POLOGNE

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S O C I E T E DES N A T I O N S
CONFÉRENCE EUROPÉENNE
*f
DE LA VI E RURALE
POLOGNE
N ° officiel : C. 3 5 9 . M. 2 7 2 . 1939.
Conf. E. V . R. 30.
Genève, janvier 1940.
SOCIÉTÉ DES NATIONS
CONFÉRENCE EUROPÉENNE
DE LA VIE RURALE
M onographies nationales
établies p ar les Gouvernements
POLOGNE
S érie d e
P u b lic a ti o n s d e
la S o c ié té d e s
CONFÉRENCE EUROPÉENNE
DE LA VIE RURALE
N ations
« q
4*0
N° Q. O. 30
[Photo-Plat, Varsovie,
Bétail polonais de race rousse.
[L’illustration de la couverture représente un m ontagnard des Tatras (Photo-Plat, Varsovie).]
TABLE DES MATIÈRES
Pages
5
I n t r o d u c t i o n ............................................................................................................
I. S it u a t io n
II. L
III.
IV.
a
d é m o g r a p h iq u e
structure
a g r a ir e
et
.....................................................................
les
efforts
tentés
8
pour
L ’A M É L I O R E R ................................................................................................
12
L ’i n d u s t r i e a g r i c o l e e t l e p r o b l è m e d e l ’é c o u l e ­
m e n t D E S P R O D U IT S A G R I C O L E S .........................................................
21
C o o p é r a t i o n a g r i c o l e ..........................................................................
24
t.
Les sociétés coopératives de c r é d i t .......................
2. Les sociétés coopératives agricoles et commerciales
3. Les sociétés coopératives de fabrication...................
26
26
28
V.
L e C r é d i t ...................................................................................
30
VI.
L ’E n s e i g n e m e n t g é n é r a l e t p r o f e s s i o n n e l ....................
31
VII. L ’A r t
VIII.
paysan
et
le fo lk lo re
.....................................
L ’O r g a n i s a t i o n d e s l o i s i r s d e l a p o p u l a t i o n r u r a l e
34
.
36
IX.
L e s p r o b l è m e s d ’h y g i è n e r u r a l e ...............................................
39
X.
L ' A l i m e n t a t i o n d e l a p o p u l a t i o n r u r a l e .........................
41
XI. Les
S e rv ic e s p u b lic s r u r a u x (te c h n iq u e s e t c u l t u ­
re ls )
...........................................................................................................
43-2 — S.d.N. 2.075 (F-) 1.440 (A.). 2/40. Imp. Réunies, Cbarabéry.
42
M O NO G RAPH IE D E LA P O L O G N E 1
INTRODUCTION
La Pologne est située entre 47°44' et 55051' de latitude
nord et i5°42' et 28°22' de longitude est. Son climat et son sol
sont, d’une manière générale, favorables au développement
de l’agriculture. Elle a une superficie de 389.734 k m 2, dont
18.557-000 hectares en terres arables, 6.480.000 hectares en
prairies et pâturages et 8.322.000 hectares en forêts, c’est-à-dire
en terres utilisées pour des fins agricoles. Le reste du territoire
est, en grande partie, constitué par des terres incultes, surtout
à l’est du pays et notamment dans la région des marécages de
Polésie.
La Pologne compte actuellement une population de plus
de 35 millions d'habitants, dont 60% tirent leurs ressources
de l'agriculture et se répartissent sur plus de 4 millions de
propriétés foncières dont la plupart n’ont qu'une faible superficie.
C’est donc le régime de la petite propriété paysanne qui domine
en Pologne. Il existe également des propriétés foncières plus
importantes ( folwarki), mais elles sont progressivement morce­
lées en exécution de la loi sur la réforme agraire. La plupart des
domaines qui subsistent sont cultivés de façon satisfaisante
ou exploités industriellement et sont gérés par les propriétaires
eux-mêmes. Les forêts sont presque toutes entre les mains de
l’Etat et des grands propriétaires fonciers, tandis que les terres
arables et les pâturages appartiennent surtout à de petits
propriétaires.
La nature du sol en Pologne varie très sensiblement, comme
le climat, mais les terres légères et sablonneuses prédominent.
C’est pourquoi, dans les cultures, le seigle occupe le premier
rang parmi les quatre céréales principales, de même que la pomme
de terre, parmi les plantes à tubercules. Le rendement, pour le
seigle, varie entre 13,4 quintaux par hectare dans l’ouest et
7,9 quintaux dans l’est, soit une moyenne de 11,2 quintaux
pour l’ensemble du pays. Les plantes à tubercules donnent de 135
1 Rédigée p a r le pro fe sse u r W ito ld S t a n i e w i c z , c e tte m o n o g ra p h ie e s t
p arvenue a u S e c r é t a r i a t de la S ociété d e s N a tio n s peu de te m p s a v a n t le d é chaîne­
m ent de la g u e rre g e rm a n o -p o lo n aise ( i er s e p te m b r e 1939).
Le le c te u r q u i s 'in té re ss e plu s s p é c ia le m e n t au c a d re de n a tu r e e t à l ’a tm o ­
sphère m orale où v i t le p a y s a n p o lonais les tr o u v e r a a d m ira b le m e n t re n d u s d a n s
le c h ef-d ’œ u v re d u ro m a n c ie r p o lo n ais L a d isla s R e y m o n t : Les P a ysa n s, q u a tr e
volum es : « L 'A u to m n e », « L ’H iv e r », « L e P r in te m p s », « L ’E té » (1902-1909).
C ette œ u v re , q u i v a l u t à son a u te u r le p rix N obel de lit t é r a t u r e en 1924, existe en
tra d u c tio n alle m a n d e , anglaise, espagnole, française, hongroise, jap o n a ise , russe,
suédoise, tc h è q u e , etc.
6
POLOGNE
quintaux dans l’ouest à 99 quintaux dans l’est, soit, en moyenne
121 quintaux par hectare pour toute la Pologne. Les plantes
fourragères sont également cultivées et, avec le foin récolté
dans les prairies naturelles, elles sont utilisées comme fourrage
pour le bétail, qui atteignait, en 1937, les chiffres suivants :
chevaux 3.890.000 ; bêtes à cornes 10.572.000 (dont 7.053.000
vaches) ; porcs 7.696.000 ; chèvres et moutons 3.994.000.
La production agricole polonaise non seulement suffit aux
besoins de la population urbaine et rurale, mais laisse encore
un excédent considérable pour l’exportation. D’après la balance
commerciale, en effet, près de la moitié des exportations polo­
naises consistent en produits agricoles et forestiers. Le RoyaumeUni est le principal destinataire des exportations agricoles de
la Pologne ; viennent ensuite l’Allemagne, la Belgique, la France,
le Danemark et d'autres pays européens. Au cours de ces dernières
années, les exportations de produits de viande à destination des
Etats-Unis d’Amérique ont également marqué un développement
considérable.
Comme il existe une industrie textile datant en grande partie
d’avant la guerre de 1914-1918, la Pologne est obligée d’importer
de grosses quantités de matières premières textiles, coton et
laine principalement. L’agriculture polonaise a donc été amenée
à rechercher le moyen d ’approvisionner elle-même l'industrie
nationale en ces matières premières. Elle s'efforce actuellement,
surtout dans l ’est, de donner plus d'extension à la culture du lin
et du chanvre, dont l'un des produits, le « kotonina », pourrait
remplacer le coton, et de développer également l’élevage des
moutons. Il convient de faire remarquer ici que, pendant la
guerre de 1914-1918 qui, à l'est, s’est déroulée principalement en
territoire polonais, les opérations militaires ont causé de sérieux
dommages à l’agriculture polonaise et lui ont fait subir d ’énormes
pertes. Toutefois, après la guerre, elle s’est relevée rapidement,
presque sans aide extérieure, et, au cours de la reprise économique,
sa production s’est considérablement accrue. La crise traversée
par l’agriculture dans le monde entier a ralenti ce mouvement
d’expansion, mais l’agriculture polonaise a pu surmonter ces
difficultés et, à l’heure actuelle, elle amplifie, lentement mais
régulièrement, sa production dans presque toutes les branches.
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7
[.Pholo-Plat, Varsovie.
Village polonais,
[Photo-Plat, Varsovie.
N ° Q. O . 3 2
Village modèle de Liskow.
8
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I. SITUATION DÉMOGRAPHIQUE
En 1800, la Pologne, dans ses limites actuelles, comptait
une population de 9.100.000 habitants. Le recensement effectué
après la guerre, en 1921, a accusé une population de 27.200.000
habitants. Dans l’espace de 120 années, la population polonaise
a donc pratiquem ent triplé, malgré les pertes subies pendant
la guerre de 1914-1918. L ’énorme expansion économique de
l’Europe au x ix e siècle a été malheureusement presque entiè­
rement perdue pour la Pologne. Les Puissances qui s’étaient
partagé son territoire, et, plus particulièrement, la Russie et
l’Autriche, ne se souciaient guère de favoriser, et ont parfois
même entravé, le développement économique du pays dont
elles s’étaient emparées. C’est pourquoi l’agriculture et l’industrie
n’ont guère progressé en Pologne. Peut-être la Pologne du
Congrès a-t-elle fait exception à cette règle, car elle offrait à
l’industrie des conditions favorables. Dans l’ancienne Pologne
prussienne, également, la politique du Gouvernement prussien
avait activé le développement de l’agriculture. Néanmoins,
même dans ces territoires, la vie économique n ’est pas arrivée
au niveau qu’elle aurait pu atteindre ; l’agriculture n’a marqué
aucun progrès dans la Pologne du Congrès et l’industrie est
restée stationnaire dans l’ancienne Pologne prussienne, sauf en
Silésie.
E tan t donné la lenteur de l’expansion économique en Pologne,
la population rapidement croissante a dû rester dans les villages.
Il en est résulté un surpeuplement qui n ’a pas été sans influence
sur la structure agraire du pays et qui a entraîné, notamment
en Galicie et dans la partie méridionale de la Pologne du Congrès
un morcellement excessif de la propriété paysanne. Ce morcel­
lement et, partant, l’appauvrissement des régions rurales se
seraient même intensifiés s’il ne s’était produit, à la fin du x ix e
siècle et au début du XXe, un vaste mouvement d’émigra­
tion des populations rurales polonaises à destination des autres
pays d’Europe et d’Amérique, où l ’immense expansion écono­
mique exigeait un apport de main-d’œuvre de plus en plus
considérable ta n t pour l ’industrie que pour l’agriculture.
Les émigrants polonais se dirigeaient surtout vers les terri­
toires des Puissances qui avaient démembré la Pologne. De
Posnanie et de Pomérélie, les travailleurs émigraient vers les
provinces de l’ouest de l’Allemagne fortement industrialisées ;
c’est ainsi qu’en Westphalie et en Rhénanie, il se forma, au cours
de cette période, d’importantes colonies d'émigrants polonais.
De Galicie, les Polonais émigraient dans la direction de Vienne
et des provinces industrielles de l’Autriche, notamment la Mora­
POLOGNE
9
vie. Enfin, la population de la Pologne russe se dirigeait vers
les grandes villes de l’est dont chacune, Moscou et Saint-Pétersbourg en tête, possédait une im portante colonie polonaise. Le
service militaire, que les Polonais devaient accomplir en Russie
et en Sibérie, ainsi qu’en Extrême-Orient, donna une forte
impulsion à ce mouvement, car, souvent, leur service achevé,
les anciens soldats s’établissaient définitivement dans ces régions
et y faisaient venir leur famille.
L’émigration à destination des pays d’outre-mer fut encore
plus im portante, surtout à destination des Etats-Unis. Les
émigrants se comptaient par dizaines de milliers chaque année.
Immédiatement avant la guerre de 1914-1918, leur chiffre avait
atteint 200.000. Enfin, à cette époque, un nombre énorme de
travailleurs agricoles de Galicie et de la Pologne du Congrès
— environ un demi-million — émigraient chaque année en
Allemagne pour effectuer des travaux saisonniers. On peut donc
affirmer que l’expansion de l'agriculture allemande au cours de
cette période a été due, dans une mesure considérable, à la maind’œuvre polonaise. L’émigration, dont la négligence des E tats
qui s’étaient partagé la Pologne avait fait malheureusement
une nécessité, avait ainsi atténué la crise économique que
traversait la Pologne avant la guerre de 1914-1918. Mais il est
évident que, s’il y avait eu alors un gouvernement polonais,
il aurait pu utiliser l’excédent de main-d’œuvre pour relever le
niveau économique du pays et, surtout, pour réorganiser l'in­
dustrie et urbaniser la Pologne, ce qui, à cette époque où les
échanges de personnes, de marchandises et de capitaux étaient
libres, n ’aurait pas constitué une tâche difficile.
Après 1918, le mouvement d’émigration fut presque entiè­
rement arrêté, notam m ent à destination des pays d’outre-mer
et des territoires des Puissances qui avaient procédé au partage
de la Pologne. L’émigration saisonnière vers l’Allemagne diminua,
elle aussi, très sensiblement, pour cesser tout à fait en 1938.
S’il est vrai que la main-d’œuvre polonaise a trouvé de nouveaux
débouchés en France, en Lettonie, dans l’Amérique du Sud et
en Palestine, ces débouchés sont à la fois limités et incertains,
de sorte que, depuis 1918, les neuf dixièmes des personnes
représentant l’augmentation naturelle de la population polonaise,
doivent rester dans le pays. Il en résulte pour la Pologne de
sérieuses difficultés économiques, comme on le verra ci-après.
En 1921, la population de la Pologne atteignait, d’après les
chiffres donnés ci-dessus, 27.200.000 habitants. Le recensement
suivant, effectué en 1931, a fait ressortir un chiffre de 32.200.000
et, à l’heure actuelle (1939), la Pologne compte environ 35 millions
d’habitants. Ainsi, en l’espace de vingt ans, l’augmentation
a été d’environ 8 millions, dont les neuf dixièmes sont restés
en Pologne et dont un dixième seulement a émigré. Il s’agit
surtout, en l’espèce, d’un accroissement de la population rurale
10
POLOGNE
dont une partie, en raison d ’un processus de migration intérieure
a quitté la campagne pour la ville. Toutefois, le rythm e n’a pas
été très rapide, étant donné les possibilités de développement
assez limitées de l’industrie et des villes (manque de matières
premières et de capitaux). Ainsi, au cours de la période comprise
entre 1921 et 1931, la proportion de la population rurale par
rapport au nombre total de personnes se livrant à une occupation
lucrative ou autre, qui était de 63,3%, est tombée seulement à
60,2%. La plus grande partie de l’excédent de la population
rurale a dû rester dans le pays, accentuant ainsi le surpeuplement
des campagnes où l’on compte actuellement un surplus de 2
à 3 millions d’individus qui pourraient, sans dommage pour
l’agriculture, être utilisés dans d’autres branches de la vie
économique.
Cette situation provoque évidemment de profonds chan­
gements dans le régime de propriété des terres, notamment
des terres paysannes, et détermine un morcellement excessif
des propriétés rurales, déjà très divisées. L’industrialisation
du pays est donc une question d’une importance capitale pour
l’économie polonaise. Il s’agirait de créer de nouveaux centres
d’activité pour l ’excédent de population rurale non agricole et
d’augmenter le pourcentage des habitants qui se livrent à l’indus­
trie et au commerce. On accroîtrait ainsi, sur le marché national,
le pouvoir d’achat en ce qui concerne les produits de l’agriculture
et du commerce et il en résulterait de nouvelles occasions de
travail pour la population des villages.
E ta n t donné l’abondance de main-d'œuvre peu coûteuse
et productive que possède la Pologne, le problème de l’indus­
trialisation se ramène, pour elle, à une question d’afflux de
capitaux et d ’accès aux matières premières, éléments qui lui
font défaut. Comme elle dispose d’un matériel de colonisation
de première classe, la Pologne recherche des territoires coloniaux
où elle pourrait trouver les matières premières indispensables
à son industrialisation.
L’idée d’une zone industrielle centrale que la Pologne a,
sans aucune aide, réalisée sur un plan très vaste est une tentative
concrète qui vise à résoudre ce problème dans la partie la plus
peuplée de la Pologne.
1
POLOGNE
N ° Q. O . 3 3
La campagne polonaise en été.
\Vh0l0'Plat, Varsovie.
12
POLOGNE
II.
LA STRUCTURE AGRAIRE ET
LES EFFORTS TENTÉS POUR L’AMÉLIORER
La structure agraire de la Pologne est la résultante de la
situation démographique que l'on vient d’exposer. Il existe un
nombre excessif (environ 4 millions) de petites exploitations
agricoles et, pour les propriétaires de 3.250.000 d’entre elles,
l’agriculture est le principal moyen d’existence. Les propriétés
d’une superficie ne dépassant pas cinq hectares représentent
les deux tiers environ du total. Un tiers à peine des autres
exploitations est constitué par des propriétés d’une superficie
de 5 à 15 hectares. Les exploitations de L5 à 50 hectares sont
relativement peu nombreuses en Pologne et celles de plus de
50 hectares correspondent tout au plus à % % du total. En
outre, si l’on se rappelle que les petits propriétaires, c’est-à-dire
ceux dont les terres ne dépassent pas 50 hectares, possèdent
76,3% de la totalité des terres utilisées pour l'agriculture
(surtout terres arables et prairies), soit plus de 19 millions
d'hectares, on se rend compte que la Pologne est un pays dans
lequel prédomine la petite propriété paysanne.
Il est vrai qu’il existe quelques grands domaines agricoles,
mais leur nombre diminue chaque année par suite du morcel­
lement volontaire ou obligatoire et, dans le cas des terres arables,
des prairies et des pâturages, ils ne sont que l’exception. C’est
à l’ouest que le régime agraire est le plus normal ; c’est au sud,
dans la Galicie centrale et occidentale et dans la partie méri­
dionale du Royaume du Congrès, qu’il est le moins satisfaisant.
Les provinces centrales et orientales se trouvent dans une
situation plus ou moins intermédiaire. Le morcellement excessif
de la propriété agricole en Pologne est encore attesté par le fait
que ce pays occupe le premier rang en Europe pour le nombre
de chevaux possédés par rapport à la superficie totale de l’ex­
ploitation. Lorsqu'on a voulu amener les petits propriétaires
à se servir de bœufs en vue des travaux agricoles, on s’est
heurté à d’insurmontables difficultés dues à l’effection du paysan
polonais pour son cheval et à son ambition d’en posséder un
en propre. Au cours de ces dernières années, on a pu constater
quelque progrès à cet égard, notamment en Galicie, où un nombre
de plus en plus considérable de petits propriétaires ne possèdent
pas de chevaux, mais empruntent les attelages de leurs voisins.
Malgré ces difficultés fondamentales et le manque de res­
sources financières, le Gouvernement et les organisations
agricoles privées s’efforcent, par tous les moyens, d’améliorer
le régime agraire ainsi que la situation des masses rurales. Il
convient de citer, en premier lieu, les mesures de réforme agraire
introduites progressivement en Pologne depuis un certain
PO LOGNE
13
nombre d’années et qui consistent à morceler, au profit des
chômeurs et des paysans sans terre, les domaines des grands
p r o p r i é t a i r e s lorsque leur superficie dépasse le maximum légal.
Les terres ainsi morcelées sont utilisées soit pour former de nou­
velles propriétés, soit pour compléter des propriétés déjà exis­
tantes.
L’une des caractéristiques de la réforme agraire, en Pologne,
est sa forme évolutive fondée sur la loi et, dans l’immense
majorité des cas, sur le consentement des parties intéressées.
En outre, les efforts déployés pour améliorer le régime agraire
tendent également à supprimer la dissémination des parcelles
(szachownica) qui caractérise la plupart des petites propriétés
polonaises et qui provient de la négligence avec laquelle les
Puissances qui ont procédé au partage de la Pologne ont réparti
les terres. Les mesures prises actuellement consistent à remembrer
les parcelles et, d’autre part, à donner à certaines propriétés
la superficie-type (ufelnorolnienie), à supprimer les servitudes,
à améliorer le sol et à diviser les terres et les pâturages
communs.
Ces opérations, qui ont lieu simultanément dans chaque
localité, visent à créer des exploitations saines, capables de se
suffire à elles-mêmes, de fournir de bonnes récoltes, d’occuper
entièrement le propriétaire et sa famille et de leur assurer un
revenu modeste. La suppression de l’incommode dissémination
des parcelles perm ettra également d’abolir le système obligatoire
de la rotation (przymus polowy) et son complément, la rotation
triennale avec jachère (trôjpolôwka z ugorem), en introduisant
des méthodes agricoles plus modernes et, notamment, en donnant
plus d’extension à la culture des plantes fourragères. On arrivera,
ainsi, à développer l’élevage et à procurer aux familles paysannes,
pendant toute l’année, un supplément de travail dans la ferme
même. On crée également des exploitations agricoles de colons
sur les terres assainies. A l’aide d’im portants crédits fournis par
l’Etat, tous ces efforts tendent à améliorer, dans une proportion
sensible, la situation des paysans polonais.
Je ne m ’étendrai pas plus longtemps sur la législation agraire
polonaise et je n’essayerai pas non plus d’expliquer les bases
financières sur lesquelles repose la réforme agraire en Pologne.
Je me bornerai à indiquer ses résultats, en chiffres, ainsi que les
possibilités qui s’offrent encore à la Pologne dans ce domaine.
A 1a date de 1939, 2.654.000 hectares de terres appartenant aux
grands propriétaires avaient été morcelés ; sur ce total, 1.432.000
hectares ont été attribués à 153.000 nouvelles propriétés indé­
pendantes, et 1.004.000 hectares ont été utilisés pour porter aux
dimensions-types 502.000 propriétés de trop faible étendue.
Le reste a servi à constituer des exploitations-modèles, des
colonies d’ouvriers et d’employés, ainsi qu’à diverses autres fins
14
POLOGNE
sociales. La superficie moyenne des propriétés constituées à la
suite de ce morcellement était de g hectares et demi. D ’autre
part, les parcelles employées pour porter des propriétés existantes
aux dimensions-types avaient une superficie d’environ deux
hectares. Le morcellement a ainsi permis de distribuer des terres
à plus de 6 0 0 . 0 0 0 paysans.
Une autre branche de la réforme agraire dans laquelle
d’énormes efforts ont été déployés, est le remembrement des
parcelles. A la date de 1939, la dissémination des parcelles avait
été abolie sur une superficie de 5.423.000 hectares, comprenant
8 5 9 . 0 0 0 propriétés. Malheureusement, ce n ’était là que la m o i t i é
de la tâche ; l'autre partie, qui est la plus difficile, reste encore
à accomplir. Il y a lieu d'espérer, toutefois, que les difficultés
seront surmontées et que le remembrement sera achevé au cours
des dix ou vingt années qui suivront. Avec une loi bien conçue
et strictement appliquée, des rouages administratifs et techniques
qui fonctionnent d'une façon satisfaisante et un financement
rationnel des opérations de remembrement grâce à des crédits
suffisants, il sera possible de procéder sans encombre à des
opérations agraires de grande envergure, donnant toute satis­
faction aux parties intéressées, dont le seul désir est de voir
s’accélérer le rythm e de cette réforme.
Enfin, la réglementation des servitudes, dans le cas de
280.000 propriétés paysannes ayant droit à ces avantages, a
assuré à celle-ci, outre un peu d’argent liquide, environ 600.000
hectares de terres en majeure partie défrichées. La liquidation
des servitudes est en cours d ’achèvement, et d’ici deux ans
elle sera entièrement terminée.
Des mesures sont prises pour partager ou réglementer les pâtu
rages communs, dont la plupart ont été négligés ou mal gérés. Il
en résultera également un surcroît considérable de terres qui
perm ettra de porter de petites propriétés aux dimensions-types
et, notamment en Galicie, de faciliter leur remembrement.
E n même temps, des pâturages de montagne, impropres à
d’autres usages, seront aménagés comme il convient et leur
utilisation par les copropriétaires sera réglementée.
En liaison avec la réforme agraire, des améliorations (boni­
fications) ont été réalisées jusqu’ici sur une superficie d’environ
500.000 hectares et, dans les parties orientales de la Pologne,
on a fait d ’environ 5.000 locataires à vie et détenteurs de baux
à long terme, des propriétaires en leur conférant un titre de pro­
priété sur plus de 40.000 hectares de terres dont ils avaient
l’usufruit.
Les indications qui précèdent donnent une image assez
imposante des efforts déployés par la Pologne dans l’application
de sa réforme agraire. Depuis la reconstitution de cet E tat,
plus de 3 millions d’hectares de terres ont été transférés à de
petits propriétaires et des propriétés couvrant plus de 5 millions
i
POLOGNE
H
Ui
[Photo-Plat, Varsovie.
Le hersage
i6
POLOGNE
d’hectares ont été complètement réorganisées à la suite d ’opé­
rations de remembrement.
Néanmoins, les besoins actuels des paysans et, plus encore,
leurs besoins futurs, sont hors de proportion avec les moyens
dont dispose aujourd’hui la Pologne. En premier lieu, intervient
la question de la réserve de terres destinées au morcellement,
réserve qui est déjà presque épuisée. Au I er juillet 1939, cette
réserve, telle qu’elle était définie par la législation alors en vigueur,
atteignait à peine 650.000 hectares. Le morcellement bénévole
des propriétés non visées par la loi augmentera sans doute
légèrement ce chiffre, mais cette réserve demeure insignifiante
par rapport à la demande actuelle de terres.
On pourrait évidemment donner un caractère encore plus
radical aux lois sur le morcellement en réduisant la dimension
maximum des parcelles, ce qui accroîtrait la superficie affectée
à la colonisation intérieure. Un tel procédé ne serait cependant
pas à recommander, pour des raisons de ravitaillement national,
si im portantes dans la crise présente. Tout compte fait, le mor­
cellement diminue pour un temps la production agricole et c’est
là une considération avec laquelle l’économie nationale doit
compter.
De plus, en morcelant de grands domaines soumis à une
exploitation intensive, on n’augmenterait pas la réserve de terres,
notamment de terres destinées à porter aux dimensions-types
les propriétés de trop faible superficie, car la majeure partie
des terres ainsi morcelées devrait être attribuée à des personnes
travaillant déjà dans les domaines en question. Il s’ensuivrait
un gaspillage considérable de capitaux pour l'aménagement des
nouvelles propriétés et, étant donné la pénurie de capitaux
dont souffre la Pologne, il serait impossible à bref délai d’assurer
aux nouveaux exploitants cet aménagement dans des proportions
suffisantes.
Enfin, les domaines non assujettis au morcellement sont,
dans la plupart des cas, très bien gérés, produisent des récoltes
de céréales sélectionnées, on y élève du bétail de race pure,
en sorte q u ’ils jouent un rôle im portant dans la diffusion des
connaissances agricoles, et c’est là un autre facteur dont il faut
tenir compte.
En dehors du fait que les terres à morceler sont insuffisantes,
les ressources disponibles pour financer plus largement l’œuvre
de reconstitution agricole sont, également, très limitées. Si les
opérations de remembrement se prolongent pendant des années
(et chaque année de retard dans leur mise à exécution entraîne
une perte sérieuse pour les paysans qui continuent de souffrir,
malgré eux, de la dissémination de leurs parcelles), cela est dû,
non pas à des difficultés d ’ordre technique, mais exclusivement
à la pénurie de ressources financières. La colonisation intérieure
exige, elle aussi, de très vastes moyens financiers, car les colons
POLOGNE
T7
sont extrêmement pauvres ; il faut leur fournir des maisons de
ferme toutes bâties, dotées, ne fût-ce que partiellement, en bétail
et en approvisionnement, et, en même temps, leur octroyer des
crédits pour leurs achats.
La pénurie de capitaux, en Pologne, entrave encore une autre
forme d’activité, qui est de première importance pour le relè­
vement du niveau de la vie rurale, à savoir l’amélioration du
sol. Sur les 25.950.000 hectares de terres agricoles, 18.000.000
d’hectares environ ont besoin d’être drainés ; ce travail a été
effectué à peine sur 2.000.000 d’hectares, de sorte qu’il en reste
encore 16.000.000 à drainer. Si l’on y ajoute plus de 2.000.000
d’hectares de terres actuellement en friche qui, une fois drainées
et labourées, pourraient être transformées en terres productives,
on peut se faire une idée de l’immensité de la tâche qui reste à
accomplir en Pologne en vue de l’amélioration de très nombreuses
exploitations, du développement de leur production de céréales
et de récoltes fourragères, et de la diminution des risques de la
culture.
En bref, de nouvelles perspectives s’offrent pour résoudre le
problème du bien-être de la population, surtout si l’on songe à
l'excédent de ressources en main-d’œuvre dont dispose la Pologne.
Ce qu’il faut, c’est uniquement un apport de capitaux, dont
l’absence se fait sentir dans tous les domaines de l’activité
nationale. Depuis quelques années, il n ’a été possible de disposer,
pour l’amélioration des terres, que de crédits très restreints.
A l’heure actuelle, l'agriculture doit venir au second rang, après
l’industrie, dans l’ordre des nécessités nationales, et cela plus
particulièrement pour des raisons de défense nationale.
C’est donc le manque de capitaux qui empêche non seulement
d’accélérer le morcellement et de l’effectuer d’une manière plus
radicale, mais encore de hâter les opérations de remembrement
ou de résoudre le problème, si important en Pologne, de l’amé­
lioration du sol.
Des progrès très im portants n’en sont pas moins réalisés
dans l’amélioration des systèmes de culture (une fois les propriétés
remembrées, l’assolement triennal habituel est remplacé par un
meilleur système de rotation) ainsi que dans l’augmentation
du rendement en produits agricoles et animaux. Le rôle joué
à cet égard par l ’enseignement général et par l’enseignement
professionnel sera exposé plus loin. Il n’y a pas grande différence
entre les travaux accomplis par to ut un réseau de stations
d’expérimentation, par les laboratoires scientifiques des univer­
sités, par un établissement spécial, l’Institut national d’inspec­
tion scientifique de l’économie rurale, qui, outre des sections
biologiques, comprend également une section s’occupant de
l’économie agricole des petites propriétés, et ce qui se fait dans
les institutions analogues des autres pays. Il convient, par contre,
i8
POLOGNE
d ’attirer l’attention sur les méthodes spéciales qui ont été adop­
tées en Pologne pour l ’agronomie sociale et sur les heureux
résultats qui ont été obtenus.
Parmi les méthodes employées pour améliorer les systèmes
de culture, accroître la production de l’agriculture et de l’élevage
et relever le niveau de vie de la population rurale, grâce à l’inter­
vention, sous des formes diverses et multiples, des chambres
d ’agriculture, des autorités locales, des organisations agricoles
privées et des unions spéciales, il me sera permis de consacrer
une mention spéciale à un système d ’organisation du travail dans
les villages et dans les fermes qui est à la fois original et efficace.
C'est, il y a dix ans que, pour la première fois en Pologne,
fut discutée l’idée d’utiliser le système des consultations en
matière d’organisation des fermes, à la suite d’expériences qui
avaient montré que le système de la consultation, uniquement
sous forme de conseils et de conférences donnés occasionnellement
par des instructeurs, ne produisait pas les résultats attendus.
Des mesures furent alors prises pour former des groupes d’ins­
tructeurs spécialisés, qui furent chargés de la surveillance
constante d’un certain nombre de fermes dont les propriétaires
avaient consenti à se prêter à une réorganisation et à se conformer
entièrement aux indications qui leur seraient données.
Or, ce procédé extrême s’avéra comme peu satisfaisant,
pour une autre raison : le nombre des fermes ainsi réorganisées
était trop faible, par rapport au nombre total des fermes ayant
besoin d’une surveillance, pour que l’on eût l’assurance, avec ce
système, de voir les principes d’une exploitation rationnelle
se répandre rapidement dans les campagnes. En outre, on
éprouva des difficultés à trouver des instructeurs compétents,
connaissant par la pratique l'art de donner des conseils aux
agriculteurs, qui, tout imbus qu’ils pussent être de leurs procédés
routiniers, n’en avaient pas moins une très grande expérience
de la vie.
A la suite de ces essais, on conçut un nouveau plan, dont,
probablement, la forme est maintenant arrêtée pour assez long­
temps. Il consiste à charger l’instructeur de la surveillance,
dans un village déterminé, de deux fermes choisies comme
étant caractéristiques de la localité, et dont les propriétaires
se distinguent par leur intelligence et leur compréhension de
l’intérêt général. Pour chacune de ces fermes, destinées à jouer
le rôle de «pionnier» on élabore un plan d’organisation détaillé,
qui doit être exécuté en deux ans. A cette ferme qui doit donner
l’exemple, et durant sa propre réorganisation, sont associées
à tour de rôle un certain nombre d’autres fermes, formant ainsi
un « groupe » auquel des conseils sont donnés directement non
par l’instructeur, mais par le fermier « pionnier ».
On obtient ainsi l’assurance que le bon exemple dont tous
sont témoins sera suivi. La ferme qui le donne répand, en quelque
POLOGNE
19
sorte, la lumière du progrès sur toutes celles du voisinage et
les incite à améliorer leurs méthodes de culture. Les paysans
des alentours se réunissent dans les différentes fermes et, sous la
direction du plus instruit d'entre eux, discutent de l’organisation
de leurs exploitations. Souvent, l’instructeur prend part à ces
discussions, tranche les questions douteuses et donne des sugges­
tions et des conseils. Le but de ce système est, en définitive,
de rationaliser toute la vie rurale en ce qui concerne l’organisation
de la vente des produits, la création de sociétés coopératives, etc.
A l’heure actuelle, 36.000 fermes, réparties entre plus de
5.000 villages, sont exploitées selon ces méthodes ; 7.000 d’entre
elles bénéficient des services d’un conseiller. Le plan comprend
670 instructeurs spécialisés travaillant sous la direction de
seize inspecteurs des Chambres d’agriculture. Afin de préparer
le nombre voulu d’instructeurs, il a été créé trois régions d ’ins­
truction, dans deux districts, où les candidats remplissant les
conditions requises subissent une formation préliminaire sous
la direction éclairée de sept inspecteurs et instructeurs. Cette
formation préliminaire dure sept mois. Un enseignement spécial
est donné aux futurs instructeurs en matière d’organisation,
tout particulièrement aux femmes qui se destinent aux fonctions
d’instructrices dans les clubs féminins ruraux et auxquelles
on a reconnu depuis peu qu’il était souhaitable de donner ce
genre de préparation. En outre, il est organisé de temps à
autre des cours de perfectionnement pour les instructeurs déjà
en fonction. Il est intéressant de mentionner aussi la « prépara­
tion agricole » donnée aux jeunes gens et qui sera décrite plus
loin.
Une exploitation agricole, à mesure qu’elle s’améliore, a
besoin d ’un plus grand nombre de têtes de bétail et, en particulier,
d'animaux de meilleure qualité qui, aujourd’hui, sont traités
et nourris d’une manière plus rationnelle. Le nombre d’animaux
domestiques que comprend la ferme, bien qu’étant sujet à des
fluctuations normales, accuse néanmoins une tendance régulière
à augmenter. La Pologne jouit de conditions naturelles favorables
à la culture des plantes fourragères, notamment depuis que l’on
a énergiquement travaillé à améliorer les prairies et les pâturages.
L’élevage du bétail a, par conséquent, un avenir assuré, d’autant
plus que le problème de l'écoulement des produits animaux sur
les marchés extérieurs a pu recevoir une solution satisfaisante.
Le Gouvernement consacre à cette question une minutieuse
attention, de telle sorte que l’exportation du beurre, des œufs
et du lard, ainsi que celle des conserves de viande, se développe
dans de bonnes conditions.
Le problème que pose l’emploi des machines et d’un outillage
agricoles ne se présente pas en Pologne sous le même aspect
qu’en Europe occidentale ou en Amérique. En Pologne, à cause
20
POLOGNE
de l’excédent des ressources de main-d’œuvre, notam m ent dans
le cas des petites propriétés, l’emploi de machines remplaçant
purement et simplement le travail humain n'est pas économique.
Ce n’est que lorsque le travail mécanique perm et d’obtenir de
meilleurs résultats qu’il présente de l’intérêt pour le petit pro­
priétaire. Au sujet de la fourniture de machines agricoles aux
paysans, il convient de souligner les efforts tentés récemment par
le Ministère de l’Agriculture afin de multiplier l’emploi des
semoirs mécaniques dans les petites exploitations.
En assurant aux usines une clientèle plus nombreuse, en
garantissant les paiements par versements échelonnés, et en
ménageant des contacts directs avec les acheteurs, le Gouver­
nement a obtenu de fortes réductions de prix de la part des
fabricants de machines et d’outillage agricoles. Cet abaissement
des prix, à son tour, a eu pour effet d’accroître la demande de
semoirs mécaniques, si bien que, en une seule année, il en a été
vendu un plus grand nombre que pendant les huit dernières
années, qui, il est vrai, étaient des années de crise. Cette opération
a présenté un double avantage : l’agriculture a obtenu à bon
compte les machines dont elle avait besoin et, d'autre part,
l ’industrie a accru sa production. Ce résultat indique, au sur­
plus, quelle sera la méthode à suivre désormais pour répondre
aux besoins des campagnes. De son côté, l’industrie a compris
une fois de plus l’erreur commise par le système des cartels
en m aintenant à des prix élevés les articles manufacturés
achetés par les agriculteurs, ce qui entraîne une diminution
excessive des ventes dans les villages et, par suite, réduit l’emploi
dans l’industrie elle-même.
POLOGNE
2I
III.
L 'IN D U S T R IE AGRICOLE
ET LE PROBLÈM E DE L’ÉCOULEMENT
DES PRODUITS AGRICOLES
L’industrie agricole, c’est-à-dire la production agricole et
l’élevage, est relativement bien développée en Pologne. L’un de
ses éléments les plus im portants est la fabrication du sucre de
betterave et, étant donné l’excédent de main-d’œuvre disponible,
la culture de la betterave est d’un extrême intérêt car elle exige
une main-d’œuvre considérable. Elle doit malheureusement
rester limitée en raison des accords internationaux existants.
A l’heure actuelle, la Pologne possède soixante et une sucreries
en exploitation, qui ont produit 4.890.000 quintaux de sucre
en 1937/38. Les sucreries sont approvisionnées en betteraves
tant par les grands que par les petits propriétaires. Les cultures
de ces derniers vont constamment en augm entant et représentent
aujourd’hui 40% environ du total. Les petits propriétaires
constituent la grande majorité — plus de 100.000 — des 110.000
producteurs de betteraves polonais.
Actuellement, la production de sucre sert surtout à satisfaire
la demande intérieure (4.125.000 quintaux), l’exportation étant
tombée à 755.000 quintaux. Elle est réglementée par l’E tat qui,
pour chaque campagne sucrière, attribue aux diverses fabriques
la part qui leur revient. Il convient d’ajouter q u ’il a été der­
nièrement fondé, en Galicie orientale, une nouvelle sucrerie,
« Podole », dont les actions sont toutes entre les mains de paysans,
qui, pour la plupart, sont de petits propriétaires.
Une industrie d ’une égale im portance pour la Pologne,
grande productrice de pommes de terre, est celle de la distillerie ;
elle est, elle aussi, assujettie au contrôle de l’E tat, qui s’exerce
sous la forme d ’un monopole de l ’alcool. Cette industrie a pris
plus d’importance dans les dernières années à cause de l’accrois­
sement de la demande d’alcool du commerce qui, en raison de
la motorisation progressive du pays, est utilisé comme carburant
(en même temps que l’essence) et sert également à la fabrication
du caoutchouc artificiel.
Il existe en Pologne près de 1.500 distilleries.
Le nombre des distilleries coopératives, dont la plupart des
membres sont de petits cultivateurs, a régulièrement augmenté
ces derniers tem ps ; elles reçoivent l’appui de l’E tat. Une autre
industrie utilisant la pomme de terre comme matière première
est celle de l’amidon et des pommes de terre séchées.
La production des fruits et des légumes est, au contraire,
encore insuffisamment développée en Pologne, bien que, au cours
des dernières années, cette branche de l’agriculture ait beaucoup
retenu l’attention. La meunerie constitue une industrie très
importante, notam m ent dans l’ouest de la Pologne.
22
POLOGNE
Si
l’on en vient aux industries dérivées des produits animaux,
il convient de mentionner en premier lieu le développement de
l’industrie du lard et des viandes de conserve, dont la production
représente un élément très im portant de notre commerce
d’exportation. Cette industrie n’est malheureusement pas
exploitée d’après le système des coopératives, bien que les
paysans y exercent une certaine influence. Par contre, la
production du beurre, et, en particulier son exportation (99%),
est entièrement entre les mains de sociétés coopératives.
En ce qui concerne l'écoulement des produits, la Pologne
se trouve en présence de deux problèmes distincts bien que
liés l’un à l’autre : le ravitaillement du marché intérieur et l’expor­
tation. Dans l’un et l’autre domaine, des efforts immenses ont
été accomplis au cours des dernières années pour rationaliser
le commerce ; les Puissances qui s’étaient partagé la Pologne
avaient laissé ce commerce dans une bien piètre situation.
L'existence de méthodes commerciales malsaines, notamment
dans l’ancienne Pologne autrichienne et russe, est due au fait
que les villes et villages de ces régions sont surpeuplés, surtout
de Juifs. Il en est résulté un développement excessif du commerce
de détail, qui est trop onéreux aussi bien pour le producteur
paysan que pour le consommateur. La rationalisation du
commerce s’opère, en partie, par la création d’entreprises saines,
financées par l’E ta t, mais surtout, par l’introduction de méthodes
coopératives. La standardisation est également poursuivie avec
énergie.
Grâce, à la fois, à l’E ta t et à l’initiative privée, on introduit
peu à peu l’outillage indispensable au développement de
méthodes commerciales rationnelles. C’est ainsi que, dans le
commerce des grains, par exemple, on procède à la construction
de greniers de districts, pourvus de machines pour le nettoyage
du grain. Dans les centres importants, on a édifié des élévateurs à
grains ; il en a été récemment érigé un à Gdynia, sur les deniers
publics. L’amélioration des communications, aussi bien par
chemin de fer que par automobile, et la réduction des frais de
transport qui en résulte jouent un rôle très im portant dans la
rationalisation du commerce des grains. Plusieurs bourses des
grains ont été ouvertes, où s’effectuent les transactions au
contrôle desquelles les paysans peuvent avoir accès. D'excellentes
mesures ont été prises également pour fournir des renseignements
sur les prix par télégraphie sans fil, et les paysans propriétaires,
jusqu’aux plus petits, profitent largement de ces dispositions.
On s’est aussi préoccupé de financer la constitution de stocks.
A cet égard, il y a lieu de mentionner spécialement l ’octroi de
crédits consentis, soit sur production de certificats de stocks,
soit sous forme d ’avances faites libéralement aux paysans en
automne. Ceux-ci se trouvent ainsi en mesure de répartir l’écou­
lement de leur grain sur les mois d ’hiver et peuvent éviter
POLOGNE
23
d’inonder le marché en automne, ce qui déterminerait une baisse
des prix et encouragerait la spéculation.
L ’exportation des céréales est centralisée dans deux orga­
nisations : l’Office polonais d ’exportation des céréales et l’Asso­
ciation des exportateurs de céréales. Des primes à l’exportation
sont versées au moyen de fonds alimentés par les taxes de meu­
nerie. A tous autres égards, le commerce des grains est libre
et n ’est assujetti à aucune restriction.
Des investissements de capitaux considérables ont contribué
à améliorer le commerce des produits de viande. C'est ainsi que
l’on a organisé des marchés locaux, des abattoirs, des fabriques,
des installations frigorifiques — notamment le frigorifique
d’exportation de Gdynia -— ainsi que des bourses des viandes
et des banques de marchés. Le financement des stocks, lui aussi,
joue ici un très grand rôle et s’améliore constamment.
Il convient enfin de signaler un cas extrêmement im portant
d’investissement de capitaux qui aide à la rationalisation du
commerce agricole, notam m ent en matière d’exportations :
c’est la construction du port de Gdynia et l’accroissement de la
marine marchande polonaise. Le principal bénéficiaire de ces
améliorations est l’agriculture, fortement organisée, de la
Pologne occidentale, qui occupe le premier rang dans le commerce
d’exportation. Les facilités q u ’offrent Gdynia et les services des
compagnies nationales de transports maritimes profitent éga­
lement aux émigrants polonais, qui étaient précédemment
exploités par diverses compagnies de navigation étrangères.
POLOGNE
24
IV.
PO LOGNE
COOPÉRATION AGRICOLE
A propos des améliorations apportées au commerce et à
l ’industrie agricoles, nous avons signalé la grande importance
de la coopération agricole.
Le moment est venu de
dire quelques mots du dé­
veloppement de ce mou­
vement et de l’intérêt
qu’il présente pour les
campagnes polonaises. La
coopération met en rap­
port les unes avec les autres
de nombreuses fractions de
la population paysanne et,
sous -la direction d’assis­
tants sociaux, permet aux
petits agriculteurs de résou­
dre favorablement des
problèmes auxquels ils ne
seraient pas en mesure de
faire face par eux-mêmes.
Le mouvement coopé­
ratif polonais a derrière
lui une riche tradition qui
date d’avant la guerre de
1914-1918. A cette époque,
il servait aussi d’arme
contre les envahisseurs et,
grâce à lui, les organisa­
tions coopératives pou­
vaient concentrer leurs
efforts sur la défense des
ressources naturelles de la
Pologne. La guerre de
1914-19x8 lui a fait subir
de lourdes pertes, mais,
°
.
.
aussitôt après la renais­
sance de la Pologne,
l’œuvre de reconstruction
commençait et bénéficiait immédiatement de la protection
officielle.
La législation en vigueur assure au mouvement coopératif
polonais une organisation uniforme. Aux fins de contrôle, il
avait été institué un Conseil coopératif, mais celui-ci a transmis
ses pouvoirs aux sociétés de surveillance, créées dans l’intervalle.
Il y a environ deux ans, toutes les sociétés polonaises ont été
fondues en une seule Union des sociétés coopératives. Le
n
q
o
25
mouvement coopératif en Pologne est théoriquement fondé sur
le principe de l’adhésion volontaire ; il a pour objet d’améliorer
les exploitations agricoles de ses adhérents et d’augmenter leurs
revenus grace a 1 introduction des methodes coopératives.
Tous les membres dispo­
sent, en principe, d ’un
droit de vote égal et leur
responsabilité est, soit li­
mitée au m ontant de leurs
actions, soit illimitée. Les
biens d’une société coopé­
rative en liquidation sont,
d'autre part, indivisibles.
La caractéristique essen­
tielle d'une entreprise co­
opérative réside dans la
répartition des bénéfices,
qui sont distribués entre
les membres, non pas
d’après le nombre d ’ac­
tions détenues par ceuxci, comme ce serait le cas
dans des sociétés à respon­
sabilité limitée, mais au
prorata de leur quotepart du chiffre d’affaires.
Les statistiques actuel­
les montrent que la Polo­
gne rurale possède plus
de 10.000 sociétés coopé­
ratives de types divers,
comptant plus de 2 mil­
lions de membres et réali­
sant un chiffre d’affaires
d’environ 850 millions de
zloty. Plus de 20% des
[.Photo-Plat, Varsovie.
4 millions d’entreprises
agricoles sont membres
actifs des sociétés coopén
.
,
,
ratives agricoles. En outre,
cjes agriculteurs font également partie de sociétés coopératives
de consommation dont l ’un des objets est de satisfaire aux
besoins de la population rurale.
Parmi les diverses organisations coopératives, il convient de
mentionner en premier lieu les sociétés coopératives de crédit,
qui sont les mieux développées et les plus nombreuses.
26
POLOGNE
i.
L
es
so c ié tés
c o o pé r a t iv e s
de
c r éd it
Il existe aujourd’hui environ 3 . 7 0 0 petites sociétés coopéra­
tives de village appelées « banques Stefczyk », du nom du pionnier
du mouvement coopératif polonais. Ce sont des banques du type
Raiffeisen. En outre, 1 . 6 0 0 banques populaires plus im portantes
(du type Schultze-Delitzsch) desservent les petites villes et les
villages. Ces sociétés coopératives acceptent des dépôts même
minimes, sur lesquels elles paient des intérêts, mais leur fonction
principale est de grouper les épargnes locales et de réunir ainsi
des fonds sur lesquels elles peuvent consentir des avances à
leurs membres. Leur rôle est donc extrêmement im portant,
étant donné la pénurie de capitaux en Pologne.
Ainsi se trouve facilitée la capitalisation, et, d’autre part, les
fonds réunis restent à la disposition des agriculteurs locaux.
Il n ’en va pas de même, par exemple, des sommes déposées dans
les caisses d’épargne postales et dans les caisses d’épargne de
district, que ces caisses transfèrent à leurs sièges centraux. De
plus, ces banques coopératives se chargent de répartir entre les
agriculteurs les prêts obtenus des banques d ’E ta t ou sur les
deniers publics et destinés à des fins agricoles ou à d’autres fins
intéressant le développement de la production agricole. Les
banques Stefczyk ont leur direction financière à Varsovie,
tandis que le siège central des banques populaires est la banque
de l’Union des sociétés coopératives, à Poznan.
2.
L
es
so c ié tés
c o o pér a tiv es
a g r ic o le s
et
c o m m e r c ia l e s
Ces sociétés ont pris une ampleur moindre. Leur fonction
est double : fournir aux agriculteurs le matériel de culture
nécessaire : engrais chimiques, aliments concentrés, combustible,
semences, machines et outils agricoles, et aider les agriculteurs
à écouler leurs produits, notamment le blé, le bétail et les porcs.
Il existe actuellement, dans les campagnes polonaises, environ
1.000 sociétés coopératives de cette catégorie, groupant 215.000
membres et réalisant un chiffre d’affaires qui peut atteindre
180 millions de zloty par an. Ces sociétés disposent d’un certain
nombre d’offices commerciaux tels que l’Union économique
des sociétés coopératives agricoles et commerciales, à Varsovie,
l’Union centrale des agriculteurs, à Poznan,le Syndicat, à Cracovie,
l’Union commerciale des sociétés coopératives, à Lwow, et la
Compagnie agricole des viandes, à Varsovie. Ces organisations
ont enregistré, l’an dernier, un chiffre d’affaires de 139 millions
de zloty.
POLOGNE
[Photo-Plat, Varsovie.
N° Q. O. 38
La récolte du lin.
28
POLOGNE
3.
L
es
so c ié tés
co o pér a tiv es
de
fa b r ic a tio n
Ces sociétés exercent une influence beaucoup plus profonde
sur la vie économique des campagnes car elles ne se bornent
pas à des opérations commerciales, mais se livrent aussi à des
activités techniques. Elles réalisent ainsi des bénéfices plus
considérables, créent de nouveaux débouchés pour les produits
fabriqués avec les matières premières agricoles, et élargissent
par là même les bases et les perspectives de la production
agricole. Le type d’institutions de ce genre qui est le plus répandu
et qui réussit le mieux est la coopérative laitière. Il existe
aujourd’hui environ 1.500 de ces coopératives et leur chiffre
d’affaires annuel dépasse 100 millions de zloty. Elles comptent
environ 600.000 membres, qui possèdent plus de 800.000 vaches,
soit 12% du total des vaches en Pologne. Les trois quarts du
lait transformé en beurre et en fromage sont manipulés dans
ces coopératives laitières. Les avantages que représente l’activité
des coopératives laitières pour les agriculteurs sont trop connus
pour qu’il soit nécessaire de les exposer. Ces sociétés contribuent
à l’amélioration du bétail car les vaches produisant pour les
laiteries sont mieux nourries, et le lait écrémé peut servir à
nourrir les porcs.
En outre, la Pologne compte un certain nombre d’au tres
sociétés coopératives de fabrication dont nous avons déjà parlé.
Dans l ’ensemble, néanmoins, l'agriculture polonaise ne repose
pas sur les principes coopératifs. En effet, le paysan polonais
est trop profondément attaché à la conception de la propriété
privée et il aime trop être maître chez lui pour favoriser des
expériences collectivistes, à l’imitation de ses voisins d elà Russie
soviétique.
La main-d’œuvre agricole surabondante contribue également,
en Pologne, au développement des industries artisanales et
familiales, pour lesquelles l’organisation coopérative est souhai­
table.
En bref, la coopération agricole permet aux petits cultivateurs
de Pologne d’obtenir des crédits ; elle facilite également une
rationalisation de la production et de l’écoulement des mar­
chandises, qui présenterait, pour le petit agriculteur isolé, des
difficultés insurmontables. Il s’ensuit que, partout où des coopé­
ratives ont été créées et fonctionnent de façon satisfaisante,
les petits cultivateurs sont en mesure de soutenir la concurrence
des grands propriétaires.
POLOGNE
29
[Photo II. Poddtbskit'gs, Varsovie.
Troupeau de moutons dans les monts T a trr s
N » Q . o. 3 7
FPhoto-Plat, Varsovie.
Une gardeuse d ’oies.
POLOGNE
30
V.
LE CRÉDIT
La Pologne souffre, on l'a déjà souligné, d’une pénurie de
capitaux dans tous les domaines de l’activité publique. Il
im porte donc essentiellement de mettre à la disposition de
l’agriculture, sous forme de crédits, les capitaux dont elle
a besoin. Afin de donner aux propriétaires d'exploitations
petites ou moyennes des facilités de crédit suffisantes, et de
financer la réforme agraire, une banque agricole d’E ta t a été
fondée pour consentir des prêts à court, à long et à moyen terme,
et pour gérer les fonds agraires de l’Etat. Au I e r juillet 1939,
le m ontant des obligations émises était de 209.585.000 zloty,
et le m ontant des prêts à court et à moyen terme atteignait
215.289.000 zloty. De plus, la banque en question finance le
commerce agricole et contrôle les sociétés coopératives agricoles
ainsi que les caisses communales de prêt et d’épargne, pour
lesquelles elle remplit l’office de siège central financier.
Outre la Banque agricole et les sociétés coopératives, les
caisses d ’épargne communales et de nombreuses institutions
financières, publiques et privées, accordent des crédits aux
agriculteurs polonais, mais ce sont surtout les grands proprié­
taires fonciers qui bénéficient de ces facilités.
D ’une façon générale, l’assurance n’est pas très répandue
en Pologne. Les assurances agricoles ne couvrent que deux
catégories de risques : l’incendie et la grêle. Ces opérations
sont centralisées auprès de la Compagnie générale d’assurance
mutuelle, dont le siège central est à Varsovie et dont l ’activité
s’étend à to ut le territoire polonais, sauf la partie occidentale
qui dépend du siège de Poznan.
Il convient de noter encore que l’usage se répand de plus
en plus, dans les campagnes, d’assurer les travailleurs agricoles
contre les accidents, la maladie, la vieillesse et le décès.
POLOGNE
31
VI. L ’ENSEIGNEM ENT GÉN ÉRA L ET PROFESSIO NN EL
Pour l’année scolaire 1937/38, on com ptait en Pologne 28.720
écoles primaires avec 4.851.500 élèves, dont 25.662 écoles
rurales, avec 3.546.600 élèves. Ainsi, la population rurale, qui
constitue 61 % de la population totale, fournit plus de 68%
des écoliers. L’enseignement primaire a donc en Pologne un
caractère profondément rural et agricole qui devait nécessaire­
ment influer sur son organisation et ses programmes. Au cours
des vingt années qui se sont écoulées depuis que la Pologne a
Ecole primaire à Liskow.
recouvré son indépendance, il est incontestable que l’E tat et
les particuliers ont fait d’énormes efforts pour mettre l ’instruction
primaire à la portée de toute la population et, en particulier,
de la population rurale. L’état très médiocre de l’enseignement
sous la domination des Puissances ayant procédé au partage
est prouvé par la proportion des illettrés qui, en 1921, atteignait
38%. Dans les provinces occidentales, elle n ’était que de 6%,
mais elle s’élevait à un pourcentage très considérable dans les
autres territoires. L’augmentation du nombre des écoles, des
instituteurs et des élèves, qui a presque triplé, montre l’immensité
de l'effort accompli. Néanmoins, la situation est loin d ’être
satisfaisante et il y a encore beaucoup à faire pour que tous les
enfants d’âge scolaire aient la possibilité de s’instruire.
32
POLOGNE
L'instruction est obligatoire de 7 à 14 ans. L’enseignement
primaire et rural comporte trois catégories, dont la première
comprend des écoles de quatre classes avec un ou deux insti­
tuteurs, la seconde des écoles de six classes avec trois instituteurs,
ou davantage, et la troisième des écoles de sept classes avec un
plus grand nombre de maîtres.
Le grand défaut de l’enseignement rural réside dans le nombre
élevé des écoles de la première et de la seconde catégorie qui ne
disposent que d ’un instituteur ou, au plus, de deux ou trois
instituteurs. Une proportion de 9,2% seulement des écoles rurales
appartiennent à la troisième catégorie, alors que, dans les centres
urbains, cette catégorie ne représente pas moins de 93,6% du
total des écoles. Dans les villages, il peut y avoir jusqu’à soixantequatre écoliers pour un instituteur, tandis que le chiffre corres­
pondant est beaucoup plus bas dans les villes.
P ar suite du manque de bâtiments scolaires appropriés et
de la pénurie de personnel enseignant, il est impossible d’ouvrir,
dans les campagnes, un plus grand nombre d’écoles primaires
de la troisième catégorie et de permettre ainsi aux petits villageois
de suivre les sept classes conduisant aux écoles secondaires,
ordinaires ou professionnelles. Afin de mettre ces facilités tout
au moins à la disposition des enfants les plus doués de chaque
commune, il est créé des écoles d’une catégorie plus élevée,
dont les classes supérieures reçoivent les enfants des écoles
communales de la première et de la seconde catégorie.
E n même temps, une action de grande envergure a été entre­
prise pour la construction de nouvelles écoles, par les autorités
locales, qui reçoivent à cet effet des subventions de l’E tat, ainsi
que par une société privée qui a été créée spécialement à cette fin.
D ’autre part, on s’efforce activement de doter les écoles du
matériel nécessaire, et des logements sont mis à la disposition
du personnel enseignant. Des mesures sont prises également pour
accroître le nombre des écoles et améliorer l’organisation des
écoles rurales. Ces efforts et ces intentions sont, toutefois,
souvent entravés par suite du manque de fonds. On s’est beaucoup
préoccupé de former un personnel apte à enseigner dans les cam­
pagnes. C’est dans l’élite des villages, parmi les ruraux qui aiment
la campagne, connaissent le milieu et ses besoins, que se recrutent
les meilleurs de ces instituteurs, ceux dont l’action est le plus
profitable à la collectivité. Les élèves les plus avancés des écoles
rurales qui font preuve d’aptitude pour l’enseignement, sont
envoyés dans des écoles secondaires, puis dans des écoles normales
et bénéficient, s’ils manquent de ressources, de nombreuses
bourses d’études et d’entretien dans les villes où sont situées
les écoles secondaires et les écoles normales.
Les élèves sortis des écoles primaires supérieures peuvent
suivre un enseignement de quatre années dans les écoles secon­
daires, après quoi, ils accomplissent deux années d’études, soit
POLOGNE
33
générales soit professionnelles. S’ils terminent avec succès le
général d’études secondaires, ils peuvent entrer dans un
établissement d’éducation d’un degré plus élevé, tandis que les
élèves qui sortent des écoles secondaires professionnelles ont la
f a c u l t é de pousser leurs études plus loin, mais seulement dans la
branche qu’ils ont choisie.
Dans un pays agricole comme la Pologne où l ’immense
majorité des jeunes gens arrivent à peine à terminer leurs études
du premier degré, il importe de donner à la jeunesse la possibilité
de continuer son instruction professionnelle dans le domaine
de l’agriculture. C’est à cet effet qu’ont été créés des cours d ’un
ou de deux ans dans des écoles professionnelles agricoles qui
sont au nombre de plus de 150 en Pologne et comptent 6.000
élèves. Ces établissements doivent se borner à former les éléments
dirigeants des villages, mais la jeune génération subit chaque
année davantage l ’influence de l ’enseignement mutuel des
organisations juvéniles et de la formation agricole donnée par
ces organisations. Ces institutions ne se contentent pas d ’in­
culquer aux jeunes gens des connaissances théoriques, elles
leur enseignent aussi les moyens pratiques de résoudre certains
problèmes agricoles posés par la culture maraîchère, l’élevage des
veaux et des porcs, la culture du lin, etc. Les jeunes gens peuvent
ainsi, après avoir fourni un certain travail, prétendre à la
« capacité » agricole du troisième degré.
Cet enseignement agricole a été donné, durant la présente
année, à 114.450 jeunes gens répartis entre 14.000 classes. En
outre, de jeunes campagnards ont suivi les cours d’agriculture
par correspondance. D ’autre part, les universités dites popu­
laires, organisées sur le modèle danois, se font de plus en plus
nombreuses en Pologne. Il en résulte que plus de 250.000 jeunes
ruraux reçoivent m aintenant, sous une forme ou sous une autre,
un enseignement agricole et économique. Enfin, de nombreux
cours complémentaires sont organisés pour les jeunes gens des
campagnes.
En dehors des diverses écoles rurales, la Pologne possède
encore des écoles d’horticulture et de sylviculture pour des fins
à la fois éducatives et pédagogiques ; cinq classes d’agriculture,
une classe d’horticulture et trois classes de sylviculture, donnant
un enseignement théorique, ont été créées dans les cinq villes
universitaires de Pologne. Ces écoles forment soit des agriculteurs
soit des moniteurs agricoles, des professeurs d ’écoles agricoles,
ou des fonctionnaires des administrations de l’E tat et des
administrations locales, ou des agents de sociétés coopératives.
cours
POLO GNE
34
VII.
L’ART PAYSAN ET LE FOLKLORE
L ’a rt oaysan en Pologne est extrêmement riche et intéressant,
surtout dans le domaine de l’architecture domestique eA de a
décoration des maisons de ferme, où il temoigne de l mgcn osi e
la plus variée dans l’embellissement a la fois de 1 inteneur et
de l’extérieur des habitations ainsi que des autres bâtiments
de la ferme. Il convient de citer en premier lieu les classiques
« swarogi » et « pazdury » appliqués aux toits et ^ f ^ y s i e
ou poutres ornées de sculptures, faisant saillie a lexterieui,
au-dessus des portes. Un élément particulièrement heureux
de l’ornementation paysanne est le dessin _en io™ ^
nue l’on voit sur les portes d’entree et qui est em prunte a la
décoration des manoirs de la noblesse. Les peintures mura eb
à i n t é r i e u r des habitations rustiques sont P ^ ^ h e r ^ e n
fréquentes dans les districts de Lowicz et, en Galicie, dan., les
alentours de Nowy S^cz.
nn+ammont
La couverture des toits des maisons paysannes notamme
dans les régions montagneuses, en Mazovie et en P orner elle
n’est jamais livrée au hasard et s’efforce t o u i ^ r s d e ^ n n e
l’impression d’un ensemble esthetique. Les chaurmer(gs so
toujours richement décorées, au dedans comme au dehors,
notam m ent sur la poutraison qui soutient e P
‘ ,
j
tion intérieure prend une importance particulière dan~ le
régions situées, comme S^cz par exemple a u p i e d des Carpathes^
Les paysans polonais aiment
décorer 1 intérieur de
leurs habitations avec du papier de couleur
à former les dessins les plus varies, chaque réf
par ses couleurs et ses dessins.
ornements de ce
genre sur de nombreux objets d ameublemen .
cuüèrede ménage sont, eux aussi, richement décores, p
P, _ ^ s
m ent dans la région de Podhale et dans les monîagnes csT at^a ,
mais aussi, d’une façon générale
presque tout le pays.
Il suffit de citer comme exemple les battoirs sculpt
%
dans le district de Wilno. La poterie a egalcment un caract
très artistique ; il convient de citer encore I f œ u f s de Pâques
coloriés, les palmes de Wilno, et un grand nombre d autres
é g a l e m
O
n
e n t
r e t r o u v e
d e s
d a n s
eXT aP l| So,o1in= p S 'r S nombreux costumes n a ü o n a u , t *
variés et très intéressants. Ceux de la régiLon de
sont
caractérisés par des couleurs très vwes, e s PP
dienité
tûmes des paysans de K u r p i e empreints dc plu de dignity
En Pomérélie, en Posnanie et en Silesie regne une gr:
de5
de dessins tandis que Cracovie se distingue p
P.
gs ^es
coloris. On trouve également les costumes
PO LOGNE
35
montagnards de Podhale et des Huculs, ceux aux teintes plus
sobres des paysans de Wolhynie ou de Polésie, les manteaux
bruns à la mode dans le district de Lublin et les blouses grises
des paysans de Wilno. Les coloris, les ornements et les styles
correspondent au caractère et au tempérament des habitants
des diverses régions.
L’art populaire religieux atteint, lui aussi, à une très grande
beauté, témoin les autels, les chapelles et les calvaires que
l’on rencontre le long des routes polonaises. Les crucifix sculptés
par des artistes anonymes touchent par leur piété primitive
et par l ’aspiration au divin qu’ils expriment.
La chanson populaire polonaise est également fort riche.
Dans le domaine de la poésie, elle a fourni des thèmes au génie
de Mickiewicz, et Chopin, de son côté, a immortalisé dans ses
compositions le charme singulier de cette musique populaire.
Fort intéressants également sont le folklore polonais et les
coutumes populaires du pays, c’est-à-dire les rites et les céré­
monies qui accompagnent les différentes étapes de la vie du paysan
au sein de la communauté villageoise : naissance, mariage, mort,
célébration des anniversaires, des saisons de l’année et des travaux
des champs. Tout cela confère à la vie du village beaucoup de
couleur et de caractère.
N° Q. O. 40
[Photo-Plat, Varsovie.
Noce paysanne à Lowicz.
36
POLOGNE
V III. L’ORGANISATION DES LOISIRS
DE LA POPULATION RURALE
Le problème des loisirs ruraux est chose nouvelle en Pologne.
Il est étudié par la Commission des questions de la culture
paysanne, rattachée au Ministère de l’Agriculture, et par la
Commission des loisirs du Ministère de la Prévoyance sociale.
Les organisations de la jeunesse rurale ont pris l’initiative
d’organiser les loisirs ruraux et, grâce à leurs efforts, a été
fondée une société coopérative de voyage, la « Gromada », qui
organise des voyages en Pologne et à l’étranger pour la popula­
tion rurale. D ’une manière générale, les excursions à pied, à
bicyclette, en chemin de fer ou en autocar s’intégrent de plus en
plus dans la vie de village. Elles sont organisées par des asso­
ciations agricoles locales ou centrales de femmes ou de jeunes
gens. Récemment, le parti de l’Union nationale a organisé un
grand voyage au Danemark, par bateau, au départ de Gdynia.
A mesure que le niveau de vie s’élève dans les campagnes polo­
naises, ces voyages deviendront plus fréquents et se révéleront
d ’un grand profit pour la population rurale.
E n dehors des voyages, les plans d’organisation des loisirs
utilisent également la lecture, la musique et la danse, le théâtre,
le cinématographe, la radio et le sport.
C’est le mouvement en faveur des bibliothèques scolaires
qui contribue le plus fortement à développer le goût de la lecture :
il ouvre auprès des écoles de village des bibliothèques qui prêtent
des livres aux enfants des écoles et aux villageois plus âgés.
Toutefois, la demande de livres dans les campagnes est si consi­
dérable que les ruraux eux-mêmes, les organisations agricoles
et les institutions s’occupant des questions culturelles dans les
districts agricoles, comme l’Association scolaire et la Société
d’éducation populaire, se préoccupent de plus en plus de fonder
des bibliothèques de village. Ces bibliothèques comptent mainte­
nant plus de 5 millions de volumes, qui ont été utilisés l’an
dernier par plus de 900.000 lecteurs, ce qui fait que chaque livre
a été emprunté, en moyenne, onze fois. La soif de lecture est si
grande dans les villages, que diverses organisations ont commencé
récemment à publier des livres spéciaux à l’intention des lecteurs
des campagnes.
Il existe en Pologne un choix très vaste et assez hétérogène
de journaux ruraux, allant de la publication spécialisée dans les
questions agricoles aux périodiques à tendance politique ou
sociale.
Les livres et les périodiques sont de plus en plus demandés,
notamment dans les salles de lecture aménagées, pour la plupart,
POLOGNE
37
dans les salles publiques. En 1931, il existait environ 6.000 salles
de ce genre : maisons paroissiales, mairies, postes du service du
feu et autres, où se poursuit une œuvre sociale et éducative
et où l’on trouve des lieux de réunion, des salles de lecture ou
des bibliothèques. Les organisations agricoles, plus particulière­
ment celles qui sont destinées à la jeunesse, s’y livrent à une
propagande active en vue de répandre le goût de la lecture.
Les Polonais sont très musiciens ; ils aiment chanter et se
divertir en société, d’où les nombreux chœurs et orchestres de
village, ces derniers composés généralement de deux ou trois
exécutants. La Pologne possède de plus 6.000 sociétés de chant
groupant environ 80.000 membres. En outre, des chœurs sont
improvisés par la population elle-même, dans certaines circons­
tances.
La danse est un divertissement très en faveur dans les villages
et chaque district possède sa danse caractéristique : par exemple,
oberek, kujawiak, krakowiak, trojak, lewonicha, kolomyjka, etc.
En outre, des sociétés d’amateurs donnent fréquemment
dans les villages des représentations théâtrales, dont l’organisa­
tion et la surveillance sont assurées par un Institut d’art dram a­
tique populaire, com ptant parmi ses membres plus de 10.000
sociétés d’artistes am ateurs qui ont déjà organisé plus de 30.000
représentations. Il existe également des associations régionales
d’art dram atique populaire qui s’efforcent de venir en aide aux
troupes d’am ateurs de village, notamment en leur fournissant
des pièces, des costumes ou des décors. Par contre, le cinéma
n’est pas très répandu dans les campagnes polonaises ; toutefois,
au cours de ces dernières années, un certain nombre de sociétés
ont également organisé des cinématographes ambulants qui vont
de village en village et projettent des films dont la plupart sont
des films éducatifs ou des films de propagande. Il reste néanmoins
encore beaucoup à faire dans ce domaine.
E n revanche, la radiodiffusion joue un rôle de plus en plus
important dans la vie rurale en Pologne. Au I e r janvier 1939,
sur 1.014.165 auditeurs inscrits, on en comptait, dans les villages,
324.583, dont plus de 250.000 appartenaient à la classe des
petits cultivateurs. Les prix élevés des postes à lampes entravent
le développement de la radiodiffusion dans les campagnes. Le
type d’appareil généralement en usage dans les villages, à
l’heure actuelle, est le poste à galène avec écouteurs, qui ne
permet de capter qu’un petit nombre de stations d’émission.
On étudie actuellement les moyens de mettre à la disposition
des villageois, pour l ’automne prochain, un poste à trois lampes
du prix modique de 80 zloty, ce qui perm ettrait un très grand
essor de la radiodiffusion dans toutes les régions rurales.
L’adm inistration polonaise de la radiodiffusion établit ses
programmes en tenant largement compte des besoins du public
des campagnes. Outre les informations, dont les plus importantes
38
POLOGNE
pour les paysans sont les renseignements météorologiques et
les prévisions du temps, ainsi que les cours des produits agricoles,
les postes émetteurs donnent fréquemment des causeries sur
des questions agricoles, des conseils et des exposés divers, de
nature à intéresser les populations rurales. Les stations radiophoniques transm ettent également des reportages de cérémonies
villageoises, très appréciés des auditeurs ruraux qui s’en inspirent
lorsqu'ils organisent des divertissements locaux.
Il est superflu d ’ajouter que les événements de ces dernières
années ont montré le rôle très im portant de la radiodiffusion,
qui tient les populations rurales au courant des événements
politiques, stimule le patriotisme des masses et crée des mouve­
ments d’opinion en faveur des causes d’intérêt social et national.
Le sport n’a pas encore réalisé de très grands progrès dans les
régions rurales de Pologne, mais les écoles et l’armée contribuent
à donner peu à peu à la jeunesse le goût des jeux et de la culture
physique.
Pour terminer, il convient d’ajouter que la population
polonaise s’entend à organiser elle-même ses propres loisirs
et qu’elle fait preuve à cet égard d’une très grande ingéniosité,
ainsi que le démontrent les nombreux divertissements, les
« wieczorynki » qui ont constamment lieu dans les villages et
qui sont entrecoupés de nombreux intermèdes de chant et de
danse.
POLOGNE
IX.
LES PROBLÈMES D ’H Y G IÈN E
39
RURALE
Depuis quelques années, l’amélioration des conditions sani­
taires se poursuit méthodiquement dans les régions rurales de
Pologne, où il existe actuellement quelque 700 centres d'hygiène,
qui sont considérés comme les principaux moyens d’action du
Service d’hygiène publique et qui ont pour mission de résoudre
les divers problèmes sanitaires intéressant telle ou telle région.
Le centre d'hygiène a pour rôle principal de prévenir la maladie
en surveillant l'individu (protection de la mère et de l’enfant,
lutte préventive contre les maladies infectieuses et sociales)
et son milieu (inspection des approvisionnements en eau, éva­
cuation des eaux usées, hygiène publique, etc.). E n outre, le
centre d’hygiène fournit également une assistance médicale
d'ordre général, notamment en cas d’urgence.
Le ressort du centre d’hygiène d ’une région rurale s’étend
sur un groupe de deux ou trois communes, soit sur une population
d’environ 20.000 habitants. Toutefois, le Service d’hygiène
s’efforce d’assurer à chaque commune les services d’un médecin
et d’un centre d ’hygiène.
Le centre d'hygiène est, en principe, une institution relevant
de l’adm inistration locale ; il est placé sous la surveillance du
Service d’hygiène de l’E ta t et reçoit une subvention prélevée
sur les deniers publics.
La Croix-Rouge polonaise s’emploie activement, elle aussi,
à l’amélioration de l ’hygiène rurale. Elle contribue à l’organisa­
tion et au fonctionnement des centres d’hygiène, assure le service
des inoculations prophylactiques dans de nombreuses localités
et entretient des équipes, itinérantes qui font œuvre de vulgari­
sation en matière de culture et d’hygiène, ou se consacrent tout
spécialement à la lutte contre le typhus ou le trachome. Elle
organise également des cours de premiers secours en cas d’urgence.
Elle encourage la constitution de petits stocks de médicaments
de première nécessité et elle a créé des sociétés de Jeunesses
de la Croix-Rouge polonaise qui contribuent très efficacement
à inculquer aux populations rurales les principes de l'hygiène
domestique. L ’organisation centrale des clubs féminins des
régions rurales rend des services analogues et tout aussi précieux ;
cette organisation s'occupe to u t spécialement de la protection
de la mère et de l ’enfant ; elle ouvre des hôtelleries et des crèches ;
elle distribue des repas aux enfants, organise des concours
attrib uan t un prix à l’enfant le mieux portant, des concours de
propreté et d'autres manifestations de propagande analogues.
On s ’efforce également de fonder des «sociétés coopératives
d ’hygiène » ayant pour mission d ’organiser en grand l’assistance
médicale au profit de leurs membres.
40
POLOGNE
Le relèvement du niveau sanitaire des villages fait actuelle­
ment l'objet de mesures en cours d’exécution parmi lesquelles
il convient surtout de citer la construction d’établissements de
bains, l'amélioration des conditions du logement, et l’installation
des services communaux d’adduction d’eau ; de plus, une lutte
énergique est menée contre les maladies infectieuses.
La prophylaxie joue un rôle essentiel au point de vue de
l’amélioration du niveau général de la santé des populations
rurales, mais on ne néglige pas, toutefois, le traitem ent médical,
particulièrement dans les hôpitaux. Ainsi, au début de 1939,
le nombre des lits d’hôpital était d’environ 80.000, dont 40.000
créés au cours des vingt dernières années. Ce nombre est mal­
heureusement insuffisant, et l’on s’efforce constamment de
l’augmenter.
Il convient de relever que la plupart des hôpitaux polonais
sont gérés, soit par l’administration locale, soit par des insti­
tutions privées ou religieuses. Les frais d’hospitalisation sont
très modiques et bien des hôpitaux adm ettent même gratuitement
les malades infectieux.
L’approvisionnement des régions rurales en médicaments à
des prix accessibles à la population rurale constitue un problème
tout aussi im portant. Les autorités sanitaires s’efforcent d’ac­
croître le nombre des pharmaciens dans les villages. En 1918,
on n ’en comptait que 1.560, mais il y en avait 2.310 en 1938.
En outre, il a été publié en 1938 une « pharmacopée des indigents »
dont les médicaments sont vendus à des prix très minimes.
Reste enfin la question du personnel, c’est-à-dire la nécessité
de prévoir un nombre suffisant de médecins, d’infirmières, etc.
Il est particulièrement difficile, dans les campagnes, de trouver
des médecins. On fait donc d’énergiques efforts pour envoyer
de jeunes médecins dans les villages et l'on a adopté, à cette
fin, une loi obligeant tous les médecins, après l’obtention de
leur diplôme, à exercer au moins pendant deux ans dans une
commune rurale. En même temps, on prend les dispositions
nécessaires pour augmenter le nombre des facultés de médecine.
Il est également indispensable d’encourager les jeunes gens
appartenant à la classe des petits cultivateurs (paysans) à faire
des études de médecine.
PO LOGNE
X.
41
L’ALIMENTATION DE LA POPULATION RURALE
La Section économique de l ’In stitu t d’E ta t de Pulawy
procède depuis quelque temps à des études sur l’alimentation
de la population rurale de Pologne. Elle se sert, à cette fin, de
données statistiques perm ettant de déterminer la quantité et
la qualité des produits consommés pendant une année par le
chef de ménage, qui enregistre ces données, et par sa famille.
Ces études font ressortir q u ’en matière d’alimentation, les
régimes varient suivant les régions et suivant les saisons et que,
de plus, ils dépendent en grande partie de la situation de fortune
des petits cultivateurs. Les plus aisés ont un régime meilleur
et plus rationnel et ceux dont la situation est moins bonne
ont un régime plus médiocre. Toutefois, dans l’ensemble, l’ali­
mentation est suffisante au point de vue tan t de la qualité que
de la quantité et, en ce qui concerne le nombre des calories,
la proportion d'albumine, de sels minéraux et de vitamines,
elle remplit les conditions prescrites par le Comité d’hygiène
de la Société des Nations.
La situation des paysans qui ne possèdent que de minuscules
lopins de terre est moins satisfaisante, surtout si ces petits
cultivateurs n’ont pas d ’autres sources de revenus et s’ils sont
forcés de subsister exclusivement du produit de leur terre.
D’après des études effectuées récemment, sur la base d’un
questionnaire, dans le sud de la Pologne (Galicie), les propriétaires
de petites parcelles ne dépassant pas 3 hectares et demi ont une
alimentation qualitativement et quantitativem ent insuffisante.
Par conséquent, si l’on pouvait réorganiser l’exploitation de
ces petites propriétés et augmenter leur productivité, surtout en
accroissant le nombre des ouvriers agricoles, en donnant plus
d’extension à la culture des légumes et des plantes maraîchères
et en développant tout particulièrement l’élevage du petit
bétail, on réussirait à intensifier la production des denrées
alimentaires nécessaires à l’alimentation rationnelle des familles
paysannes. C’est dans ce sens que les organisations agricoles,
et, en particulier, les organisations féminines, orientent leurs
efforts. On enseigne également aux ménagères de la campagne
la manière de préparer des repas bien équilibrés, connaissance
qu’elles ne possèdent pas toujours.
A l’heure actuelle, un comité spécial étudie tout particuliè­
rement les problèmes relatifs à l’alimentation de la population
rurale et l’on essaie d’intéresser l’opinion publique à ces questions
en les faisant figurer dans les programmes scolaires.
POLOGNE
42
XI.
LES SERVICES PUBLICS RURAUX
(TECHNIQUES ET CULTURELS)
Le surpeuplement, qui est le tra it caractéristique des cam­
pagnes polonaises, ainsi que le morcellement excessif des entre­
prises agricoles, exercent sur les conditions de l’habitation
rurale des répercussions défavorables au point de vue sanitaire
et au point de vue technique.
Le problème essentiel est celui de l’aménagement et de l’orga­
nisation des établissements ruraux, qui présente une importance
considérable pour la structure de la vie économique, sociale et
intellectuelle des campagnes.
A la suite du remembrement et du lotissement des terres
arables, des agglomérations rurales ont été reconstruites de fond
en comble et, dans certains cas, de nouveaux établissements
ont été créés sur des terres agricoles inoccupées. Des agglomé­
rations qui comptaient de longues années d’existence ont été
démolies, ce qui peut être considéré comme un avantage si le
nouveau type de village répond aux exigences d ’une collectivité
rurale moderne, notamment en ce qui concerne les écoles, les
coopératives et les bâtiments publics.
En second lieu, il faut envisager l’amélioration des bâtiments
d’habitation et des locaux agricoles, les adapter aux conditions
actuelles de travail dans l’agriculture et aux besoins d ’un niveau
de vie domestique plus élevé. La plupart des bâtiments actuels
ne remplissent pas les conditions d’hygiène élémentaires ; la
terre battu e tient lieu de plancher, des murs d’une épaisseur
insuffisante laissent pénétrer le froid et perm ettent à l’humidité
de se condenser à l’intérieur, les appareils de chauffage et les
fourneaux de cuisine sont, dans la plupart des cas, mal construits ;
ils ne dégagent pas une chaleur suffisante et ne facilitent pas les
travaux ménagers.
Tous ces inconvénients disparaissent progressivement et
il en résulte de sérieux avantages à la fois pour l’hygiène et pour
l’aspect général des habitations rurales. Les établissements de
bains deviennent de plus en plus fréquents dans les villages.
De même, les bâtiments d’exploitation agricole, notamment les
porcheries, ne sont pas adaptés aux méthodes modernes d ’élevage.
Ils sont insuffisamment éclairés et aérés et, souvent, ne compor­
ten t aucun dispositif pour la conservation du fumier ou pour son
enlèvement. Les mouches constituent encore un autre fléau.
Toutefois, la campagne de propagande actuellement menée
tend à faire disparaître rapidement ces inconvénients.
E n troisième lieu, il importe de résoudre la question de la
pénurie de matériaux de construction peu coûteux à l’usage de
PO LOGNE
43
la population rurale, notamment de briques réfractaires. On
s’efforce avec succès de résoudre ces difficultés : les autorités
locales et les sociétés coopératives font construire des briqueteries
rurales ; les scieries du Service de sylviculture de l’E tat procèdent
à la fabrication, en série, de pièces de menuiserie, et les sociétés
coopératives agricoles fournissent aux villages de la chaux,
du ciment et du verre.
Il reste encore à examiner les services publics ruraux de
caractère technique ou culturel. Le principal problème, à cet
égard, réside dans la fourniture d’une eau potable saine et de
bonne qualité aux collectivités rurales. Malheureusement, les
systèmes de distribution d’eau et d’évacuation des eaux usées
sont rares dans les régions rurales. On résout la question en
creusant des puits artésiens et en construisant des lieux d’aisances
hygiéniques, les eaux de vidange étant utilisées pour la prépa­
ration de composts.
Les progrès de l’électrification perm ettent de faire bénéficier
des avantages de l ’énergie électrique un nombre toujours
croissant de villages polonais ; toutefois, dans l’est du pays
notamment, le pétrole demeure pour ainsi dire le seul moyen
d’éclairage des maisons villageoises.
Le développement des systèmes de transport et des moyens
de communication est d'une importance primordiale pour les
régions rurales. A cet égard, on peut affirmer que les campagnes
polonaises ont réalisé de grands progrès depuis vingt ans. Tout
d’abord, les rues des villages, où l'on s’enfonçait autrefois
jusqu’aux genoux dans la boue, surtout au printemps et à
l’automne, sont à présent pavées. Avec l’aide des corvées,
les chemins qui font communiquer les villages entre eux ont été
réparés. Presque tous les centres urbains ont été reliés par des
routes secondaires aux principales communes rurales. De 1934
à 1938, on a créé ou reconstruit en Pologne 20.176 kilomètres
de routes asphaltées.
Le développement du réseau des chemins de fer se poursuit
progressivement et le nombre des trains, des stations et des
haltes a été considérablement augmenté, au grand profit de la
population rurale. Au cours des dix dernières années, des services
d’autobus destinés surtout au transport des voyageurs se sont
multipliés et la population des campagnes utilise de plus en plus
ce mode de transport.
Jusq u’à présent, les régions rurales se servent peu des
véhicules automobiles plus nombreux qui assurent le transport
des marchandises. Les transports locaux de voyageurs et de
marchandises s’opèrent surtout au moyen de véhicules à traction
animale. Très rares sont encore les agriculteurs, notamment
les petits fermiers, qui possèdent des automobiles, mais le nombre
des bicyclettes a énormément augmenté, et ce moyen de loco­
motion est actuellement le plus employé dans les villages.
44
POLOGNE
Le réseau téléphonique se développe progressivement. Les
services postaux ont augmenté dans des proportions considé­
rables et fonctionnent de façon extrêmement satisfaisante.
Dans certaines localités, les lettres sont maintenant distribuées
à leurs destinataires habitant les villages.
L’exposé ci-dessus s’est efforcé de donner une rapide esquisse
de la Pologne rurale d ’aujourd’hui en faisant ressortir les
faiblesses qui persistent et les progrès réalisés. Il convient de
souligner ici que les problèmes ruraux suscitent actuellement
un grand intérêt en Pologne. S’il en est ainsi, c’est, d’abord,
grâce à la population rurale elle-même qui, de sa propre initiative,
s’organise et s’efforce d’amener les autorités à faire droit à ses
demandes et à donner suite à ses réclamations. L’administration
locale, les organisations agricoles privées, les sociétés coopéra­
tives et diverses associations spéciales réorganisent de fond en
comble la vie rurale polonaise. Les représentants de ces organismes
constituent les Chambres d’agriculture et une association de ces
chambres, de concert avec les organisations agricoles centrales
et les sociétés coopératives, forme l’organisation centrale de
l'ensemble de l’agriculture et exerce son influence sur le gou­
vernement et sur la politique économique des banques.
Le nombre des institutions scientifiques qui se consacrent
à l’étude des problèmes ruraux montre également l’intérêt que
suscitent ces questions. Les problèmes économiques qui ont
tra it aux petits propriétaires fonciers sont étudiés par le Service
d ’études économiques concernant la petite propriété, qui est
rattaché à l’In stitu t d’E ta t de Pulawy, ainsi que par un certain
nombre d’institutions universitaires. Ce service procède, notam ­
ment, à des études, suivant la méthode Laur, sur le rendement
financier de la petite agriculture, et il communique sous forme
de rapports annuels les résultats obtenus. Les problèmes sociaux
qui intéressent les régions rurales sont étudiés par l’Institut
d ’économie sociale, l’Institut pour l’étude des problèmes sociaux,
et le Service de sociologie rurale de l’Ecole centrale d’économie
rurale, à Varsovie. En outre, les problèmes agricoles ayant
trait à la vie rurale sont étudiés par l’Institut de culture rurale
créé spécialement à cet effet. Les conclusions des études auxquel­
les il procède sont mises en pratique par le Comité des questions
de culture rurale, qui dépend du Ministère de l’Agriculture.
Toutes ces institutions scientifiques publient les résultats
de leurs travaux, de sorte que le nombre d'ouvrages scientifiques
relatifs à la vie rurale a augmenté dans de très grandes propor­
tions au cours des dix dernières années.
PO LOGNE
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Le paysan polonais accomplit de rapides progrès. Les traits
particuliers de son caractère sont une très profonde piété,
l’amour du travail, une grande résistance à la fatigue, un vif
attachement à son pays, un patriotisme ardent et un farouche
amour de la liberté. Il se rend compte, néanmoins, de la nécessité
d’une organisation et d’une forte autorité. Bien qu’il soit, par
nature, pacifique, il est toujours disposé à consentir l’ultime
sacrifice de son sang et de ses biens pour la défense de son pays
rénové et de ses frontières, car il comprend pleinement toute
la valeur de la liberté qu’il a recouvrée et tout le bonheur d’avoir
une patrie qui est bien à lui.
[Photo-Plat, Varsovie.
Montagnards polonais des environs de Krosno
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