METACOGNITIONS, EMOTIONS ET MOTIVATIONS Bastien

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Bastien Wagener, Christophe Boujon, Benoît Fromage,
International Psychology, Practice and Research, 1, 2010
METACOGNITIONS,
EMOTIONS
ET
MOTIVATIONS
META­COGNITIONS,
EMOTIONS
AND
MOTIVATIONS
Bastien
WAGENER1,
Christophe
BOUJON2,
Benoît
FROMAGE3
Reçu
le
17
mars
2010,
accepté
le
1er
septembre
2010
.
Résumé
Dans
une
société
changeante
où
l’adaptation
et
le
retour
sur
soi
deviennent
une
nécessité
fréquente,
le
concept
de
métacognition
représente
une
piste
de
recherche
à
l’intérêt
grandissant.
Son
utilisation
de
manière
isolée
nous
semble
cependant
limitée,
les
apprentissages
et
adaptations
que
nous
effectuons
au
quotidien
impliquant
bien
d’autres
domaines,
qu’il
nous
faut
également
prendre
en
compte
pour
mieux
comprendre
le
fonctionnement
de
l’homme
et
proposer
des
interventions
pertinentes
pour
le
plus
grand
nombre.
Nous
abordons
donc
ici
les
émotions,
les
motivations
et
leurs
liens
avec
les
métacognitions.
Ce
travail
constitue
un
pas
vers
l’établissement
de
théories
et
de
pratiques
plus
intégrées
et
adaptées
à
la
complexité
des
situations
d’adaptation
auxquelles
nous
sommes
tous
confrontés.
Cette
démarche
s’inscrit
dans
une
perspective
phénoménologique
et
holistique
de
l’homme,
qui
nous
semble
incontournable
à
l’heure
actuelle.
Mots­clés
:
Métacognition,
émotions,
motivation,
cognition,
phénoménologie
Contact : Bastien WAGENER, 54 rue Chèvre, 49000 ANGERS.Tel: 02 41 20 95 89.
Courriel : [email protected]
1
Développement et transmission des compétences métacognitives, sous la direction de B.
FROMAGE, co-encadré par C. BOUJON, laboratoire PPI (Processus de Pensée et
Interventions), UPRES- EA 2646
2
Maître de Conférence en Psychologie cognitive, Université d’Angers, Laboratoire de
Psychologie ; UPRES- EA 2646
3
Professeur de Psychologie du développement, Université d’Angers, Laboratoire de
Psychologie ; UPRES- EA 2646
1
Bastien Wagener, Christophe Boujon, Benoît Fromage,
International Psychology, Practice and Research, 1, 2010
Meta­cognitions,
emotions
and
motivations
Abstract
In
a
changing
society
where
adaptation
and
introspection
become
a
frequent
necessity,
the
concept
of
metacognition
is
becoming
a
research
field
of
growing
interest.
Its
use
separately
seems
limited,
however,
learning
and
adapting
involve
many
other
aspects
that
we
must
also
take
into
account
in
order
to
understand
how
the
human
mind
works
and
suggest
appropriate
interventions
for
most
people.
In
this
paper,
we
address
the
emotions,
the
motivations
and
their
links
with
metacognition.
This
work
represents
a
step
towards
the
establishment
of
theories
and
practices
that
are
more
integrated
and
fitted
to
the
complex
situations
of
adaptation,
which
we
all
face.
This
work
is
in
the
line
of
a
phenomenological
and
holistic
perspective
of
the
human
being,
which
seems,
from
our
point
of
view,
inevitable
nowadays.
Keywords:
Metacognition,
emotions,
motivation,
cognition,
phenomenology.
Metacognición,
emociones
y
motivación
Resumen
En
una
sociedad
cambiante
donde
la
adaptación
y
la
introspección
convertido
en
una
necesidad
frecuente,
el
concepto
de
metacognición
es
una
línea
de
investigación
de
mayor
interés.
Su
uso
de
forma
aislada
parece
limitado
:
el
aprendizaje
y
adaptaciones
que
hacemos
todos
los
días
implica
muchas
otras
áreas,
que
hay
que
tener
en
cuenta
para
entender
mejor
el
funcionamiento
de
los
humanos
y
proponer
intervenciones
apropiadas
para
la
mayoría
de
la
gente.
Tratamos
acqui
de
las
emociones,
motivaciones
y
sus
vínculos
con
la
metacognición.
Este
trabajo
representa
un
paso
hacia
el
establecimiento
de
teorías
y
prácticas
que
están
integradas
y
adaptadas
a
las
complejas
formas
de
adaptación
que
nos
enfrentamos.
Esto
es
parte
de
una
perspectiva
fenomenológica
y
holístico
del
hombre,
que
parece
inevitable
actualmente.
Palabras
clave:
Metacognición,
emociones,
motivación,
cognición,
fenomenología.
2
Bastien Wagener, Christophe Boujon, Benoît Fromage,
International Psychology, Practice and Research, 1, 2010
Les
apprentissages
sont
au
cœur
de
notre
vie.
Quel
que
soit
notre
âge
ou
notre
situation,
nous
découvrons
sans
cesse
de
nouvelles
choses,
que
ce
soit
dans
le
domaine
intellectuel,
manuel,
sportif
ou
encore
relationnel,
pour
ne
citer
que
quelques
grandes
«
catégories
»
d’apprentissage.
Dans
certaines
situations,
l’apprentissage
semble
automatique
(sans
réflexion
consciente
et
intervention
volontaire),
dans
d’autres,
nous
faisons
appel
à
des
stratégies
bien
rodées
(répétition
des
chiffres
pour
retenir
un
numéro
de
téléphone
par
exemple)
sans
nous
poser
de
questions.
Mais
dans
certaines
situations
professionnelles,
personnelles
ou
de
loisirs,
nous
ne
pouvons
relever
les
défis
qui
se
présentent
à
nous
sans
nous
engager
dans
un
processus
plus
conscient
de
résolution
de
problèmes.
C’est
alors
que
nous
nous
interrogeons
sur
la
meilleure
stratégie
à
adopter
pour
atteindre
nos
objectifs,
qu’ils
soient
à
court,
moyen
ou
long
terme.
Dans
ces
situations,
qui
ne
se
présentent
que
lorsqu’une
tâche
n’est
pas
complètement
maîtrisée
ou
complètement
nouvelle
(inutile
en
effet
de
s’interroger
sur
la
meilleure
manière
de
résoudre
soi‐même
un
problème
de
physique
quantique
quand
on
ne
possède
aucune
connaissance
dans
ce
domaine),
nous
faisons
appel
à
la
métacognition
(Weinert,
1987
;
Flavell,
1987).
Sur
quels
éléments
portent
ces
interrogations,
ces
réflexions
sur
notre
fonctionnement
?
Contrairement
à
ce
qui
est
souvent
admis
dans
la
recherche,
nous
considérerons
ici
que
la
métacognition
concerne
un
aspect
réflexif
qui
a
pour
objet
la
cognition
dans
son
sens
très
large
de
processus
de
traitement
de
l’information.
Cette
information
n’étant
pas
forcément
exclusivement
conceptuelle
ou
sensorielle,
mais
aussi
motivationnelle
ou
émotionnelle.
En
effet,
ce
dernier
aspect
a
été
historiquement
ignoré
dans
la
recherche
sur
la
cognition,
et
il
est
désormais
bien
souvent
considéré
comme
un
domaine
à
part.
Certes,
les
émotions
sont
des
«
informations
»
possédant
leurs
particularités
(tout
comme
une
information
visuelle
possède
les
siennes),
cependant,
ne
pas
les
traiter
ou
les
traiter
de
manière
complètement
indépendante
sans
jamais
les
intégrer
aux
modèles
cognitifs
plus
globaux
nous
semble
être
une
erreur
qui
fragmente
notre
compréhension
de
l’homme,
qui
n’est
ni
une
machine
raisonnante,
ni
un
animal
purement
régi
par
l’émotion.
C’est
malheureusement
à
ce
genre
de
caricatures
qu’aboutissent
parfois
certains
travaux.
Grâce
aux
recherches
en
neuropsychologie
(Damasio,
1999)
sur
les
fonctions
exécutives,
il
apparaît
de
plus
en
plus
clairement
que
ce
clivage
conceptuel
n’a
pas
de
sens
dans
la
réalité,
les
deux
dimensions
étant
intimement
liées.
Par
contre,
il
reste
évident
que
la
compréhension
de
tel
ou
tel
type
précis
de
cognition
enrichit
notre
compréhension
de
l’homme
de
manière
globale,
les
recherches
sur
des
aspects
très
spécifiques
ou
plus
globaux
étant
complémentaires.
Notre
objectif
est
donc
ici
d’analyser
les
liens
qui
unissent
la
métacognition
à
la
motivation
et
aux
émotions.
Ceci
nous
permettra
de
poser
un
cadre
travail
plus
large
pour
de
futures
recherches
en
métacognition.
1.
Qu’est­ce
que
la
métacognition
?
C’est
donc
selon
la
vision
de
la
cognition
développée
précédemment
que
nous
allons
aborder
le
concept
de
métacognition.
Comme
tout
objet
de
recherche
de
3
Bastien Wagener, Christophe Boujon, Benoît Fromage,
International Psychology, Practice and Research, 1, 2010
haut
niveau,
la
métacognition
est
un
concept
complexe
regroupant
plusieurs
aspects
que
nous
allons
détailler
plus
avant.
Depuis
les
travaux
de
John
Flavell
(1976,
1979),
celle‐ci
est
peu
à
peu
devenue
un
objet
d’intérêt
croissant
dans
le
monde
de
l’apprentissage
où
l’approche
exclusivement
cognitive
montrait
ses
limites.
Flavell
pose
ainsi
les
bases
du
concept
de
métacognition
qui
sera
ensuite
développé
et
utilisé
dans
le
domaine
de
la
psychologie
et
de
l’éducation.
Si
la
métacognition
peut
sembler
réservée
à
des
situations
d’apprentissages
«
classiques
»,
elle
est
pourtant
mise
en
œuvre
au
quotidien
dans
une
multitude
de
situations
de
résolution
de
problèmes
par
tout
un
chacun,
comme
nous
l’avons
vu
précédemment.
Regroupant
à
la
fois
les
connaissances
qu’une
personne
possède
sur
son
propre
fonctionnement
ainsi
que
les
processus
mêmes
de
suivi
et
de
régulation
conscients
de
l’activité
en
cours
(Gombert,
1990
;
Dunlosky
&
Metcalfe,
2009
;
Noël,
1997),
la
métacognition
apparaît
comme
un
ensemble
regroupant
des
processus
conscients
et
leurs
produits
en
terme
de
connaissances.
Ainsi,
ce
concept
parfois
nommé
pensée
réflexive
se
compose
d’un
savoir
et
de
compétences.
Nous
allons
ici
séparer
ces
deux
aspects
pour
des
raisons
discursives,
mais
il
ne
faut
en
aucun
cas
les
concevoir
comme
indépendants
et
isolés
des
autres
pans
de
la
cognition
humaine.
a.
Le
savoir
métacognitif
Le
savoir
métacognitif
regroupe
les
connaissances
déclaratives
et
procédurales
(et
donc
conditionnelles)
sur
la
cognition
et
sur
ce
qui
est
susceptible
de
l’affecter.
Ces
connaissances
sont
composées
de
faits,
de
croyances
et
d’épisodes
verbalisables
et
accessibles
à
la
conscience
(Flavell,
1979).
En
outre,
comme
tout
savoir,
les
connaissances
métacognitives
sont
stockées
en
mémoire
à
long
terme
(Pintrich,
Wolters
&
Baxter,
2000)
et
peuvent
être
récupérées
suite
à
une
recherche
consciente
et
délibérée,
ou
être
activées
automatiquement
par
des
indices
présents
dans
la
tâche
en
cours
(Flavell,
1979).
Ce
savoir
va
donc
regrouper
:
Les
connaissances
sur
la
cognition
et
les
stratégies
cognitives
:
par
exemple,
savoir
que
nos
capacités
mnésiques
sont
limitées
et
que
la
répétition
et
le
regroupement
sémantique
permettent
d’améliorer
la
mémorisation.
Les
connaissances
des
tâches
et
contextes
:
par
exemple,
savoir
que
l’on
n’est
pas
très
bon
en
mathématiques
ou
en
sport,
et
que
nos
capacités
dans
ces
domaines
se
dégradent
lorsque
l’on
est
en
situation
d’évaluation.
Les
connaissances
de
soi
:
par
exemple,
savoir
que
l’on
est
meilleur
joueur
de
guitare
que
de
piano
(différences
intra‐individuelles),
mais
également
que
notre
professeur
de
guitare
a
un
meilleur
niveau
que
le
nôtre
(différences
inter‐individuelles).
Savoir
également
que
l’on
est
très
émotif,
ou
encore
que
notre
motivation
s’affaiblit
vite
si
l’on
n’est
pas
correctement
encadré
et
motivé
par
des
personnes
qualifiées.
Enfin,
il
nous
faut
souligner
le
fait
que
ces
connaissances
et
croyances
peuvent
être
inexactes
ou
encore
partiellement
activées
et
donc
créer
des
conflits
dans
l’apprentissage
(Noël,
1997
;
Brown,
1987
;
Romainville,
1993).
b.
Les
compétences
métacognitives
4
Bastien Wagener, Christophe Boujon, Benoît Fromage,
International Psychology, Practice and Research, 1, 2010
Comme
nous
venons
de
l’évoquer,
les
compétences
métacognitives
se
composent
du
suivi
de
l’activité
cognitive
et
de
sa
régulation
volontaire
et
consciente.
Le
premier
élément
appelé
également
monitoring
métacognitif
consiste
en
un
suivi
conscient
de
l’activité
en
cours
et
de
son
évaluation.
Ce
suivi
de
l’activité
cognitive
(parfois
appelé
«
veille
»)
permet
de
vérifier
le
déroulement
des
processus
cognitifs
et
leur
pertinence
par
rapport
aux
objectifs,
aux
connaissances
métacognitives
(par
rapport
à
des
situations
métacognitives
similaires)
et
à
la
planification
(et
plus
indirectement
par
rapport
aux
motivations).
L’autoévaluation
fait
donc
partie
intégrante
de
ce
pan
de
la
métacognition
et
permet
par
ailleurs
de
détecter
les
erreurs.
Le
monitoring
constitue
ainsi
la
colonne
vertébrale
de
la
métacognition,
puisque
c’est
sur
cette
base
que
vont
se
construire
les
connaissances
métacognitives,
l’ajustement
des
processus
et
stratégies
ainsi
que
l’autocorrection.
Cependant,
les
connaissances
métacognitives
vont
également
guider
et
modifier
le
monitoring
selon
la
situation
rencontrée.
Si
le
monitoring
implique
bien
la
conscience,
les
éléments
sur
lesquels
il
se
base
ne
sont
pas
nécessairement
tous
conscients
(Koriat,
2007).
En
outre,
le
monitoring
n’est
pas
nécessairement
toujours
exempt
d’erreurs
(Nelson,
1996
;
Koriat,
1997
;
Glenberg,
Wilkinson
&
Epstein,
1982
;
Nelson,
Gerler
&
Narens
,
1984).
Quant
à
la
régulation
métacognitive,
elle
a
évidemment
pour
objectif
de
réguler
les
activités
cognitives
en
cours.
Cela
consiste
à
poursuivre,
à
modifier
ou
à
arrêter
certains
processus
cognitifs.
Le
contrôle
implique
également
la
planification
des
tâches
(Brown,
1983)
pour
atteindre
un
ou
plusieurs
objectifs
fixés
au
préalable.
Tout
comme
les
processus
cognitifs,
les
objectifs
peuvent
être
réajustés
au
fur
et
à
mesure,
voire
même
totalement
modifiés.
Le
contrôle
métacognitif
est
souvent
rapproché
des
fonctions
exécutives
et
est
constitué
d’un
ensemble
complexe
de
compétences
(Nelson
&
Narens,
1990
;
Pintrich,
2000
;
Winne
&
Perry,
2000).
Ici
aussi,
la
mise
en
place
d’une
régulation
adaptée
ne
peut
se
faire
que
grâce
à
l’activation
de
connaissances
métacognitives,
qui
vont
par
ailleurs
s’enrichir
des
nouvelles
situations
et
régulations
métacognitives
vécues.
Les
compétences
métacognitives
sont
donc
toujours
contraintes
(au
moins
partiellement)
par
les
connaissances
métacognitives
disponibles.
Les
nouvelles
expériences
métacognitives
et
l’exercice
de
ces
compétences
vont
également
enrichir
et
modifier
les
connaissances
métacognitives.
Ces
deux
aspects
de
la
métacognition
sont
donc
différents
mais
sont
en
interaction
permanente.
2.
Métacognition
et
apprentissages
Au
sujet
de
l’aspect
pratique
de
ce
concept,
notons
que
le
lien
entre
métacognition,
habileté
d’apprentissage
(capacité
d’acquérir
de
nouvelles
compétences
facilement)
et
capacité
à
résoudre
des
problèmes
(qui
implique
l’acquisition
de
connaissances,
mais
concerne
des
domaines
très
précis
comparativement
à
l’apprentissage,
plus
général)
a
été
démontré
(Kruger
&
Dunning,
1999
;
Ehrlinger,
Johnson,
Banner,
Dunning
&
Kruger,
2008
;
Brown,
1987
;
Veenman,
2008).Il
reste
pourtant
difficile
d’améliorer
les
connaissances
et
les
compétences
métacognitives
par
le
biais
d’entraînements
(Romainville,
2000).
5
Bastien Wagener, Christophe Boujon, Benoît Fromage,
International Psychology, Practice and Research, 1, 2010
En
effet,
les
remédiations
proposées
sont
souvent
limitées
à
des
domaines
très
spécifiques
(Nietfeld,
Cao
&
Osborne,
2006
;
Delclos
&
Harrington,
1991).
Si
l’on
devait
proposer
une
remédiation
plus
large
basée
sur
les
techniques
de
remédiation
précitées,
le
résultat,
bien
que
ne
recouvrant
pas
tous
les
domaines
de
l’apprentissage,
serait
un
programme
fastidieux
et
lourd
pour
les
apprenants,
composé
d’un
ensemble
d’interventions
spécifiques.
L’approche
fragmentaire
d’une
compétence
de
haut
niveau,
même
lorsque
celle‐ci
est,
comme
ici,
composite,
ne
tient
pas
réellement
compte
de
l’expérience
du
sujet,
c'est‐à‐dire
de
la
manière
dont
la
situation
est
consciemment
vécue,
ressentie
et
suivie
par
ce
dernier.
Dans
le
cas
d’une
situation
faisant
appel
à
la
métacognition
ce
constat
est
primordial,
comme
l’avait
déjà
souligné
Flavell
dans
ses
travaux
(1979).
C’est
à
travers
nos
propres
expériences
que
nous
avons
la
possibilité
de
prendre
conscience
de
notre
avancement
dans
une
activité
et
de
la
manière
dont
nous
ajustons
notre
cognition
et
notre
comportement
pour
atteindre
des
objectifs
(de
manière
plus
ou
moins
contrôlée
et
volontaire).
Nous
constatons
alors
que
la
conscience,
ainsi
que
le
fait
de
prêter
attention
à
notre
propre
activité,
sont
au
centre
du
concept
de
métacognition
(McGovern
&
Baars,
2007
;
Delacour,
1995).
Conséquemment,
il
devient
clair
que
le
développement
du
savoir
et
des
compétences
métacognitives
implique
un
aspect
plus
global
de
la
personne,
dans
le
sens
où
la
métacognition
est
en
lien
direct
avec
un
vécu.
Ce
vécu
n’implique
d’ailleurs
pas
nécessairement
une
objectivité
des
perceptions
et
une
justesse
des
évaluations.
En
effet,
chez
les
personnes
moins
performantes
pour
un
type
de
tâche
donné,
on
observe
un
biais
des
évaluation
métacognitives
(Ehrlinger
et
al.,
2008
;
Kruger
&
Dunning,
1999
;
Koriat,
1997).
Ce
biais,
que
nous
avons
déjà
évoqué
en
détaillant
les
composantes
de
la
métacognition,
possède
d’importantes
conséquences
sur
les
apprentissages
mérite
donc
que
l’on
s’y
attarde.
Avec
l’aspect
expérientiel,
nous
abordons
le
versant
phénoménologique
de
la
métacognition,
insistant
par
ce
biais
sur
le
fait
qu’elle
implique
l’individu
dans
sa
globalité,
que
ce
soit
dans
une
situation
particulière
ou
par
rapport
à
un
ensemble
plus
large
de
situations.
Il
serait
évidemment
utopique
de
considérer
que
l’on
pourrait
dresser
un
portrait
exhaustif
des
différents
paramètres
et
caractéristiques
qui
définissent
une
situation
métacognitive
donnée
pour
une
personne
en
particulier.
Pourtant,
lorsque
l’on
prône
l’extrême
inverse
dans
les
remédiations
cognitives
(l’enseignement
de
«
study
skills
»,
c’est‐à‐dire
de
stratégies
considérées
comme
étant
les
meilleures
pour
un
apprentissage
donné
quel
que
soit
l’individu),
les
résultats
sont
assez
médiocres,
comme
le
souligne
Romainville
(1993).
Une
approche
métacognitive
plus
éclairée
que
ce
soit
au
niveau
pratique
ou
théorique
doit
donc
prendre
en
compte
la
manière
dont
les
individus
vivent
les
situations
métacognitives.
Ce
vécu
implique
les
émotions
et
les
motivations,
que
nous
allons
désormais
développer.
3.
Aspect
émotionnel
dans
les
tâches
métacognitives
Nous
avons
vu
qu’un
lien
relativement
évident,
et
pourtant
souvent
ignoré,
reliait
la
sphère
émotionnelle
à
la
métacognition.
Regardons
plus
précisément
la
relation
qu’entretiennent
ces
deux
aspects
différents
et
complémentaires.
6
Bastien Wagener, Christophe Boujon, Benoît Fromage,
International Psychology, Practice and Research, 1, 2010
Il
n’est
pas
rare
d’être
perturbé
ou
motivé
par
des
émotions
négatives
ou
positives
lorsque
l’on
entreprend
un
travail
quel
qu’il
soit.
Même
si
nous
ne
ressentons
pas
en
permanence
d’émotions
fortes,
les
sentiments
ou
«
humeurs
»
que
les
émotions
engendrent
créent
un
contexte
dans
lequel
l’apprentissage
a
lieu,
influant
ainsi
sur
celui‐ci
(de
manière
plus
ou
moins
forte
et
plus
ou
moins
bénéfique).
L’émotion
est
d’ailleurs
une
des
bases
de
l’apprentissage,
comme
l’ont
entre
autres
montré
les
études
sur
l’apprentissage
par
association
stimulus‐
renforcements,
qui
se
produit
par
une
procédure
de
conditionnement
classique
(Rolls,
2007).
N’importe
quelle
tâche
d’apprentissage
peut
être
influencée
ou
modifiée
de
la
même
manière
par
les
émotions
ou
les
sentiments.
N’est‐il
en
effet
pas
plus
agréable
et
motivant
d’apprendre
de
nouvelles
choses
dans
une
ambiance
amicale
et
positive
que
dans
une
ambiance
stressante
et
délétère
?
Cet
exemple
est
volontairement
très
contrasté
pour
bien
illustrer
notre
propos,
la
réalité
étant
bien
heureusement
souvent
plus
subtile
et
complexe
que
cela.
Pour
clarifier
davantage
notre
discours,
il
nous
faut
désormais
définir
plus
précisément
ce
qu’est
l’émotion.
a.
Emotion
et
Sentiment
Une
définition
classique
de
l’émotion
selon
Scherer
et
Sangsue
(2004)
est
la
suivante
:
«
réaction
organisée
et
utile
à
une
situation
donnée
».
Selon
ces
mêmes
auteurs,
le
sentiment
est
l’aspect
conscient
d’une
émotion
et
naît
de
l’association
de
l’évaluation
inconsciente,
de
l’évaluation
consciente
et
de
la
verbalisation
des
autres
aspects
de
l’émotion.
On
est
donc
ici
dans
un
processus
d’évaluation.
Cette
«
réaction
organisée
»
qu’est
l’émotion
possède
plusieurs
ainsi
plusieurs
composantes
:
l’expérience
subjective,
la
réponse
physiologique
et
les
réactions
expressives
et
comportementales
(Hess,
2004
;
Kappas
&
Descôteaux,
2004).
Selon
Philippot
(2004),
l’interaction
entre
cognition
et
physiologie
est
d’ailleurs
nécessaire
pour
que
naisse
la
facette
phénoménale
de
l’émotion.
Cette
dépendance
entre
cognition
et
physiologie
n’est
pas
anodine
et
doit
être
considérée
comme
riche
et
complexe.
En
d’autres
termes,
nous
pouvons
dire
qu’en
amont,
l’évaluation
émotionnelle
d’une
situation
par
des
processus
cognitifs
implicites
et
explicites
est
nécessaire
au
déclenchement
des
réponses
physiologiques
de
l’émotion.
Cependant,
il
ne
faut
pas
oublier
qu’en
aval,
l’interprétation
des
sensations
corporelles
diffuses
détermine
en
partie
l’intensité
et
la
qualité
du
sentiment,
et
donc
l’évaluation
de
la
situation
contemporaine
à
ce
sentiment.
Pour
revenir
à
la
manière
dont
l’émotion
influence
d’autres
aspects
psychologiques
de
l’individu,
intéressons‐nous
aux
fonctions
de
l’émotion.
Selon
Rolls
(2007),
les
émotions
permettent
entre
autres
choses
de
susciter
la
motivation
et
de
favoriser
la
mémorisation
et
le
rappel.
Le
lien
entre
émotions
et
mémoire
souligne
leur
influence
directe
sur
les
apprentissages.
Par
ailleurs,
d’autres
auteurs
(Efklides
&
Petkaki,
2005)
démontrent
que
les
émotions
(positives
ou
négatives)
influencent
le
vécu
des
expériences
métacognitives
:
l’effort
ressenti
pendant
la
tâche,
la
satisfaction
et
la
difficulté
de
la
tâche
sont
directement
liés
à
l’humeur
dans
laquelle
se
trouve
l’apprenant
au
moment
de
la
réalisation
de
celle‐ci.
De
même,
la
confiance
en
ses
productions
et
l’estimation
de
7
Bastien Wagener, Christophe Boujon, Benoît Fromage,
International Psychology, Practice and Research, 1, 2010
l’exactitude
des
performances
(monitoring)
s’effectue
en
fonction
des
connaissances
métacognitives,
mais
non
sans
l’influence
importante
de
l’humeur,
des
émotions
et
surtout
des
sentiments
de
l’individu.
b.
Emotion
et
Métacognition
Pour
continuer,
analysons
de
manière
plus
détaillée
le
lien
entre
la
sphère
émotionnelle
et
la
sphère
métacognitive.
Tout
d’abord,
la
régulation
de
l’émotion
constitue
une
composante
essentielle
du
processus
émotionnel.
Elle
implique
que
l’individu
ne
se
«
contente
»
pas
simplement
d’éprouver
des
émotions,
mais
également
qu’il
intervienne
sur
l’expérience
émotionnelle
(de
manière
automatique
ou
volontaire),
et
ce
grâce
à
des
processus
de
suivi
(monitoring)
et
de
contrôle.
Ainsi
les
émotions
peuvent
par
exemple
être
inhibées,
amplifiées,
ou
encore
modifiées
dans
leur
expression
(Ricci
Bitti,
2004).
La
régulation
des
émotions
peut
se
situer
sur
le
plan
comportemental,
expressif,
ou
encore
sur
le
plan
du
ressenti,
c’est‐à‐dire
l’expérience
subjective
de
l’émotion.
Nous
pouvons
donc
ici
réaffirmer
que
les
émotions
peuvent
être
le
sujet
d’un
traitement
métacognitif,
même
si
elles
sont
bien
souvent
régulées
de
manière
automatique.
À
l’inverse,
les
expériences
émotionnelles
ont
un
impact
à
plus
ou
moins
long
terme
sur
les
connaissances
métacognitives
:
elles
participent
à
la
modification
des
théories
implicites
sur
le
monde,
les
autres
et
soi‐même
(Rimé,
2004).
Pour
résumer,
nous
pouvons
dire
que
les
connaissances
métacognitives
sont
régulièrement
remodelées
par
les
expériences
émotionnelles
(dans
une
mesure
plus
ou
moins
importante
à
chaque
fois).
La
mémorisation
de
ces
expériences
émotionnelles
permet
en
outre
à
l’individu
de
se
forger
des
outils
précieux
d’anticipation
et
d’adaptation,
immédiatement
disponibles
lorsqu’un
souvenir
et
les
informations
pertinentes
associées
sont
réactivés
par
le
contexte.
L’émotion
et
le
sentiment
sont
donc
également
des
activateurs
de
connaissances
métacognitives
très
efficaces.
Cette
influence
importante
et
très
souvent
implicite
de
l’émotion
sur
la
métacognition,
peut
être
très
avantageuse
dans
certains
cas,
mais
peut
aussi
freiner
une
démarche
métacognitive
constructive
et
adaptative
dans
certains
cas
:
la
métacognition
des
émotions
est
alors
un
passage
indispensable
pour
optimiser
les
conditions
et
les
résultats
d’un
apprentissage.
Hudlicka
(2005)
précise
d’ailleurs
dans
son
modèle
que
les
émotions,
dans
une
situation
métacognitive,
émergent
en
rapport
avec
la
génération
d’attentes
et
la
fixation
d’objectifs.
Cela
les
situe
comme
partie
intégrante
du
processus
de
décision
et
d’évaluation
métacognitive,
même
si
elles
peuvent
bien
entendu
être
régulées
et
soumises
à
d’importantes
variations
d’une
situation
et
d’un
individu
à
l’autre.
Il
apparaît
alors
évident
que
les
émotions,
leur
monitoring
et
leur
régulation,
ont
également
un
impact
sur
la
motivation
des
individus
à
s’impliquer
ou
non
dans
telle
ou
telle
activité.
Si
les
émotions
peuvent
engendrer
de
la
motivation,
leur
effet
sur
la
composante
«
monitoring
»
de
la
métacognition
n’est
pas
forcément
positif,
dans
le
sens
d’une
plus
juste
perception
de
son
propre
fonctionnement.
Dans
le
pire
des
cas,
elles
peuvent
même
entraîner
une
sous‐évaluation
ou
une
sur‐évaluation
de
ses
propres
performances.
Mais
n’oublions
pas
que
les
émotions
sont
avant
tout
«
utiles
»
pour
l’individu
dans
la
plupart
des
cas
non
8
Bastien Wagener, Christophe Boujon, Benoît Fromage,
International Psychology, Practice and Research, 1, 2010
pathologiques
(protection
de
l’image
de
soi,
situation
apprise
d’évitement,
etc.).
En
clair,
celles‐ci
ont
un
impact
important
sur
la
sphère
métacognitive,
et
il
convient
donc
de
ne
pas
les
négliger.
Ces
deux
aspects
du
fonctionnement
d’une
personne
peuvent
s’alimenter
et
être
bénéfiques
l’un
pour
l’autre
mais
aussi
parfois
néfastes.
4.
Motivations
et
apprentissages
Nous
l’avons
vu,
l’émotion
possède
d’intimes
liens
avec
la
métacognition,
tout
comme
la
motivation
dont
il
nous
faut
préciser
les
contours.
Ce
domaine
étant
au
moins
aussi
complexe
que
celui
de
métacognition,
nous
n’entrerons
pas
dans
tous
les
détails
et
subtilités
de
celui‐ci,
mais
nous
le
présenterons
brièvement
afin
de
souligner
ses
liens
avec
les
deux
autres
concepts
abordés
dans
cet
article.
La
motivation
se
définit
comme
un
construit
hypothétique
utilisé
pour
décrire
les
forces
intérieures
et/ou
extérieures
qui
engendrent
l’initiation,
la
direction,
l’intensité
et
la
persistance
du
comportement
(Vallerand,
Carbonneau
&
Lafrenière,
2009).
Elle
peut
varier
en
intensité,
mais
aussi
en
orientation/type
(Ryan
&
Deci,
2000).
La
motivation
peut
être
de
type
intrinsèque
(réaliser
une
activité
pour
le
plaisir
inhérent
à
celle‐ci),
extrinsèque
(faire
quelque
chose
pour
atteindre
un
but
détaché
de
l’action
:
la
réalisation
de
l’activité
n’est
qu’un
moyen
pour
atteindre
indirectement
un
objectif)
ou
absente
(amotivation).
Ces
différents
types
de
motivation
peuvent
évidemment
se
manifester
de
concert
pour
une
seule
et
même
activité
(ex
:
faire
du
sport
pour
le
plaisir
de
faire
du
sport,
mais
également
pour
améliorer
sa
santé
ou
ses
performances
physiques)
et
évoluer
au
cours
du
temps
(ex
:
on
peut
faire
une
activité
par
obligation
sociale
et
finir
par
y
prendre
du
plaisir,
ce
qui
modifie
alors
la
dynamique
motivationnelle
de
l’individu).
Outre
les
différents
types
de
motivation,
on
distingue
plusieurs
manières
de
réguler
celle‐ci
(Vallerand
et
al.,
2009
;
Ryan
&
Deci,
2000).
Lorsque
la
motivation
est
intrinsèque,
la
régulation
l’est
aussi.
Ce
premier
type
de
régulation
est
plutôt
automatique
et
liée
au
plaisir
inhérent
à
la
réalisation
de
la
tâche
concernée.
En
ce
qui
concerne
la
motivation
extrinsèque,
la
régulation
est
soit
externe
(maintien
de
la
motivation
afin
d’obtenir
une
récompense
ou
éviter
une
punition),
introjectée
(contingences
externes
qui
ont
été
partiellement
intériorisées
dans
le
soi
;
comportements
pour
éviter
la
honte
ou
rehausser
l’estime
de
soi),
identifiée
(comportement
émis
par
choix
permettant
d’atteindre
des
buts
valorisés),
ou
intégrée
(forte
identification
et
intégration
congruente
avec
les
valeurs
et
les
buts
de
l’individu).
Enfin,
dans
le
cas
de
l’absence
de
motivation,
aucune
régulation
n’est
mise
en
place.
Il
y
a
donc
présence
d’un
continuum
qui
va
d’une
absence
de
motivation
à
un
comportement
plus
autonome
et
auto‐régulé.
Les
régulations
identifiées,
intégrées
ou
intrinsèques
de
la
motivation
aboutissent
notamment
à
de
meilleurs
performances
et
un
apprentissage
de
meilleure
qualité
pour
des
tâches
complexes
(Ryan
&
Deci,
2000
;
Gagné
&
Deci,
2005).
Cet
aspect
de
l’individu
en
apprentissage
est
donc
incontournable.
Ajoutons
à
ceci
que
des
stratégies
de
régulation
conscientes
plus
opérationnelles
peuvent
être
mises
en
place
pour
réguler
plus
précisément
la
motivation
pour
une
tâche
particulière
(Wolters,
2003).
Nous
constatons
alors
9
Bastien Wagener, Christophe Boujon, Benoît Fromage,
International Psychology, Practice and Research, 1, 2010
que
la
motivation
nécessite
d’être
régulée
pour
être
maintenue,
et
ce
en
fonction
d’objectifs
bien
précis.
Consnefroy
(2009
:
101)
précise
d’ailleurs
à
ce
sujet
:
«
Il
est
capital
de
recevoir
un
feedback
sur
l’action
en
cours.
En
l’absence
de
cette
information,
il
devient
très
difficile
d’ajuster
la
direction
ou
la
quantité
d’effort
pour
atteindre
le
but
fixé.
Plus
encore,
le
feedback
a
un
véritable
effet
motivationnel
:
lorsque
les
personnes
s’aperçoivent
qu’elles
sont
en
deçà
de
leur
but
elles
vont
augmenter
l’effort
pour
l’atteindre.
La
recherche
active
d’un
feedback
est
associée
à
la
qualité
des
performances.
»
Nous
voyons
dès
lors
mieux
en
quoi
la
métacognition
constitue
une
dimension
intimement
liée
à
la
motivation,
plus
précisément
lorsqu’il
s’agit
de
réguler
cette
motivation
de
manière
relativement
consciente
au
cours
de
la
réalisation
d’une
tâche.
Ainsi,
le
monitoring
métacognitif
constitue
un
outil
sur
lequel
la
motivation,
en
tant
qu’ensemble
de
cognitions,
se
construit
ou
se
déconstruit.
Brunel,
Chantal
et
Shiano‐Lomoriello
(2009
:
269)
ajoutent
d’ailleurs
à
ce
sujet
que
«
la
compétence
perçue
est
considérée
comme
‘la
pierre
angulaire’
de
la
motivation.
».
Ils
précisent
de
surcroît
que
cette
évaluation
peut
engendrer
un
investissement
soutenu
dans
la
tâche
(si
l’individu
se
sent
efficace)
ou
à
l’opposé
un
détournement
de
l’attention
intermittent
qui
peut
aller
jusqu’à
un
désengagement
total
(si
l’individu
considère
ses
compétences
médiocres
et
ressent
des
émotions
négatives
conséquemment
à
cette
autoévaluation).
Zimmerman
(2002)
rejoint
ces
constats
en
précisant
que
la
motivation
est
régulée
sur
la
base
du
monitoring
de
ses
propres
forces
et
limitations,
et
grâce
à
l’évaluation
des
comportements
en
fonction
des
objectifs
(efficacité).
Chez
les
apprenants
à
l’autorégulation
efficace,
cela
permet
le
maintien
voire
l’augmentation
de
la
motivation.
La
motivation
varie
en
outre
en
fonction
des
contextes
et
des
contenus.
Elle
peut
ainsi
être
différente
selon
les
situations
et
les
domaines
(le
sport,
les
études,
le
travail,
etc.).
Enfin,
les
individus
se
distinguent
par
la
forme
la
plus
stable
de
leur
motivation
qui
constitue
un
aspect
de
leur
personnalité.
C’est
l’orientation
motivationnelle
globale
ou
générale,
la
tendance
à
interagir
avec
l’environnement
selon
un
mode
intrinsèque,
extrinsèque
ou
amotivé.
Au
cours
du
temps,
la
motivation
à
ces
différents
niveaux
est
bien
entendu
susceptible
d’évoluer.
Les
domaines
sur
lesquels
la
motivation
a
un
effet
sont
principalement
de
nature
cognitive
(ex
:
attention
&
mémoire),
affective
(ex
:
plaisir,
intérêt,
émotions,
satisfaction)
et
comportementale
(choix
d’action,
persistance
dans
l’activité
et
performance
par
exemple).
Pour
résumer,
la
motivation
possède
donc,
par
rapport
à
la
métacognition,
deux
facettes.
Premièrement,
elle
peut
être
un
objet
métacognitif,
en
étant
sujette
à
une
régulation
et
un
suivi,
c’est‐à‐dire
faire
appel
aux
compétences
métacognitives.
Elle
participe
également
à
la
constitution
des
connaissances
métacognitives
qui
possèdent
un
aspect
motivationnel
:
savoir
quelle
est
notre
motivation
en
fonction
du
contexte.
Deuxièmement,
la
motivation
peut
influencer
la
métacognition
en
modulant
la
qualité
et
le
recrutement
des
compétences
et
des
connaissances
métacognitives.
Ainsi,
comme
l’émotion,
elle
est
à
la
fois
objet
de
10
Bastien Wagener, Christophe Boujon, Benoît Fromage,
International Psychology, Practice and Research, 1, 2010
régulation
et
de
connaissance
métacognitive
et
facteur
d’influence
de
toute
activité
impliquant
la
métacognition.
5.
L’apprenant
:
un
individu
motivé,
éprouvant
des
émotions
et
régulant
ses
propres
activités
Nous
venons
de
le
voir,
les
émotions,
les
sentiments
qu’elles
génèrent
et
les
motivations
sont
des
éléments
dont
l’interaction
avec
la
sphère
métacognitive
sont
incontestables
au
niveau
autant
pratique
que
théorique.
En
tant
que
cognitions,
ces
éléments
peuvent
faire
appel
à
la
métacognition
pour
être
suivis
ou
régulés
(avec
des
types
de
régulation
différents
bien
entendu),
et
constituent
autant
d’éléments
à
partir
desquels
un
individu
va
forger
des
connaissances
et
des
croyances
sur
son
propre
fonctionnement
et
celui
des
autres.
Cependant,
n’oublions
pas
que
la
métacognition
n’intervient
pas
dans
toute
tâche
impliquant
les
émotions
et
les
motivations.
Leur
régulation
peut
effectivement
être
automatique
et
un
retour
réflexif
ne
s’effectue
bien
entendu
pas
en
permanence
sur
toutes
nos
émotions
et
toutes
nos
motivations.
Lorsque
l’objet
métacognitif
est
une
perception,
un
concept,
ou
encore
un
produit
issu
de
raisonnements
ou
de
réflexions,
la
motivation
continue
d’influencer
l’activité
en
cours,
tout
comme
l’émotion
et
le
sentiment.
Elles
modifient
cette
activité
en
énergie,
en
force
et
en
qualité
en
modifiant
l’activation
des
compétences
et
des
connaissances
métacognitives
ainsi
que
leur
expression.
La
motivation
peut
activer
certaines
connaissances
ou
croyances
métacognitives
au
détriment
d’autres.
Ainsi,
elle
pourra
par
exemple
activer
le
minimum
de
connaissances
requises
à
la
réalisation
d’une
tâche
lorsque
la
motivation
est
faible
et
plutôt
extrinsèque,
l’objectif
n’étant
alors
que
de
produire
un
résultat
tout
juste
acceptable.
Dans
le
cas
d’une
motivation
plutôt
intrinsèque
et
importante,
même
pour
une
tâche
assez
nouvelle,
un
maximum
de
connaissances
seront
activées
pour
optimiser
les
chances
de
résoudre
le
problème
qui
se
pose
alors.
De
même,
lorsque
l’on
se
trouve
dans
une
humeur
plutôt
négative,
les
connaissances
et
croyances
activées
peuvent
avoir
tendance
à
nous
faire
aborder
une
situation
de
manière
défaitiste,
même
si
la
réalité
des
faits
est
tout
autre
et
que
nous
disposons
de
connaissances
plus
réalistes
et
optimistes
au
niveau
de
l’atteinte
de
notre
objectif,
et
qui
ont
été
confirmées
et
utilisées
plus
fréquemment.
A
l’inverse,
nous
l’avons
déjà
évoqué,
une
humeur
très
positive
pourra
susciter
une
métacognition
globalement
trop
optimiste.
Si
les
émotions
peuvent
aboutir
à
une
activation
fragmentaire
des
connaissances
métacognitives,
il
est
également
possible
qu’elles
aient
un
effet
déformant
sur
celles‐ci,
exagérant
alors
l’importance
d’un
échec
ou
d’une
réussite
précédente
et
des
éléments
qui
sont
nécessaires
à
l’accomplissement
d’objectifs.
Cette
relation
entre
métacognition,
émotions
et
motivation
n’est
pas
à
sens
unique
:
la
métacognition
peut
modifier
la
motivation
et
les
sentiments
ressentis
en
cours
de
tâche
sans
pour
autant
les
réguler
directement.
Les
objectifs,
la
force
et
même
le
type
de
motivation
sont
ainsi
susceptibles
d’évoluer
grâce
aux
éléments
recueillis
et
produits
par
les
compétences
métacognitives.
De
la
même
11
Bastien Wagener, Christophe Boujon, Benoît Fromage,
International Psychology, Practice and Research, 1, 2010
manière,
les
émotions
et
l’expérience
consciente
de
celle‐ci
peuvent
évoluer
en
fonction
de
l’activité
métacognitive.
Cet
impact
automatique
(c’est‐à‐dire
non
consciemment
contrôlé)
de
la
métacognition
va
bien
sûr
se
produire
au
moment
de
la
réalisation
d’une
tâche,
mais
également
plus
tard,
en
agissant
sur
la
formation
de
souvenirs
et
de
connaissances
métacognitives.
Il
apparaît
désormais
clairement
que
la
métacognition,
les
émotions
et
les
motivations
sont
en
interaction
permanente
de
trois
manières
différentes
(figure
1)
:
Émotions,
sentiments
et
motivations
en
tant
qu’objets
des
métacognitions
:
suivis,
régulés
et
intégrés
aux
connaissances
métacognitives.
Émotions,
sentiments
et
motivations
comme
facteurs
qui
influencent
toute
activité
métacognitive
de
manière
directe
et
automatique
(inconsciente).
Émotions,
sentiments
et
motivations
comme
domaines
évoluant
en
fonction
des
produits
et
de
l’activité
métacognitive
(lien
automatique
et
inconscient).
Figure
1
:
Lien
entre
Métacognition,
Motivation
et
Emotions.
Ces
trois
domaines
interagissent
entre
eux
de
manière
directe.
Les
émotions
et
les
sentiments
influencent
la
motivation
et
la
métacognition,
tout
en
étant
influencés
par
les
motivations
et
l’activité
métacognitive.
Ce
rapport
de
force
existe
entre
les
trois
12
Bastien Wagener, Christophe Boujon, Benoît Fromage,
International Psychology, Practice and Research, 1, 2010
domaines
évoqués
ici.
Par
ailleurs,
la
métacognition
régule
l’activité
cognitive
(de
manière
partielle
et
non
permanente),
constituée
de
processus
cognitifs
(figurés
par
l’ensemble
de
chevrons)
portant
sur
des
«
objets
cognitifs
»
dont
la
nature
est
très
variable.
Ainsi
les
émotions,
sentiments
et
motivations
sont
également
susceptibles
d’être
des
objets
de
la
cognition
régulés
par
la
métacognition.
On
peut
dès
lors
se
demander
comment
se
déroulent
les
apprentissages,
lorsqu’on
les
analyse
selon
les
éléments
que
nous
venons
de
développer.
Pour
illustrer
notre
propos,
nous
avons
travaillé
à
partir
des
travaux
de
Rheinberg,
Vollmeyer
et
Rollett
(2005)
sur
la
motivation
d’apprentissage
et
de
Romainville
(1993)
sur
la
métacognition
(figure
2).
Un
apprentissage
est
motivé
par
des
facteurs
personnels
antérieurs
à
la
situation
(FP)
qui
vont
rentrer
en
interaction
avec
celle‐ci
(FS),
créant
ainsi
le
contexte
de
base
de
la
situation
d’apprentissage
(facteurs
interactifs).
Ce
dernier
va
susciter
des
sentiments,
activer
la
métacognition
et
permettre
la
fixation
d’objectifs.
La
motivation
intégrant
ces
objectifs
va
exercer
une
influence
importante
sur
l’activité
cognitive
qui
constitue
le
cœur
de
la
tâche
d’apprentissage.
Enfin,
les
résultats
intermédiaires
ou
finaux
de
l’apprentissage
vont
influencer
l’activité
et
sa
régulation
tout
comme
le
contexte
d’origine
grâce
au
monitoring.
Le
découpage
schématique
en
étapes
proposé
ici
ne
doit
pas
faire
perdre
de
vue
l’aspect
profondément
dynamique
et
intégré
du
fonctionnement
cognitif
et
psychique
de
l’apprenant.
Cette
illustration
nous
permet
de
mieux
comprendre
la
dynamique
des
différents
éléments
évoqués
ainsi
que
leur
rôle
primordial.
Comme
Rheinberg
et
al.
(2005),
nous
pensons
que
ce
type
de
représentation
schématique
possède
avant
tout
un
intérêt
pour
organiser
la
recherche
sur
les
apprentissages
et
les
situations
métacognitives.
L’identification
de
différentes
étapes
et
de
différents
modules
permet
de
travailler
sur
un
aspect
spécifique
du
comportement
tout
en
s’intéressant
aux
interactions
de
celui‐ci
avec
les
autres
sphères
du
fonctionnement
de
l’individu.
En
outre,
nous
pensons
que
ce
type
d’approche
permet
une
analyse
qualitative
directe
plus
exhaustive
de
la
situation,
analyse
qu’il
s’agira
de
compléter
avec
d’autres
outils
comme
par
exemple
l’entretien
d’explicitation
(Vermersch,
2006),
qui
permet
d’obtenir
des
éléments
sur
le
vécu
du
sujet,
c’est‐à‐dire
sur
l’aspect
phénoménologique
dont
nous
avons
souligné
l’importance
au
cours
de
cet
article.
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