Annexe Page 5 Révision du 21/10/2016
3. Les théorèmes d’incomplétude.
En arithmétique, la difficulté de comprendre le vrai va se situer, comme
nous l’avons esquissé dans sp-1, au niveau des propositions gödéliennes.
En
premier ordre, vrai et démontrable sont encore équivalents pour les formules
indéfinies « existentielles » (
p, A(n, p)) : pour en démontrer une, si elle est
vraie, il suffit de remonter la succession des entiers pour trouver le premier p
satisfaisant à la formule. Ce point va être utilisé dans les raisonnements subtils,
analysant les liens complexes entre vrai, démontrable et consistant, qui
aboutissent à la formule de Gödel. Partons du théorème de Church : la formule
existentielle (
x T[a, a, x]) est indécidable par les méthodes récursives. Dans
PA1, il correspond biunivoquement à cette « formule informelle », une formule
codée Ca. Si la formule existentielle «
x T(a, a, x) » est vraie, elle est
démontrable, donc Ca est elle aussi démontrable. On définit ensuite une
machine de Turing, indexée par p, trouvant (quand elle existe) une
démonstration de
Ca (ainsi
x T(p, a, x) équivaut à dire :
Ca est prouvable
dans l’arithmétique). A partir de là, une analyse implacable se porte sur
Cp (la
proposition de Gödel). La clé en est l’étude de la proposition « positive »
x
T(p, p, x) : on montre successivement qu’elle entraîne son contraire, donc – si
PA1 est cohérent – qu’elle est fausse, donc que son contraire est vrai, donc que
Cp, qui en dérive, est vrai. Enfin le sens de
Cp est qu’elle n’est pas
démontrable (on voit l’analogie avec le paradoxe du menteur, mais les
imprécisions du langage courant ont disparu dans la formulation
mathématique). Bien entendu, toujours par la cohérence, Cp n’est pas non plus
démontrable. Ainsi,
Cp n’est, ni réfutable, ni démontrable. PA1 n’est pas
complet.
La contradiction apparente, entre affirmer la vérité d’une proposition et
affirmer l’impossibilité de la démontrer, se lève quand on remarque que l’on
supposait la consistance de l’arithmétique. C’est aussi par là que l’on obtient le
deuxième théorème de Gödel : PA1 ne peut pas démontrer sa propre consistance,
sauf s’il est inconsistant.
La formule de Gödel, dépendant d’un codage, est artificielle et, par une
sorte d’imprédicativité, dit encore quelque chose sur elle-même ! Les
spécialistes ont donc élaboré des formules, vraies et non prouvables, de plus en
plus naturelles (donc de plus en plus inquiétantes), pour la remplacer.
En deuxième ordre, beaucoup de théories sont catégoriques ; le
tiers exclu, appliqué à leur unique modèle, exige que toute proposition y soit
Nous ne pouvons pas ici échapper à un exposé assez technique, qui suit l’excellent traité de S. Kleene,
toujours actuel. La présentation part des machines de Turing ; elle équivaut à celle de Gödel, mais est plus
simple. Rappelons que la formule T(i, a, x) signifie : i est l’index d’une machine de Turing qui,
appliquée à l’argument a, terminera à l’instant x le calcul d’une valeur « φi(a) ».
Nous introduirons aussi quelques définitions essentielles. Un ensemble d’entiers est récursif, si sa fonction
caractéristique est totale, récursivement énumérable si sa fonction caractéristique est partielle. Le
récursivement énumérable correspond aux formules existentielles. On peut montrer, de l’ensemble ( x T[a,
a, x]), typique des ensembles créatifs), qu’il est récursivement énumérable, mais non récursif. La
démonstration suppose qu’il existe un programme pour en décider, et montre, par des arguments diagonaux,
l’endroit où ce programme défaille. La thèse de Church assimile calculabilité « intuitive » à la notion
précise de fonction récursive.