La Cour suprême des États Unis invalide les revendications
concernant la médecine personnalisée
mars 21, 2012
Auteurs : Micheline Gravelle et Melanie Szweras
La Cour suprême des États-Unis a asséné un autre coup à l’industrie de la biotechnologie dans sa décision du 20 mars 2012
relativement à l’affaire Prometheus c. Mayo. Prometheus est la titulaire d’une licence exclusive de deux brevets américains, soit les
brevets nos 6,355,623 et 6,680,302, qui visent des méthodes d’optimisation de l’efficacité et de la sécurité des médicaments
contenant de la thiopurine dans le traitement de maladies auto immunes. Dans une décision unanime, le juge Breyer, s’exprimant au
nom de la Cour, a invalidé les revendications en alléguant qu’elles ne se résumaient qu’à des revendications de lois de la nature et
que le maintien d’un tel brevet « risquerait d’immobiliser de façon disproportionnée l’utilisation des lois fondamentales de la nature
restreignant leur utilisation pour faire d’autres découvertes ». (Traduction) Les répercussions de cette décision ne sont pas encore
connues, mais le jugement soulève des inquiétudes concernant l’avenir des brevets dans le domaine de la médecine personnalisée.
À titre de précision, nous savions, avant que Prometheus n’obtienne de droits dans ces brevets, que la thiopurine pouvait être
utilisée dans le traitement de troubles gastro intestinaux d’origine immunologique. Nous savions également que des quantités
données de certains métabolites, comme la thioguanine, étaient corrélées à la probabilité qu’une certaine posologie pût être nuisible
ou se révéler inefficace. Les inventeurs des brevets de Prometheus ont établi que des niveaux précis de métabolites étaient corrélés
à l’efficacité de la thiopurine. La Cour suprême devait déterminer si les revendications en cause faisaient appel à un objet
susceptible d’être breveté.
La revendication 1 du brevet ‘623 était considérée par la Cour comme typique de toutes les revendications :
Méthode d’optimisation de l’efficacité thérapeutique dans le traitement d’un trouble gastro intestinal d’origine immunologique,
comprenant :
(a) l’administration d’un médicament contenant de la thioguanine à un patient atteint dudit trouble gastro intestinal d’origine
immunologique;
(b) la détermination du niveau de thioguanine du patient atteint dudit trouble gastro intestinal d’origine immunologique,
dans laquelle un niveau de thioguanine inférieur à environ 230 pmol/8x108 globules rouges indique la nécessité d’augmenter
la quantité de médicaments administrée par la suite au patient,
et dans laquelle un niveau de thioguanine supérieur à environ 400 pmol/8x108 globules rouges indique la nécessité de
diminuer la quantité de médicaments administrée par la suite au patient.
La Cour a soutenu que les revendications visaient des lois de la nature « à savoir les relations entre des concentrations de certains
métabolites dans le sang et la probabilité qu’une posologie donnée de thiopurine se révèle inefficace ou nuisible ». (Traduction) La
Cour a résumé plusieurs affaires liées à l’interdiction de breveter des lois de la nature et a fait observer que, dans certaines d’entre
elles, on soutenait qu’une loi de la nature pouvait fort bien être brevetable. La Cour a ensuite posé la question suivante : « Les
revendications des brevets ajoutent elles suffisamment de précisions aux corrélations pour faire en sorte que les processus décrits et
appliqués aux lois de la nature soient susceptibles d’être brevetés? » (Traduction)
Dans son analyse des étapes de la revendication, la Cour a maintenu qu’aucune des étapes n’équivalait à l’application d’une loi de
la nature. En fait, pour la Cour, l’étape de l’« administration » ne renvoie qu’aux destinataires appropriés, à savoir les médecins, qui
traitent avec de la thiopurine des patients atteints de certaines maladies. Quant à l’étape de la « détermination », la Cour a soutenu
que « le médecin doit déterminer le niveau métabolites approprié dans le sang par quelque processus que lui ou le laboratoire
désire utiliser. » Comme prévu, la Cour a affirmé que la troisième étape, la clause « dans laquelle », donne simplement de
l’information au médecin concernant les lois de la nature et « tout au plus, elle propose de tenir compte de ces lois lorsqu’il traite son
patient. » (Traduction)