petite dose de neuroleptique
comme par exemple l’amisulpride (Solian® 50 à 100 mg par jour) ; cette
association permet de potentialiser l’action de l’antidépresseur. Elle doit
cependant être réalisée avec prudence, notamment chez le sujet âgé, car elle
accentue des modifications de l'ECG (allongement du segment QT) pouvant
favoriser l'apparition de troubles du rythme cardiaque.
8
La prescription de traitements sédatifs est nécessaire pour apaiser l'angoisse
des patients, corriger les troubles du sommeil et prévenir la survenue d’un geste
suicidaire. Des neuroleptiques sédatifs comme la cyamémazine (Tercian® 50 à
150 mg / j) ou la lévopromazine (Nozinan® 50 à 150 mg / j) ont l'indication :
association avec un antidépresseur dans les dépressions graves.
Il est également possible de leur adjoindre des benzodiazépines. Les molécules
dont la demi-vie est courte sont à éviter car elles augmentent le risque de
dépendance et de sevrage.
La sismothérapie ou électroconvulsivothérapie est indiquée en cas de
résistance ou de contre-indication au traitement médicamenteux. Elle peut
également être indiquée d’emblée en cas de mélancolie délirante, stuporeuse ou
de refus de soins et d’alimentation mettant en jeu le pronostic vital.
Elle consiste à déclencher une crise d’épilepsie généralisée d’au moins 30
secondes par la diffusion d’un faible courant électrique au niveau cérébral. Elle
est réalisée sous anesthésie générale au rythme de 2 à 3 séances par semaine et
la guérison est obtenue en 8 à 12 séances. La sismothérapie représente le plus
efficace des traitements antidépresseurs avec 80 à 85 % de rémission.
Les contre-indications à la sismothérapie sont représentées par celles de
l’anesthésie générale, par la présence de lésions vasculaires ou tissulaires
intracrâniennes ainsi que par la présence d’un anévrysme de l’aorte abdominale. Il
faudra donc réaliser en plus du bilan et de la consultation pré-anesthésique une
échographie abdominale, un scanner cérébral avec injection.
Il existe un certain nombre d’effets indésirables de la sismothérapie. Les plus
fréquents, en dehors du risque anesthésique, sont les céphalées, les troubles
mnésiques (peuvent persister plusieurs mois), les luxations de l’épaule, les
tassements vertébraux chez le sujet âgé, les fractures dentaires, la
sensibilisation à faire des crises d’épilepsie chez des patients prédisposés.
2.5. Evolution des dépressions mélancoliques :
Sans traitement, un épisode mélancolique dure 6 à 8 mois. La prise en
charge thérapeutique permet de ramener la durée de l’épisode à 4 à 8 semaines
et surtout de réduire le risque suicidaire. Les patients qui présentent des
résistances au traitement médicamenteux doivent bénéficier de la réalisation de
séances de sismothérapie.
Le second problème concernant l’évolution de ces dépressions consiste à
savoir s’il s’agit d’un épisode unique ou d’un épisode s’intégrant dans le cadre d'un
9
trouble bipolaire nécessitant la prescription d’un régulateur de l’humeur comme
traitement préventif.
3. Les épisodes maniaques :
3.1. Description clinique :
Les accès maniaques peuvent survenir à tout âge mais sont beaucoup plus
fréquents chez les patients de 15 à 30 ans. Des facteurs déclenchants sont
fréquemment rencontrés dans les jours précédant l’apparition d’un épisode
maniaque. Les prodromes de l’accès maniaque doivent être recherchés. Ils ne
sont pas spécifiques (irritabilité, insomnie, labilité émotionnelle) mais sont
souvent retrouvés en cas de rechute et leur détection précoce permet de
sensibiliser le patient et son entourage.
Les épisodes maniaques se caractérisent par un état de surexcitation des
fonctions psychiques à l’origine d’une exaltation de l’humeur et d’une
exacerbation pulsionnelle et affective. Certains décomposent la sémiologie des
états maniaques en différentes dimensions calquées sur la sémiologie des
épisodes dépressifs en opposant les symptômes.
♦ Caractéristiques de la thymie dans l’accès maniaque :
Le patient présente une exaltation de l’humeur avec euphorie. Cette
hyperthymie se traduit par une euphorie et un optimisme infatigable. Il fait
preuve de jovialité, plaisante fait des jeux de mots et s’amuse durant l’entretien.
Il est possible que le patient présente des idées délirantes congruentes à
l’humeur. Leur thématique est marquée par la jovialité l’euphorie et l’expansivité
(idées mégalomaniaques, sentiments de grandeur, de supériorité, de puissance,
d’invulnérabilité, projets démesurés et capacités hors du commun…). Les
mécanismes délirants sont le plus souvent l’interprétation et les intuitions
délirantes. On retrouve plus rarement des hallucinations et parfois des éléments
d’automatisme mental notamment chez de jeunes patients.
♦ Fonctionnement psychomoteur des maniaques :
L’excitation psychique se traduit par une accélération des processus de
pensée (tachypsychie). Cette excitation se traduit par la fuite des idées, les
passages du coq à l’âne et des troubles de la concentration et de l’attention, il
existe une logorrhée difficile à contrôler. Sur le plan moteur, le patient a
fréquemment une présentation débraillée, extravagante et l’hyperactivité est
importante et souvent non productive. Il est possible d’observer des troubles
10
des conduites sociales (mises en danger, conduites de désinhibition, en
particulier sexuelle, dépenses excessives…).
♦ Signes somatiques associés :
Le signe le plus fréquemment rencontré est l’insomnie totale sans fatigue. Les
patients peuvent présenter une hyperphagie, une hypersexualité, et parfois des
troubles à type de déshydratation.
3.2.
Formes cliniques des accès maniaques :
Quelques formes cliniques méritent d’être détaillées compte tenu de leurs
particularités sémiologiques.
♦ L’hypomanie : elle correspond à une forme atténuée de manie.
L’hyperactivité reste productive et les répercussions sociales sont limitées. Cet
état constitue cependant une rupture avec l’état antérieur et à l’accélération des
processus psychiques et l’euphorie s’associe une réduction du sommeil. Cet état
risque d’évoluer sans traitement vers un authentique accès maniaque.
♦ La manie délirante : elle peut prendre notamment chez le jeune adulte
et l’adolescent l’aspect d’une bouffée délirante aiguë à l’origine de confusion
diagnostique et thérapeutique. Chez ces patients, le délire est souvent au
premier plan de la clinique et l’euphorie peut être remplacée par de l’irritabilité
et de l’agressivité. Il faut également noter que des symptômes appartenant à
l’automatisme mental peuvent être observés dans les manies délirantes.
♦ Les états mixtes : ils se caractérisent par la présence simultanée des
symptômes maniaques et dépressifs pendant une durée d’au moins une semaine.
La fureur maniaque : représentée par un état d’agitation et de violence
extrême ne s’observe presque plus.
♦ Particularités sémiologiques liées à l’âge : nous ne reviendrons pas sur
celles de l’adolescent ou de l’adulte jeune.. Chez le sujet âgé, l’euphorie est
souvent absente et les manifestations agressives et caractérielles peuvent être
au premier plan. La fréquence des états mixtes est également plus élevée chez le
sujet âgé et on cherchera attentivement une cause de manie secondaire en cas
de premier épisode survenant après 50 ans.
3.3. Diagnostics différentiels des épisodes maniaques :
♦ Les manies iatrogènes :
Elles sont constituées par des épisodes maniaques déclenchés par la prise
d’une substance psychostimulante. Elles durent le plus souvent le temps de
11
l’intoxication. On retiendra que ces accès peuvent faire suite à la prise de
toxiques (cannabis, cocaïne, opiacés, ecstasy) ou de médicaments
(antidépresseurs, corticostéroïdes, agonistes dopaminergiques, interféron alpha,
hormones thyroïdiennes, certains anti-inflammatoires non stéroïdiens,
antipaludéens, izoniazide). Ces listes correspondent aux substances les plus
fréquemment retrouvées mais n’est en aucune façon limitative, de nombreuses
autres molécules occasionnant des virages de l’humeur.
♦ Les manies secondaires à une pathologie somatique :
Cette éventualité suppose que devant tout premier syndrome maniaque des
examens (cliniques et paracliniques) soient réalisés.
Sur le plan neurologique, des syndromes maniaques peuvent être symptomatiques
de lésions cérébrales, de poussées inflammatoires de sclérose en plaques,
d’encéphalopathies à VIH, de syphilis tertiaire, d’épilepsies partielles notamment
temporales. Certains syndromes confusionnels peuvent s’accompagner de
symptômes maniaques. Des affections générales telles que les hyperthyroïdies,
les hypercorticismes ou encore les porphyries et la maladie de Wilson peuvent
occasionner des manies secondaires.
♦ Les manies dans le cadre du trouble schizo-affectif :
Les troubles schizoaffectifs correspondent à l’ancienne dénomination de
schizophrénie dysthymique. Ils s’observent chez des patients qui présentent une
symptomatologie schizophrénique persistante entre les troubles thymiques. Leur
présentation est par ailleurs souvent atypique, la symptomatologie étant
incomplète.
3.4. Principes de prise en charge des manies :
Le plus souvent la prise en charge des patients maniaques se fait en milieu
hospitalier spécialisé. Il est impératif de systématiquement évaluer la nécessité
de réaliser une mesure de protection de biens telle qu’une sauvegarde de justice.
Le bilan réalisé a pour objectifs d’évaluer les répercussions somatiques de
l’accès maniaque (par exemple sur l’état d’hydratation du patient), de rechercher
l’existence d’une cause de manie secondaire et éventuellement de permettre
l’instauration d’un thymorégulateur.
Le traitement médicamenteux a pour but de réduire l’exaltation de
l’humeur.
Parmi les régulateurs de l'humeur, le lithium semble être celui qui soit doté de la
plus grande action thérapeutique dans le traitement curatif de l'accès maniaque.
Son action sur l'expansion euphorique de l'humeur est plus spécifique mais ne se
12
manifeste pas avant 8 à 10 jours de traitement. La dose de lithium nécessaire
sera adaptée en fonction de la lithiémie plasmatique effectuée le matin, à jeun
de lithium, 12h après la prise du soir et mesurée au moins 4 jours après la
dernière modification du traitement. La lithiémie doit être proche de 0.8-0.9
meq/l (Téralithe 250) ou de 1.2 meq/l (Téralithe LP 400). La surveillance du
traitement portera sur les constantes (pouls, tension artérielle, température), la
tolérance neurologique et l'efficacité du traitement. Le traitement chez l'adulte
de moins de 50 ans devra être débuté par 2 ou 3 cp de Téralithe 250 répartis
en 2 ou 3 prises avec la prise maximale le soir ou encore par 1 ou 2 cp de
Téralithe LP 400  le soir. En cas de taux sériques de lithiémie insuffisants, la
dose sera augmentée par paliers de ½ cp. Le bilan et les effets secondaires
seront détaillés dans le chapitre 6.1. Afin d'éviter un surdosage en lithium, les
doses seront réduites en fin d'accès maniaque.
La carbamazépine (Tégretol) (600-1200 mg/j) et surtout le divalproate de
sodium (Dépakote) (1-2 g/j) ont également cette indication thérapeutique en
cas d'intolérance ou de contre-indication au lithium.
En pratique clinique, les patients bénéficient souvent d'une association entre un
thymorégulateur et un neuroleptique. Ces derniers médicaments représentent
souvent la base du traitement symptomatique de l'accès maniaque. Ils
permettent de contrôler rapidement les symptômes tels que l'agitation,
l'excitation, l'agressivité et diminuent les éléments délirants. Les neuroleptiques
sédatifs ou antiproductifs (halopéridol) peuvent être utilisés dans cette
indication, mais leur usage est en général réservé aux formes sévères de manie.
Les neuroleptiques atypiques seront préférés dans cette indication (rispéridone
ou olanzapine). Il ne faut pas perdre de vue que ces traitements peuvent être à
l'origine d'effets indésirables sérieux tels que les dyskinésies tardives ou les
syndromes malins. Il faut donc dans la mesure du possible réserver leur usage au
traitement symptomatique des accès maniaques et essayer de les interrompre le
plus rapidement possible au décours de l'accès.
Cependant la neurotoxicité potentielle de l'association lithium-neuroleptiques
impose une stricte surveillance neurologique et l'utilisation conjointe de doses
modérées de neuroleptiques et d'une lithiémie strictement inférieure à 1 Meq/l.
Les neuroleptiques, bien que moins spécifiques que le lithium ou d'autres
thymorégulateurs dans cette indication, présentent un certain nombre
d'avantages : rapidité d'action sur la réduction de l'agitation psychomotrice,
existence de formes injectables qui peuvent être utiles pendant les premiers
jours de traitement. Le choix du traitement sera guidé par les antécédents du
patient (terrain, réponse à un traitement neuroleptique antérieur …).
L'adjonction de benzodiazépines pourra être faite pour potentialiser la sédation.
Des correcteurs anticholinergiques seront réservés aux cas de mauvaise
13
tolérance des
systématique.
neuroleptiques
et
ne
seront
pas
prescrits
de
manière
3.5. Evolution des accès maniaques :
L’évolution spontanée d’un accès maniaque sans traitement est en général de 4
à 8 semaines. Le traitement permet de réduire la durée de cet accès.
Il existe de rares cas de résistance au traitement de l’accès maniaque avec
une évolution chronique du trouble. Ces formes résistantes peuvent nécessiter la
réalisation de cures de sismothérapie.
4. Le diagnostic de trouble bipolaire de l’humeur :
Le fait de pouvoir poser ce diagnostic va permettre de pouvoir proposer une
prise en charge spécifique visant à limiter les rechutes. Il faut retenir
qu’aujourd’hui encore le retard au diagnostic concernant ce type de troubles est
considérable avoisinant 5 à 10 ans. Par ailleurs sans thymorégulateur, 10 à 15 %
de ces patients décèdent par suicide.
Ces dernières années, la nosologie de ces troubles a suscité beaucoup de
travaux et le champ des troubles bipolaires s’est trouvé élargi. Les troubles
bipolaires de l’humeur constituent ainsi un ensemble hétérogène de troubles
s’étendant de la forme classique de psychose maniacodépressive correspondant
au trouble bipolaire de type 1, aux notions plus controversées que
représenteraient les formes atténuées de la maladie.
Nous présenterons les différentes situations cliniques au cours desquelles le
diagnostic doit être envisagé et aborderons les limites de l’abord nosologique du
trouble bipolaire.
4.1. Le trouble bipolaire de type I :
Il correspond à l'alternance d’épisodes dépressifs, d’accès maniaques et
d’intervalles libres. Cette situation correspond à la forme typique. Toutes les
combinaisons entre ces différents épisodes peuvent s'observer. Le diagnostic
est facile si l'interrogatoire retrouve cette alternance.
Le problème diagnostique est plus compliqué lorsque le patient est vu au cours
du premier épisode de trouble de l'humeur.
Si le premier épisode de trouble de l'humeur est un accès maniaque, il faut
envisager systématiquement ce diagnostic (en dehors d’une cause organique ou
toxique).
14
Si le premier épisode est une dépression mélancolique, il est proposé d'attendre
un deuxième épisode de trouble de l'humeur avant de poser un diagnostic et
d'introduire un régulateur de l'humeur. Cette attitude thérapeutique est
justifiée par le fait que les dépressions mélancoliques peuvent s'observer en
dehors du trouble bipolaire et que les régulateurs de l'humeur ont une action
préventive modérée sur les rechutes dépressives.
4.2.
Le trouble bipolaire de type II :
Il correspond à la survenue de plusieurs épisodes dépressifs alternants avec
des hypomanies. En général, la morbidité inter épisodes est plus importante, les
dépressions sont plus sévères et le risque de suicide est plus élevé.
4.3. Les cycles rapides :
Ils représentent une forme clinique particulière des troubles bipolaires de
type I et II qui est définie par l’évolution et le nombre d’accès annuel (≥ 4 accès
par an). Ces patients seraient plus souvent des femmes. Lorsque les accès des
cycles durent 48 heures, on parle de cycles ultrarapides. Ils représentent 15 à
20% des troubles bipolaires. Le lithium a été accusé d'accélérer la fréquence
des rechutes.
4.4. Les limites de la notion de troubles bipolaires :
Les troubles présentés dans ce paragraphe représentent pour certains des
formes mineures ou atténuées de troubles bipolaires. Pour l’instant, leur
appartenance au spectre des troubles bipolaires est fortement discutée au
niveau international et il n’est pas justifié de préconiser une prescription
systématique de régulateur de l’humeur au long cours à toutes ces personnes.
♦ La notion de tempérament et ses liens avec le trouble bipolaire :
La notion de tempérament renvoie à la clinique des traits de personnalité. Les
tempéraments constitueraient des états de vulnérabilité aux troubles
thymiques. Leur prévalence dans la population générale pourrait atteindre 20 %.
Certains les considèrent comme des états de vulnérabilité prédisposant à
l’apparition de troubles thymiques alors que d’autres pensent qu’ils constituent
plus des prodromes de troubles thymiques ou encore des formes atténuées de
15
maladie. Quatre tempéraments différents ont été individualisés (hyperthymique,
cyclothymique, dysthymique et irritable).
♦ Le trouble bipolaire de type III :
Le diagnostic est envisagé en cas d'épisodes maniaques ou hypomaniaques
induits pharmacologiquement et en cas d'épisodes dépressifs récurrents avec
des antécédents familiaux de troubles bipolaires et un tempérament
hyperthymique.
♦ Le trouble dysthymique :
Il constitue une forme atténuée de trouble de l’humeur évoluant de façon
chronique et correspondrait à un état intermédiaire entre la notion d’épisode
dépressif majeur et celle d’une vulnérabilité dépressive de tempérament.
Dans la nosographie classique, ce trouble correspond aux dépressions
névrotiques.
♦ Le trouble cyclothymique :
Ce serait une forme atténuée de trouble bipolaire de type 2 avec une
alternance d’hypomanie et d’épisodes de dépressions légères.
♦ Le trouble thymique à caractère saisonnier :
Le pic saisonnier de ces troubles dépressifs serait en septembre octobre
et ils seraient associés à une hypersomnie avec hyperphagie. La photothérapie
serait efficace.
16
5. Principales notions d’épidémiologie
troubles bipolaires de l’humeur :
et
facteurs
de
vulnérabilité
aux
La prévalence en population générale du trouble bipolaire de type 1 est
estimée à 1 %. Les hypomanies toucheraient 4 à 6 % de la population.
L’âge moyen de début du trouble se situe entre 15 et 30 ans. Des débuts
tardifs ou, au contraire précoces dans l’enfance, dès 5 ans, sont cependant
décrits.
De nombreux travaux ont démontré que la part des facteurs génétiques était
importante
dans
l’apparition
des
troubles
bipolaires.
Le
modèle
physiopathologique le plus couramment admis serait celui d’un modèle
multifactoriel et polygénique à effet de seuil ; plusieurs gènes mineurs auraient
un effet additionnel conditionnant un état de vulnérabilité et le trouble se
déclencherait lors de l’exposition à différents facteurs environnementaux.
Les évènements de vie stressants sont fréquemment retrouvés dans le
déclenchement des premiers épisodes, notamment dépressifs. Les expositions
répétées au stress engendreraient au niveau du système nerveux central une
baisse du seuil de réactivité aux stress ultérieurs. Cliniquement, cette
sensibilisation se traduirait par l’apparition de décompensations thymiques pour
des facteurs stressants moindres et aboutirait à terme à une véritable
autonomisation du trouble bipolaire, les accès survenant sans facteur
déclenchant. Cette hypothèse physiopathologique correspond à la théorie du
"kindling" (embrasement), développée dans la physiopathologie de certaines
formes d’épilepsie. Sa validité est actuellement sous-tendue par de nombreux
travaux neurobiologiques et elle contribuerait à l’action thymorégulatrice des
antiépileptiques.
6. Les traitements prophylactiques des troubles bipolaires.
La prescription d'un traitement médicamenteux prophylactique dans le
trouble bipolaire représente un point fondamental de la prise en charge. Les
régulateurs de l’humeur encore appelés thymorégulateurs ou stabilisateurs de
l’humeur ont fait la preuve qu’ils diminuaient le risque d’apparition de nouveaux
épisodes dépressifs ou maniaques. Il existe deux grandes familles de
thymorégulateurs : les sels de lithium et les anticonvulsivants même si tous,
parmi ces derniers, n’ont pas d’autorisation de mise sur la marché dans cette
indication en France.
6.1. Le lithium :
17
♦ Bilan préthérapeutique et instauration du traitement :
Le lithium est disponible sous deux formes, le carbonate de lithium
(Téralithe 250 mg et Téralithe LP 400) et le gluconate de lithium
(Neurolithium) qui n'est presque plus utilisé.
Avant d'instaurer un traitement à base de lithium, il est nécessaire de réaliser
un bilan visant à éliminer une contre-indication :
- créatinémie, protéinurie pour éliminer une insuffisance rénale. Après 50
ans, il est préférable de réaliser en plus un dosage de la clairance rénale de la
créatinine.
- ionogramme sanguin afin d’éliminer une hyponatrémie.
- ECG (en plus de l'examen clinique) afin d'éliminer une insuffisance
cardiaque sévère
- THSUS afin d'écarter un dysfonctionnement thyroïdien.
- βHCG, le lithium étant contre-indiqué lors du premier trimestre de la
grossesse.
Le traitement est instauré progressivement jusqu’à l’obtention d’une lithiémie
plasmatique efficace (0,6 à 0,8 mEq/l pour le Téralithe 250 mg et 0,8 à 1.2
mEq / l pour le Téralithe 400 LP). Chez le sujet âgé la lithiémie sera réduite
(0.4-0.6 meq/l). La demi-vie du lithium étant de 24 heures, on vérifie la lithiémie
plasmatique environ 4 à 5 jours après un changement de posologie. Un
antécédent familial de trouble bipolaire, le début du trouble bipolaire par un
épisode maniaque, une bonne adaptation pendant les épisodes intercritiques,
l'absence de cycles rapides, l'absence d'abus d'alcool ou de substances toxiques,
l'absence de troubles de personnalité prémorbide, sont des facteurs positifs de
réponse au lithium.
Lorsque la lithiémie est satisfaisante, les dosages sanguins sont effectués
toutes les semaines pendant le premier mois, puis tous les mois pendant le
premier trimestre puis tous les 2 à 3 mois.
♦ Surveillance du traitement :
La surveillance du traitement consiste en une surveillance clinique des effets
attendus et en un dépistage des effets indésirables associés à une surveillance
régulière de la lithiémie. Il est recommandé de contrôler la lithiémie tous les 3
mois lorsque le traitement est équilibré.
On dosera de façon annuelle la TSH et la créatinémie.
♦ Effets indésirables :
18
La survenue de la plupart d'entre eux dépend de la valeur de la lithiémie. Leur
incidence est accrue par l'âge et la co-prescription de neuroleptiques et
d'antidépresseurs.
- Troubles digestifs : ils sont fréquents en début de traitement (jusqu’à
30%). Le plus souvent il s’agit de diarrhées, de nausées, de vomissements, de
douleurs épigastriques, de météorisme abdominal, de brûlures…
- Troubles neurologiques : sont essentiellement représentés par un
tremblement fin, d’attitude et d’action des extrémités. Il est augmenté par la
fatigue, les émotions, la caféine, l’âge du patient. Il peut nécessiter de réduire la
posologie et peut être amélioré par les béta-bloquants (propranolol). Un
syndrome extrapyramidal peut être observé chez des patients traités depuis
plusieurs années et nécessite de réduire la posologie. Les éléments confusionnels
et la dysarthrie témoignent d’un surdosage. Les syndromes cérébelleux
constituent une complication rare mais grave des intoxications au lithium. Des
crises comitiales peuvent être observées.
- Troubles de la fonction rénale : un syndrome polyuro-polydipsique est
observé chez 10 à 40 % des patients traités par lithium, en début de traitement.
Ce syndrome est directement induit par le lithium et ne se traite pas. Le patient
doit augmenter son apport de boissons pour limiter le risque de déshydratation.
Le lithium pourrait induire des néphrites chroniques interstitielles notamment
lorsque la lithiémie est trop élevée de façon prolongée mais la responsabilité
directe du lithium reste controversée.
- Effets cardiovasculaires : ils sont représentés par des troubles de la
conduction auriculo-ventriculaire, des troubles de la repolarisation, des
arythmies graves et des cardiomyopathies en cas d’intoxication.
- Effets endocriniens : on peut observer un effet antithyroïdien réversible
(baisse de T3 et T4 avec augmentation de TSH), un goitre euthyroïdien, une
hypothyroïdie (dans 1 à 3% des cas, surtout en cas d’association avec un
antidépresseur tricyclique ou une phénothiazine) qui ne nécessite pas d’arrêter
le lithium. Un traitement substitutif thyroïdien est alors proposé. Les
modifications sont réversibles à l’arrêt du traitement. Les hyperthyroïdies et
les hyperparathyroïdies sont très rares.
- Effets métaboliques : Il peut exister une hyperglycémie en début de
traitement qui se corrige par un hyperinsulinisme. Le lithium à également un
effet insuline-like responsable d’une légère prise de poids (3 à 5 kg en moyenne
dans 70% des cas).
- Effets hématologiques : une hyperleucocytose avec leucopénie peut être
observée en début de traitement.
- Effets cutanés : ils concernent 1 % des patients traités par lithium. Il s’agit
d’acné, de révélation ou d’aggravation d’un psoriasis, de prurit, d’alopécie et
exceptionnellement d’éruption papulo-érythémateuse ou de rash cutané.
19
- Une diminution de la libido est parfois rapportée.
- Effets sur les fonctions psychiques : presque 30% des patients décrivent
des troubles de l’attention, de la concentration et surtout des troubles
mnésiques. L’insertion sociale des patients traités demeure cependant nettement
meilleure. La diminution des activités artistiques ne s’observe que lorsque cette
dernière survient lors des épisodes de manie ou d’hypomanie.
♦ Contre-indications :
L'insuffisance rénale sévère, l'allaitement et la grossesse de moins de trois
mois (risque de malformations fœtales graves en particulier cardio-vasculaires)
sont des contre-indications absolues à la prescription de lithium.
Les contre-indications relatives sont essentiellement représentées par les
interactions médicamenteuses qui peuvent modifier la lithiémie ou majorer la
toxicité du lithium. Tous les AINS sauf les salicylés augmentent la lithiémie. Les
diurétiques, la méthyldopa, les inhibiteurs de l'enzyme de conversion et les
neuroleptiques augmentent également la lithiémie. L'association à la
carbamazépine (Tégrétol) majore la neurotoxicité des produits. L'association
aux antidépresseurs sérotoninergiques peut provoquer des syndromes
sérotoninergiques. L'association à la clozapine (Léponex) peut donner des
troubles neuropsychiques à type de désorientation, de myoclonies et de
tremblements.
Dans tous ces cas, la prescription doit être prudente et nécessite une
surveillance clinique et des dosages sanguins réguliers de la lithiémie
plasmatique.
♦ Les signes de surdosage :
Les symptômes de surdosage apparaissent en général lorsque la lithiémie
plasmatique dépasse 1,2 mEq/l. Les principaux symptômes sont représentés par
des tremblements amples, un syndrome cérébelleux, un syndrome
extrapyramidal, une dysarthrie, des troubles de la conscience (de la confusion
mentale au coma), une vision floue, des troubles digestifs (nausées,
vomissements, douleurs gastriques, diarrhées), des fasciculations. Le décès peut
survenir par troubles du rythme cardiaque, insuffisance rénale et œdème
cérébral. Ces formes sévères peuvent nécessiter une épuration extra-rénale.
Le patient et son entourage doivent être informés des symptômes et pouvoir
les reconnaître précocement.
En général, on retrouve une cause ayant favorisé l’apparition de l’intoxication
au lithium. On retrouve les intoxications volontaires, les circonstances favorisant
les états de déshydratation (périodes de fortes chaleur, restriction hydrique,
fièvre, diarrhée…), l’instauration d’un régime sans sel et des facteurs iatrogènes
(diurétiques thiazidiques, anti-inflammatoires non stéroidiens, inhibiteurs de
20
l'enzyme de conversion, inhibiteurs de l'angiotensine II, certains inhibiteurs
calciques, digitaliques…). La carbamazépine, les neuroleptiques à fortes doses et
surtout la clozapine, les antidépresseurs sérotoninergiques (risque de syndrome
sérotoninergique) imposent une surveillance accrue.
21
6.2. La carbamazépine (Tégrétol®) :
♦ Instauration du traitement :
Le bilan à réaliser avant d’instaurer ce traitement comporte une NFS avec
dosage des plaquettes, un ionogramme sanguin et un bilan hépatique.
L’augmentation de la posologie se fait progressivement et la posologie à
atteindre dans la prévention des rechutes des troubles bipolaires se situe entre
400 et 800 mg/j.
La carbamazépine est un puissant inducteur enzymatique qui modifie le
métabolisme de nombreux autres médicaments ; elle risque notamment de
rendre inefficace une contraception oestroprogestative.
♦ Surveillance du traitement :
Le dosage de la tégrétolémie peut être réalisé en cas de suspicion de
surdosage, en cas d’effets indésirables et en cas de doute sur l’observance du
traitement. On surveillera régulièrement la NFS, le taux de plaquettes, le
ionogramme sanguin et le bilan hépatique.
♦ Effets indésirables :
- Effets neurologiques : Ils sont représentés par la somnolence, les vertiges,
l’ataxie, la diplopie et la confusion mentale.
- Effets indésirables imposant l’arrêt du traitement : neutropénie,
thrombopénie, agranulocytose, aplasie médullaire, hépatite, hyponatrémie,
troubles de la conduction, éruption cutanée, maladie thromboembolique.
♦ Signes de surdosage :
Somnolence, tremblements, convulsions, ataxie, vertige, nystagmus,
opisthotonos, coma, tachycardie, hypotension, troubles de conduction, état de
choc, nausées vomissements, oligurie.
♦ Précautions d’emploi :
L’utilisation devra être prudente chez les sujets âgés, les conducteurs de
machine, en cas d’adénome de prostate et de glaucome par fermeture de l’angle,
d’insuffisance cardiaque, hépatique et rénale. Le bloc auriculo-ventriculaire, une
porphyrie, une hypersensibilité à la carbamazépine, un antécédent d'hypoplasie
médullaire, l'association avec des antidépresseurs IMAO représentent des
contre-indications à la prescription de carbamazépine.
6.3. Le valpromide
(Dépakote®) :
(Dépamide®)
et
le
divalproate
de
sodium
22
♦ Instauration du traitement :
Avant de débuter un de ces traitements, il faut réaliser une NFS avec
dosage des plaquettes, un bilan hépatique avec un dosage du TP. A visée
thymorégulatrice, le traitement sera augmenté par paliers progressifs pour
atteindre 1000 à 2000 mg/j de Dépakote® ou plus rarement 2 à 6 cp par jour de
Dépamide 300.
Le Dépakote (divalproate de sodium) est une association de valpromide de
sodium (Dépamide®) et de valproate de sodium (Dépakine®).
♦ Effets indésirables :
- Hépatotoxicité : une élévation modérée et transitoire des transaminases
est fréquemment observée en début de traitement. Les hépatites cytolytiques
sont exceptionnelles.
- Effets neurologiques : confusion mentale, tremblements, convulsions
- Autres troubles : irrégularité menstruelle et aménorrhée, troubles
digestifs, alopécie, hyperammoniémie, thrombopénie, anémie et pancréatite.
♦ Signes de surdosage :
Le surdosage peut donner un tableau de coma calme avec hypotonie et
aréflexie.
6.4. Autres molécules pouvant être utilisées comme régulateurs de
l’humeur :
En France la carbamazépine, le valpromide et le divalproate de sodium ont des
autorisations de mise sur le marché à visée thymorégulatrice. D’autres
anticonvulsivants semblent également être dotés d’action thymorégulatrice
(lamotrigine (surtout prévention des épisodes dépressifs), gabapentine,
topiramate, clonazépam).
7. Choix et efficacité des régulateurs de l’humeur dans les troubles
bipolaires :
La récurrence du trouble est un facteur important à considérer dans la
prescription d'un thymorégulateur, que les épisodes soient dépressifs ou
maniaques, en sachant que la séquence manie puis dépression est prédictive
d'une meilleure efficacité de ces traitements.
23
Chez les patients atteints de trouble bipolaire de type I, l'efficacité
préventive du lithium a été parfaitement démontrée dans la prévention des
rechutes, surtout lorsque les accès maniaques typiques sont prédominants. 70 %
des patients auront une action satisfaisante sur la prévention des rechutes
maniaques et 30 % sur la prévention des rechutes mélancoliques. Ils sont
prescrits d'emblée aux USA lors d'un premier accès maniaque notamment
lorsqu'il n'existe pas de cause de manie secondaire (prise de toxiques, lésions
cérébrales, dysfonctionnement endocrinien), après au moins deux épisodes en
Europe, sauf si le premier est très sévère ou s'il existe des antécédents
familiaux au premier degré de trouble bipolaire. Dans 35% des cas, l'adjonction
de neuroleptiques ou d'antidépresseurs sera nécessaire pour obtenir une bonne
prévention. Face à un premier épisode de mélancolie, le bénéfice thérapeutique
obtenu par la prescription d'un régulateur de l'humeur semble plus modéré et il
est d'usage d'attendre 2 (en moins de 3 ans) voire 3 épisodes de trouble
thymique avant d'initier ces traitements. Il faut souligner qu'aucun régulateur
de l'humeur n'a d'effet curatif sur l'épisode de dépression mélancolique et que
l'efficacité des régulateurs de l'humeur dans la prévention des rechutes
dépressives demeure modeste.
Durée du traitement : Pour certains auteurs (recommandations WFSBP
2004) le traitement doit être maintenu à vie. L'interruption du traitement ne
peut être envisagée raisonnablement qu'après une période de stabilisation
parfaite de la maladie d'au moins 2 ans et sera réalisée sous stricte surveillance
médicale. Cette interruption sera progressive (sur plusieurs semaines) pour
éviter une hypomanie de sevrage. Un mauvais contrôle de la maladie dans l'année
qui a précédé l'interruption, une période à risque (printemps ou automne),
l'absence de contrôle médical de l'interruption, la nécessité d'adjoindre des
neuroleptiques ou des antidépresseurs afin d'obtenir une prophylaxie efficace
sont des facteurs de risque de rechute à l'arrêt du lithium.
La carbamazépine ou le divalproate de sodium sont utilisés dans le trouble
bipolaire de type I, en cas d'efficacité insuffisante ou de mauvaise tolérance du
lithium. 50 % des patients auront une action prophylactique satisfaisante dans la
prévention des rechutes maniaques et 30 % dans la prévention des rechutes
dépressives. Ils sont surtout préconisés lorsque le trouble bipolaire de type I
est atypique ou chez les bipolaires de type II.
Le valpromide a un effet prophylactique avoisinant 40 % dans la prévention
des rechutes maniaques et 30 % pour les rechutes dépressives, il demeure un
traitement prophylactique de seconde, voire de troisième intention, dans le
trouble bipolaire de type I.
L'olanzapine (neuroleptique atypique) a l'indication dans la prévention des
rechutes du trouble bipolaire I, cependant, les risques métaboliques et le risque
24
d'apparition de dyskinésies tardives doivent rendre prudent quant à son
utilisation prolongée.
Lorsque les dépressions sont répétées en l'absence d'épisodes maniaques, les
antidépresseurs peuvent être maintenus au long cours au delà du deuxième ou
troisième épisode. Des thymorégulateurs peuvent être préconisés en association
avec les antidépresseurs dans les troubles bipolaires de type II et III.
Le traitement des troubles bipolaires à cycles rapides relève d'une prise en
charge spécialisée.
Dans le traitement des troubles schizoaffectifs, l'association d'un
thymorégulateur et d'un neuroleptique atypique est en règle utilisée.
8. L’abord psychoéducatif des troubles bipolaires :
Le patient atteint d’un trouble bipolaire doit apprendre à vivre avec une
maladie chronique et l’adhésion aux soins, comme l’observance médicamenteuse,
sont améliorés par la connaissance de sa maladie.
En dehors des épisodes dépressifs et maniaques, le traitement repose sur le
bilan des facteurs pronostiques susceptibles d'agir sur l'état du patient et des
propositions thérapeutiques pouvant y répondre.
Le bilan des autres facteurs susceptibles d'influencer le pronostic de ces
troubles est essentiel afin de mettre en œuvre l'ensemble des mesures utiles
pour l'obtention de l'état optimal de stabilité thymique et d'une qualité de vie
satisfaisante :
- La structure psychique du patient. Une co-morbidité trouble BP- trouble
de la personnalité péjore le pronostic. La prise en compte de la dynamique
intra-psychique du sujet détermine en grande partie la compliance aux
soins et le risque de rechute thymique aux évènements de vie. L'approche
cognitivo-comportementale peut être utile, notamment en l'absence
d'indication ou d'engagement dans un travail psychothérapique du patient.
En l'absence de pathologie flagrante de la personnalité ou d'une
accessibilité à une approche psychothérapique, la psycho-éducation est
essentielle, l'information du patient étant un élément essentiel de
l'alliance thérapeutique qu'il est essentiel d'obtenir. La nature de
l'information à transmettre, obligation de tout psychiatre à l'égard de son
patient, dépend du moment évolutif du patient, de sa capacité à s'engager
dans un suivi psychiatrique et de sa capacité à élaborer cet événement de
vie.
25
- La qualité des relations entretenues avec les aidants naturels du patient,
essentiellement le conjoint. L'évaluation de l'impact de la pathologie sur la
dynamique du couple est essentielle. Selon le caractère fonctionnel ou
dysfonctionnel de cette dynamique, l'abord de la famille se limitera à une
information sur le trouble et les traitements et à un soutien psychologique
en fonction des difficultés rapportées par la famille (psycho-éducation) ou
imposera une approche à visée plus thérapeutique (thérapie systématique
ou familiale notamment).
- Les facteurs psycho-sociaux pouvant agir sur le devenir du patient et la
stabilité de son trouble devront être également pris en compte
(évènements de vie ou difficultés durables, notamment la qualité de
l'environnement professionnel et satisfaction du patient à l'égard de cet
environnement et plus globalement de ces conditions de vie). Quelques
règles d’hygiène de vie simples sont à respecter pour limiter les
décompensations
(aucune
consommation
de
drogues
et
de
psychostimulants, essayer de maintenir un rythme de sommeil régulier,
limiter les décalages horaires, planification de l’emploi du temps pour
réduire les stress).
- Les facteurs somatiques sont également un facteur pronostique à
évaluer.
DEUXIEME PARTIE : MALADIES ET GRANDS SYNDROMES
Question 286 - TROUBLES DE LA PERSONNALITE
Rédaction : O Gales, JD Guelfi, F Baylé, P Hardy
Objectifs :
· Diagnostiquer un trouble de la personnalité et apprécier son
retentissement sur la vie sociale du sujet
· Identifier les situations d'urgence et planifier leur prise
en charge
· Argumenter l'attitude thérapeutique et planifier le suivi du
patient
Objectif général
· Savoir repérer ce qui caractérise la façon d’être au monde
d’un sujet selon ses pensées, ses sentiments et ses
comportements (sa personnalité) et en reconnaître les
anomalies dès lors qu’elles génèrent une altération du
fonctionnement social ou une souffrance de l’individu ou de
son entourage (trouble de personnalité ou personnalité
pathologique).
Objectifs spécifiques
· Connaître les grands traits de caractères des principales
personnalités pathologiques (hystérique, évitante, limite,
antisociale, paranoïaque…)
· Identifier
les
principales
modalités
évolutives
des
personnalités pathologiques
· Savoir que les troubles de la personnalité sont associés aux
autres troubles psychiatriques.
I. INTRODUCTION
La personnalité est définie comme le résultat, chez un sujet
donné, de l’intégration dynamique de composantes cognitives,
pulsionnelles et émotionnelles. L’agencement de ces différents
facteurs constitue les traits de personnalité, à savoir les
modalités relationnelles de la personne, sa façon de percevoir
le monde et de se penser dans son environnement.
L'unité
fonctionnelle
intégrative
que
constitue
la
personnalité présente deux autres caractéristiques : elle est
à la fois stable (la personnalité contribue à la permanence de
l'individu) et unique (elle rend le sujet reconnaissable,
distinct de tous les autres)
1
La personnalité ne devient pathologique que lorsqu’elle se
rigidifie, entraînant des réponses inadaptées, source d’une
souffrance ressentie par le sujet ou d’une altération
significative du fonctionnement social. La définition qu’en
propose l’Organisation Mondiale de la Santé dans la dixième
révision de la Classification Internationale des Maladies
(CIM-10) est la suivante : « Modalités de comportement
profondément
enracinées
et
durables
consistant
en
des
réactions inflexibles à des situations personnelles et
sociales
de
nature
très
variée.
Ils
représentent
des
déviations extrêmes ou significatives des perceptions, des
pensées, des sensations et particulièrement des relations avec
autrui par rapport à celles d’un individu moyen d’une culture
donnée ».
Ÿ
L'étude des personnalités pathologiques s'est appuyée sur
deux approches :
-
Ÿ
Une approches dite
dimensionnelle, qui consiste à
caractériser
la
personnalité
d'un
sujet
selon
un
répertoire de traits de personnalité (dimensions) plus ou
moins accusés : un individu peut ainsi être plus ou moins
impulsif, introverti, dépendant, etc.
- Une approche dite catégorielle, qui consiste à définir
plusieurs types de personnalités pathologiques et à
rechercher si un sujet donné présente ou non les
caractéristiques d'un (ou de plusieurs) de ces types.
Cette approche est celle de la clinique psychiatrique et
de la CIM-10, qui a guidé les descriptions qui suivent.
Celles-ci reposent sur des regroupements statistiquement
validés d’attitudes et de comportement, sans préjuger des
raisons pouvant expliquer ces regroupements.
Les associations entre troubles de la personnalité et
pathologies psychiatriques sont fréquente. La présence d’un
trouble de la personnalité est un facteur aggravant d’une
pathologie psychiatrique. Les troubles de la personnalité se
distinguent des symptômes des différentes pathologies
psychiatriques par le fait qu’ils apparaissent classiquement
à la fin de l’adolescence, qu’ils se caractérisent par des
comportements
durables
et
stables
dans
le
temps
indépendamment
des
situations
auxquelles
se
trouvent
confrontés les sujets.
II. LES DIFFERENTES PERSONNALITES PATHOLOGIQUES
Il n'existe pas de consensus définitif sur le regroupement par
catégories
des
différentes
personnalités
pathologiques.
Classiquement, on distinguait les personnalités psychotiques
des
personnalités
névrotiques,
les
personnalités
psychopathiques et borderline se situant à part. Ce découpage
2
a été en partie repris par la classification américaine des
troubles mentaux (le DSM-IV), qui distingue :
Ÿ
·
·
Le
groupe
A,
qui
correspond
aux
personnalités
"psychotiques". Il inclut les personnalités paranoïaques,
schizoïdes
et
schizotypiques
(sujets
bizarres
ou
excentriques).
Le groupe B, qui inclut les personnalités antisociales,
borderline,
histrioniques
et
narcissiques
(sujets
d'apparence théâtrale, émotifs et capricieux).
Le
groupe
C,
qui
correspondant
aux
personnalités
"névrotiques". Il inclut les personnalités évitantes,
dépendantes et obsessionnelles compulsives (sujets anxieux
et craintifs).
II.1. Personnalité paranoïaque :
A.
-
Epidémiologie :
0,5 à 2,5 % de la population générale.
10 à 30 % de la population hospitalisée en psychiatrie.
2 à 10 % des consultants en psychiatrie.
B. Description clinique :
- sensibilité excessive aux échecs et aux rebuffades,
- refus de pardonner les insultes ou les préjudices et
tendance rancunière tenace,
- caractère soupçonneux et tendance envahissante à déformer
les événements en interprétant les actions impartiales ou
amicales d’autrui comme hostiles ou méprisantes,
- sens tenace et combatif de ses propres droits légitimes hors
de proportion avec la situation réelle,
- doutes répétés et injustifiés sur la fidélité du conjoint ou
du partenaire,
- tendance à surévaluer sa propre importance avec perpétuelles
références à soi-même,
- préoccupation par des explications sans fondement à type de
conspiration.
C. Evolution :
- Ces
caractéristiques
en
font
un
individu
ténébreux,
difficile à supporter.
- Isolement social assez fréquent.
- Risque d’épisodes psychotiques brefs ou installation d’un
véritable délire paranoïaque.
D. Diagnostique différentiel :
Délire paranoïaque constitué.
II.2. Personnalité schizoïde :
3
A. Epidémiologie :
Hommes > femmes
B.
-
Description clinique :
incapacité à éprouver du plaisir,
froideur, détachement ou émoussement de l’affectivité,
incapacité à exprimer aussi bien des sentiments chaleureux
et tendres envers les autres que de la colère,
indifférence aux éloges comme à la critique,
intérêt réduit pour les relations sexuelles,
préférence marquée pour les activités solitaires,
préoccupation excessive par l’imaginaire et l’introspection,
désintérêt pour les relations amicales et absence d’amis
proches,
indifférence nette aux normes et conventions sociales.
C. Evolution :
Relativement stable. Peu de tendance à l’évolution.
D.
-
Diagnostic différentiel :
Schizophrénie.
Syndrome d’Asperger.
Personnalité évitante (pauvreté du contact par peur d’être
rejeté).
Personnalité schizotypique.
II.3. Personnalité schizotypique :
La CIM-10 ne considère pas ce trouble comme une variété de
trouble de la personnalité, mais plutôt comme un trouble
s’apparentant à la schizophrénie en raison de la fréquence
accrue de schizophrénie chez les ascendants (spectre de la
schizophrénie).
A. Epidémiologie :
3 % de la population générale.
B. Description clinique :
- croyance
bizarre
ou
pensée
magique
comportement,
- idées de référence,
- perceptions corporelles inhabituelles,
- méfiance, idéation persécutoire,
- pensées et langage bizarres sans lien
culturel de référence,
- vie affective pauvre,
- comportement excentrique.
4
influençant
avec
le
le
groupe
C. Evolution :
La personnalité schizotypique représente, pour beaucoup
d’auteurs, un mode d’entrée dans la schizophrénie ou une
forme mineure de cette pathologie.
D.
-
Diagnostic différentiel :
Personnalité borderline.
Schizophrénie.
Personnalité schizoïde.
II.4. Personnalité dyssociale (ou antisociale, ou
psychopathique, ou sociopathique : classique déséquilibre
mental) :
A.
-
Epidémiologie :
3 % des hommes, 1 % des femmes.
2 à 3 % de la population générale.
Taux plus élevés en prison.
B. Description clinique :
Ce trouble est encore appelé personnalité psychopathique ou
sociopathique. Il correspond à la notion classique de
« déséquilibre
mental ».
Il
est
caractérisé
par
les
manifestations suivantes :
- indifférence froide envers les sentiments d’autrui,
- attitude irresponsable manifeste et persistante, mépris des
normes, des règles et des contraintes sociales,
- incapacité à maintenir durablement des relations,
- très faible tolérance à la frustration et abaissement du
seuil de décharge de l’agressivité,
- incapacité à éprouver de la culpabilité ou à tirer un
enseignement des expériences, notamment des sanctions,
- tendance nette à blesser autrui.
Ce
trouble
peut
s’accompagner
d’une
irritabilité
persistante.
C. Evolution :
- Biographie faite de ruptures répétées avec des conséquences
sur le plan de l’adaptation sociale : actes médico-légaux,
incarcérations … les troubles s’amendent classiquement dans
la seconde moitié de la vie.
- Les principales complications psychiatriques sont les abus
de substances. Le risque de décès est élevé (accident,
suicide).
Après
40
ans,
peuvent
apparaître
des
manifestations anxieuses et/ou dépressives.
D. Diagnostic différentiel :
- Héboïdophrénie.
- Personnalité
borderline,
schizoïde,
histrionique
l’homme quand la mythomanie est au 1er plan.
5
chez
-
Délinquance simple ne présentant pas les critères
sociopathie (car inséré dans son groupe social).
de
la
II.5. Personnalité borderline (ou personnalité "limite") :
A.
-
Epidémiologie :
2 % de la population générale.
10 % des consultants en psychiatrie.
20 % des patients hospitalisés en psychiatrie.
B. Description clinique :
Polymorphisme important des manifestations cliniques, aucune
n’étant spécifique (elles peuvent emprunter des symptômes
aux autres personnalités pathologiques).
Selon la CIM-10, la personnalité émotionnellement labile
comprend deux types cliniques : le type impulsif et le type
borderline ou limite marqué de plus par une perturbation de
l’image de soi, des incertitudes concernant les objectifs,
les valeurs, les préférences personnelles et un sentiment
souvent envahissant de vide.
Les
principales
caractéristiques
de
la
personnalité
impulsive sont :
- l’instabilité émotionnelle et le manque de contrôle des
impulsions.
Les
principales
caractéristiques
de
la
personnalité
borderline sont, en outre :
- la perturbation de l’image de soi,
- l’incertitude concernant les objectifs, les préférences,
les choix, les valeurs,
- le sentiment envahissant de vide.
Une tendance à s’engager dans des relations intenses et
instables conduit fréquemment à des crises émotionnelles et
peut s’associer à des efforts démesurés pour éviter les
abandons et des menaces répétées de suicide ou des gestes
auto-agressifs.
C. Evolution :
- Chaotique marquée par les conséquences de l’impulsivité
(addiction, prise de risques …).
- Actes médico-légaux parfois.
- Tentatives de suicide.
- Attaque de panique avec déréalisation (état crépusculaire).
- Episodes hallucinatoires brefs.
- Dépression.
D. Diagnostic différentiel :
- Trouble de l’humeur sans trouble de la personnalité (se
méfier des diagnostics hâtifs).
- Les autres troubles de la personnalité dont la personnalité
antisociale, la personnalité narcissique, histrionique…
6
II.6. Personnalité histrionique :
A. Epidémiologie :
- 2 à 3 % de la population générale.
- 10 à 15 % des consultants en psychiatrie.
B.
-
Description clinique :
dramatisation, théâtralisme, hyperexpressivité émotionnelle,
suggestibilité,
affectivité superficielle et labile,
désir permanent de distractions et d’activités où le sujet
est le centre d’attention d’autrui,
aspect ou comportement de séduction inappropriée,
préoccupation excessive par le souci de plaire physiquement.
Le trouble peut s’accompagner d’un égocentrisme, d’une
indulgence excessive envers soi-même, d’un désir permanent
d’être apprécié, d’une tendance à être facilement blessé et
d’un
comportement
manipulateur
persistant
visant
à
satisfaire ses propres besoins.
C. Evolution :
Variable : soit atténuation des traits avec l’âge au
bénéfice
d’activités
gratifiantes
(œuvres
caritatives,
bénévolat…),
soit
évolution
marquée
par
le
risque
d’addiction, de dépression…
D. Diagnostic différentiel :
- Personnalité narcissique
- Personnalité borderline
II.7. Personnalité obsessionnelle-compulsive ou anankastique :
A. Epidémiologie :
- 1 % de la population générale.
- 3 à 10 % des consultants en psychiatrie.
B. Description clinique :
Synthèse de différents concepts dont :
- La personnalité psychasthénique de P. Janet (doutes,
ruminations, prévalence de la vie intellectuelle sur les
réalisations pragmatiques).
- La personnalité compulsive marquée par la vérification, la
ritualisation et la parcimonie, avec un goût prononcé pour
l’ordre.
La
personnalité
obsessionnelle-compulsive
principalement par :
- indécision, doutes et prudence excessive,
7
se
traduit
-
préoccupation par les détails, les règles, les inventaires,
l’ordre, l’organisation, les programmes,
perfectionnisme qui entrave l’achèvement des tâches,
scrupulosité extrême, méticulosité et souci excessif de la
productivité aux dépens de son propre plaisir et des
relations interpersonnelles,
discours recherché et attitude excessivement conformiste,
rigidité et entêtement,
insistance pour que les autres se conforment exactement à sa
propre manière de faire ou réticence déraisonnable pour
laisser les autres faire quoi que ce soit.
C. Evolution :
- Personnalité stable avec pauvreté des investissements
sociaux.
- Complications
dépressives,
hypochondriaques,
anxieuses,
symptômes obsessionnels avec intrusion de pensées et
d’impulsions importunes s’imposant au sujet.
D. Diagnostic différentiel :
- Trouble
obsessionnel,
mais,
dans
ce
cas,
présence
prédominante d’idées obsédantes et de compulsions.
- Personnalité psychotique (paranoïaque ou schizoïde).
II.8. La personnalité évitante (ou personnalité anxieuse) :
Elle se caractérise par :
-
un sentiment envahissant et persistant de tension et
d’appréhension,
une perception de soi comme socialement incompétent, sans
attrait, inférieur,
une préoccupation excessive par la crainte d’être critiqué,
rejeté,
un refus de nouer des relations à moins d’être certain
d’être accepté sans critique,
une restriction du style de vie résultant du besoin de
sécurité,
un évitement des activités sociales ou professionnelles
impliquant des contacts avec autrui de peur d’être critiqué,
rejeté.
La question des limites diagnostiques entre l’anxiété normale,
la timidité, la personnalité évitante et la phobie sociale est
toujours débattue.
II.9 La personnalité dépendante :
8
On rappelle que la classique personnalité histrionique
regroupait les traits histrioniques et les traits passifsdépendants de personnalité.
La personnalité dépendante se caractérise surtout par :
Ÿ
le fait d’autoriser ou d’encourager autrui à prendre la
plupart des décisions importantes à sa place,
la subordination de ses propres besoins à ceux des personnes
dont on dépend,
la réticence à formuler des demandes – mêmes justifiées –
aux personnes dont on dépend,
un sentiment de malaise ou d’impuissance quand le sujet est
seul de peur de ne pouvoir se prendre en charge,
la préoccupation par la peur d’être abandonné,
une capacité réduite à prendre des décisions sans être
rassuré ou conseillé de manière excessive par autrui.
Les troubles mixtes de la personnalité :
De nombreux sujets ont des troubles de la personnalité
associant à des degrés divers des traits appartenant à
plusieurs troubles distincts de la personnalité : ce sont
les troubles mixtes de la personnalité ; par exemple
personnalités hystéro-dépendantes, personnalités hystéroparanoïaques, personnalités histrioniques et borderline,
etc…
III. TROUBLES DE LA PERSONNALITÉ ET PATHOLOGIES PSYCHIATRIQUES
Les associations entre troubles de la personnalité et troubles
mentaux (comorbidité) est particulièrement fréquentes. Elles
ont conduit à analyser selon plusieurs points de vue les
relations entre ces deux types de pathologies :
III.1. Les troubles de la personnalité appartiennent-ils au
même continuum que les pathologies psychiatriques ?
L'école psychanalytique postule l'existence d'une continuité
entre la personnalité et certains troubles mentaux (névroses,
notamment)
:
ainsi,
à
la
personnalité
obsessionnelle
correspond la névrose obsessionnelle, à la personnalité
hystérique, la névrose hystérique, etc.
La clinique contemporaine a pour sa part constaté :
· Qu'il
n'existe
pas
de
relation
systématique
entre
pathologies mentales et troubles de la personnalité
: un
trouble obsessionnel-compulsif peut, par exemple, survenir
en l'absence de personnalité pathologique ou être associé à
des troubles de personnalité autres qu'obsessionnels.
9
·
Que la distinction entre certaines pathologies mentales et
certains troubles de la personnalité peut être difficile çà
faire : par exemple la distinction entre personnalité
évitante (phobique) et phobie sociale, entre personnalité
psychasthénique et trouble obsessionnel-compulsif.
Certains
tempéraments
et
certains
troubles
de
la
personnalité sont même considérés actuellement comme des
formes "a minima" d'une pathologie mentale (comme faisant
partie du "spectre" de la pathologie). Ainsi :
- dans
le
domaine
des
troubles
de
l'humeur,
les
tempéraments
hyperthymique,
cyclothymique,
dépressif,
voire irritable, sont considérés comme appartenant au
spectre de la maladie maniaco-dépressive ;
- la personnalité schizotypique appartient au spectre de la
maladie schizophrénique.
On considère toutefois que troubles de la personnalité et
pathologies
psychiatriques
disposent
d'une
assez
large
autonomie. Les troubles anxieux, les troubles dépressifs,
comme la plupart des pathologies mentales peuvent en effet
s'associer à n'importe quel trouble de la personnalité.
III.2. Les pathologies psychiatriques ont-elles un impact sur
la
personnalité ?
Ÿ
Ÿ
Le fait de souffrir d'un trouble mental sévère et durable
représente, au même titre qu'une pathologie organique
chronique
grave,
un
élément
susceptible
de
remanier
profondément la personnalité des sujets. Certains traits de
personnalité peuvent ainsi s'accuser : perte de confiance en
soi, sentiment de manquer de secours (d'insécurité),
démoralisation, pessimisme, dépendance interpersonnelle …
Du fait de cette interférence, il est donc souvent difficile
de diagnostiquer un trouble de la personnalité chez un sujet
présentant un trouble mental. Pour ce faire, il importe de
se référer à la situation prémorbide (en s'aidant des
informations fournies par l'entourage) et de réévaluer la
situation au décours de l'épisode pathologique.
III.3. Certains troubles de la personnalité (ou certains
traits de personnalité) sont-ils des facteurs de risque pour
certains troubles
mentaux ?
Cette hypothèse est confortée par de nombreuses études
cliniques et épidémiologiques. Ainsi :
- les
personnalités
borderline
et
psychopathiques
sont
associées à un risque élevé de conduites addictives et
suicidaires ;
- les personnalités borderline et hystérique se caractérisent
par un risque élevé d'anxiété et de dépression ;
10
-
la personnalité paranoïaque prédispose au délire chronique
paranoïaque ;
la personnalité schizoïde prédispose au développement
ultérieur d'une schizophrénie.
III.4. Les troubles de la personnalité interfèrent-t-ils avec
les troubles mentaux ?
Ces troubles interfèrent au niveau sémiologique. Ainsi :
Ÿ Les dépressions associées à une personnalité hystérique sont
souvent hyperexpressives, caractérisées par une dysphorie
anxieuse, une hypersensibilité au rejet, une réactivité aux
événements extérieurs.
Ÿ Les traits de personnalité peuvent être amplifiés par le
trouble de l'humeur.
L'existence d'un trouble de la personnalité est un facteur de
mauvais pronostic pour la pathologie psychiatrique. Les
épisodes dépressifs associés à un trouble de la personnalité
sont ainsi plus souvent résistants aux traitements et évoluent
davantage vers la chronicité que les autres.
BIBLIOGRAPHIE
Féline A., Guelfi J.D., Hardy P. Les troubles de la
personnalité. Flammarion Médecine-Sciences éd., Paris, 2002.
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DEUXIEME PARTIE : MALADIES ET GRANDS SYNDROMES
Trouble psychosomatique
Question 289
Rédaction : M. Ferreri – Fl. Ferreri – C. Agbokou – M. Lejoyeux
Le trouble psychomatique se définit comme un trouble somatique dont la dimension
psychologique est prépondérante dans sa survenue et dans son évolution. Dans la
définition restrictive du trouble psychosomatique, il s’agit d’une maladie comportant une
altération organique. Une définition plus large inclut certains troubles dits fonctionnels
tels que les conversions, les somatisations, les douleurs et le stress.
Les conceptions du trouble psychosomatique s’inspirent de deux écoles de pensée.
 L’Ecole Psychanalytique met en avant le rôle prévalant de l’inconscient dans le
déterminisme des manifestations corporelles.
 L’Ecole Cognitivo-comportementale fait jouer un rôle majeur à l’apprentissage et aux
croyances.
L’Ecole de Paris (Fain, Marty, de Muzan) a développé une théorie rendant compte des
troubles psychosomatiques : la pensée opératoire.
Cette organisation psychique se caractérise par
 un discours factuel, rationnel avec un déficit du fantasme
 une difficulté à mobiliser et exprimer ses affects, à élaborer les conflits ou à les
refouler.
Le patient est focalisé sur les symptômes de son corps et ne peut s’en éloigner qu’avec
difficulté pour parler de sa vie. L’évocation de ses émotions reste modeste. La relation
apparaît impersonnelle, neutre. On parle de relation blanche marquée par l’absence de
mots adaptés pour exprimer les émotions. Les manifestations corporelles n’ont pas de
sens par rapport à la vie du sujet. Les psychosomaticiens ont pu parler de « bêtise du
symptôme ». Lorsque les défenses sont débordées, la pensée opératoire augmente le
risque d’un retentissement désorganisant le corps. La conception de pensée opératoire a
été reprise d’une manière voisine sous le terme d’alexithymie par Sifneos. L’alexithymie
se définit par l’incapacité à lire ses émotions. L’individu éprouve de la gêne à ressentir
ou à parler de ses états affectifs. Sa vie imaginaire est limitée. Dans ses propos, les
énoncés factuels et la description « sèche » des symptômes prédominent. Les passages
à l’acte sont fréquemment utilisés pour tenter de résoudre les conflits.
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La notion d’événements de vie
La théorie psychosomatique envisage également le rôle des événements de vie. Ce
concept d’événement de vie qualifie l’impact d’événements stressants obligeant à un
effort d’adaptation pour recouvrer un équilibre antérieur.
Selon le degré d’impact des événements sont distingués :
 les événements majeurs, éprouvants, traumatisants, pouvant entraîner un
traumatisme majeur
 les événements mineurs représentés par les soucis, les tracas de la vie quotidienne,
dont l’effet cumulatif peut entraîner une situation de stress et un trouble
psychosomatique.
Selon le moment, sont distingués :
 les événements anciens, précoces. Ils apparaissent tôt dans la vie de l’enfant. Ils
sont repérés comme traumatisants lorsqu’ils comportent une perte, un éloignement
ou un décès de l’un des parents, en particulier de la mère. S’il n’y a pas de personne
de substitution, ils aboutissent à une vulnérabilité qui se manifeste surtout chez
l’adulte par des états dépressifs lors de situations de stress (rupture sentimentale,
licenciement…)
 les événements récents. Ils peuvent précipiter la survenue d’un trouble
psychosomatique.
Les facteurs de personnalité
La personnalité de type A est repérée comme déterminant la vulnérabilité dans la
pathologie coronarienne. Elle est caractérisée par :
 la célérité dans l’action
 la compétitivité
 l’investissement professionnel majeur
 la modestie de la demande d’aide
 une agressivité éventuellement contenue
Ce profil de personnalité est caractérisé par une hyper-réactivité au stress. Il
détermine la survenue de pathologies somatiques et de pathologies psychosomatiques.
La notion de locus de contrôle
Il distingue une attribution de la causalité des événements internes ou externes.
Le lieu de contrôle est dit interne lorsque le sujet pense être à l’origine de toutes les
situations.
Le lieu de contrôle est dit externe lorsque le sujet attribue aux situations qu’il vit une
cause externe qu’il ne maîtrise pas.
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Un sujet dont le lieu de contrôle est fréquemment interne est davantage vulnérable
dans les situations de stress et vis à vis des maladies psychosomatiques. Il pense qu’il ne
peut contrôler les situations. La vulnérabilité est d’autant plus importante qu’il existe
une contradiction entre les personnalités et les lieux de contrôle.
La notion de coping ou d’adaptabilité
Le coping est la capacité à faire face. Il est lié à l’évaluation subjective du sujet, à la
fois de la situation et de ses compétences pour pouvoir l’aménager. Le sujet affronte la
situation sachant qu’il peut la surmonter. Le fait de ne pas l’affronter ou de demander
une aide de l’entourage apparaît aussi comme un mode d’adaptation.
Exemples cliniques de troubles psychosomatiques
Les troubles psychosomatiques sont étudiés dans chaque spécialité médicale. De
nombreuses pathologies apparaissent comme liées aux frustrations, aux traumatismes
et aux conflits. Les pathologies les plus souvent impliquées sont : les asthmes en
pneumologie, les eczémas en dermatologie, les colopathies en gastroentérologie,
l’aggravation des coronaropathies en cardiologie, les céphalées en neurologie, les
coliques idiopathiques en pédiatrie. Chaque patient souffrant de trouble
psychosomatique nécessite un abord particulier pour inscrire sa pathologie dans sa
propre histoire, déterminer les principaux mécanismes et les facteurs déclenchants afin
de proposer les indications thérapeutiques appropriées.
Le stress
Le stress est, selon les auteurs, considéré comme faisant ou non partie des troubles
psychosomatiques. Le concept de stress précise que le sujet est en équilibre avec son
milieu, selon des capacités d’adaptation variables en fonction des individus. La réaction
de stress est la réponse à une sollicitation de l’environnement. Le stress normal ne
dépasse pas les possibilités adaptatives du sujet. Il représente un apprentissage
positif. Le stress pathologique correspond à une rupture d’équilibre entre le sujet et
son milieu. Il aboutit à une désadaptation.
Trois phases de stress sont observées : la phase d’alerte, la phase de lutte et la phase
d’épuisement.
1 - La phase d’alerte : le système sympathique et médullo-surrénalien sont activés. Il
s’agit d’une réponse physiologique immédiate et brève marquée par la libération des
catécholamines :
 adrénaline par le système sympathique
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 noradrénaline par la médullo-surénale
Le rôle des catécholamines est d’anticiper l’effort avec augmentation de la fréquence
cardiaque et de la tension artérielle.
2 - La phase de lutte : le système hypothalamo-hypophyso-cortico-surrénalien. Il prend
le relais de la réponse précédente. Sa durée est d’environ deux heures. Le système a
une double fonction :
 la néoglycogénèse productrice d’énergie
 le contrôle de la réaction excessive, pathogène des autres systèmes
3 - La phase d’épuisement : lorsque l’adaptation dépasse les possibilités du sujet et que
la réaction de stress se prolonge, apparaîssent :
 un épuisement des surrénales
 une atrophie du thymus
 d’autres pathologies possibles comme les ulcères de stress.
Clinique du stress
La



phase d’alerte est dominée par l’hypervigilance :
stimulation des processus intellectuels
stimulation des processus biologiques
activation du comportement, notamment l’anticipation de l’action et l’élaboration
d’une stratégie de réponse
La phase de lutte
Elle correspond à l’adaptation de la stratégie de réponse avec élaboration de nouvelles
stratégies adaptatives pour recouvrer un nouvel équilibre avec l’environnement.
La phase de rupture
Elle correspond à une phase de désorganisation avec désadaptation du sujet à son
milieu. Les capacités adaptatives sont débordées, tant dans les registres physiques,
psychiques et comportementaux.
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Les troubles somatoformes au sens de la classification américaine
du DSM-IV
Les troubles somatoformes ne sont pas à proprement parler des troubles
psychosomatiques. Ils sont cependant caractérisés par la coexistence de manifestations
physiques et de symptômes psychologiques.
Trouble somatisation
Le trouble somatisation correspond à une reformulation en termes de critères
diagnostiques d’une entité classique de la psychiatrie : la conversion hystérique. La
définition du DSM propose un tableau clinique coupé de toute étiologie inconsciente. La
définition psychanalytique classique de la conversion hystérique rattache ce symptôme à
un conflit inconscient. Les critères du trouble somatisation sont les suivants :
 Des symptômes douloureux touchant au moins quatre locations ou fonctions du corps
(par exemple la tête, le dos, les articulations, les extrémités, la poitrine, le rectum,
les règles, les rapports sexuels, la miction).
 Des symptômes gastro-intestinaux autres que des douleurs (par exemple
ballonnements, vomissements en dehors de la grossesse, diarrhée ou intolérance à
plusieurs aliments différents).
 Des symptômes sexuels (par exemple, désintérêt sexuel, anomalie de l’érection ou de
l’éjaculation, règles irrégulières, règles excessives, vomissements tout au long de la
grossesse).
 Des symptômes pseudo-neurologiques (par exemple trouble de la coordination ou de
l'équilibre, paralysie ou faiblesse musculaire localisée, difficultés de déglutition ou
boule dans la gorge, aphonie, rétention urinaire, perte de la sensibilité tactile ou
douloureuse, diplopie, cécité, surdité ou crises pseudoépileptiques).
Le trouble conversion
Le DSM limite la notion de conversion
 aux déficits moteurs (par exemple trouble de la coordination ou de l’équilibre,
paralysie ou faiblesse musculaire),
 aux déficits sensitifs ou sensoriels (par exemple perte de sensibilité tactile,
diplopie ou cécité),
 aux crises d’allure épileptique ou convulsions
L’hypocondrie
L’hypocondrie ne se rapporte que de manière indirecte aux troubles
psychosomatiques. Elle représente, là encore, une situation où s’associent des
manifestations physiques et psychiques. L’hypocondrie se définit par la préoccupation
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centrée sur la crainte ou l’idée d’être atteint d’une maladie grave fondée sur
l’interprétation erronée par le sujet de symptômes physiques. Cette préoccupation
persiste malgré un bilan médical approprié et rassurant. La plupart du temps,
l’hypocondriaque reconnaît que sa préoccupation est excessive ou déraisonnable. Elle n’a
pas la tonalité d’un délire.
Conclusion
Les troubles psychosomatiques classiques sont des affections somatiques dont le
déterminisme est principalement en rapport avec des troubles psychologiques.
Parallèlement aux manifestations psychosomatiques classiques, existent de nombreuses
entités « frontières » entre les phénomènes somatiques et psychiques.
En pratique, l’approche thérapeutique devra exclure une étiologie somatique : pour les
allergies cela les exclut de fait et prendre en charge la dimension psychopathologique
par une psychothérapie. La recherche d’une dépression, d’un trouble anxieux ou d’une
conduite de dépendance à l’alcool fera elle aussi partie de l’évaluation psychiatrique de
ces troubles.
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