L’archéologie, une source historique de premier plan S i vous avez visité l’exposition « Au temps de la Croisade » présentée en ce moment à la Maison des Mémoires, vous avez pu constater que notre connaissance de la vie quotidienne médiévale provient essentiellement des résultats de fouilles archéologiques. Certes, les textes littéraires, les chartes, les registres de comptes nous parlent incidemment des activités agricoles, des aliments consommés, des meubles, des vêtements et des ustensiles de cuisine, mais on ne saurait véritablement se les représenter sans le concours des archéologues. En avantpremière Conférence le 20 octobre 2009 à 20 h 30 à Carcassonne aux Archives départementales de MarieElise Gardel, archéologue Les fouilles du cimetière de Cabaret à Lastours : premières approches d’une population médiévale (XIIeXIIIe siècles) Cruche (fin XIIe-début XIIIe siècle) Provenance : fouilles du castrum de Cabaret (photographies Amicale laïque de Carcassonne) L es objets du quotidien présentés dans l’exposition proviennent de deux sites archéologiques majeurs : les castra de Cabaret et de Montségur, deux places fortes qui jouèrent un rôle important dans l’histoire de la Croisade contre les Albigeois. Les fouilles entreprises en ces deux lieux ont livré des témoignages de choix sur la vie aux XIIe et XIIIe siècles en temps de paix mais aussi pendant la croisade. Les destructions, qui ont succédé à la reddition des châteaux, ont fossilisé sous les décombres ce qui faisait le quotidien de toute une population. Pièce de jeu d’échecs (roi ou reine) Provenance : fouilles du castrum de Cabaret (photographies Amicale laïque de Carcassonne) La Canso 800 ans apres la Croisade contre les Albigeois n°7 - octobre 2009 Édito L e succès rencontré par les tables rondes récemment organisées et par l’exposition « Au temps de la Croisade » témoigne, s’il en était besoin, de l’intérêt marqué par le grand public pour cette période de notre histoire. n mettant sur pied le programme de développement « Pays cathare », le Conseil général a toujours eu le souci de répondre à cette attente. Et pour ce faire, il fallait mettre en valeur ce patrimoine auquel nous sommes tous très attachés, préserver l’authenticité des sites tout en en facilitant l’accès. ’est dans cette perspective qu’ont été conçus les aménagements touristiques de notre département : proposer des lieux de loisirs et de détente sans pour autant négliger une certaine exigence culturelle. E C Le castrum de Cabaret (cliché Amicale laïque de Carcassonne) Vous pouvez en ce moment admirer dans l’exposition « Au temps de la Croisade » organisée à la Maison des Mémoires quelques uns des objets découverts lors des différentes campagnes de fouille organisées de 1987 à nos jours par Marie-Elise Gardel dans le cadre de l’Amicale laïque de Carcassonne. Marcel Rainaud Sénateur de l’Aude Président du Conseil général C’est un autre aspect que nous dévoilera le 20 octobre prochain Marie-Elise Gardel. En effet elle nous fera part de ses dernières découvertes et nous fera comprendre ce qu’était la vie (et la mort) pour cette population du castrum de Cabaret, ce village déserté au milieu du XIIIe siècle. Sceau de Raimond II Trencavel, 1247 Moulage en plâtre d’un original en cire conservé aux Archives nationales (cliché Archives départementales de l’Aude) La Croisade royale Une promenade militaire (1226) L e 28 janvier 1226, le roi de France Louis VIII réunit à Paris prélats et grands barons du royaume et obtient leur assentiment et leur soutien pour la croisade qu’il compte lancer. Deux jours après, Louis VIII prend la croix. Les problèmes d’intendance et de financement sont rapidement réglés et le 17 mai 1226, l’armée croisée quitte Bourges et emprunte la vallée du Rhône comme l’avaient fait auparavant les croisés de 1209. Le roi de France Louis VIII est à sa tête. Les troupes ne rencontrent que peu de résistance : « à leur arrivée, les consuls des villes et des places qui appartenaient au comte de Toulouse venaient au devant d’eux, leur livraient les ouvrages fortifiés et donnaient des otages à leur discrétion » (Guillaume de Puylaurens). La ville d’Avignon seule refuse de se rallier et l’armée croisée décide d’en faire le siège. Le 3 juin, la ville de Nîmes se soumet. Le 16 juin, par l’intermédiaire de Benoît d’Alignan, abbé du monastère bénédictin de Lagrasse, les consuls de Carcassonne, refusant de suivre le comte de Foix qui les exhorte à résister, font porter les clés de la ville au roi de France, toujours devant Avignon. Le 12 septembre 1226, Avignon capitule. L’armée croisée peut prendre possession du pays ; c’est une promenade militaire qu’entreprend alors Louis VIII : Béziers, Carcassonne où le légat du pape destitue l’évêque Bernard Raimond de Rochefort, le remplaçant par Clarin, chapelain puis chancelier de Simon de Montfort. vant de quitter Carcassonne pour Pamiers, Louis VIII nomme l’officier royal chargé de gouverner l’ancienne vicomté Trencavel, devenue sénéchaussée royale de Carcassonne et de Béziers : Adam de Milly. e Pamiers, le roi de France passant par Belpech se rend à Castelnaudary. Après cette campagne victorieuse et l’hiver arrivant, il a décidé de regagner le royaume de France, il reviendrait au printemps suivant. Après avoir laissé « la garde du pays à messire Imbert de Beaujeu, homme doué pour la guerre et endurant, avec une grande troupe de combattants » (Guillaume de Puylaurens), Louis VIII et le légat font route vers l’Auvergne. Mais à Montpensier, le 8 novembre 1226, le roi malade meurt. A D Des foyers de résistance (1227-1228) S i la plupart des villes en pays d’Aude se sont soumises, Limoux n’est pas du nombre. Les Limouxins se rangent aux côtés de Roger-Bernard comte de Foix et de Raimond Trencavel, le fils de Raimond Roger mort dans les prisons de Carcassonne en 1209. On sait peu de choses de cette « guerre » de Limoux : la population fut déclarée « faidite et rebelle » et fut excommuniée au concile provincial de Narbonne au printemps 1227. En 1228 toutefois, il semble que la résistance de Limoux est jugulée. D’autres places résistent aux croisés. C’est le cas de Cabaret, dans la Montagne Noire, qui refuse de se soumettre. N’oubliez pas Au temps de la Croisade Sociétés et pouvoirs au XIIIe siècle L’exposition réalisée par les Archives départementales de l’Aude est ouverte jusqu’au 28 novembre prochain. Sont réunis pour l’occasion manuscrits originaux, œuvres d’art, objets religieux, civils ou militaires provenant des collections locales (musées de Lastours, de Montségur, du Quercorb, Musée des Beaux-arts et Bibliothèque de Carcassonne, évêché, etc.) mais aussi d’horizons plus lointains (Archives nationales, Bibliothèque nationale de France, Musée de l’Armée, etc.). Maison des Mémoires à Carcassonne, 53 rue de Verdun Ouvert au public du mardi au samedi de 9 h à 12 h et de 14 h à 18 h Edité par le Conseil général de l’Aude Centre administratif départemental 11855 Carcassonne cedex 9 Directeur de la publication : Alain Tarlier Rédaction : Archives départementales de l’Aude 41 avenue Claude Bernard 11855 Carcassonne cedex 9 Responsable de la rédaction : Sylvie Caucanas Photographies : A. Estieu, A. Fernandez (Archives départementales) ISSN : 4141-0180 R Tirage : 3 000 exemplaires, publication gratuite Compogravure : t2p numéric 04 68 77 22 22 Impression : Maraval A u cours de l’hiver 1226-1227, Raymond VII, comte de Toulouse, décide d’intervenir. Il fait fortifier Labécède en Lauragais et reprend plusieurs localités sur les garnisons françaises. Lorsque vient l’été, Humbert de Beaujeu met le siège devant Labécède, où le comte de Toulouse a mis « comme garnison des hommes énergiques, Pons de Villeneuve, Olivier de Termes et d’autres guerriers ». « Le château fortement attaqué par des machines est pris. Les chevaliers et les gens à pied s’enfuirent de nuit en assez grand nombre. Tous les autres que l’on trouva périrent, partie par l’épée, partie par le pal. Les hérétiques… furent brûlés aux flammes des bûchers » (Guillaume de Puylaurens). ’il perd Labécède en l’été 1227, Raimond VII s’empare de Saint-PaulCap-de-Joux l’hiver suivant et de Castelsarrasin au printemps 1228. Mais durant les trois mois de l’été 1228, l’armée croisée, avec à sa tête Humbert de Beaujeu, ravage le Toulousain, détruisant vignes et récoltes. Raimond VII reste sans réaction. La résistance s’effrite. S L La soumission e roi de France, en plein accord avec la papauté, fait des propositions de paix à Raimond VII. Ce dernier ratifie en janvier 1229 à Meaux ce qu’il est convenu d’appeler les « préliminaires de la paix ». Raymond VII demeure en possession du comté de Toulouse (le territoire du diocèse de Toulouse, privé toutefois de la seigneurie de Mirepoix donnée à Guy de Lévis et relevant directement de la Couronne). En contrepartie, le comte de Toulouse doit donner sa fille Jeanne en mariage à un des frères du roi de France, Alphonse de Poitiers. Il se voit contraint d’écarter de sa succession tout héritier mâle qu’il pourrait avoir ultérieurement. Le comte s’engage en outre à rechercher et à poursuivre les hérétiques sur ses terres. Le 12 avril suivant, à Paris, devant le portail de la cathédrale Notre-Dame, se déroule la cérémonie officielle qui officialise le traité de paix. L e traité de Meaux-Paris met fin à vingt années de guerres, croisade des barons puis croisade royale. Le pays est soumis et les Eglises cathares contraintes de passer à la clandestinité. La révolte de Trencavel R aimond II Trencavel, qui était rentré brièvement en possession de son héritage en 1224, puis qui avait combattu les troupes royales aux côtés du comte de Foix, est contraint à nouveau à l’exil, après la signature du traité de Meaux. Réfugié à la cour du roi Jacques Ier d’Aragon, il participe aux opérations militaires que celui-ci mène en Espagne contre les musulmans. En 1240, profitant de l’impopularité de l’administration royale en place et de l’exaspération des populations provoquée par les procédures inquisitoriales, Raimond II Trencavel, « assisté de grands seigneurs, Olivier de Termes, Bernard d’Orzals, Bernard Hugues de Serralongue, Bernard de Villeneuve, Hugues de Roumegoux son neveu et Jourdain de Saissac, envahit la terre du roi dans les diocèses de Narbonne et de Carcassonne et beaucoup de châteaux passèrent de son côté : Montréal, Montolieu, Saissac, Limoux, Azille, Laure et tout ce qu’il voulut dans cet assaut et cet ébranlement » (Guillaume de Puylaurens). ccueilli en libérateur, Raimond II Trencavel parvient jusqu’au bourg de Carcassonne. Le siège de la Cité, le troisième depuis 1209, nous est bien connu grâce au rapport qu’en fit, avec force détails, à la reine Blanche de Castille le sénéchal de Carcassonne Guillaume des Ormes. Les hommes de Trencavel cherchent à faire des brèches dans les murailles : pour cela, ils sapent la base des murailles à différents endroits (au pied de la barbacane de la porte Narbonnaise, près de l’enclos de l’évêché). Le dimanche 30 septembre 1240, Trencavel regroupant chevaliers, arbalétriers et sergents mène l’assaut contre la barbacane du château. Mais l’attaque se brise sur la vigoureuse défense des assiégés menés par le sénéchal en personne. « Quand on eut combattu ainsi pendant presque un mois, un secours fut envoyé de France que les ennemis n’osèrent pas attendre » (Guillaume de Puylaurens). Après 34 jours de siège, Trencavel se replie sur Montréal où il est assiégé. « On se battit plusieurs jours, et enfin les comtes de Toulouse et de Foix arrivèrent et négocièrent la paix » (Guillaume de Puylaurens). Trencavel reprend alors le chemin de l’exil. Le 16 novembre 1240, Guillaume de Peyrepertuse et Gaucelin de Capendu font leur soumission à l’armée royale. Géraud de Niort à son tour abandonne au roi ses châteaux du pays de Sault : Niort, Castelpor et Dourne. Le 16 mars 1244, s’achève le siège de Montségur et plus de deux cents hérétiques montent sur le bûcher. En 1255, la chute de Quéribus marque la fin des opérations militaires menées contre des seigneurs faidits. e fait, le roi de France, en s’assurant cette forteresse, consolide ses forces face au roi d’Aragon avec lequel il est en tractations pour régler le contentieux qui les oppose : Jacques Ier fait valoir la suzeraineté qu’il exerçait sur la vicomté de Carcassonne tandis que Louis IX revendique des droits sur le comté de Barcelone. Les négociations durèrent près de trois ans. Finalement, par le traité de Corbeil, en date de juillet 1258, les deux souverains renoncent à leurs prétentions. La frontière entre les deux Etats est alors définitivement fixée : le Peyrapertusès et la vallée de la Boulzanne (avec Puylaurens) appartiennent désormais à la couronne de France tandis que le Fenouillèdes reste à l’Aragon. Les forteresses royales marquent désormais les limites du royaume. D A Le château de Quéribus (photographie Pierre Davy, Comité départemental du Tourisme de l’Aude) Retour sur la table ronde du 11 septembre « La société au XIIIe siècle » Le 11 septembre dernier se tenait au Théâtre des Trois-Ponts, mis gracieusement à disposition par la Ville de Castelnaudary, la troisième des cinq tables rondes organisées dans le cadre de la commémoration de la Croisade. Les quatre communications présentées avaient pour objectif de présenter au grand public les principaux acteurs de la Croisade, en les replaçant dans le contexte de la société du temps. La communication d’Hélène Débax, maître de conférences à l’Université de Toulouse-Le Mirail, évoquait les spécificités de la féodalité méridionale, appuyant sa démonstration sur le cartulaire des Trencavel, tandis que Laurent Macé, lui aussi maître de conférences à l’Université de Toulouse-Le Mirail, mettait en évidence les différentes prise de position des comtes de Toulouse face à la Croisade. En contrepoint, Nicolas Civel, docteur en histoire, présentait de manière nouvelle et très documentée la société féodale d’Ile-de-France. Sylvie Caucanas, directeur des Archives départementales, esquissa un tableau des différentes composantes de l’Eglise romaine (clergé séculier et régulier, mise en place de l’Inquisition pontificale).