Les troubles des conduites alimentaires DOSSIER 1 Classification des TCA Allons-nous vers le DSM-V ? n Les troubles des conduites alimentaires n’ont pas les mêmes définitions pour les somaticiens et les psychiatres. Quelles méthodes privilégier ? Faut-il repenser la classification ? P our définir les troubles des conduites alimentaires (TCA), les psychiatres élaborent des critères diagnostiques sur des arguments statistiques. C’est-à-dire qu’un panel d’experts analysant la sémiologie clinique de patients dont le diagnostic est fait (par exemple anorexie mentale) classent les signes et symptômes en fonction de la fréquence avec lesquels ils sont observés. Ce n’est pas la même approche que la nôtre qui est plutôt physiopathologique : à partir de ce que nous comprenons de la maladie, nous associons des signes comme évocateurs voire pathognomoniques de la maladie. Parfois la définition de la maladie se fait à partir d’une définition biologique. Ainsi le diabète est défini à partir d’une glycémie, et d’un seuil à partir duquel les complications deviennent très probables. La classification DSM-IVR Pour les TCA, le collège des psychiatres américains a proposé en 1993 la classification DSM-IVR. Celle-ci reconnaît deux formes principales de TCA. • Le tableau 1 rapporte la définition de l’anorexie mentale (notons qu’il y a peu de référence à une valeur * Unité de nutrition, CHU de Toulouse 338 Pr Patrick Ritz* Tableau 1 – ANOREXIA NERVOSA : définition du DSM-IV, 1993 (Diagnostic and Statistical Manual). A. Refus de maintenir un poids égal ou supérieur au poids minimum compte tenu de l’âge et de la taille. B. Peur intense de prendre du poids ou de devenir gros, même avec un poids anormalement bas. C. La forme et le poids du corps sont perçus de façon anormale, le jugement porté sur soi-même est indûment influencé par la forme et le poids du corps, ou il existe un déni des conséquences du bas poids corporel. D. Chez les femmes pubères, aménorrhée, c’est-à-dire absence de règles durant au moins 3 cycles consécutifs. • Type restrictif : pendant l’épisode actuel d’anorexie mentale, le sujet n’a pas, de manière régulière, présenté de crises de boulimie ni recouru aux vomissements provoqués ou à la prise de purgatifs (c’est-à-dire laxatifs, diurétiques, lavements). • Type avec vomissements ou prise de purgatifs : pendant l’épisode actuel d’anorexie mentale, le sujet a présenté des crises de boulimie et/ou recouru aux vomissements provoqués ou à la prise de purgatifs (c’est-à-dire laxatifs, diurétiques, lavements). chiffrée du poids, et à la façon de s’alimenter). • Le tableau 2 rapporte la définition de la boulimie nerveuse. • Les autres troubles font partie de EDNOS (Eating Disorders Not Overwise Specified, ou TCA atypiques). C’est le cas des compulsions ou crises boulimiques. La définition est plus complexe, mais surtout se caractérise par le fait que le patient n’a pas recours à des comportements de purge (vomissements, diurétiques, exercice physique, jeûne). Dans les autres TCA atypiques, par exemple anorexie mentale ou boulimie nerveuse pour lesquelles il manquerait un signe à la définition, que se passe-t-il ? C’est un des enjeux du DSM-V dont nous devrions voir la sortie en 2012. Une classification plus fine A cet égard, une méta-analyse très intéressante a été réalisée. Elle a consisté à recueillir toutes les études sur les TCA qui analysaient si le retrait d’un des signes cliniques modifiaient le profil des patientes dans trois dimensions : • la présentation du TCA lui-même, • la psychopathologie associée, • les conséquences somatiques (par exemple sur les carences, la densité osseuse…). Diabète & Obésité • Novembre 2011 • vol. 6 • numéro 53 Anorexie mentale Le plus démonstratif est pour l’anorexie mentale où l’analyse porte sur 84 études. Le retrait du signe aménorrhée ne change pas ces 3 dimensions. Il en est de même si on retire deux signes sur 4, sauf si cela concerne la peur de grossir, auquel cas la présentation clinique du TCA diffère (1). Finalement, cela suggère qu’il y a une continuité entre les anorexies atypiques et les formes typiques et que l’aménorrhée ne peut être retenue comme un signe diagnostique (que ferait-on d’une jeune femme à qui on donnerait un œstro-progestatif à visée de protection osseuse ?) mais comme un signe d’alerte. Boulimie Ce n’est pas la même chose pour la boulimie, où le retrait des signes cliniques conduit à des présentations différentes dans les trois dimensions (conduites alimentaires, psycho-pathologies et conséquences somatiques). Tout se passe alors comme s’il n’y avait pas de continuité entre les TCA atypiques et la boulimie, et que la boulimie nerveuse était vraiment une pathologie à part. Tableau 2 - BULIMIA NERVOSA : définition du DSM-IV, 1993 (Diagnostic and Stastical Manual). A. Episodes récurrents d’hyperphagie incontrôlée. 1. Prises alimentaires, dans un temps court inférieur à 2 heures, d’une quantité de nourriture largement supérieure à celle que la plupart des personnes mangeraient dans le même temps et dans les mêmes circonstances. 2. Une impression de ne pas avoir le contrôle des quantités ingérées ou la possibilité de s’arrêter. B. Le sujet met en œuvre des comportements compensatoires visant à éviter la prise de poids (vomissements provoqués, prises de laxatifs ou de diurétiques, jeûnes, exercice excessif ). C. Les épisodes d’hyperphagie incontrôlée et les comportements compensatoires pour prévenir une prise de poids ont eu lieu en moyenne 2 fois par semaine durant au moins 3 mois. D. Le jugement porté sur soi-même est indûment influencé par la forme et le poids du corps. E. Le trouble ne survient pas au cours d’une anorexie mentale. Conclusion Il est donc probable que nous allons voir des définitions évoluées dans DSM-V (pour l’anorexie et pas pour la boulimie), avec sans doute les crises compulsives comme des TCA typiques (tant ils sont fréquents). Cela va nous demander un effort pour bien caractériser la sémiologie des patients mais cela paraît fondamental tant ces TCA interfèrent (et de façon souvent cachée) dans l’équilibre DOSSIER Les troubles des conduites alimentaires glycémique et dans la régulation du poids. n Bibliographie 1. Thomas JJ, Vartanian LR, Brownell KD. The Relationship between eating disorder not otherwise specified (EDNOS) and officially recognized eating disorders: méta-analysis and implications for DSM. Psychol Bull 2009 ; 135 : 407-33. Mots-clés : Troubles des conduites alimentaires, Classification, DSM, Boulimie, Anorexie Bulletin d’abonnement à Diabète & Obésité • Déductible de vos frais professionnels dans son intégralité • Pris en charge par le budget formation continue des salariés A nous retourner accompagné de votre règlement à : Expressions Santé 2, rue de la Roquette – Passage du Cheval Blanc, Cour de Mai - 75011 Paris Tél. : 01 49 29 29 29 - Fax. : 01 49 29 29 19 - E-mail : [email protected] 4 Je m’abonne pour 10 numéros q Abonnement 65 E TTC (au lieu de 80 E prix au numéro) q Institutions 70 E TTC q Etudiants 40 E TTC (joindre photocopie de la carte d’étudiant) Diabète 53 Frais de port (étranger et DOM TOM) q + 13 E par avion pour les DOM-TOM et l’UE q + 23 E par avion pour l’étranger autre que l’UE Diabète & Obésité • Novembre 2011 • vol. 6 • numéro 53 http://www.diabeteetobesite.org/ q Pr q Dr q M. q Mme q Mlle Nom : . .................................................................................................................... Prénom : . .............................................................................................................. Adresse d’expédition : ..................................................................................... .................................................................................................................................. Code postal : . ......................... Ville : ............................................................... Tél. : _ _ . _ _ . _ _ . _ _ . _ _ ; Fax : _ _ . _ _ . _ _ . _ _ . _ _ Mail : ...................................................................................................................... Règlement q Chèque à l’ordre d’Expressions Santé q Carte bancaire N° : Expire le :Cryptogramme : *(bloc de 3 chiffre au dos de votre carte) Signature obligatoire e 339