Anorexie et boulimie sur le Web
Les troubles du comportement alimentaires (TCA) sont présents sur les réseaux
sociaux. Avec parfois un luxe de détails et de provocations. A tel point que certains
redoutent que le web fasse la propagande de l’anorexie ou de la boulimie… Inquiétude
sans doute exagérée, révèle une enquête* sur les sites dédiés aux TCA et à leurs
utilisateurs. Les relations en ligne peuvent être un vecteur de sociabilité, de solidarité
entre ceux qui sont concernés. Et il revient aussi aux acteurs de la santé de faire un
bon usage de la Toile, pour améliorer l’écoute, l’information, voire la prise en charge
de ceux qui ont des problèmes avec l’alimentation.
Dans le jargon d’Internet, « ana » désigne l’anorexie et « mia » la boulimie mentale. Des
sites web, conçus et gérés par des internautes, se sont mis à libérer la parole sur ces
troubles du comportement alimentaire. Avec des textes, des photos, des échanges. Des
descriptions de crises, de vomissements, des images de corps filiformes. Certains sites
laissent passer un ton provocateur, qui revient à assimiler des dérives réelles, souvent
dangereuses, à un choix de mode de vie. On en est venu à parler de « pro-ana » ou de
« pro-mia »…
Risque d’enfermement dans la maladie ? De prosélytisme ? Une certaine inquiétude s’est
fait jour. D’autant plus que nombre de contenus sont souvent cachés, pour échapper à la
censure. L’enquête ANAMIA, après analyse en profondeur des réseaux sociaux, livre des
données plutôt rassurantes.
Elle fournit d’abord une idée des pratiques alimentaires des participants à ces réseaux.
L’anorexie n’est pas majoritaire, puisqu’elle représente moins de 20 % des utilisateurs des
sites. La boulimie, présente surtout en France, compte pour 28 %. Ce sont les troubles
mixtes qui apparaissent les plus importants (45 %).
Des sites qui recréent un partage autour de l’alimentation
Surtout, la plupart des sites disent ne pas prôner l’anorexie ni quelque autre trouble du
comportement alimentaire. Ceux qui les fréquentent ne sont pas des individus socialement
isolés qui cherchent à combler un manque. Ils recréent une sorte de partage autour de
l’alimentation. Les relations en ligne établissent une forme de sociabilité entre les personnes
atteintes de TCA. Elles représentent un substitut au plaisir et au partage alimentaires qui ont
été abandonnés. Elles s’inscrivent aussi dans les réseaux de solidarité que les utilisateurs
construisent pour le soutien et l’entraide. Et viennent apporter un plus par rapport à l’offre de
soins.
Une offre de soins qui, d’ailleurs, est loin d’être refusée par les utilisateurs des sites
«anamia». Plus de la moitié de ceux qui présentent un TCA sont suivis médicalement, le
plus souvent par plusieurs professionnels : médecin généraliste, psychiatre, nutritionniste…
et pendant des périodes plutôt longues, de l’ordre de 3 à 4 ans. Ce qui n’empêche que l’offre
de soins soit jugée globalement insuffisante.
Les sites anamia peuvent être une source de soutien pour leurs utilisateurs. Ils offrent à la
fois une information, une empathie, une aide concrète et un accompagnement qu’ils ne
trouvent pas forcément ailleurs. Dans un milieu réceptif et qui n’est pas moralisateur. Le tout
le plus souvent avec une idéologie plutôt modérée. Ni « pro-ana » et incitative. Ni menaçante
et pro-guérison à outrance. Attitude ouverte qui a beaucoup plus de chances d’être
bénéfique.
Un moyen d’entretenir le lien avec les patients
Pour les professionnels de santé, ce serait plutôt une occasion d’utiliser les liens sociaux
tissés sur la Toile. Avec tact, discernement, et en respectant la confidentialité, il y a la
possibilid’instaurer une forme complémentaire de suivi et d’information médicale. Voire de
restaurer une certaine sociabilité alimentaire.
Pour les auteurs de l’enquête, la censure de ces sites sur les TCA est en tout cas inutile. Elle
est inefficace : entre 2010 et 2012, le nombre de sites répertoriés en France est resté stable,
malgré les menaces répétées de fermeture. Pire, elle est nuisible, car elle incite à se cacher
et crée l’enfermement. Ce qui empêche toute tentative des professionnels de santé et des
campagnes d’information de joindre et d’atteindre les publics concernés… (Nutrinews
hebdo)
*Casilli AA, Mounier L, Pailler F, Tubaro P (2013). Les jeunes et le web des troubles
alimentaires : dépasser la notion de « pro-ana ». Rapport du projet de recherche ANR ANAMIA
« La sociabilité Ana-mia : une approche des troubles alimentaires par les réseaux sociaux en
ligne et hors-ligne ».
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