La fragilité de la personne âgée : un consensus bref de la Société

Journal Identification = PNV Article Identification = 0311 Date: December 9, 2011 Time: 8:59 am
Synthèse
Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil 2011 ; 9 (4) : 387-90
La fragilité de la personne âgée :
un consensus bref de la Société
franc¸aise de gériatrie et gérontologie
Frailty in older population: a brief position paper
from the French society of geriatrics and gerontology
Yves Rolland1
Athanase Benetos2
Armelle Gentric3
JoËl Ankri4
Franc¸ois Blanchard5
Marc Bonnefoy6
Laure de Decker7
Monique Ferry8
RÉgis Gonthier9
Olivier Hanon10
Claude Jeandel11
Fathi Nourhashemi12
Christine Perret-Guillaume2
FrÉdÉrique Retornaz13
HÉlÈne Bouvier14
GeneviÈve Ruault14
Gilles Berrut7
1Service de gérontologie clinique et médecine
interne, Pôle Gériatrie, CHU de Toulouse
2Service de médecine B, CHU de Nancy,
Vandœuvre-lès-Nancy
3Service de court séjour gériatrique, Hôpital
de la Cavale Blanche, CHU de Brest
4Service de gériatrie, Hôpital Sainte-Perine,
Paris
5Service de médecine interne et gérontologie
clinique, CHU de Reims
6Service de médecine interne-gériatrie,
CHU Lyon-Sud, Pierre-Bénite
7Pôle de gérontologie clinique,
CHU de Nantes
<gilles.berrut@chu-nantes.fr>
8Université Paris 13, Bobigny
9Service de gérontologie clinique,
CHU de Saint-Étienne
10 Service de gérontologie, Centre hospitalier
Broca-La Rochefoucault, Paris
11 Pôle de gérontologie clinique,
CHU de Montpellier
12 Service de gérontologie clinique
et médecine interne, Pôle gériatrie,
Casselardit, CHU de Toulouse
13 Centre gérontologique départemental,
Marseille
14 Délégation de la Société franc¸aise
de gériatrie et gérontologie, Suresnes
Tir ´
es `
a part :
G. Berrut
Résumé. La fragilité de la personne âgée est un syndrome clinique qui vise à exprimer
un niveau de risque. La fragilité est une réduction des capacités d’adaptation au stress
qui est modulée par des facteurs physiques, psychiques et sociaux. Le dépistage de la
fragilité est pertinent pour les personnes âgées autonomes pour les activités de base de
la vie quotidienne. Les critères cliniques de fragilité doivent être prédictifs du risque de
déclin fonctionnel et d’événements péjoratifs, faire consensus au niveau international, et
être simples d’utilisation aussi bien en soins primaires qu’en recherches cliniques.
Mots clés : fragilité, personnes âgées, consensus
Abstract. Frailty in the older population is a clinical syndrome which evaluate a risk level.
The Frailty syndrome defines a reduction of the adaptation capacity to a stress. It can
be modulated by physical, psychological and social factors. The screening of the frailty
syndrome is relevant for older people without disability for basic activities of daily living.
The clinical criteria of frailty must be predictive of the risk of functional decline and adverse
outcomes, consensual at the international level, and easy to perform in primary care as well
as in the clinical researches.
Key words: frailty, elderly, consensus
doi:10.1684/pnv.2011.0311
Pour citer cet article : Y. Rolland. La fragilité de la personne âgée : un consensus bref de la Société franc¸ aise de gériatrie et gérontologie. Geriatr
Psychol Neuropsychiatr Vieil 2011; 9(4) :387-90 doi:10.1684/pnv.2011.0311 387
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Y. Rolland, et al.
Le terme de fragilité est utilisé de longue date par
les médecins pour qualifier l’état de vulnérabilité
de leurs patients mais son sens a évolué aux der-
nières décennies. Ce terme désignait, dans les années
1970, la nécessité d’une institutionnalisation et d’aide per-
manente. Dans les années 1980, la fragilité désigne plus
largement l’incapacité. Avec les premiers travaux portant
sur l’évaluation gériatrique standardisée, la fragilité traduit
une situation plus complexe, à la fois médicale et sociale.
Les travaux plus récents issus de l’observation de grandes
cohortes de personnes âgées ont permis de préciser les
contours d’une fragilité qui représenterait un risque à venir
(de déclin fonctionnel, de dépendance, et d’événements
péjoratifs tels que les chutes, les fractures, les hospitalisa-
tions, les entrées en institution et le décès) plutôt qu’une
condition particulière.
La comorbidité représente dans le champ sanitaire à la
fois une cause et une conséquence de la fragilité selon que
l’on situe la fragilité comme un modèle de vieillissement nor-
mal à risque ou comme une condition intermédiaire entre
un vieillissement normal et un vieillissement pathologique.
Modèle de compréhension
Les modèles d’étude de type épidémiologie de vie (Life
course epidemiology) permettent de proposer un modèle
associant 4 aspects du vieillissement qui sont à la fois
distincts et associés : la sénescence, les comorbidités,
les incapacités et la fragilité. La fragilité traduit le cumul
et les interactions d’un déclin de diverses fonctions phy-
siologiques (telles que les fonctions neuromusculaires et
endocriniennes) apparaissant au long de la vie.
Définition de la fragilité de la
personne âgée
La fragilité est un syndrome clinique. La fragilité se
définit par une diminution des capacités physiologiques de
réserve qui altère les mécanismes d’adaptation au stress.
Son expression clinique est modulée par les comorbidités
et des facteurs psychologiques, sociaux, économiques et
comportementaux. Le syndrome de fragilité est un mar-
queur de risque de mortalité et d’évènements péjoratifs,
notamment d’incapacités, de chutes, d’hospitalisation et
d’entrée en institution.
L’âge est un déterminant majeur de fragilité mais
n’explique pas à lui seul ce syndrome.
La prise en charge des déterminants de la fragi-
lité pourrait réduire ou retarder ses conséquences, mais
actuellement le niveau de preuve pour une telle efficacité
est faible. Ainsi, la fragilité s’inscrirait dans un processus
potentiellement réversible.
Aspects conventionnels d’une
définition
La fragilité qui est présente dans tous les modes de
vieillissement, du vieillissement usuel au vieillissement
pathologique, trouve sa pertinence clinique dans sa présen-
tation d’allure asymptomatique. Le diagnostic du syndrome
de fragilité permet de révéler un risque qui n’est pas mani-
feste au regard du praticien ou du soignant non gériatre
dans sa prise en charge usuelle. Afin d’être distingué de la
dépendance et des autres situations de perte d’autonomie
fonctionnelle et de se rapprocher au mieux du vieillissement
usuel, il est proposé de ne considérer le syndrome de fragi-
lité que chez les sujets âgés de plus de 65 ans ne présentant
pas d’altération des capacités fonctionnelles de base de la
vie quotidienne telles que l’on peut les évaluer par l’échelle
Activity daily living (ADL) de Katz.
Afin de s’affranchir de la variabilité simultanée du niveau
de vulnérabilité et du niveau d’agression qui sont inter-
dépendants, il convient de situer le syndrome de fragilité
dans une situation fréquente d’agression ou de stress (opé-
ration réglée d’une coxarthrose, tumorectomie pour cancer
du sein, pneumopathie non compliquée, veuvage, isole-
ment social, conditions climatiques, dégradation rapide des
conditions économiques, par exemple).
Physiopathologie
Il n’existe pas de consensus sur le ou les processus
physiologique(s) conférant un syndrome de fragilité à une
personne âgée. La fragilité s’intégrerait dans une évolu-
tion défavorable du métabolisme énergétique ayant pour
conséquence une diminution des réserves fonctionnelles,
en particulier musculaires, et une moindre capacité à équi-
librer les apports nutritionnels aux besoins. Une expression
clinique classique de la fragilité serait la sarcopénie. Dans
cette situation, la réduction de l’activité physique se traduit
rapidement par une diminution de la réserve fonctionnelle.
Plusieurs autres mécanismes sont habituellement
proposés tels qu’un état inflammatoire chronique, des
altérations des mécanismes de régulation endocriniens
(hormones stéroïdes et sexuelles notamment), ou encore
une augmentation de l’activité procoagulante.
D’autres auteurs intègrent parmi les mécanismes
physiopathologiques et les facteurs impliqués dans le
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La fragilité de la personne âgée
syndrome de fragilité, l’altération des fonctions cogni-
tives, mais aussi les dimensions psychologiques de vécu
de l’âge ou les conditions environnementales ou socio-
économiques. Toutefois, l’intégration de ces facteurs dans
le syndrome de fragilité n’est pas consensuelle à l’heure
actuelle.
Critères de définition syndromique
Parmi les nombreux outils simples ou composites
actuellement proposés pour porter un diagnostic de fra-
gilité chez un patient, la plupart sont longs à réaliser et
parfois sans validation adaptée. Idéalement, l’outil devrait
être fiable, validé, acceptable, sensible (pas nécessai-
rement spécifique), peu coûteux, sûr, rapide et simple
d’utilisation. Plusieurs outils peuvent être élaborés selon
leur lieu d’utilisation, tels que la consultation de médecine
de proximité ou d’urgence, ou de spécialités non géria-
triques.
Deux classes de critères de fragilité sont validées :
les critères fondés sur une physiopathologie énergétique
et motrice, appelée également phénotype de fragilité. Ils
comprennent : la perte de poids, la vitesse de marche lente,
la sensation de fatigue, psychique et physique (energy), la
faiblesse musculaire et la sédentarité. Trois au moins de ces
cinq items doivent être présents ;
les critères fondés sur l’intégration de facteurs cog-
nitifs et sociaux, regroupés sous le terme de fragilité
multi-domaines. Ils comprennent plusieurs domaines : la
cognition, l’humeur, la motivation, la motricité, l’équilibre,
la continence urinaire, les capacités pour les activités de
la vie quotidienne, la nutrition, la condition sociale et les
comorbidités.
Quel que soit le modèle utilisé, certaines composantes
cliniques apparaissent déterminantes pour définir le syn-
drome de fragilité au point que certains items sont avancés
comme pouvant, à eux seuls, définir la fragilité d’un sujet
âgé. On peut ainsi citer :
les faibles performances fonctionnelles (vitesse de
marche lente, score diminué au Short physical performance
battery (SPPB), faiblesse de la force de préhension) ;
la fatigue (au sens de réduction de la sensation d’énergie
avec une composante physique et psychique) ;
la vulnérabilité socio-économique.
Conséquences de la fragilité
La fragilité est un syndrome regroupant divers fac-
teurs qui permettent d’évaluer un degré de risque. Les
conséquences du syndrome de fragilité sont clairement
identifiées. Elles sont d’ailleurs fréquemment intégrées
dans la définition conceptuelle du syndrome de fragilité.
Parmi les événements classiquement observés, quel
que soit le modèle définissant le syndrome de fragilité, on
cite :
la mortalité globale ;
le déclin fonctionnel ;
la chute ;
l’hospitalisation ;
l’entrée en institution ou autre changement de lieu de vie.
Situation de détection du
syndrome de fragilité
Malheureusement, la fragilité d’une personne âgée
n’est actuellement que rarement détectée en population
générale. Son diagnostic se fait, le plus souvent, dans un
contexte de stress, au décours d’un événement somatique
ou psychologique aigu ou lors d’une prise en charge pro-
grammée (notamment lorsqu’elle se situe dans un milieu
spécialisé non gériatrique). Dans ce contexte, la présence
du syndrome de fragilité se manifeste par la survenue de
complications qui traduisent l’incapacité de la personne
âgée de faire face à l’épreuve vécue, du fait de ses faibles
réserves physiologiques et fonctionnelles. Le dépistage de
la fragilité est donc important avant que les complications
ne surviennent.
Des travaux de recherche clinique ont souligné que
les sujets âgés de plus de 75 ans ne présentant pas de
difficulté pour les activités simples de la vie quotidienne
(ADL), mais présentant des difficultés débutantes pour
les activités instrumentales (IADL) de la vie quotidienne
sont de bons candidats au dépistage du syndrome de
fragilité (figure 1). En cas de diagnostic de fragilité, une
évaluation gériatrique standardisée et l’organisation d’un
programme d’intervention sont alors particulièrement per-
tinentes. Le test de dépistage du syndrome de fragilité
doit être adapté au contexte (consultation de médecine
générale, travail de recherche clinique...), être faisable
pour l’observateur et acceptable pour le patient. Il doit
présenter les qualités de validation attendues. Compte
tenu de ces exigences, de nombreux travaux soulignent
l’intérêt de la vitesse de marche (test de marche sur
4 mètres). La présence du syndrome de fragilité devra
conduire à une évaluation non seulement des différentes
composantes multi-domaines de la fragilité, mais aussi de
l’évaluation des risques de déclin fonctionnel, d’entrée dans
la dépendance, d’événements péjoratifs dans le contexte
considéré.
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Y. Rolland, et al.
Contexte : Situation de stress ou de prise en charge
particulière
ADL et IADL
Evaluation gériatrique
standardisée
Test de détection de la
fragilité
N
N
Intervention multi-domaine
adaptée au contexte
Pas de modification par rapport à la
prise en charge habituelle
Figure 1. Proposition d’un arbre décisionnel de dépistage du syndrome de fragilité.
Figure 1. Pattern of a decision-making tree of screening frailty un older subjects.
Plusieurs aspects doivent être précisés pour que le
concept de fragilité de la personne âgée puisse se traduire
par des recommandations à mettre en œuvre dans la pra-
tique gériatrique et gérontologique.
1- Constitution d’un outil simple de repérage de la fragi-
lité :
sur quel modèle ?
pour quelle utilisation ?
Points clés
La fragilité de la personne âgée est un syndrome cli-
nique.
Son dépistage est pertinent pour les personnes âgées
autonomes pour les activités de base de la vie quoti-
dienne.
Plusieurs critères cliniques ont été proposés pour défi-
nir la fragilité, mais un consensus international reste à
établir.
2- Pertinence de la fragilité pour l’évaluation :
d’anciens et de nouveaux traitements en gériatrie ;
de procédures de soins ;
de filières de prise en charge médicale et sociale en popu-
lation générale.
3- Place de la fragilité dans la prévention :
peut-on proposer le dépistage et la prise en charge de la
fragilité comme approches pertinentes de la prévention de
la dépendance ?
le syndrome de fragilité peut-il être proposé pour initier
des campagnes de prévention par l’évaluation gériatrique
standardisée ou de dépistage de certaines maladies (mala-
die d’Alzheimer, cancer...).
L’ensemble de ces aspects sera l’objet d’un séminaire
de travail sous l’égide à la fois de l’Organisation mondiale
de la santé (OMS), de l’International association of geriatry
and gerontology et de la Société franc¸aise de gériatrie et
gérontologie.
Conflits d’intérêts : aucun.
390 Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 9, n4, décembre 2011
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