un modèle davantage porté par la consommation des ménages.
Car en définitive, ce qui préoccupe les Chinois ce n'est pas le taux du croissance du PIB mais celui de leur
revenu disponible. Hors, l'élimination des surcapacités productives accumulées et un dégonflement
ordonné de la bulle immobilière auront peu d'impact négatif sur le revenu des ménages qui pourrait, sauf
accident majeur, continuer à croître à un rythme de 6%-7% par an.
A ce rythme, et en tenant compte d'une inflation annuelle de 4% et d'une appréciation tendancielle du
renminbi de 3% par an, la Chine pourrait devenir d'ici une quinzaine d'années le premier marché de
consommateurs au monde en valeur, devant l'Union Européenne et les Etats-Unis. L'Empire du Milieu
déterminera alors de facto le cycle économique mondial, et le renminbi pourrait remplacer le dollar
comme principale devise de commerce et de réserve mondiale.
A mesure qu'elle rééquilibrera son modèle économique vers la consommation, la Chine devrait stimuler la
production de biens manufacturés dans des pays émergents à plus faible revenu par habitant, comme
l'Indonésie, les Philippines, l'Inde, le Bengladesh ou le Vietnam, ainsi que dans des pays africains comme
l'Ethiopie, qui accueille déjà de nombreuses usines de textile et d'habillement étrangères, et qui connaît un
décollage " à la chinoise " depuis une décennie.
Pour les pays émergents positionnés à un niveau de revenu intermédiaire supérieur à celui de la Chine,
comme le Brésil, la Russie, le Mexique, la Turquie ou encore l'Afrique du Sud, l'équation est plus
compliquée mais elle n'est pas insoluble.
Leur compétitivité industrielle sera déterminée par leur degré d'investissement dans la formation et
l'innovation, et par le recyclage des ressources dégagées par les exportations de matières premières dans
des secteurs fortement technologiques.
A rebours des prescriptions néolibérales, la plupart de ces pays reviennent aujourd'hui vers un modèle de
capitalisme coordonné dans lequel l'Etat joue un rôle de stratège, de réducteur d'incertitude et de
coordinateur des marchés. Si les attentes sociétales sont de plus en plus élevées dans ces pays, comme le
montrent les dernières manifestations, elles ne devraient pas obérer la capacité des autorités à franchir le
dernier palier de l'émergence, pour atteindre le niveau des économies avancées.
Compte tenu de leur potentiel de production et de consommation, de leurs ressources humaines et
naturelles, ceux qu'on appelle encore " les pays émergents " (à défaut d'autre vocable plus précis) ont
donc, tant individuellement que collectivement des perspectives de croissance et de développement
importantes devant eux.
Au-delà des facteurs proprement internes, soutenir la croissance de ces économies nécessiterait, à mesure
que l'hégémonie du dollar s'amenuise, de revoir de fond en comble les institutions financières
internationales comme le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale, qui ont de fait
perdu une grande partie de leur centralité au sein de l'économie mondiale.
Le FMI devrait ainsi, s'il ne veut pas être remplacé par un FME (Fonds monétaire des émergents) piloté
par la Chine, revenir à sa vocation originelle qui était de soutenir, de manière automatique et sans
conditionnalité, les pays connaissant des déficits temporaires de leurs balances de paiement en cas de
turbulences sur les marchés de capitaux.
Quant à la Banque mondiale, si elle ne veut pas être marginalisée par une banque des BRICS dont la
création est annoncée incessamment sous peu, il est urgent qu'elle rénove profondément son logiciel
intellectuel et qu'elle tire toutes les leçons des expériences les plus réussies de développement
économique des trente dernières années, celle de la Chine bien sûr, mais aussi celles de la Corée du Sud et
de la Malaisie.
Enfin, il est illusoire de penser qu'on assistera à une sorte de renaissance des économies américaine,
européenne et japonaise, qui reviendraient comme par magie au cœur de l'économie mondiale, comme au
" bon vieux temps " de la Triade, des pays du tiers monde et des rapports centre-périphérie conçus
exclusivement par et pour l'Occident.
Ceux qui croient voir dans l'actuelle reprise dopée aux stéroïdes monétaires des économies occidentales, -