REVUE D'ÉCONOMIE FINANCIÈRE
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financière vers l’économie réelle. Mais, une politique monétaire
suffisamment réactive, soutenant si nécessaire la demande adressée
aux entreprises, peut souvent permettre de stériliser ex post l’impact
potentiellement récessif d’un ajustement boursier. Il faut également
tenir compte de l’existence d’instruments de couverture (marchés à
terme, options) qui permettent aux agents concernés de se protéger
contre la variabilité des taux d’intérêt et des taux de change. Au
total, beaucoup d’auteurs relativisent les conséquences négatives de la
volatilité des principaux prix financiers. Sur le marché des changes,
comme sur ceux des actions et des taux d’intérêt, seuls les mouvements
de très grande ampleur auraient finalement un coût significatif.
Cette sérénité ou résignation face à la volatilité des marchés nous
semble cependant refléter une grave erreur de perspective, que l’on
pourrait qualifier « d’illusion macroéconomique ». En effet, elle repose
implicitement sur l’idée selon laquelle le coût de cette volatilité
est faible tant que les grandeurs macroéconomiques, croissance ou
inflation, sont peu affectées. C’est pourtant oublier tous les coûts
microéconomiques diffus, mais au total probablement considérables,
engendrés par cette volatilité. Il faudrait en premier lieu évaluer les
dépenses, y compris en moyens humains hautement qualifiés, enga-
gées par les entreprises pour se protéger. De façon moins évidente,
dans les pays où le système de retraite repose pour une large part
sur des mécanismes de capitalisation, il faudrait également estimer le
coût pour les ménages de l’incertitude très importante qui pèse sur la
valeur future de leur patrimoine. Cette incertitude peut, notamment,
les inciter à réduire structurellement leur consommation et à augmen-
ter leur épargne pour être en mesure de faire face à des configurations
très négatives sur le marché des actions. Enfin, il faut être conscient
du fait que la stabilité macroéconomique apportée par une politique
monétaire réactive ne permet pas toujours d’éviter en arrière-plan
une forte et coûteuse instabilité au niveau plus fin des secteurs et des
entreprises. Prenons le cas de la zone euro aujourd’hui : la force de la
devise européenne pénalise fortement de nombreuses entreprises
confrontées à la concurrence de la zone dollar. Une baisse des taux
d’intérêt de la Banque centrale européenne est souvent recommandée,
non seulement pour freiner la baisse du dollar, mais aussi pour
soutenir l’économie et limiter l’impact de la forte hausse de l’euro sur
l’activité prise globalement. Mais dans ce domaine, il ne peut y avoir
de miracle : les secteurs qui bénéficieraient le plus d’une baisse des
taux, notamment le bâtiment, ne sont pas ceux qui souffrent directe-
ment de la baisse du dollar. Dans un contexte d’instabilité financière,
un taux de croissance macroéconomique apparemment raisonnable
cache parfois une croissance très déséquilibrée selon les secteurs