Un procès pour mémoire
Le procès de Paul Touvier est le premier procès d'un Français accusé
de complicité de crimes contre l'humanité. En effet, l'action de la
justice s'éteignant avec la disparition des accusés, les procès de
Jean Leguay, décédé en 1979, et de René Bousquet, assassiné en
1993, n'ont pu se tenir.
Le procès consacre l'aboutissement d'une procédure judiciaire
ralentie par la négligence coupable ou inconsciente des autorités
religieuses, d'hommes politiques, de la police et de la justice.
Inévitablement, la question de l'opportunité d'une justice rendue
cinquante ans après les faits a été soulevée. Mais puisqu'on avait jugé
et condamné un Allemand, Klaus Barbie, il aurait été inconcevable et
choquant de ne pas poursuivre un Français accusé de complicité
de crimes semblables.
Un ensemble d'archives unique
Le procès de Paul Touvier a été intégralement enregistré par l'INA,
conformément à la loi du 11 juillet 1985. L'enregistrement a été
réalisé par Guy Saguez, réalisateur de FR3-Ile-de-France. Il dure
cent huit heures, correspondant aux vingt-quatre audiences du procès.
La diffusion à l'automne 2000, à la fois sur l'antenne et sur le site
Internet de la chaîne, d'une série de trente-sept émissions consacrées
au procès Barbie, a été unanimement saluée par le public et la presse
comme un programme exceptionnel à double titre : la diffusion du
procès Barbie a constitué un événement audiovisuel qui a déjà fait
date dans la courte histoire de la télévision et cette diffusion a
participé au nécessaire travail de mémoire sur cette période tragique,
en apportant à un large public un éclairage nouveau sur la Seconde
Guerre mondiale.
Forte de ce succès, histoire a voulu renouveler l'expérience avec le film
du procès de Paul Touvier, chef du service de renseignements de
la Milice de Lyon à partir de 1943. A cette fin, histoire a déposé,
le 13 mars 2001, une requête auprès du tribunal de grande instance
de Paris pour demander l'autorisation de diffuser de larges extraits
des enregistrements audiovisuels du procès de Paul Touvier, réalisés
en mars et avril 1994 à la cour d'assises des Yvelines (Versailles).
Le 15 mars 2001, le président du tribunal de grande instance de Paris,
M. Jean-Claude Magendie, accédait à la requête de la chaîne, auto-
risée à procéder «à la réalisation, la programmation et la diffusion
d'une série d'émissions consacrées au procès Touvier», dans un
but «pédagogique et historique». L'autorisation concerne la dif-
fusion aussi bien sur l'antenne d'histoire pendant toute la durée
de la programmation que sur son site Internet jusqu'en mai 2002.
Les choix de la chaîne
Les contingences techniques ont entraîné des coupes pas toujours souhaitables, mais inévitables :
lorsque les cassettes de l'enregistrement s'achèvent dans l'enceinte du tribunal, nous avons
un «trou», qui va de une minute dans le meilleur des cas à dix minutes dans le pire des cas. Il a fallu
adapter le découpage à cette pesante contrainte, car les trous entraînent des coupes au montage en
amont et en aval pour que le sens des phrases ne soit pas trahi. L'expérience du traitement du film
du procès Barbie nous sert : les lectures de pièces d'instruction, d'actes de renvois… sont écartées.
Les témoignages ont été conservés, en insistant sur la déposition et en écartant les questions, sauf
lorsqu'elles révélaient un point obscur ou éclairaient les informations précédentes. Les plaidoiries
des avocats des parties civiles sont longues et nombreuses. Nous avons choisi de les présenter dans
leur intégralité, pour ne pas nuire à la qualité du raisonnement et de l'argumentation. Ce choix a
pour conséquence d'écarter de nombreuses interventions, tout en respectant un équilibre entre les
plaidoiries qui portent directement soit sur les faits reprochés à Paul Touvier, soit sur les définitions
de crime de guerre et de crime contre l'humanité.
L'éclairage historique
Le dispositif retenu pour le procès Touvier est différent de celui mis en place pour le procès Barbie :
histoire propose, après un lancement assuré par Anne Sinclair, un rendez-
vous quotidien au début de chaque émission sous la forme d'une inter-
vention de quinze minutes assurée par un historien, un juriste ou un
journaliste chargé d'apporter un éclairage sur l'audience qui suit
(1h45 d'archives). Parmi les intervenants, des personnalités
(Simone Veil, Bertrand Poirot-Delpech), des historiens spécialistes
de la période (Jean-Pierre Azéma, Laurent Douzou, Jean-Noël
Jeanneney, René Rémond, Olivier Wieviorka, Annette Wieviorka),
des juristes (Pierre Truche, Jean-Olivier Viout) ou des journalistes
(Laurent Greilsamer, Pascale Froment, Marie-Françoise Masson). Il
ne s'agit nullement de commenter le procès mais d'apporter quelques
éléments de réflexion aux téléspectateurs.
Le comité éditorial
Présidé par Jean-Noël Jeanneney, par ailleurs président du conseil d'orientation des programmes
d'histoire, ce comité est composé de : Laure Adler, directrice de France-Culture, Jean-Pierre Azéma,
professeur des universités, Laurent Greilsamer, journaliste au Monde, Jean-Louis Nembrini, doyen des
inspecteurs d'histoire-géographie, René Rémond, de l'Académie française, président de la Fondation
nationale des sciences politiques, Henry Rousso, directeur de l'Institut d'histoire du temps présent
(IHTP), Pierre Truche, président honoraire de la Cour de cassation et de la Commission consultative
nationale des droits de l'homme, Simone Veil, Michel Zaoui, avocat.
Ce comité, mis en place en juin 2001, a pour mission de définir les principales orientations du
programme. Il peut pour partie se prévaloir de l'expérience acquise lors de la préparation du procès
Barbie, car il réunit de nouveau des personnalités de référence dans les domaines de l'histoire et
du droit, pour certaines déjà présentes l'an dernier sur le procès Barbie.
Une équipe d'historiens est chargée du travail de visionnage des archives et de préparation des
émissions,en suivant les principes énoncés par le comité éditorial. Placée sous la direction
de Dominique Missika, directrice de la rédaction de la chaîne, cette équipe comprend :
Jean-Claude Lescure, professeur des universités à Grenoble et à l'IEP de Paris, Agnès Chauveau,
maître de conférences à l'université Paris X-Nanterre, Frédéric Attal, maître de conférences
à l'université d'Orléans, assistés de Marie-Laure Pelosse, diplômée de l'IEP de Paris.
SUR L'ANTENNE
48 heures d'émissions dont :
42 heures d'archives sur 108 heures enregistrées
tous les jours, du 21 janvier au 13 février à 19h00
24 émissions quotidiennes de deux heures programmées à 19h00, rediffusées à 23h00 et le
lendemain à 8h45. Chaque émission comporte 1 heure trois quarts d'archives, complétées
par une introduction d'Anne Sinclair et des interventions de spécialistes, historiens, juristes,
journalistes ayant suivi le procès.
La programmation suit la chronologie du procès :
Emissions 1 à 9 : identité de l'accusé, examen de personnalité
et énoncé des charges.
Emissions 10 à 17 : auditions des témoins.
Emissions 18 à 24 : plaidoiries et verdict.
Par ailleurs
La diffusion du procès Touvier est accompagnée par la
programmation d'un certain nombre de documentaires et
de films qui apportent des éclairages variés sur la période :
Milice, film noir
Documentaire (138') (1997). Réalisation Alain Ferrari. Enquête : Bernard Cohn et
Charles Chaboud. Entretiens : Bertrand Poirot-Delpech et Alain Ferrari. Commentaire : Jacques Delperrié
de Bayac et Alain Ferrari, dit par Michel Bouquet. Production : Samusir et 16bis Productions.
A travers les récits de témoins de cette période encore en vie, anciens miliciens, résistants
ou proches des victimes, et la présentation de documents d'époque, ce film retrace l'histoire
de la Milice, nous entraînant de sa genèse aux traces encore présentes après guerre.
Diffusion le 14 janvier à 21h00
M. Zeizig
Documentaire (52') (1994). Auteur et réalisateur : Christian Tran. Production : Ardèche Images Production/
Novimages/Huit Mont Blanc.
En compagnie de René Zeizig, 80 ans, fils de l'un des sept juifs exécutés à Rillieux-la-Pape
par la Milice, ce documentaire suit les étapes du procès de Paul Touvier et revient sur
la nature et l'évolution de l'antisémitisme dans la société française.
Diffusion le 15 janvier à 21h00
L'affaire Touvier
Documentaire (52') (1990). Réalisation : Stephen Walker. Enquête : Lucy Wadham.
Conseillers historiques : Laurent Greilsamer et Daniel Schneidermann. Production : BBC Television/
LMK Images.
Ce documentaire retrace le parcours de Paul Touvier, depuis la guerre jusqu'à son
arrestation en 1989. Il met en évidence les complicités dont a bénéficié Touvier
durant les quarante-cinq ans de sa cavale.
Diffusion le 16 janvier à 22h00
Hôtel du Parc
Documentaire (2x100') (1991). Réalisation : Pierre Beuchot. Auteurs : Daniel Lindenberg et
Jérôme Prieur. Conseiller historique : Denis Peschanski. Production Archipel 33/INA/La Sept.
Voyage imaginaire au cœur du gouvernement de Vichy sous forme d'enquête, à partir
d'archives authentiques et de reconstitutions. «Hôtel du Parc» est le nom de la résidence
de Pétain à Vichy.
Diffusion les 17 et 18 janvier à 21h00
La production déléguée à été confiée à la société Morgane, la production exécutive à la
Sept Vidéo. La réalisation des émissions est assurée par Frédéric Pichon. L'Institut national
de l'audiovisuel et le Centre historique des Archives nationales,
qui conservent les enregistrements du procès, sont associés
à cette programmation.
Le suivi juridique du dossier a été assuré par maîtres
Olivier Cousi et Charles-Edouard Renault, du dépar-
tement média du cabinet Gide, Loyrette, Nouel.
SUR LE SITE histoire.fr
Toutes les émissions seront accessibles sur le site
Internet de la chaîne, www.histoire.fr, dès le début
de la programmation sur l'antenne. Sur Internet, les
émissions seront indexées. Il sera ainsi possible de
consulter la totalité du procès ou certaines parties
uniquement, comme par exemple les interventions du
procureur général ou de différents témoins... La programma-
tion détaillée du procès à l'antenne sera consultable sur le site.
L'internaute pourra aussi accéder à un ensemble d'informations complémentaires d'ordre
général sur les plans historique et juridique, sur la Milice et la Collaboration, sur le déroule-
ment du procès Touvier, avec notamment une biographie des principales parties prenantes,
ainsi qu'une bibliographie. www.histoire.fr proposera un annuaire sélectif de références
disponibles sur Internet permettant d'en savoir plus sur toutes ces questions. Enfin,
la chaîne ouvrira sur son site un forum mettant en relation les internautes avec
des historiens et des juristes.
LE PROCES
Le procès de Paul Touvier s'est déroulé devant la cour d'assises des Yvelines, du 17 mars
au 20 avril 1994. Paul Touvier, déjà condamné à mort par contumace en 1946 et 1947 pour
trahison et pour intelligence avec l'ennemi, comparaît pour complicité de crime contre
l'humanité, notamment pour le rôle qu'il a tenu lors de l'exécution de sept otages par la
Milice à Rillieux-la-Pape. Les premières plaintes avaient été déposées en 1973, le mandat
d'arrêt lancé en 1981. A l'ouverture du procès, près d'une cinquantaine de plaintes
de personnes physiques ou morales ont été déposées contre Paul Touvier. Celui-ci
est défendu par maître Jacques Trémolet de Villers et maître Françoise Besson.
L'accusation et les parties civiles sont représentées par plus de vingt avocats
parmi lesquels maître Arno Klarsfeld, maître Alain
Jakubowicz, maître Joë Nordmann, maître
Michel Zaoui. La cour d'assises, présidée
par monsieur Henri Boulard, a rendu son
verdict le 20 avril 1994 : Paul Touvier a été
condamné à la réclusion à perpétuité. Il se
pourvoie en cassation le jour même.
Le pourvoi est rejeté le 1er juin 1995.
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