Éditorial Troubles des conduites alimentaires : les pistes de progrès existent Eating disorders: new advances P. Courtet* L © La Lettre du Psychiatre • Vol. VII - n° 4 juillet-août 2011. * Département d’urgence et de posturgence psychiatrique, hôpital Lapeyronie, CHRU de Montpellier. 304 es troubles des conduites alimentaires (TCA) occupent une place bien particulière au sein des troubles psychiatriques. Ces manifestations cliniques polymorphes s’installent insidieusement après un “régime banal de l’adolescente” et finissent par devenir des problèmes sérieux pour les nutritionnistes. Quelle frontière avec le comportement alimentaire normal des jeunes filles ? Quelle définition pour ces entités, “anorexie” et “boulimie” ? Quelle validité à ces nouvelles descriptions syndromiques, hyperphagie boulimique, trouble alimentaire nocturne ? Quelles hypothèses étiologiques ? Et, finalement, comment soigner ? Autant de défis qui pourraient en dissuader plus d’un ! Espérons que les éclaircissements apportés par nos experts sur des aspects très actuels des TCA offriront un peu d’espoir aux cliniciens et que ces derniers se sentiront plus armés pour aider au mieux ces jeunes patientes. Touchant surtout les jeunes filles, à une période cruciale du développement, les TCA sont susceptibles de bouleverser considérablement leur vie future. Sur un plan strictement médical, gardons à l’esprit leur pronostic effroyable en termes de mortalité. L’anorexie mentale est le trouble psychiatrique associé au risque de mort par suicide le plus élevé ! Les familles sont bouleversées, culpabilisées et souvent désemparées. Quelle que soit la représentation que l’on se fait du trouble, s’occuper de la famille est une démarche absolument capitale. Le pronostic des TCA est largement influencé par la précocité du diagnostic et de la prise en charge. Pourtant, le diagnostic est porté trop tard, après de nombreuses années de lutte dans la solitude, mais le déni ou l’égosyntonie ne constituent pas la seule explication. Il nous faut améliorer le dépistage et la reconnaissance des troubles par les médecins, notamment les généralistes. Or, le flou des contours des entités syndromiques couramment reconnues est un obstacle majeur. Ainsi, la majorité des TCA ne répondent pas aux critères d’anorexie ou de boulimie mais à ceux des troubles “atypiques”, et les diagnostics ne sont pas stables dans le temps puisque les patientes passent souvent de l’un à l’autre, pour peu que notre durée d’observation soit longue. La mise à disposition d’outils validés et simples d’utilisation pourrait fournir une aide majeure aux professionnels de première ligne qui rencontrent ces jeunes filles préoccupées par leur poids et par leur silhouette, dont seule une petite minorité développera le trouble. Une fois le diagnostic posé, l’organisation des soins représente un autre défi de grande ampleur. Il faut reconnaître que nous disposons de peu de stratégies thérapeutiques ayant clairement démontré leur efficacité. Il est concevable que les difficultés inhérentes au diagnostic n’y soient pas étrangères. La récente mise à la disposition des cliniciens de recommandations est un apport notable, qui doit leur éviter de sombrer dans le désespoir et le nihilisme thérapeutique. Avonsnous le droit d’espérer que les progrès de la science se traduisent un jour par des solutions pour les cliniciens ? En principe, oui ! En outre, la réalité va dans ce sens. Les travaux sur l’exploration des perturbations cognitives et émotionnelles et sur le fonctionnement du cerveau commencent à identifier des anomalies caractéristiques des différents TCA : cela ouvre des pistes thérapeutiques innovantes. Ainsi, remédiation cognitive et stimulation cérébrale sont maintenant à l’étude. ■ Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XV - nos 9-10 - novembre-décembre 2011