NOVEMBRE 2011 33
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Investir dans les marchés émergents est
intrinsèquement risqué, mais renoncer
aux occasions d’investissement qu’ils
représentent pourrait s’avérer encore plus
risqué, surtout à une époque où la crois-
sance des pays développés patauge, stagne
ou plonge.
Des professionnels parmi les plus
brillants du monde financier ont récemment
plaidé en faveur de l’investissement dans
les marchés émergents à la CFA Institute
Conference, qui se tenait à Boston.
Intitulée Fixed-income Management
2011 – The Search for Safety and Value
(Gestion des revenus fixes 2011 – La
recherche de sécurité et de valeur), cette
conférence se voulait un lieu d’échange
et d’approfondissement sur les marchés
actuels – où l’incertitude représente la
seule constante.
La crise financière de 2008 a en effet défié
toutes les normes et tous les paradigmes du
comportement des marchés. Cela a modi-
fié le monde tel que nous le connaissions, a
résumé Roberto Rigobon, chargé de cours
en économie appliquée au Massachusetts
Institute of Technology (MIT).
« Les capitaux circulent généralement de
pays qui n’ont pas de problèmes économiques
vers des pays qui en ont, a-t-il dit. Mais la
récente crise s’est avérée extraordinaire parce
qu’aucun pays n’a été épargné. C’est pourquoi
en sortir se fait de façon chaotique. »
Cela a ainsi créé un monde à deux vites-
ses, où certains pays s’en sont sortis très
rapidement – principalement les marchés
émergents comme la Chine ou le Brésil. « En
fait, la crise au Brésil a duré deux mois. Le
temps d’un hoquet. La crise au Danemark,
elle, n’a duré qu’une semaine. »
À l’opposé, d’autres pays comme le
Royaume-Uni ou les États-Unis ont réussi
à récupérer, mais sur la durée. « Sur papier,
du moins, les PIB de ces pays semblent avoir
repris des forces », précise M. Rigobon.
Ce rétablissement inégal a ses consé-
quences. « Je les appelle les incohérences
internationales; il y a des pays qui ont
commencé à augmenter les taux d’intérêt,
tandis que d’autres pressent toujours leur
économie, en espérant que l’un des secteurs
finira par livrer la marchandise », illustre
M. Rigobon.
Alors, où se réfugier? « Il n’y a pas de
refuge, puisqu’aucun pays n’a été épargné par
la crise; tout le monde cherche le moindre
petit bénéfice, dit-il. Au lieu de circuler de
pays où les taux d’intérêt sont élevés vers des
États où les taux sont plus faibles en quête
d’occasions d’investir, les capitaux mettent
le cap sur les pays en plein essor. »
Ce déséquilibre, explique-t-il, met de la
pression sur le système financier interna-
tional. « L’économie mondiale est comme
un ensemble de tuyaux, et les politiques
économiques sont les barrières qui régulent
le flux des capitaux dans ces tuyaux, illus-
tre-t-il. Certains États tentent de forcer ces
barrières, alors que d’autres font le contraire.
Cela entraîne une charge sur le système. »
C’est cette disparité de l’économie mon-
diale qui a causé le découplage des économies
émergentes. Les marchés émergents offrent
une bonne croissance et les clients devraient
y investir, réaffirme Daniel Fuss, vice-prési-
dent de Loomis, Sayles &Co. « Je pense que
les possibilités sont énormes, mais qu’elles
viennent avec une part de risque parfois trop
et parfois pas assez négligée. »
Qu’on le veuille ou non, les investisseurs ne
peuvent profiter de ces occasions sans risque,
renchérit Vinay Pande, directeur des place-
ments, recherche sur les marchés mondiaux
à la Deutsche Bank.
« Le monde de demain sera un monde
où la croissance réelle sera moindre [et cette
croissance] proviendra en grande majorité
des marchés émergents, estime Vinay Pande.
À plus long terme, les actifs à rendement les
plus performants que l’on pourra trouver
seront sûrement issus des marchés émergents
et libellés en devises étrangères. »
Il suggère donc aux conseillers « d’al-
ler à la source de ce qui va entraîner une
appréciation du taux de change dans les
marchés émergents, en particulier l’ap-
préciation réelle, qui se trouvera de plus
en plus dans les matières premières au
cours des prochaines années».
D’un point de vue historique, M. Pande
explique que les marchés émergents sont
à se sortir de l’immense fossé creusé ces
300 dernières années. Ils sont partis d’une
proportion globale de 50 % à 60 % du PIB
mondial pour se retrouver à un maigre 5 %.
« Remonter une telle pente comporte des
occasions réelles d’investissement. »
La proportion du PIB mondial que repré-
sentent les marchés émergents est désormais
plus grande que celle des pays développés,
affirment les experts. Les portefeuilles
d’investissement vont devoir commencer à
représenter cette réalité un jour.
Le risque avec les marchés
émergents… c’est de les ignorer
Vikram Bahrat
Le monde de demain
sera un monde où La
croissance réeLLe
sera moindre [et
cette croissance]
proviendra en
grande majorité des
marchés émergents.
À pLus Long terme, Les
actifs À rendement
Les pLus performants
que L’on pourra
trouver seront
sûrement issus des
marchés émergents
et LibeLLés en devises
étrangères.
- vinay pande