Orientations de travail Q238 Revendications de deuxième

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Orientations de travail
par Thierry CALAME, rapporteur général
Sarah MATHESON et John OSHA, rapporteurs généraux adjoints
Anne Marie VERSCHUR, Sara ULFSDOTTER et Kazuhiko YOSHIDA
assistants du rapporteur général
Q238
Revendications de deuxième application ou indication thérapeutique
Introduction
1)
Cette question vise à établir la nature, l’étendue et le caractère exécutoire de la protection par
brevet pour de nouvelles applications de composés chimiques connus lorsqu’une nouvelle
application thérapeutique d’une substance connue est découverte. Par souci de commodité,
cette application sera désignée « deuxième application thérapeutique » dans les présentes
orientations. Divers types de deuxième application thérapeutique sont décrits ci-dessous.
2)
L’octroi d’une protection par brevet pour les deuxièmes applications thérapeutiques pourrait
fortement encourager l’identification et le développement de solutions de nature à répondre
aux besoins thérapeutiques non satisfaits. Les brevets pour deuxième application
thérapeutique peuvent également se poser comme un outil essentiel des sociétés
pharmaceutiques innovantes dans le cadre de la gestion du cycle de vie de leurs brevets.
Toutefois, les travaux de R&D supplémentaires sont laborieux et onéreux. La protection par
brevet est importante, mais l’adéquation des incitations visant à favoriser la recherche sur les
deuxièmes applications thérapeutiques réside dans la possibilité de se prévaloir de droits de
brevets qui aient force exécutoire et soient de portée réelle.
3)
À l’heure actuelle, la possibilité même d’obtenir une protection par brevet des deuxièmes
applications thérapeutiques et, si tel est le cas, la forme des revendications admises, varient
d’un pays à l’autre. La capacité à faire appliquer les revendications admissibles et l’étendue
de la protection accordée varient également en fonction de la juridiction. Or, l’absence
d’harmonisation affecte aussi bien les sociétés pharmaceutiques innovantes que les
laboratoires génériques en suscitant un climat d’incertitude tant pour les titulaires de brevets
que pour les contrefacteurs présumés.
4)
L’octroi d’une protection par brevet pour les deuxièmes applications thérapeutiques a des
effets positifs et négatifs contradictoires sur la disponibilité de médicaments efficaces pour le
public. En effet, la protection par brevet pourrait permettre aux sociétés pharmaceutiques de
générer les revenus nécessaires pour financer de nouvelles innovations ; un avantage à long
terme pour le public. Toutefois, la baisse des prix rendue possible par l’arrivée sur le marché
de produits génériques présente également un avantage d’intérêt public en ce qui concerne le
coût supporté par les gouvernements finançant les produits pharmaceutiques, ainsi que le
coût d’achat pour le public.
5)
À tout le moins pour les raisons exposées ci-dessus, le niveau approprié de protection par
brevet à accorder aux deuxièmes applications thérapeutiques reste incertain.
-2Les travaux antérieurs de l’AIPPI
6)
L’AIPPI a, par le passé, examiné des questions concernant la deuxième application
thérapeutique à l’occasion d’ateliers organisés dans le cadre d’un certain nombre de réunions
récentes de l’AIPPI.
a)
Congrès de Paris (2010) - Atelier industrie pharmaceutique 4 intitulé « Questions
propres aux brevets protégeant des inventions pharmaceutiques ». Cet atelier s’est
penché sur la brevetabilité des inventions pharmaceutiques allant au-delà de la
simple molécule. Les inventions de deuxième application thérapeutique ont été
examinées aux côtés d’un certain nombre d’autres catégories d’inventions
pharmaceutiques.
b)
Forum/ExCo d’Hyderabad (2011) - Atelier industrie pharmaceutique 1 intitulé
« Protection de nouvelles applications thérapeutiques en droit des brevets ». Cet
atelier s’est penché sur les premières et deuxièmes applications thérapeutiques, ainsi
que sur les pratiques visant à encourager les investissements dans les nouvelles
applications de composés connus.
c)
Forum/ExCo d’Helsinki (2013) - Atelier industrie pharmaceutique 2 intitulé « Les
brevets de deuxième application thérapeutique ». Cet atelier a examiné l’étendue et
le caractère exécutoire des revendications de brevet portant sur de nouvelles
applications de médicaments connus. Parmi les sujets abordés, citons :
•
l’existence d’une protection ;
•
la contrefaçon par fournitures de moyens ;
•
la protection contre la responsabilité pour contrefaçon de brevet de
différentes catégories de personnes/institutions ;
•
ce qui oppose le droit des brevets et les régimes de réglementation des
médicaments.
7)
Il est à souligner que chaque panel d’experts participant aux ateliers susvisés comptait parmi
ses rangs des orateurs représentant les points de vue américain (États-Unis), indien et
européen. Compte tenu du rôle important que les deuxièmes applications thérapeutiques
jouent au niveau de la santé publique, ainsi que des répercussions économiques de la
protection par brevet des revendications de deuxième application thérapeutique pour
l’industrie pharmaceutique, pour les gouvernements et pour le public, il est opportun que
l’AIPPI examine cette question dans une perspective plus large.
8)
Par ailleurs, bien que des questions de travail antérieures de l’AIPPI aient englobé des
questions liées à la deuxième application thérapeutique, notamment dans le cadre des
questions Q202 « L’influence des questions de santé publique sur les droits exclusifs de
brevet » (Boston 2008) et Q209 - « Les inventions de sélection: le critère d’activité inventive,
autres conditions de brevetabilité et étendue de la protection » (Buenos Aires, 2009), l’AIPPI
ne s’est pas encore penchée sur la question à part entière de la deuxième application
thérapeutique.
Portée de cette question
9)
Il existe différents types de deuxième application thérapeutique (ou « application
thérapeutique ultérieure »), des exemples en étant cités ci-après dans la rubrique intitulée
« Types d’applications ». Toutes ces applications se trouvent englobées dans l’expression
« deuxième application thérapeutique » telle qu’utilisée dans ces orientations et relèvent de la
portée de cette question.
10)
Cette question se limite aux aspects suivants : l’admissibilité des revendications de deuxième
application thérapeutique, les types de revendications admissibles, ainsi que l’étendue de leur
protection et donc leur caractère exécutoire, quant aux contrefaçons aussi bien directes
qu’indirectes (lesquelles sont désignées dans ces orientations sous le terme de « contrefaçon
par fourniture de moyens »). Compte tenu de l’importance des considérations énoncées dans
-3l’introduction, cette question vise également à étudier les considérations politiques
pertinentes.
11)
À moins que cela ne soit pertinent en ce qui concerne l’admissibilité des revendications de
deuxième application thérapeutique, la brevetabilité des méthodes de traitement
thérapeutique à proprement parler (« première application thérapeutique ») ne s’inscrit pas
dans la portée de cette question. Il a été établi dans la question Q202 que bien que les
méthodes de traitement thérapeutique soient uniquement brevetables en Australie et aux
États-Unis1, bien d’autres pays encore admettent au moins une certaine forme de
revendications de deuxième application thérapeutique.
12)
Bien que les critères de validité, notamment ceux de la nouveauté et de l’activité inventive,
puissent avoir leur importance quant à la logique sous-tendant l’admissibilité (ou non) des
revendications de deuxième application thérapeutique, l’appréciation de la nouveauté et de
l’activité inventive, ainsi que celle d’autres critères de validité, ne rentre pas dans le cadre de
cette question, à moins qu’elle ne relève de la portée de cette question telle que définie au
paragraphe 9) ci-dessus.
13)
Sous réserve de cette même restriction, les questions de prolongation de la durée de validité
des brevets, de licence obligatoire, de droits et des certificats complémentaires de protection
(lorsqu’ils existent) ne s’inscrivent pas non plus dans la portée de cette question.
Discussion
Types d’applications
14)
Le cas classique de deuxième application thérapeutique est lorsqu’un médicament est dans
un premier temps développé à des fins thérapeutiques particulières et que des travaux de
recherche continue ou ultérieure permettent de découvrir que ce médicament est efficace
dans un autre domaine thérapeutique. Tel a été le cas de l’aspirine. Initialement utilisée en
tant qu’antipyrétique et antalgique, elle s’est ultérieurement avérée être un anticoagulant, puis
un anti-AVC et un anti-ischémique, efficace. Un exemple plus récent est celui du groupe des
composés pyrazolopyrimidinone qui constituaient un traitement reconnu des maladies
cardiovasculaires. Or, en 1994, Pfizer s’est aperçu que l’un de ces composés, le citrate de
sildénafil, était également efficace pour traiter la dysfonction érectile. Commercialisé sous le
nom de Viagra, ce produit connaît un énorme succès et génère plusieurs milliards de dollars
de chiffre d’affaires.
15)
Il peut aussi y avoir des cas dans lesquels la première application connue du composé n’a
pas connu de succès, mais une nouvelle application débouche sur un médicament important.
La nimodipine (commercialisée par Bayer sous le nom de Nimotop) avait, à l’origine, été
développée pour traiter l’hypertension. Rarement utilisée à cette fin, sa principale application
à l’heure actuelle est le traitement des troubles cérébraux. Parmi les autres médicaments
rentant dans cette catégorie, citons notamment Evista (chlorhydrate de raloxifène),
initialement développé comme agent anticancéreux et désormais commercialisé pour traiter
l’ostéoporose, ou encore Straterra (atomoxétine), initialement développé comme
antidépresseur, mais désormais uniquement commercialisé pour traiter le Trouble du Déficit
de l’Attention avec Hyperactivité (TDAH).
16)
Il arrive que des composés déjà découverts à des fins non thérapeutiques se révèlent par la
suite efficaces dans le cadre d’applications thérapeutiques. Un exemple de ce type est le
débat actuel sur la possibilité d’utiliser la marijuana à diverses fins thérapeutiques.
17)
Dans la décision G2/082 de la Grande Chambre de recours (GCR) de l’Office européen des
brevets, une nouvelle posologie a été jugée brevetable alors qu’il s’agissait de l’unique
1
Rapport de synthèse Q202, « L’influence des questions de santé publique sur les droits exclusifs de brevet », Partie I,
Question 5). Voir également le paragraphe 46) ci-dessous.
2
19 février 2008
-4caractéristique nouvelle d’un médicament reconnu pour traiter une maladie connue. La
revendication contestée concernait l’utilisation d’un acide nicotinique à effet retard dans le
traitement de taux anormaux de lipides dans le sang. La nouvelle caractéristique résidait en
ce que le médicament était administré « une fois par jour avant le coucher ». Dans l’affaire
G2/08, la GCR a conclu que la nouveauté pouvait résider dans des caractéristiques telles que
le groupe de patients à traiter, un mode d’administration différent ou un effet technique
différent.
Protection
18)
L’article 27, paragraphe 1, des ADPIC stipule que les brevets peuvent être délivrés pour
« toute invention, de produit ou de procédé, dans tous les domaines technologiques, à
condition qu'elle soit nouvelle, qu'elle implique une activité inventive et qu'elle soit susceptible
d'application industrielle ». Reste à savoir si les ADPIC imposent ou non la protection des
revendications de deuxième application thérapeutique, bien que certains commentateurs
affirment que refuser la brevetabilité aux revendications de deuxième application
thérapeutique est contraire aux ADPIC, et notamment à l’article 27, paragraphe 1.
19)
L’article 27, paragraphe 3, point a), des ADPIC permet d’exclure de la brevetabilité les
méthodes diagnostiques, thérapeutiques et chirurgicales pour le traitement des personnes ou
des animaux. Certains membres justifient le refus de la protection par les brevets aux
revendications de deuxième application thérapeutique au motif que ces revendications sont
liées à une méthode de traitement thérapeutique ou constituent tout simplement une autre
forme de méthode de traitement thérapeutique, et par conséquent peuvent, en toute licité,
être exclues de la brevetabilité.
20)
La justification du refus de protection par brevet des deuxièmes applications thérapeutiques
peut reposer sur une définition stricte de la nouveauté - à savoir sur le fait que la structure
chimique du composé fait déjà partie de l’état de la technique. Certains commentateurs ont
également suggéré que l’attribution de la nouveauté à des revendications de deuxième
application thérapeutique revenait à confondre les critères de brevetabilité distincts que sont
la nouveauté et l’activité inventive.3 Une telle définition n’attribue ni nouveauté ni activité
inventive à l’identification et à la décision de poursuivre le développement d’un composé
connu afin de l’utiliser dans le traitement d’une maladie ou d’une affection pour laquelle il
n’avait pas encore été utilisé. (Voir également les paragraphes 34 à 39 ci-dessous.)
21)
L’Inde, l’Egypte, les Philippines ainsi que des pays du Pacte andin4 font partie des pays
n’autorisant pas la protection par brevet des deuxième applications thérapeutiques. En Inde,
les composés chimiques et pharmaceutiques n’étaient pas du tout brevetables avant janvier
2005. Suite à diverses réformes liées aux ADPIC, la loi indienne sur les brevets interdit
encore à ce jour qu’une simple nouvelle application d’une substance connue soit brevetable.
22)
L’article 21 de la décision 486 du Régime commun concernant la propriété intellectuelle de la
communauté andine prévoit que les « produits ou processus déjà brevetés et inclus dans
l’état de la technique… ne feront pas l’objet de nouveaux brevets au seul motif de leur
utilisation dans le cadre d’une application différente de celle envisagée à l’origine par le
brevet initial ». Cette interdiction ne vise pas spécifiquement les revendications de deuxième
application thérapeutique mais s’applique à tous les domaines technologiques. Toutefois,
lorsque le Pérou a promulgué un décret législatif en 1997 clarifiant le fait que les brevets
peuvent être délivrés pour de nouvelles applications si les critères de nouveauté, d’activité
inventive et d’applicabilité industrielle sont satisfaits, habilitant ainsi l’Office péruvien des
brevets à délivrer à Pfizer un brevet concernant le Viagra, suite à une plainte déposée par
l’association péruvienne des fabricants de produits génériques, la Cour de justice de la
communauté andine a jugé que le gouvernement péruvien avait enfreint la législation
régionale sur les brevets en délivrant ce brevet.
3
Juan Pablo Coy Navarro, « A critical study of the denial of first and second medical use patents in the Andean Community;
the Viagra case », thèse présentée dans le cadre des travaux nécessaires à l’obtention du Master de droit, spécialité droit
économique international de l’Université de Warwick, septembre 2003.
4
La Bolivie, la Colombie, l’Équateur et le Pérou
-523)
Dans le contexte européen, avant la décision de la GCR dans l’affaire G05/835, l’article 52,
paragraphe 4, de la Convention sur le brevet européen (CBE) de 1973 faisait obstacle à la
protection par brevet des revendications de deuxième application thérapeutique. En vertu de
l’article 52, paragraphe 4, les méthodes de traitement thérapeutique étaient, quelque peu
artificiellement, considérées comme des inventions mais n’étaient pas brevetables pour
défaut d’applicabilité industrielle. Dans le cadre de la décision G05/83, la GCR a adopté les
revendications « de type suisse » pour contourner les dispositions de l’article 52, paragraphe
4, concernant les deuxièmes applications thérapeutiques. (Voir également les sections
intitulées « Types de revendications » et « Concepts de 'traitement', 'traitant', 'utilisé pour
traiter' et similaires » ci-dessous).
24)
Par contre, aux États-Unis, la situation a été réglée avant la recodification de la législation
américaine sur les brevets en 1952 avec, entre autres, une définition du terme « procédé »
(comme objet brevetable) qui comprend « une nouvelle application d’un procédé, …, d’une
composition de matière ou de matériau connu(e) ».6
25)
En Australie, alors que cela faisait plusieurs décennies que la brevetabilité des méthodes de
traitement thérapeutique et des deuxièmes applications thérapeutiques était perçue comme
un droit constant, le fabricant canadien de produits génériques, Apotex, a récemment remis
en cause ce principe en introduisant un pourvoi devant la Haute cour australienne. Dans une
décision définitive rendue en décembre 20137, il a été clairement établi que les méthodes de
traitement thérapeutique et les deuxièmes applications thérapeutiques étaient brevetables en
Australie.8
Types de revendications
26)
Il y a lieu de souligner que seuls les États-Unis et l’Australie autorisent les revendications
relatives à une méthode de traitement à proprement parler ; les autres pays autorisent les
revendications relatives à l’utilisation d’un composé pour préparer un médicament destiné à
traiter une maladie (revendications de type suisse) ; certains pays autorisent les
revendications relatives aux formulations pharmaceutiques destinées à une fin spécifique, ou
les revendications relatives au composé lorsque ce dernier est utilisé pour traiter une maladie.
27)
Comme cela est indiqué ci-dessus, la décision G05/83 de la GCR a vu l’autorisation de la
revendication de type suisse, laquelle est une revendication de procédé. Ainsi baptisées du
fait de la pratique de l’Office fédéral suisse de la propriété intellectuelle de l’époque, les
revendications de type suisse se présentent généralement sous la forme suivante :
« Utilisation d’une substance X dans la fabrication/préparation d’un médicament pour
le traitement de l’affection Y »
La revendication relative à l’« utilisation d’une substance X dans la fabrication/préparation
d’un médicament » porte sur un procédé de fabrication et n’est pas perçue comme une
revendication relative à une méthode de traitement thérapeutique. De la même façon, « …
pour le traitement d’une affection Y » décrit l’utilisation du médicament et constitue le
fondement de la nouveauté de la revendication (voir, toutefois, la discussion des enjeux
concernant les concepts de « traitement », « traitant », « utilisé pour traiter » et similaires aux
paragraphes 34 à 39 ci-dessous).
28)
5
Aux alentours de la même époque que la décision G05/83 mais indépendamment de celle-ci,
les tribunaux allemands ont mis au point leur propre type de revendication de deuxième
application thérapeutique sous la forme suivante :
du 5 décembre 1983
Article 100, paragraphe b), de la loi américaine sur les brevets (US Patent Act) (1952), 35 USC.
7
Apotex Pty Ltd/Sanofi-Aventis Australia Pty Ltd & Ors [2013] HCA 50.
8
Cette décision n’a toutefois pas résolu de manière définitive tous les problèmes ayant trait à la validité des revendications de
deuxièmeapplication thérapeutique en vertu du droit australien.
6
-6« Utilisation d’une substance X pour le traitement de l’affection Y »
29)
Lorsque la CBE 2000 est entrée en vigueur en décembre 2007, l’exclusion des méthodes de
traitement a été transférée de l’article 52, paragraphe 4, à l’article 53, point c), mettant ainsi
fin à l’idée fausse selon laquelle le critère s’opposant à la brevetabilité était le défaut
d’applicabilité industrielle. L’article 54, paragraphe 5, a codifié l’impact de la décision G05/83
en prévoyant la nouveauté des revendications de deuxième application thérapeutique.
30)
La décision G2/08 de la GCR a établi que les revendications de type suisse n’étaient plus
nécessaires aux termes de la CBE 2000. En revanche, une méthode de traitement peut être
protégée par une revendication de substance se présentant généralement sous la forme
suivante :
« Substance X destinée à être utilisée dans le traitement de l’affection Y »
Depuis janvier 2011, l’Office européen des brevets (OEB) n’admet plus les revendications de
type suisse; les revendications devant désormais se présenter sous la forme des
revendications de substance proposées à une fin spécifique (« purpose-limited » product
claims) prévues par la CBE 2000. Néanmoins, compte tenu de la longévité des brevets, les
deux formes de revendications continueront à coexister pendant un certain temps encore,
suscitant des questions quant à leur portée. (Voir également le paragraphe 42 ci-dessous.)
31)
Les revendications américaines couvrant les deuxièmes applications thérapeutiques suivent
la voie de la « méthode de traitement » plutôt que celle de l’« utilisation ». La forme des
revendications portant sur l’« utilisation » n’est généralement pas acceptée aux Etats-Unis
dans la mesure où des problèmes d’imprécision pourraient découler d’une revendication
portant sur un procédé ne définissant pas les étapes que comprend le procédé. Quelques
exemples sont fournis ci-dessous à titre de comparaison.9
Exemple – cas général
Revendications portant sur l’ « utilisation »

« Utilisation d’un composé X pour le
traitement d’une maladie Y »

« Utilisation d’un composé X pour la
fabrication d’un médicament destiné au
traitement de la maladie Y »

« Composé X destiné à être utilisé dans le
traitement de la maladie Y »
Exemple – groupe traité particulier

« Utilisation d’un composé X pour le
traitement d’une maladie Y chez un patient
présentant un taux de biomarqueur A dans
le sang d’au moins 5 pg/ml »
Exemple – nouvelle posologie

« Utilisation d’un composé X pour le
traitement d’une maladie Y,
o
dans laquelle 10 à 30 μg/ml de
composé X sont administrés par
voie sous-cutanée au patient une
9
Revendications américaines relatives à la
« méthode de traitement »

« Méthode de traitement d’un patient atteint
d’une maladie Y, comprenant :
o
l’administration au patient d’une
quantité efficace de composé X »

« Méthode de traitement d’un patient atteint
d’une maladie Y, comprenant :
o
l’obtention d’une mesure du taux
de biomarqueur A dans le sang du
patient ; et
o
l’administration au patient d’une
quantité efficace de composé X si le
taux de biomarqueur A est
supérieur à 5 pg/ml »

« Méthode de traitement d’un patient atteint
d’une maladie Y, comprenant :
o
l’administration au patient, par voie
sous-cutanée, d’un composé X en
une quantité de 10 à 30 μg/ml une
Tiré de la présentation effectuée par Elizabeth Doherty, de Finnegan LLP, dans le cadre de l’atelier industrie pharmaceutique
2 : Les brevets pour deuxième application thérapeutique – La perspective américaine, du Forum/ExCo d’Helsinki de l’AIPPI, le
6 septembre 2013.
-7fois tous les 7 jours en combinaison
avec un agent
chimiothérapeutique »
32)
o
fois tous les 7 jours ; et
l’administration au patient d’un
agent chimiothérapeutique »
Au Canada, un pays où les méthodes de traitement thérapeutique ne sont pas brevetables,
les brevetés ne peuvent pas se prévaloir de l’approche américaine. Ce faisant, le Canada
adopte également la voie de l’ « utilisation » pour le libellé des revendications (similaire à la
revendication allemande du type « utilisation »), comme par exemple :
« Utilisation d’un composé X pour traiter une affection Y »
33)
En Australie, les revendications relatives à une « méthode de traitement », une « utilisation »
ou de type suisse sont toutes autorisées et souvent utilisées de façon combinée dans le
même jeu de revendications au motif qu’elles ont (ou, à tout le moins, pourraient avoir) des
portées différentes tant en termes de validité que d’application.
Les concepts de « traitement », « traitant » et « utilisé pour traiter » et similaires
34)
L’élément clé qui est commun et essentiel à tous les types de revendications de deuxième
application thérapeutique est que le composé identifié est « destiné à », « préparé pour » ou
« utilisé dans » une méthode « pour traiter » ou pour le « traitement de » une ou plusieurs
maladies, affections ou symptômes indiqués.
35)
Pour les uns, les termes « méthode de traitement » dans les revendications de deuxième
application thérapeutique n’impliquent rien de plus qu’un certain degré, non précisé,
d’efficacité et d’innocuité. Pour les autres, ces revendications pourraient être perçues comme
définissant une « méthode de traitement » de la maladie ou de l’affection indiquée qui est
suffisamment sûre et efficace pour être administrée par des praticiens aux patients
nécessitant un traitement pour cette maladie ou affection.
36)
Un autre problème potentiel concernant le terme « traitement », l’élément clé des
revendications de deuxième application thérapeutique, réside en la définition de ses limites
et, notamment, la distinction entre celui-ci et les autres effets physiologiques du composé ou
de la méthode, y compris ceux qui sont bénéfiques. Le terme « traitement » véhicule-t-il une
notion d’amélioration, aussi faible soit-elle, des facteurs déterminants de la maladie ou de
l’affection ? Ou le traitement implique-t-il l’obtention d’un résultat thérapeutique précis ?
37)
L’existence ou non d’une contrefaçon d’une revendication de deuxième application
thérapeutique peut dépendre du caractère délibéré ou non de l’administration (ou de la
prescription), par le médecin prescripteur, du composé identifié à une personne atteinte de la
maladie ou affection indiquée afin de traiter cette maladie ou affection donnée, plutôt qu’une
quelconque autre maladie ou affection. Le fait que le « traitement » (selon la norme adoptée)
soit accompli effectivement ou non par la deuxième application thérapeutique revendiquée est
également un élément fondamental de l’utilité ou de l’applicabilité industrielle des
revendications de deuxième application thérapeutique.
38)
La décision rendue très récemment par la Haute cour australienne dans l’affaire
Apotex / Sanofi-Aventis10 comportait des commentaires attestant de la volonté d’interpréter
les revendications de deuxième application thérapeutique comme englobant une exigence
d’ « intention ». Bien que s’inscrivant dans le contexte de la discussion d’une infraction
indirecte, la Haute cour a clairement affirmé que l’administration du composé identifié devait
être délibérément destinée au traitement de l’affection en question et non pas à celui d’une
autre affection, et ce même lorsque l’affection en question pouvait également être traitée.
39)
Cette interprétation des revendications non seulement restreint considérablement le champ
d’application des revendications de deuxième application thérapeutique mais elle peut
10
Apotex Pty Ltd/Sanofi-Aventis Australia Pty Ltd & Ors [2013] HCA 50, paragraphes [278] [285].
-8également avoir des ramifications considérables quant à leur validité en les rendant plus
difficiles à prévoir ou évidentes mais plus faciles à contester pour insuffisance de la
description, absence de fondement ou de base équitable et/ou manque de clarté.
Caractère exécutoire
40)
Le débat suscité quant à la façon d’établir l’existence d’une contrefaçon d’un brevet de
deuxième application thérapeutique est le résultat de la nature même d’une revendication de
deuxième application thérapeutique. Lorsqu’un quelconque brevet relatif au composé ou à la
première application thérapeutique expire, les produits génériques concurrents peuvent
accéder au marché en toute légitimité. Lorsqu’il n’existe aucun brevet relatif au composé ou à
une quelconque « première » application thérapeutique, le composé peut en toute légitimité
être utilisé pour d’autres traitements ou fins que la deuxième application thérapeutique
brevetée. Toutefois, dans les faits, les pratiques de commercialisation, de prescription, de
délivrance et d’utilisation de produits pharmaceutiques sont telles que de tels produits
génériques ou produits concurrents peuvent être prescrits ou utilisés pour des traitements
contrefaisant les brevets de deuxième application thérapeutique.
41)
La forme de toute revendication de deuxième application thérapeutique autorisée dicte
nécessairement son interprétation et donc la portée de sa protection ainsi que son
opposabilité. Par définition, les actes qui constituent une contrefaçon sont différents pour les
revendications relatives à un produit et pour celles relatives à un procédé. Par exemple, la loi
britannique sur les brevets (UK Patents Act) dispose qu’une revendication relative à un
produit sera (directement) contrefaite en cas de mise à disposition, d’offre de mise à
disposition, d’utilisation, d’import ou de conservation du produit. Une revendication relative à
un procédé sera contrefaite en cas d’utilisation, ou d’offre d’utilisation, du procédé revendiqué
(sous réserve de la satisfaction d’une condition de connaissance), ou en cas de mise à
disposition, d’offre de mise à disposition, d’utilisation, de conservation ou d’importation d’un
produit directement obtenu au moyen du procédé revendiqué. L’Accord relatif à une juridiction
unifiée du brevet prévoit d’ailleurs des dispositions similaires.
42)
Il y a également débat quant à savoir si les revendications se présentant sous la forme
prévue par la CBE 2000 sont de portée identique aux revendications de type suisse. S’il est
clair que les revendications de type suisse sont des revendications relatives à un procédé et
que celles de la CBE 2000 sont relatives à un produit limité à une application précise, les
notes explicatives du projet suisse d’article 54, paragraphe 5, de la CBE 2000 suggéraient
que la protection offerte par le nouvel article 54, paragraphe 5, « était équivalente, en ce qui
concerne les autres applications, à celle offerte par la revendication de type suisse ».
Cependant, le Tribunal fédéral suisse a, depuis, fait la déclaration suivante :
« On peut s’attendre à ce que la nouvelle catégorie de revendications prévue aux
termes de l’article 54, paragraphe 5, de la CBE 2000, celle des revendications
proposées à une fin spécifique, entraîne une protection plus large qu’auparavant pour
le breveté… »11
43)
Que ce soit pour des raisons réglementaires, incitatives ou de pratique, les praticiens de
nombreux pays inscrivent sur l’ordonnance le principe actif d’un produit et non pas le nom du
produit. Or, il se peut que le pharmacien exécutant l’ordonnance ne soit pas au courant de
l’indication pour laquelle le produit est prescrit, qu’il soit dans certaines circonstances habilité
(d’un point de vue légal) à délivrer un produit générique même lorsque le nom du princeps
figure sur l’ordonnance, voire même qu’il soit activement incité par la politique de
remboursement des médicaments à utiliser un substitut générique plutôt que la marque du
princeps.
44)
Lorsque le ou les brevets relatif(s) au produit à proprement parler et/ou la première
application thérapeutique a/ont expiré ou n’a/n’ont jamais existé dans une juridiction donnée
ou où que ce soit mais qu’il existe un brevet en vigueur relatif à la deuxième application
11
Tribunal fédéral suisse, BGE 137 III 170 (Alendronate).
-9thérapeutique, la capacité de la société pharmaceutique innovante à intenter des poursuites
pour contrefaçon peut dépendre de l’homologation ou non du produit générique pour la
deuxième application thérapeutique brevetée et/ou de la mention spécifique de cette
deuxième application thérapeutique brevetée dans la notice du produit. Parmi les autres
facteurs pertinents potentiels citons les mesures (au-delà des questions d’étiquetage) que le
fabricant de produits génériques propose de prendre pour éviter que ses produits ne soient
utilisés comme prévu dans la deuxième application thérapeutique brevetée, telles que la
notification périodique des médecins et/ou pharmaciens ou la mise en place d’avis relatifs aux
indications au niveau des logiciels ou systèmes de prescription et/ou de délivrance. En tout
état de cause, il peut y avoir aussi bien contrefaçon directe que contrefaçon par fourniture de
moyens (contributory infringement) des revendications de deuxième application
thérapeutique. Cela se traduit souvent par le cas relativement simple de « on-label use », à
savoir l’utilisation (dans ce contexte contrefaisante) d’un médicament générique conforme à
son ou ses indication(s) autorisée(s).
45)
Toutefois, lorsque le produit générique est uniquement homologué pour une utilisation non
brevetée ou que la notice du produit générique n’inclut pas la moindre référence à l’utilisation
brevetée (une pratique dite de « skinny labelling ») ou exclut expressément une telle
utilisation, la substitution par un produit générique ne saurait, dans de telles circonstances,
donner lieu à une contrefaçon directe. Ces scénarios sont désignés sous les termes
respectifs d’« off-label use » et de « cross-label use » – l’ « off-label use » étant l’utilisation
d’un principe actif pour le traitement d’une affection autre que celle pour laquelle il a été
autorisé alors que la « cross-label use » est l’utilisation d’un médicament générique pour une
affection non inclue (voire même expressément exclue) par le génériqueur mais qui figurait
sur la notice du princeps ou d’autres données réglementaires. Dans de tels cas de figure, il
est parfois difficile pour le breveté de prouver que le médicament est fabriqué ou vendu pour
la deuxième application thérapeutique brevetée. Tel est d’ailleurs ce qui est ressorti de
diverses décisions rendues au R.-U, en Allemagne et, plus récemment, en Australie.
46)
Les conditions particulières de la contrefaçon par fourniture de moyens peuvent varier
sensiblement d’une juridiction à l’autre. Toutefois, la contrefaçon par fourniture de moyens
implique souvent une certaine connaissance (réelle ou présumée) du fait que le produit fourni
sera utilisé de façon contrefaisante. Il s’ensuit que le résultat de toute action en justice
dépendra dans une large mesure des faits propres à l’affaire en question. Dans deux arrêts
rendus en 2010 par la Cour d’appel britannique concernant la responsabilité pour contrefaçon
par fourniture de moyens12 (en fournissant de quelconques moyens concernant un élément
essentiel de l’invention), il a été établi que les conditions de connaissance et d’intention
prévues par le droit britannique étaient satisfaites si, au moment de la fourniture ou de la
proposition de fourniture, « le fournisseur sait, ou s’il est évident compte tenu des
circonstances, que les utilisateurs finaux mettront en œuvre l’invention ».
47)
On aurait pu s’attendre à une conclusion similaire en Australie jusqu’à ce que la Haute cour
rende sa décision dans l’affaire Apotex / Sanofi-Aventis. Bien que la Cour ait confirmé que les
revendications de deuxième application thérapeutique et méthodes de traitement
thérapeutique étaient brevetables, Sanofi-Aventis a obtenu un jugement finalement peu
satisfaisant de contrefaçon par fourniture de moyens. La revendication en cause concernait
une méthode destinée à prévenir ou traiter le psoriasis par administration d’une composition
contenant le principe actif leflunomide. Le composé avait fait l’objet d’un brevet antérieur
ayant expiré. Or, Apotex souhaitait commercialiser une version générique du leflunomide qui
était uniquement enregistrée pour l’arthrite psoriasique et la polyarthrite rhumatoïde. La cour
a jugé que cette proposition de fourniture ne constituerait pas une contrefaçon du brevet,
infirmant ainsi sur ce point la décision du tribunal de première instance ainsi que la décision
rendue en appel par la chambre plénière de la Cour fédérale. Cette décision s’explique en ce
que la revendication a été interprétée comme étant l’administration délibérée du composé
pour prévenir ou traiter le psoriasis. La cour a également jugé qu’Apotex n’avait pas de raison
de penser que les utilisateurs de son produit l’utiliseraient d’une façon contraire aux
indications figurant dans la notice approuvée d’Apotex.
12
Grimme Maschinenfabrik/Scott [2010] EWCA Civ 1110; KCI/Smith & Nephew [2010] EWCA Civ 1260.
- 10 48)
La question du « skinny labelling » a, ces derniers temps, été au centre de bien des
commentaires. À l’un des extrêmes, en Australie, le projet de rapport suite au récent Examen
des brevets pharmaceutiques recommande que la loi australienne sur les brevets (Australian
Patents Act) soit modifiée afin de stipuler que la fourniture d’un produit pharmaceutique
couvert par un brevet qui est utilisé pour une indication non brevetée ne constitue pas une
contrefaçon si des mesures raisonnables ont été prises pour s’assurer que le produit serait
uniquement utilisé de façon non contrefaisante. Il devra être présumé que des « mesures
raisonnables » ont été prises dès lors qu’aucune indication contrefaisante ne figure parmi les
indications mentionnées sur la notice du produit13. Indépendamment du fait qu’elles trouvent
le juste équilibre ou non et qu’elles soient efficaces ou non, ces propositions ont pour objet
principal d’aider les tribunaux à concilier les contradictions entre, d’un côté, le risque de priver
un breveté du bénéfice d’un monopole légal accordé en toute régularité et, de l’autre, étendre
indûment le monopole de sorte que les utilisations non contrefaisantes se trouvent également
englobées et que toute concurrence émanant des produits génériques est totalement écartée.
49)
En Europe, la règle générale est que les informations relatives à un produit générique doivent
contenir les mêmes informations que le princeps, et notamment les indications, la posologie
et le mode d’administration14. Toutefois, un produit générique peut ne pas inclure de
référence aux indications ou formes galéniques qui sont protégées par des brevets en vigueur
dans les informations pertinentes relatives au produit. L’autorisation de ne pas inclure ces
informations est accordée au niveau national. Il appartient à chaque État membre d’établir s’il
est nécessaire ou non que le laboratoire n’incluant pas ces informations explique les raisons
de l’absence de certaines indications ou formes galéniques.
50)
À l’autre extrême, bien que la réglementation fédérale américaine permette une approche
similaire à celle de l’Europe, nombreux sont les États américains qui imposent aux
pharmacies de remplacer le médicament de marque par un médicament générique
homologué pour toutes les indications, même si certaines d’entre elles ne figurent pas sur
l’étiquette de ce dernier. En vertu de la réglementation fédérale, s’il existe la moindre
différence au niveau de l’étiquette concernant l’innocuité ou l’efficacité, les indications doivent
rester sur l’étiquette. Il semble donc que le champ d’application ou l’utilité du « skinny
labelling » soit, dans la pratique, plus étroit aux États-Unis.
51)
À supposer que la contrefaçon puisse être établie, les tribunaux pourraient encore hésiter à
accorder une injonction afin d’empêcher l’utilisation contrefaisante d’un brevet de deuxième
application thérapeutique lorsque, dans les faits, seule une partie des produits génériques
commercialisés sont utilisés à des fins contrefaisantes. S’agissant de l’affaire australienne
Apotex/Sanofi-Aventis, si (malgré la confiance dont a fait preuve la Haute Cour) les médecins
prescrivaient ou les pharmaciens délivraient, sciemment ou non, le leflunomide pour le
psoriasis, les tribunaux pourraient être réticents à l’idée d’accorder une injonction même si
celle-ci était expressément limitée à l’utilisation contrefaisante. Les raisons de cette réticence
pourraient comprendre l’incertitude quant à la portée de l’injonction et les difficultés pour
surveiller son respect.
52)
Aux États-Unis, les médecins et hôpitaux sont exonérés de toute responsabilité pour
contrefaçon de brevet. Les revendications américaines de deuxième application
thérapeutique de type « méthode de traitement » américaine ont force exécutoire sur la base
d’une incitation à la contrefaçon (induced infringement) ou d’une contrefaçon par fourniture de
moyens. Le fabricant et/ou distributeur est poursuivi en rapport avec le produit utilisé par le
médecin ou patient. L’incitation à la contrefaçon consiste à encourager activement autrui à
contrefaire une revendication de brevet. Cela peut se faire par le biais des consignes sur la
boîte ou au moyen de pratiques marketing,commerciales ou publicitaires encourageant les
tiers à mettre en œuvre le procédé revendiqué. Des difficultés d’ordre pratique pour prouver
la contrefaçon peuvent survenir si le procédé revendiqué ne figure pas sur la notice du produit
générique.
13
Recommandation 6.4, Examen des brevets pharmaceutiques, projet de rapport, avril 2013.
Voir par exemple l’article 11 de la Directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 instituant
un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain.
14
- 11 53)
15
16
Seul pays, outre les États-Unis, à admettre comme brevetables les méthodes de traitement
thérapeutique, l’Australie ne prévoit pas de telle exonération de responsabilité pour
contrefaçon de brevet pour ses médecins et hôpitaux, un fait remarquable. S’il a par le passé
été suggéré qu’il faille aux praticiens souhaitant utiliser des méthodes et traitements
thérapeutiques brevetés demander une licence obligatoire15, les observations des juges de la
Haute Cour dans la récente affaire Apotex / Sanofi-Aventis suggèrent que les activités ou
procédures des médecins et autres personnels médicaux relatives au traitement physique
des patients devraient être considérées comme non brevetables et ce faisant, totalement
exonérées de toute contrefaçon de brevet. Cette conclusion serait davantage en adéquation
avec le paragraphe 5, de la résolution Q20216, contrairement à ce qui est actuellement le cas
pour le droit australien. Toutefois, sur le plan pratique, il est évident que les sociétés
pharmaceutiques innovantes n’ont pas intérêt d’un point de vue commercial à engager des
poursuites contre les médecins qui prescrivent leurs médicaments et les patients qui les
achètent et les consomment.
Bristol-Myers Squibb & Co / FH Faulding & Co Ltd (2000) 170 ALR 439
Résolution Q202, « L'influence des questions de santé publique sur les droits exclusifs de brevet », Congrès de Boston
(2008), paragraphe 5 : « Dans la mesure où le droit des brevets prévoit la brevetabilité des méthodes de traitement médical, la
loi devrait prévoir une exception aux droits du breveté, permettant au personnel médical de faire usage des méthodes de
traitement médical brevetées, sans l’autorisation du breveté, lorsque la situation factuelle rend impossible de négocier une
licence avant la mise en œuvre du traitement ».
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