Série A : Papiers personnels
I
NVENTAIRE DES PAPIERS DE
P
AUL VAN
Z
EELAND
(1893-1973)
par
S
EBASTIEN
D
UBOIS
Chaire Jean Monnet d’histoire de l’Europe contemporaine – Groupe d’études
Histoire de l’Europe contemporaine
(Département d’Histoire)
En collaboration avec les Services des Archives
Université catholique de Louvain
Place Blaise Pascal 1
B-1348 Louvain-la-Neuve
I
NTRODUCTION
Paul van Zeeland nous a légué sa mémoire. Une impressionnante mémoire de papier :
plus de 75 mètres linéaires de dossiers, de notes, de correspondances, de coupures de
journaux, de photographies… Souvenirs patiemment coltés, précieusement conservés pour
la postérité. Témoin privilégié s’il en est de grands moments du XX
e
siècle, antérieurs et
postérieurs au second conflit mondial, Paul van Zeeland a vu et combattu la montée du
fascisme, alors qu’il tentait de juguler les effets de la crise économique en Belgique. Il a
préparé ensuite la reconstruction du pays, aux États-Unis et à Londres. Il a, surtout, œuvré à
conjurer les malheurs de son siècle : l’internationalisme et l’unification de l’Europe devaient,
pensait-il, faire triompher les valeurs occidentales. Les grandes questions de l’après-guerre, il
les a toutes vécues : le rapatriement des personnes déplacées, la question royale, la guerre
froide, la question scolaire, la construction de l’union européenne, dont il fut un des plus
fervents partisans, l’indépendance du Congo (qu’il visita peu avant 1960) et, bien sûr, la
recherche de la paix communautaire en Belgique. digé en 1962, son S.O.S. pour sortir de
l’impasse, plan destiné à soudre « la » question des rapports entre Flamands et Wallons
frappe par l’actualité de son propos. Paul van Zeeland se faisait alors le chantre du
provincialisme (une décentralisation de l’État belge sur la base d’un fédéralisme provincial),
présenté comme la seule solution capable d’empêcher un conflit direct entre les deux
communautés linguistiques du pays, d’empêcher que le fédéralisme à deux ne soit « un échec
pour les deux ».
Universitaire brillant et bardé de diplômes, juriste, économiste de renommée
internationale un des plus grands de notre siècle » n’hésitent pas à écrire les journalistes
américains), professeur à l’Université catholique de Louvain, conseiller écouté par les plus
grands, à la fois homme politique et homme d’affaires, Paul van Zeeland est, sans conteste, un
« grand format », non seulement à l’échelle de la Belgique, mais même à celle de l’Europe. Le
talent et la chance se conjuguèrent pour rendre toujours plus rapide son ascension. Plusieurs
commentateurs, de son vivant, titraient sa notice biographique de la « cote suprême » qu’il
avait obtenue à l’Université : « Avec la plus grande distinction ». Ses services lui valurent tous
les honneurs : élevé au rang de vicomte dans la noblesse du Royaume, nommé ministre d’État,
promu dans les ordres nationaux les plus prestigieux du globe, élu membre de l’Institut de
France,… Même si beaucoup aujourd’hui ont déjà oublié son nom, il est, sans doute, de ces
personnages que l’Histoire appelle communément les « grands hommes ».
PAUL VAN ZEELAND DANS L’HISTOIRE DE BELGIQUE
Afin de mieux apprécier les potentialités que représentent pour le chercheur les papiers
de Paul van Zeeland, il importe d’avoir à l’esprit les lignes de faîte de sa destinée
1
. Paul van
Zeeland est né à Soignies le 11 novembre 1893 d’un père droguiste. Il fait ses classes chez les
prêtres séculiers du Collège Saint-Vincent. En 1912, il entre à l’Université de Louvain, il
s’inscrit aux cours de candidature en philosophie et lettres préparatoires au droit, ainsi qu’aux
leçons de philosophie thomiste de l’Institut Cardinal Mercier. En 1913, il accomplit son
service militaire dans la « compagnie universitaire », régiment qui rassemblait alors les
1
Pour un exposé plus détaillé, on consultera l’ouvrage biographique de Vincent DUJARDIN & Michel DUMOULIN, Paul van
Zeeland (1893-1973), Bruxelles, Racine, 1997.
4
étudiants. Il monte au front en 1914, est fait prisonnier et passe le reste de la guerre au camp
de Soltau, dans l’ouest de l’Allemagne. Début 1919, il reprend ses études à Louvain. En 1920,
il décroche le doctorat en droit avec la plus grande distinction et obtient une bourse de la
Fondation Hoover, qui lui permet d’aller suivre à l’Université de Princeton les cours du
célèbre professeur d’économie Edwin Kemmerer. De retour des États-Unis, il publie La
réforme bancaire aux États-Unis d’Amérique de 1913 à 1921, ouvrage d’ailleurs préfacé par
le Professeur Kemmerer. Il participe activement aux négociations en vue de la constitution de
la Banque des règlements internationaux.
À l’âge de 37 ans seulement, il devient vice-gouverneur de la Banque nationale. Avant
d’entrer dans la vie politique, van Zeeland participe déjà à plusieurs réunions internationales
importantes. Il représente la Belgique au titre de conseiller économique ou de délégué du
gouvernement aux grandes conférences tenues à partir de 1921, notamment à Gênes, Paris,
Londres, Genève et Stresa.
Il est très tôt repéré par le roi Albert I
er
, qui croit nécessaire d’avoir en réserve, en ces
temps difficiles, un cabinet de techniciens. Les audiences au Palais se succèdent. En 1934, il
devient ministre « sans portefeuille ». Après la chute du « gouvernement des banquiers », le
cabinet Theunis II (20 novembre 1934-19 mars 1935), van Zeeland prend la direction d’un
exécutif tripartite (25 mars 1935-26 mai 1936). Paul-Henri Spaak et Henri De Man en sont,
aux côtés d’un grand nombre de catholiques. Les élections législatives qui suivent peu après,
en 1936, sont une victoire pour les partis extrémistes. Rex conquiert vingt-et-un sièges, le
VNV en emporte seize et les communistes neuf. Il n’était, du reste, désormais plus possible de
gouverner sans les socialistes, ce qui n’était pas sans inquiéter l’aile droite du Parti catholique.
Les trois partis traditionnels s’accordèrent assez rapidement pour constituer, toujours sous la
houlette du jeune premier, un gouvernement d’union nationale (13 juin 1936-25 octobre
1937). Paul van Zeeland, Premier ministre, catholique extra-parlementaire, reçoit la légitimité
des urnes en avril 1937. Il est alors l’unique candidat des démocrates, de gauche comme de
droite, pour affronter Léon Degrelle lors d’une élection partielle à Bruxelles. Cuisante défaite
pour le bouillant chef rexiste qui, se croyant fin stratège, a provoqué l’élection. Quelques jours
avant le scrutin, le cardinal Van Roey, primat de Belgique, celui-là même que Degrelle avait
tant courtisé, appelait ouvertement, dans une lettre pastorale, les catholiques à voter van
Zeeland. 76% des suffrages se portèrent sur sa candidature.
Entre Londres et New York (1939-1944)
En 1939, van Zeeland accepte la présidence de la Coordinating Foundation for
Refugees à New York que vient de lui proposer le président Roosevelt. Il s’embarque avec sa
famille pour les États-Unis. En 1941, il devient président de la Commission pour l’étude des
problèmes d’après-guerre (CEPAG) que le gouvernement belge de Londres vient de créer
2
.
Le retour au pays
En 1944, Paul van Zeeland est dans l’un des premiers avions qui ramènent à Bruxelles
les membres du gouvernement. Il se voit aussitôt confier le poste de Commissaire au
Rapatriement, avec le titre d’ambassadeur extraordinaire. En 1946, il entre au Sénat, coopté
par les membres de la Haute Assemblée. La même année, il accomplit une mission
économique au Maroc.
2
BELLEFROID (Diane DE), La Commission pour l’étude des problèmes d’après-guerre (CEPAG), 1941-1944, mémoire de
licence inédit, Louvain-la-Neuve, Université catholique de Louvain, 1987.
5
Cinq années à la tête de la diplomatie belge (1949-1954)
Le 11 août 1949, Paul van Zeeland devient ministre des Affaires étrangères du
gouvernement PSC-libéral emmené par Gaston Eyskens
3
. Il conserve son portefeuille sous les
gouvernements sociaux-chrétiens homogènes de Jean Duvieusart (8 juin 1950-11 août 1950),
de Joseph Pholien (16 août 1950-9 janvier 1952) et de Jean van Houtte (15 janvier 1952-12
avril 1954). La prestation de serment, le 11 août 1950, du Prince Royal Baudouin, auquel les
Chambres avaient attribué l’exercice des pouvoirs constitutionnels du Roi, mettait fin à de
longues années d’affrontement
4
. Léopoldiste acharné, monarchiste convaincu et fidèle, van
Zeeland est indubitablement déçu du nouement de la question royale, dont on sait combien
les séquelles marqueront durablement la société belge. Après l’échec du gouvernement
Duvieusart en août 1950, van Zeeland, nommé formateur par le Prince Royal, a d’ailleurs
estimé préférable de s’effacer pour laisser la direction du nouveau cabinet à un sénateur peu
connu jusqu’alors, Joseph Pholien. Quelques mois plus tard, son fils ayant atteint l’âge de la
majorité légale, Léopold III abdique. Et le 17 juillet 1951, Baudouin monte sur le trône,
inaugurant un règne long de quarante-deux ans.
Durant ces cinq années passées à la tête de la diplomatie belge, les grandes questions
de politique étrangère sont la menace soviétique et la construction européenne. Van Zeeland
veille, en outre, à assurer la cohésion de l’Occident et de l’Europe face au danger communiste,
mais il n’a pas attendu d’avoir en main un maroquin ministériel pour jouer un rôle actif sur la
scène internationale et, surtout, européenne. Tout au long de sa vie, il a usé de son crédit pour
servir la cause européenne. En 1947 déjà, il a personnellement œuvré à la création de la Ligue
indépendante de coopération économique (LICE), qui deviendra rapidement la Ligue
européenne de coopération économique (LECE). En 1949, il préside la délégation belge au
Congrès économique de Westminster. En 1950, il devient président de l’OECE et, pour un an,
du Conseil des ministres du Pacte Atlantique. C’est à ce titre qu’il préside les conférences de
Bruxelles, en décembre 1950, et d’Ottawa, en septembre 1951. En 1952, van Zeeland signe,
au nom de la Belgique, le traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier
(CECA). Il représente aussi la Belgique au Conseil de l’Europe, à l’OTAN, lors des sessions
de l’Assemblée générale des Nations-Unies, aux conférences de l’OECE et aux travaux
préparatoires de la Communauté européenne de Défense.
1956 : Van Zeeland quitte la vie politique
En 1956, van Zeeland met un terme à sa carrière politique en rendant son mandat de
sénateur. L’homme politique se mue en homme d’affaires. Van Zeeland remplit à partir de
cette date des fonctions d’administrateur dans diverses sociétés.
LA COMPOSITION DU FONDS ET SON CLASSEMENT
Passionné d’histoire, féru de généalogie, Paul van Zeeland a conservé ses papiers avec
un soin qu’on rencontre rarement. Les papiers relatifs à la carrière et à l’activité politique de
Paul van Zeeland avant l’invasion de la Belgique en mai 1940, et qui étaient conservés à son
domicile de Boitsfort, doivent cependant être considérés comme perdus
5
. La Maison
3
DUMOULIN (Michel), La politique étrangère, dans Un parti dans l’histoire. 1945-1995. 50 ans d’action du Parti Social
Chrétien, éd. W. DEWACHTER, G.-H. DUMONT, M. DUMOULIN, M. G
É
RARD, E. LAMBERTS, X. MABILLE & M. VAN DEN
WIJNGAERT, Louvain-la-Neuve, 1996, p. 377-383.
4
DUVIEUSART (Jean), La question royale. Crise et dénouement : juin, juillet, août 1950, Bruxelles, 1975.
5
Rapport d’Arthur Cosemans, 27 août 1964, dans GÉHEC-UCL, P.v.Z., n° 4.
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