2
► Cependant, les économistes
avertissent que l’économie ralentit en
Chine et que l’industrie chinoise doit
faire face à une surcapacité. La Chine
pourra-t-elle répondre aux attentes ?
Jan B
OUDEWIJNS
« Je ne partage pas tout à fait le pessimisme de certains économistes. Les exportations
chinoises ont en effet souffert de la baisse de la demande de l’Occident. Mais les Chinois
commencent aussi à vendre de plus en plus de produits ayant une plus grande valeur
ajoutée (par ex. machines et électronique) à d’autres pays émergents. La part des expor-
tations nettes dans le total du produit intérieur brut (PIB) baisse également. Il faut savoir
que les dépenses de consommation ne représentent actuellement que 35 % du PIB. Ce
chiffre devra augmenter à l’avenir. »
Philip S
CREVE
« Le développement d’une sécurité sociale est capital dans ce cadre. Actuellement, les
Chinois épargnent énormément car il y a peu d’allocations sociales. D'ici 2015, les habi-
tants des zones urbaines pourront cependant bénéficier d’un plan de pension financé par
les autorités et d’ici 2020, les habitants des campagnes devraient également en profiter.
Cette mesure stimulera certainement la consommation. Au cours des prochaines années,
les zones rurales feront également l’objet d’une attention accrue, vu que leur développe-
ment économique accusait un sérieux retard sur les régions côtières dynamiques. Le
changement de pouvoir qui s’opère actuellement en Chine, où le président Hu Jintao
cédera la place à Xi Jinping, sera très important pour la poursuite de ces réformes. »
► Assisterons-nous à un changement
draconien de politique ? Jan B
OUDEWIJNS
« Non. A court terme, il ne faut pas s’attendre à des mesures trop draconiennes. La stabi-
lité (et surtout la stabilité sociale) est la principale préoccupation. Les réformes seront
progressives, mais elles sont nécessaires pour maintenir cette stabilité. De récentes dé-
clarations des membres de la nouvelle équipe dirigeante indiquent clairement la volonté
de pratiquer des réformes. Le basculement vers une économie davantage axée sur la
consommation avait déjà débuté avec l’ancienne équipe au pouvoir et va se poursuivre.
Lors du congrès, le président actuel Hu a souligné que l’objectif était de doubler le volume
de l’économie entre 2010 et 2020, ce qui revient à une croissance moyenne de ± 7 % par
an. Il table également sur un doublement du revenu moyen des ménages pour éviter que
les inégalités sociales ne se creusent. »
Isabelle B
OHETS
« La Chine a beau être la deuxième plus grande économie au monde, le revenu moyen
par habitant est encore toujours cinq fois plus bas qu’en Belgique. Pourtant, la Chine a
déjà fait du chemin. En vingt ans, le nombre de Chinois vivant dans la pauvreté absolue
est passé de 700 millions à moins de 200 millions. Pour la Banque mondiale, il y a pau-
vreté absolue lorsqu'une personne vit avec moins d’1,25 dollar par jour. »
► L’État reste important en Chine et il
maintient son emprise sur les secteurs
stratégiques comme l’énergie, la
finance, les médias et les
télécommunications.
Y voyez-vous un changement ?
Jan B
OUDEWIJNS
« Non, là non plus, le changement n’est pas pour demain. Toutefois, les Occidentaux
sous-estiment souvent l’importance du secteur privé en Chine. Il représente déjà 80 % de
l’emploi et nous y retrouvons surtout des entreprises axées sur la consommation, les
exportations mais aussi les nouvelles technologies. Certains économistes se font du sou-
ci pour la santé du secteur financier. Je comprends, mais ne partage pas tout à fait leur
préoccupation. Les réformes ne faciliteront peut-être pas les choses pour les banques et
une augmentation des crédits à problèmes ou une diminution des marges sont possibles.
Mais il faut garder à l’esprit que tout le secteur bancaire est aux mains des autorités qui,
si nécessaire, ont les moyens financiers pour rectifier le tir. En outre, les banques chinoi-
ses sont assez solvables avec un ratio “loan/deposit” de 67 %. Nous pouvons toutefois
dire que le management progresse dans les entreprises chinoises et certainement dans
les entreprises publiques. La corruption est de plus en plus combattue : pensons au scan-
dale qui a éclaboussé le haut fonctionnaire du parti, Bo Xilai, et est d'ailleurs un des prin-
cipaux problèmes que le parti veut aborder, ne fût-ce que pour maintenir sa propre sécuri-
té d'existence. »
Philip S
CREVE
« La corruption est cependant un problème dans de nombreux pays émergents. L’Inde
connaît de très nombreuses procédures administratives lourdes, ce qui favorise la corrup-
tion. Et cependant, nous y trouvons des entreprises très rentables avec un bon manage-
ment. L’Inde est devenue un centre mondial de services en matière de logiciels, techno-
logie de l’information et pharmacie. Le grand problème de l’Inde reste sa piètre infrastruc-
ture : mauvaises routes, alimentation défaillante en électricité, etc. »
► Les pays BRIC ne sont-ils pas un
groupe très hétérogène ? Isabelle B
OHETS
« En effet, ces pays ont leurs caractéristiques propres. Ils ont cependant en commun une
diminution de la pauvreté extrême et l'apparition d’une classe moyenne qui aura plus
d’argent pour consommer. »