René Pollesch - (france) - t2g theatre de gennevilliers centre

photo Thomas Aurin
René Pollesch
Ich schau dir in die Augen, gesellschaftlicher
Verblendungszusammenhang!
du 15 au 19 septembre 2012
Représentations : mardi 19h30, mercredi et samedi 20h30, dimanche 15h, relâche lundi
Tarifs : 24 / 15 / 12 / 9
Réservation : sur place ou par téléphone au 01 41 32 26 26 / du mardi au samedi de 13h à 19h
ou billetterie@tgcdn.com et en ligne sur : www.theatre2gennevilliers.com
Service de presse :
Théâtre de Gennevilliers Philippe Boulet 01 41 32 26 10 boulet@tgcdn.com
Festival dʼAutomne à Parismi Fort, Christine Delterme 01 53 45 17 13
René Pollesch
Ich schau dir in die Augen, gesellschaftlicher
Verblendungszusammenhang!
du 15 au 19 septembre 2012
Ich schau dir in die Augen, gesellschaftlicher Verblendungszusammenhang!
Je te regarde dans les yeux, contexte dʼaveuglement social !
mise en scène, René Pollesch
scénographie et costumes, Bert Neumann
lumière, Frank Novak
dramaturgie, Aenne Quones
avec Fabian Hinrichs
durée : 1h35
spectacle en allemand surtitré en français
Production Volksbühne am Rosa-Luxemburg-Platz (Berlin)
Coréalisation Théâtre de Gennevilliers, centre dramatique national de création contemporaine ; Festival dʼAutomne à Paris
Dans le cadre du Tandem Paris-Berlin organisé à lʼoccasion des 25 ans dʼamitié entre les villes de Paris et de Berlin
Spectacle créé le 13 janvier 2010 à la Volksbühne (Berlin)
avec le soutien de la RATP
Le Théâtre de Gennevilliers est subventionpar le ministère de la Culture et de la Communication, la Ville de Gennevilliers et le
Conseil Général des Hauts-de-Seine.
Je te regarde dans les yeux, contexte dʼaveuglement
social !
Ce pourrait être une des transpositions possibles de lʼexpression remuer
ciel et terre sur une scène de théâtre : René Pollesch, avec un texte radical
et engagé, nous envoie un messager virtuose pour secouer un grand coup
notre lien dʼéblouissement au monde.
Comment parler du théâtre au théâtre, sʼinterroger sur ce quʼest un spectacle en
arrivant à être caustique, drôle, impertinent, inattendu… Cʼest ce que fait le texte de
René Pollesch, porté par le comédien Fabian Hinrichs, seul sur scène, animé dʼune
incroyable énergie, qui revisite lʼhistoire récente et les grands changements
économiques (lʼannée 1971, où lʼAllemagne a provoqué la fin du système
monétaire mis en place à Bretton Woods), qui porte à leur point culminant des
considérations insolentes et moqueuses sur le théâtre interactif, tout en faisant
précisément participer le public, qui peut parfois recevoir sur la tête un livre dʼArno
Schmitt ou une guirlande de fleurs artificielles. Jouant de la batterie, du piano, du
ping-pong, chantant des chansons accompagnées à la guitare, se balançant à un
lustre géant, Fabian Hinrichs impressionne par sa forte présence et sa capacité à
saisir le public. Sous nos yeux, le plateau devient un terrain explosif où tout peut
nous surprendre et aiguillonner nos consciences.
Valérie Mréjen
Mabuse ...? Mabuse ...? N'était-il pas un acteur de la crise financière mondiale? Et que font les acteurs dans la crise
financière mondiale? La crise des marcs financiers a provoqué ici des turbulences irrationnelles et mon corps n'est
pas encore conscient de la catastrophe! Jʼai imaginé les évènements tumultueux du monde financier actuel ... Même si
en fait il nʼy a pas dʼévènement tumultueux là-maintenant. Il n'y a rien dʼautre que passivité ou ascétisme. La crise
financière est une comédie turbulente du faux-semblant. Cʼest lʼheureuse surprise de découvrir de l'irrationalité au cœur
de la rationalité. Mais quelle erreur a été faite alors ? Il n'y a rien ici ! Absolument rien à trouver ! Ça sent le
fondamentalisme de marché! Et cela nous rane à l'école de Chicago. Le moteur de l'économie capitaliste est basé
sur une communication auto-référente. Les prix ne font pas férence aux biens, mais à d'autres prix, ce qui finalement
ne conduit pas à une re-présentation, mais à une -présentation du monde. Dans cette comédie du faux-semblant,
solvabilité et insolvabilisont identiques; activité et ascétisme, la différence entre les valeurs réelles et fictives devient
obsolète, en effet, dès lors que le crédit est créé à partir de rien. Chez lʼacteur, la tragédie se développe entre deux
pôles: la croyance et la réalité, les deux conduisant simultanément à la catastrophe. (Re Pollesch)
Entretien avec René Pollesch
Quel a été le point de départ de ce projet ? Aviez-vous jà écrit et mis en scène un monologue ? Comment y
avez-vous travaillé ?
René Pollesch : Cette soirée ne devait pas être un monologue. Plutôt que de monologue, je préfère parler dʼune soirée
avec seulement un acteur. Jʼavais également sollici deux comédien(ne)s, qui ont finalement préféré ne pas donner
suite. Finalement, Fabian Hinrichs et moi avons décidé de faire une soirée à deux. Ou plutôt à trois, avec lecorateur
Bert Neumann. Fabian et moi avons commencé très tôt à discuter de ce projet, au moins six mois avant. Nous avons mis
en commun nos idées, jʼai écrit des premiers textes, puis Bert Neumann a construit lʼespace. Je ne considère cette
soirée ni comme un solo de Fabian, ni comme un solo de moi, ni comme un solo de Bert Neumann. En tournée, nous
sommes au moins 20 personnes. Au fond, tous les textes sur lesquels sʼappuient nos spectacles sont des monologues.
Des monologues confiés à plusieurs joueurs, ou bien à un seul, comme cʼest le cas, pour la premre fois, avec
Verblendungszusammenhang
Vos textes sont rarement publiés, et toujours après leur création : est-ce à dire quʼils ne prennent leur sens
quʼen étant joués/dits sur scène ?
René Pollesch : Nous faisons en sorte en tout cas que les spectateurs et les critiques ne puissent pas lire le texte de la
représentation avant la première. Cela est très important pour montrer que lors de nos soirées théâtrales, il ne sʼagit pas
de littérature transposée. Il ne sʼagit pas non plus de lʼinterprétation dʼun texte ou dʼune pièce. En Allemagne, lors des
représentations de textes classiques, jʼai le sentiment quʼilgne toujours parmi les spectateurs quelque chose de
rassurant : lʼidée, ou la certitude, que le texte qui est présenté sur scène nʼa pas été écrit maintenant, voire quʼil nʼest pas
dit maintenant. Cela neutralise chaque soirée théâtrale. Même si les spectateurs nʼavaient lu le texte quʼune heure avant
le spectacle, il sʼagirait toujours de se conformer à un modèle. Quels que soient les efforts que lʼon fait, en Allemagne,
pour traduire un texte classique dans lʼaujourdʼhui, le fait que la représentation ait toujours lieu après-coup, cʼest-à-dire
suivant un modèle, rend ce texte inefficace. Tout le monde, en Allemagne, fait comme sʼil nʼétait plus possible de dire sur
scène quelque chose qui nʼaitété dit et tout le monde participe à ce jeu. Si nous avons publié des livres, cʼest
parce que des gens qui étaient présents à nos soirées ont eu envie de relire les textes. Ceux-ci ne paraissent que deux
ou trois ans plus tard.
De manière générale, comment procédez-vous pour transposer un nouveau texte sur scène ? Quel « espace »
avez-vous laissé, en lʼoccurrence, à Fabian Hinrichs ?
René Pollesch : Dieu merci, je ne connais que des acteurs qui sont autonomes. Ce sont eux qui choisissent ceux de
mes textes quʼils veulent dire. Je ne tiens pas forcément à une présentation exhaustive de mes textes. À la première
lecture, à la première rétition, comme dans toutes celles qui suivent, il sʼagit pour lʼacteur determiner quels textes il
veut dire. La question nʼest jamais de savoir comment dire les textes, mais seulement de savoir quels textes dire. Cʼest
que nous inventons. Ensuite, lʼacteur nʼa pas besoin de sʼapproprier le texte, ni developper à son sujet un
comportement particulier. Sʼil a choisi un texte, en général, il sait pourquoi.
Le « contexte dʼaveuglement » (Verblendungszusammenhang) du titre se réfère à une notion théorisée en
particulier par Adorno. Pour quelle raison et de manière générale, comment expliquez-vous lʼimportance que
vos textes accordent aux sources théoriques ou scientifiques ?
René Pollesch : Le titre provient dʼun congrès qui sʼest tenu en 2001 à Francfort et du livre auquel il a don lieu. Jʼai
demandé aux auteurs lʼautorisation de lʼutiliser. Les textes théoriques tiennent une place importante dans mon quotidien.
Je les utilise, selon le conseil de la biologiste et féministe Donna Haraway, comme des « prothèses visuelles pour
mʼaider à voir la réalité » (Sehhilfen für die Wirklichkeit). La manière dont je les applique à ma vie génère des textes, et
nous les portons à la scène. Nous ne le faisons, dʼailleurs, que lorsque les acteurs peuvent eux-mêmes appliquer ces
textes à leur propre vie. Lʼenjeu de tout cela nʼest pas de dramatiser la théorie : au contraire, nous avons découvert une
pratique du théâtre qui permet à la pensée théorique, sur scène, de conserver toute sa solidité, au lieu de la neutraliser
en la transformant en jargon, ou de lʼutiliser pour créer des personnages. Dans le théâtre de la représentation,
malheureusement, on entend surtout : donc Hamlet dis ça, et Ophélia dit ça. Utiliser la théorie dans un tel contexte ne
servirait quʼà dire dʼquelquʼun vient, et ce qui se passe à lʼintérieur de lui.
Ich schau Dir in die Augenpeut être également considéré comme une critique du théâtre « interactif » vous
parlez vous-même dʼ« interpassivité »…
René Pollesch : Nous avons emprunté le concept dʼinterpassivité au philosophe Robert Pfaller. Il se laisse dʼautant
mieux utiliser au théâtre quʼil existait déjà le concept de « théâtre interactif ». Dans les années 1970, celui-ci a permis de
réagir contre la passivité du spectateur, et de donner corps à un désir de politisation. Mais nous nous situons plutôt du
côté dʼun Boris Groys, selon lequel il est facile dʼêtre actif, alors quʼêtre passif est beaucoup plus difficile. Être passif
nʼest pas tellement à la mode aujourdʼhui. Le but de cette soirée (théâtrale) est de se délester de son moi, et de la
réalisation de soi. Que se passerait-il si nous nʼétions pas obligé de ressentir ou dʼaimer nous-mêmes, mais si dʼautres
sʼen chargeaient à notre place ? Une phrase telle que : « Je tʼaime, mais ne me dis pas que cʼest à moi de le faire ! »
est-elle possible ?
… / …
Pensez-vous vraiment quʼêtre actif soit aujourdʼhui plus répandu que le contraire ? Lorsque lʼon songe à
lʼemprise des médias sur nos vies, ou à lʼimpuissance que chacun peut ressentir face au « système », on aurait
plutôt tendance à penser que notre époque est celle du triomphe de la passivi
René Pollesch : Être passif nʼest pas très bien vu. Lors dʼun entretien dʼembauche ou pendant des répétitions, on ne
retient pas les passifs. Un stagiaire nonmunéré qui, durant les rétitions, garde pour lui des bonnes idées, ne va
généralement pas passer, à la ronde, pour intelligent, créatif, etc. Et vu quʼil nʼa aucune envie de donner cette
impression, il accorde du prix à tout ce qui lui passe par la tête. Lʼimportant serait alors quʼil nʼoffre pas ses bonnes idées
au metteur en scène juste comme ça, parce quʼil a envie dʼêtre aimé par lui. Le problème, cʼest que nous voulons être
aimé. Actif, on ne lʼest de toute façon que suivant les mêmes sempiternelles voies. Nous voulons nous-mêmes aimer,
nous aussi faire lʼexpérience de ce même labyrinthe de mensonges et dʼeffrois que nos parents ont eu à traverser. Je
trouve la critique desdias banale, elleconnaît le problème. Nous ne sommes pas manipulés par les médias ou par
une quelconque puissance qui nous ferait face. La puissance, cʼest lʼaction éternellement réitérée. Cʼest un français qui a
dit ça. Foucault.
Vous critiquez souvent le théâtre de la représentation, et la manière dont une partie du théâtre allemand prétend
apporter une critique de lʼétat du monde tout en reproduisant lescanismes duolibéralisme. Il sʼagitme
selon vous dʼune « lutte culturelle ». Comment sʼexprime cette lutte chez vous dans votre travail créatif
comme à travers la programmation que vous avez imagie, pour la Volksbühne, dans le jardin du Prater, à
Berlin ? Comment arriver à créer une nouvelle relation au « spectateur » ?
René Pollesch : Jʼai arrêté de programmer le Prater de la Volksbühne depuis 2007. De 2001 à 2007, mon propos a été
de chercher à faire un théâtre moderne. Cʼest-à-dire un théâtre dans lequel le rapport à la réalinʼest plus garanti par
lʼimitation ou lʼillustration de la réalité, mais qui cherche à mettre à disposition des outils pour voir laalité, comme le
font les sociologues et les philosophes. Les philosophes ont toujours été prisés dans le théâtre allemand.
Mais après Brecht, et après le théâtre des années 1970, les dramaturges (en particulier les dramaturges ouest-
allemands) se croyaient obligés de construire des pièces fondées sur une philosophie propre, personnelle. Ces 40
dernières années, les programmes de salle étaient remplis de théorie, mais sur scène, on ne trouvait nulle trace dʼune
pratique qui aurait permis à cette théorie dʼadvenir. On bourrait les classiques de Baudrillard mais ce qui en ressortait,
cʼétait toujours lʼidéalisme allemand. Cʼest ce que nous essayons de changer. Nous avons invité des auteurs à monter
leurs propres pièces, des écritures ou des mises en scènes collectives, et beaucoup de femmes. Et nous nʼavons fait
que cela, et rien dʼautre. Pas de classiques, donc. Voilà ce que nous avons voulu affirmer, sans équivoque.
Ich schau Dir in die Augen… semble marquer un certain «changement » dans votre « style ». Le torrent verbal
qui caractérisait vos pièces précédentes semble ici moins prégnant comme si vous cherchiez à laisser au
spectateur de lʼespace pour réfléchir…
René Pollesch : En allemand, il existe un mot : Nachdenklichkeit (réflexion, méditation). Cʼest quelque chose que
jʼessaierai toujours dʼéviter, et dʼempêcher. Quelque chose qui est lié à lʼautorité et à lʼécole. Cela ne fait que banaliser
lʼespace du théâtre, en créant des pauses dirigées par un metteur en sne. Cela ne nous intéresse pas. Il nʼy a pas de
« style Pollesch ». Les soirées de théâtre auxquelles je suis associé sont toujours différentes. Pour la simple raison
quʼelles réunissent des gens toujours différents. Ce que lʼon appelle le « style de mise en scène » est précisément le
point où le travail dʼéquipe que lʼon invoque si souvent au sujet du théâtre se trouve démasqué : finalement, il y en a
toujours un qui cherche à imposer son style. Quʼils viennent pour la Volksbühne ou un autre théâtre, pour les comédiens
ou pour moi, les spectateurs qui viennent nous voir peuvent constater que nos soirées nʼobéissent à aucun style.
Dʼailleurs, cela nʼintéresse personne. Nos soirées sont conçues tout autrement. Notre pratique est différente, et les
soirées qui en résultent naissent toujours de manière difrente. Cʼest ce quʼon peut voir sur scène. Et pas quelquʼun qui
essaierait sagement de sʼen tenir à son style.
Lorsque vous dites que vos soirées sont toujours différentes, voulez-vous dire que le texte, la partition de
lʼacteur peut changer ? Dans quelle mesure lʼimprovisation du comédien est-elle importante ?
René Pollesch : Je ne voulais pas dire que chaque représentation est différente. Mais que nos soirées sont différentes
les unes des autres Verblendungszusammenhang, par exemple, nʼa rien à voir avec Ein Chor irrt sich gewaltig. Sinon,
bien sûr, chaque représentation est différente. Ce qui nʼimplique pas que le texte change. Fabian ne dit pas toujours le
même texte de la même manière. Il lʼutilise, dʼune représentation à lʼautre, dʼune manière différente. Il en résulte, bien
évidemment, des représentations tout à fait différentes.
Propos recueillis par David Sanson pour le Festival dʼAutomne à Paris
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