Interview du quotidien polonais "RZECZPOSPOLITA" du 1er juin 2006
1. Croyez-vous au succès des négociations de l’OMC, étant donné que c’est la
France qui les bloque ?
D’abord, la France est solidaire des pays européens, et nous défendons une ligne
commune, proposée et négociée par la Commission européenne. On avait déjà le succès
de Doha, je souhaite vivement celui du cycle. Je pense qu'un accord est encore possible
avant la fin de l'année si les Etats-Unis et les pays émergents décident enfin de rejoindre
l'Union européenne. Le blocage actuel révèle le manque de réalisme des Etats-Unis qui
gardent une position maximaliste pour conquérir les marchés agricoles mondiaux et la
volonté des pays émergents (Chine, Brésil, et Inde) de ne pas ouvrir leurs marchés aux
produits manufacturés et aux services de leurs partenaires de l'OMC. Les évolutions ne
puissent être réalisées du jour au lendemain: les dirigeants de ces pays doivent en effet
convaincre leurs parlementaires. Le cycle sera en grand danger sans mouvement de leur
part avant l'été.
Contrairement à une idée répandue, ce n'est ni la France ni l'Europe qui bloquent. C’est
aux Etats-Unis et au G20 de faire enfin des concessions.
2. N’avez vous pas l’impression que face à l’impasse de négociations agricoles,
les chefs d'entreprise européens sont devenus otages de l’ensemble du
cycle ?
Il est maladroit d'opposer industrie, service et agriculture : les agriculteurs sont
également des chefs d'entreprise, et derrière l'agriculture, on trouve l'ensemble du
secteur agro-alimentaire, qui est un des secteurs économiques majeurs de la France,
comme de la Pologne.
L'agriculture ne doit pas être bradée car elle est un élément de notre économie et de
notre mode de vie. Toute concession doit permettre d’obtenir l'ouverture des marchés
pour les biens manufacturés et les services. L'objectif de la France est clair et est au
diapason des attentes des chefs d'entreprises: obtenir de nouvelles opportunités de
marchés dans les pays développés et les grands émergents.
Sur cette question, la Pologne et la France sont sur la même longueur d’onde.
3. De nombreux Français craignaient l’élargissement de l’UE, pensez-vous
qu’ils avaient raison ?
Les craintes qui se sont exprimées notamment lors du référendum, par exemple celle
d'un afflux massif de travailleurs ou celle de délocalisations, n'étaient pas fondées. Ce
n'est pas moi qui le dit mais les études les plus récentes sur le sujet. Nous nous trouvons
dans une situation paradoxale de pénurie dans certains secteurs qui ne pourra trouver de
réponse durable que dans une mobilité accrue des personnes au sein de l’Union
européenne. Le Gouvernement français a ainsi levé les restrictions à l’accès au marché
du travail en faveur des ressortissants des nouveaux Etats membres pour 61 métiers
parmi sept secteurs d’activités de notre économie : le bâtiment et les travaux publics,
l’hôtellerie, la restauration et l’alimentation, l’agriculture, la mécanique des métaux, les
industries de transformation, le commerce et la propreté. Voila une décision qui va, je
l'espère, démentir l'image d’une France frileuse.